Parker était dans sa chambre, en train d'écouter de la musique. Il était épuisé. En effet, il avait fait la fête hier soir, tout seul. Bon, en fait il avait regardé des matchs de football en rediffusion. Alors qu'il n'aime pas spécialement ça. Il cherchait surtout un moyen de penser à autre chose qu'aux examens de fin d'année. Il n'y était pas encore, mais ça allait arriver vite. Il le savait, c'était indéniable. Il essayait encore de penser à autre chose. La vérité, sur Parker, c'est qu'il stresse énormément pour tout et rien. Il sait simplement très bien le cacher par rapport aux autres. On peut même dire qu'il est un expert.

Il regarde par la fenêtre de sa chambre. Une autre chambre est à portée de main. Enfin non, quand même pas. Mais presque. Il voit à peu prêt tout ce qu'il s'y passe. C'est un voyeur, Parker. Un petit voyeur. Avant c'était la chambre d'un couple de retraité qui passait ses journées dans le lit à regarder des émissions de télévisions un peu pourris ou les informations. Il entendait même ce qu'il se passait à la télé. C'est pour dire à quel point ils mettaient le son fort. Aujourd'hui c'était une jolie jeune femme de son âge qui occupait la chambre. Elle passait du temps dans cette chambre, seule. Depuis le peu de temps qu'elle était là, en tout cas, c'est ce qu'avait pu remarquer Parker. Mais peu importe, il ne voulait pas non plus être vu en train de la regarder. C'était assez gênant. Bien qu'il ne soit pas du genre à être gêné.

Le lycéen regardait une feuille, devant lui. Il hésitait. Est-ce qu'elle le verrait ? Sera-t-elle assez gentille pour lui répondre et ne pas lui mettre un vent ? Il prit un feutre rouge, la feuille et écrit un simple : « Hello, j'm'appelle Parker. ». Est-ce qu'elle allait répondre ? Aucune idée. Mais il prit du scotch et en mis sur chaque coins de la feuille à la fenêtre. Plus qu'à attendre.

« Aie ! »

Ellie se retrouve à sautiller dans sa chambre, le pied en feu, la grimace qui lui déforme le visage jusqu'à ce qu'elle s'échoue dans son fauteuil, actuellement l'un des rares meubles de cette pièce, surtout remplie de cartons encore emballés. Et un tel encombrement ne pouvait être qu'une assurance d'accidents pour la reine de la maladresse qu'elle est, mais quand on vient d'emménager dans une nouvelle ville, qui plus est en pleine année scolaire, on a pas forcément le temps de se consacrer à l’aménagement. Alors la demoiselle n'avait fait que le minimum : installer son lit, son fauteuil dont elle était inséparable, son bureau et quelques livres, la meilleure compagnie qui soit pour s'enfermer dans sa bulle.

Demain, elle irait rendre visite à ses grands parents, c'était d'ailleurs pour eux qu'elle et ses parents venaient à York, si Ellie et son père n'avaient jamais vécus ici, sa mère elle, en était native et elle venait d'hériter de la gestion du bar qui appartenait à sa famille depuis des générations. L'établissement avait beau être modeste, il était pour eux précieux, surtout sentimentalement. Une petite surface qui contenait bon nombre de souvenirs... Ellie avait facilement accepté son sort, la jeune fille savait être compréhensive et compatissante, même si à présent de nombreux kilomètres la séparait de son groupe d'amis. Sans eux à ses côtés, sa première journée dans ce nouveau lycée l'angoissait au plus haut point, à s'en ronger tous les ongles.

Une fois la douleur passée elle poussa un soupir pour essayer de se détendre, l'anxiété hantant déjà tout son être. Elle craignait aussi ne pas réussir à dormir cette nuit et se retrouver alors le lendemain à rencontrer les autres élèves avec une tête de zombie et à se faire remarquer par tout le monde en étant prise en flag, endormie sur sa table en plein cours. Plein de scénarios tout aussi gênants les uns que les autres lui nouaient l'estomac. Dans ce besoin urgent de se changer les idées la jeune femme replongea alors dans ses habitudes, attrapant un livre, lunettes sur le nez, avec son petit lapin sur ses genoux. Un adorable petit rongeur qui avait une place de roi dans le cœur d'Ellie, ainsi qu'un coin de la chambre consacré rien que pour lui.

Le caresser en se plongeant dans son histoire l'aidait à oublier tout ce qui était trop tracassant et à trouver le sommeil. Mais ce soir, elle avait beau apprécier son livre et sentir le poil doux de son lapin contre ses doigts, elle avait une sensation d'inconfort qui ne la quittait pas. Elle se savait bien être quelqu'un de très anxieux, mais cette impression d'être observée c'était bien la première fois que ça lui arrivait. Elle reposa son livre et quitta son fauteuil, son compagnon dans les bras pour s'approcher de sa grande fenêtre, observant la maison juste à côté de la sienne sans mettre beaucoup de temps avant de remarquer le message collé à la fenêtre. Elle resta un moment fixée dessus, intriguée, à se demander si c'était une idée déco' originale ou une sorte de tradition du coin de se présenter de cette façon. Après tout, ça ne serait pas si bête et un bon moyen de sociabiliser pour les plus timides. Ou alors ce message lui était directement adressé et celui qui l'a écrit serait l'observateur qu'elle a ressentie ? Dans ce cas, devrait-elle répondre ou rapidement s'éloigner de cette vitre pour se faire oublier d'un éventuel psychopathe ? Elle n'avait pas encore eu l'occasion de voir à quoi ressemblaient ses voisins. Et si c'était un vieux pervers intéressé par la fraîche jeune fille qu'elle était ?

