Elle le regarde sans pouvoir lui répondre. Elle aimerait bien lui expliquer qu’il était toujours très fermé à parler de ses parents. Qu’il voulait qu’elle fasse comme s’ils n’existaient même pas, sans avouer le nom ou même la raison de leur mésentente. Lara, qui avait un père inconnu pour une mère ancienne miss univers qui l’avait psychologiquement détruire, il n’y avait pas de raison de le pousser à répondre. Sa famille, ses choix. Elle n’avait pas à lui dicter… Cependant, à l’instant, elle aurait bien voulu avoir les réponses à ses questions. Parce qu’elle ne les avait pas… Elle s’approche et prend sa main avec douceur. S’il voulait l’enlever, il le ferait, mais elle avait besoin de le toucher.

D’ailleurs, si Elijah n’avait pas sa lueur d’amour dans les yeux, elle, elle l’avait toujours. Elle le regardait simplement comme s’il était l’homme le plus incroyable du monde. Ce qui était le cas, pour elle. Elle évite de regarder la bague sur son doigt et se concentre sur son visage. Il avait besoin qu’elle soit forte, pas qu’elle s’écroule en suppliant qu’il se souvienne. Et par la même occasion qui lui raconte ce qu’ils s’étaient passés avec ses parents.

- Ils ne sont pas morts. Je peux te l’affirmer. Tu m’as toujours dit qu’ils étaient bien vivants et que tu étais bien content qu’ils te laissent être enfin libre…

Elle ne sait pas s’il fallait le faire. Elle était en train de démonter des souvenirs qui lui appartenaient. Là, il était fiancé à une autre et ses parents faisaient parti de sa vie. Et elle était en train de démonter ses connaissances de sa propre vie. Elle le regarde avec douceur.

- Dans notre appartement, un petit appartement mais bien situé entre ma fac et l’agence, avec un chat des voisins qui a élu domicile dans notre jardinière, tu as une boîte avec des dossiers et des souvenirs. Tu l’as amené mais tu ne l’ouvres jamais. Je sais, je remarque la poussière dessus à chaque fois. Quand… Quand tu seras apte, et si tu veux, on regardera ensemble. Il y aura peut-être la réponse à tes questions.

« Tu es sensé être ma femme ». Voilà ce qu’elle avait retenu avant qu’il ne se ravisse. Ouais, c’est vrai. Elijah ne lui posait pas plus de question sur sa vie avec sa mère. Il avait compris en voyant son caractère sans qu’elle ne mette de mots sur tout ce qu’elle avait subi. La malnutrition, pour être maigre. La pression, jusqu’à en vomir, ce qui était mieux pour garder la ligne. Le sport jusqu’à en avoir mal aux pieds. Le fait de se sentir sale à chaque fois qu’un adulte la regarde en maillot de bain. Elle avait été un bébé simple. Parfois, elle se demande si son père inconnu ne lui avait pas laissé la pudeur dans ses gênes. Elle s’approche d’Elijah.

- Nos parents …. On n’en parle jamais, dit-elle avec des larmes dans la voix qu’elle ne pouvait pas empêcher de faire entendre, c’est un accord tacite entre toi et moi. Parce qu’ils nous ont fait souffrir et qu’on ne peut pas leur pardonner. C’est vraiment tout ce que je sais …. Mais … Je peux les appeler si tu veux ? Et même … mêm … même… Cette April.

Elle pleure. Voilà. Merde. Elle voulait être forte mais l’idée que son mari sera plus content de voir une autre femme qu’elle, ça lui brise le cœur. Elle se sent mal. Elle a envie de se pencher pour se faire enlacer par ses bras forts et déterminé… mais il ne le fera pas. Parce qu’il était encore en train de se demander si c’était la vérité.

- Pardon. Je suis désolée pour … les larmes. Je ne devrais pas pleurer, je vais me ressaisir, promis.

Mais c’était dur de se ressaisir quand la vie qu’on mène venait de voler en éclat parce que la personne que l’on aime le plus au monde ne nous reconnait pas. Elle le regarde à nouveau, simplement en étant amoureuse de lui. En l’aimant de tout son cœur. Est-ce que ça sera suffisant ?

Content d'être débarrassé de mes parents? Je n'arrivais pas à le croire. Ils faisaient parti de ma vie. Je n'arrivais pas à imaginer ma vie sans qu'ils soient là. Je m'étais marié avec elle. Et si elle ne connaissait pas mes parents, ça voulait donc dire que je m'étais marié sans mes parents. Je n'arrivais pas à m'imaginer tout ça. Comment est ce que j'avais pu faire ça? Quel genre d'homme est ce que j'étais devenu? Assez superficiel pour faire un boulot de mannequin, ayant coupé les ponts avec ses parents... Je ne reconnaissais pas cet homme et je n'étais pas certain de l'apprécier.

Je hochais doucement la tête en l'entendant parler de cette fameuse boite.

- Oui... je la regarderais peut être.

Mais pas avec elle. Cette fille restait une inconnue à mes yeux, même si elle était ma femme. Je ne me voyais pas vivre un moment aussi intime avec une étrangère à mes côtés. Ce serait un peu déplacé, terriblement gênant même.

Je la fixais alors qu'elle se mettait à pleurer. Je ne savais pas quoi faire. L'autre moi l'aurait certainement su. Il devait avoir les gestes, les mots pour réconforter sa femme. Mais je n'étais pas cet homme là. Elle restait une inconnue pour moi. Je souffrais de la voir pleurer, mais pas pour les raisons qu'elle aurait aimé. Je ne souffrais pas de voir la femme que j'aimais souffrir. Je me sentais tout simplement mal parce qu'elle souffrait et que je savais être responsable de cette souffrance. Je m'en voulais, je culpabilisais, parce que j'étais humain après tout. J'avais toujours été comme ça. J'avais toujours managé mes équipes en essayant d'être le plus humain possible. Je les connaissais tous par leur nom, je