La voici donc encore en train de s'imaginer milles situations, droite comme un piquet devant sa fenêtre pendant plusieurs minutes avant de se décider. Elle allait se prêter au jeu. A son tour elle prit une feuille et écrivit aussi largement que possible la même chose que son voisin. " Hello, je m'appelle Ellie. " Puis colla sa réponse de façon à ce qu'elle soit vue. Elle ignorait ce que cela donnerait mais sa curiosité était plus forte que tout.

Parker ne s'était jamais demandé ce que cela ferait de partir de York. C'est peut-être bête, mais il n'avait rien qui lui donnait envie de partir. Pas même des membres de sa famille habitants dans une autre ville. A vrai dire il n'était pas spécialement proche de sa famille. Il avait bien un cousin à Londres et deux tantes, mais ils ne se voyaient qu'à de rares occasions. Parfois à Noël, même parfois à un anniversaire, mais jamais à un moment, disons, banal. Pourtant il avait des amis qui voyaient leur famille régulièrement. Ca ne lui donnait pas envie. Au début, peut-être, lorsqu'il était petit. Mais maintenant il s'en fiche un peu. Cela ne veut pourtant pas dire qu'il se fiche de la vie de sa famille. Il aime prendre des nouvelles de temps en temps. Mais ça s'arrête là.

Au lycée, surtout l'avant-dernière année, les élèves ne sont pas très sérieux. Ou en tout cas c'est comme ça au lycée de York. Parker était l'un des seuls à faire ses devoirs régulièrement et à participer en cours. Les autres dormaient sur leur table et les professeurs ne disaient plus rien au bout du deuxième trimestre. Maintenant, à la dernière année de lycée, tous les élèves buchaient sur leurs devoirs et les examens. Comme s'ils s'étaient, tout à coup, rendu compte de l'importance de ce diplôme. Parker, lui, était un bon élève depuis toujours. Il n'avait pas peur de passer sa soirée à réviser. Même si c'était assez rare puisqu'il était très demandé. Il a un groupe d'amis qui fait la fête, qui se retrouve après les cours pour boire une bière ou autre chose d'un peu plus fort. En général ils piochent dans la réserve de leurs parents.

Alors qu'il était dans sa chambre, se demandant ce qu'il allait bien pouvoir dire de plus à cette jeune voisine, Parker vit qu'elle avait répondu. Un léger sourire se dessina sur son visage. Il détacha la feuille de sa fenêtre, en pris une autre et écrivit : « Bienv'nue ». Il ne savait pas encore ce qu'il allait lui dire après, mais réfléchissait déjà. Lorsqu'il fini de scotcher la feuille à sa fenêtre il entendit une voix l'appeler. Sa mère. Elle voulait qu'il accompagne son père au golf. Un sport que Parker détestait. Mais il ne dit rien et sortit de la maison, lançant un regard vers la maison voisine. Lorsqu'il rentrera, il espérera avoir une nouvelle réponse.

En essayant de se concentrer à nouveau sur son livre Ellie sentie finalement qu'elle n'y arriverait pas, elle trépignait plutôt d'impatience à connaître la suite de cette histoire avec son voisin, elle voulait voir s'il allait lui répondre et surtout, quoi ? Une autre question ? Un numéro de téléphone ? Elle se demandait aussi à quoi pouvait bien ressembler ce Parker. Etait-il jeune ? Vieux ? Beau ? Laid ? Brun ? Blond ? Roux ? Elle essayait de l'imaginer, mais avec seulement un prénom pour indice elle ne pouvait pas aller bien loin. Elle se retrouvait alors à régulièrement se pencher pour surveiller la fenêtre avoisinante et le mot qui y était accroché. Pendant un long moment, en tout cas long pour elle, il ne passa rien, mais enfin le mot fut remplacé par un autre, celui-ci lui souhaitant la bienvenue, c'était très gentil, mais trop court et frustrant. La correspondance allait donc s'arrêter là ? La curieuse qu'elle était n'était pas d'accord et cherchait déjà de quoi répondre pour relancer la conversation.

En plein dans sa réflexion elle fut coupée par son estomac qui la grondait de ne pas encore l'avoir satisfait alors que l'heure du goûté sonnait déjà. Car oui, bien qu'elle n'était plus une enfant Ellie ne ratait jamais son quatre-heure toujours fourni en chocolat. Elle passa alors une bonne partie de sa fin d'après midi devant le téléviseur du salon, soit en mangeant sa tartine de Nutella, soit en faisant la causette avec sa mère. « Oui t'en fais pas mon sac est prêt pour demain... Au faite, tu as déjà rencontré nos voisins, ils sont sympa ? » Mais Ellie avait beau chercher des informations pour le moment elle enchaînait les échecs, ses derniers moyens étaient soit d'espionner à la fenêtre dans l'espoir de voir ce fameux Parker passer en supposan que celui qu'elle voit soit bien lui, soit de réussir à le pousser à se montrer à sa fenêtre. Elle tenterait les deux et verrait bien les résultats, s'il ne le fait pas de lui-même.

De retour dans sa chambre elle se décida alors à reprendre plusieurs feuilles et à écrire sa réponse.

"Merci.
Originale.
Autre façon de communiquer ?
Mail ?"

Avant de se voir peut-être leur faudrait-il d'abord trouver une méthode plus classique mais surtout plus pratique pour échanger ? Peut-être fallait-il mieux s'assurer que ce Parker soit une personne saine d'esprit avant tout. Mais elle allait tout de même rester près de sa fenêtre, sur un coup de chance elle pourrait peut-être l'apercevoir, on ne sait jamais.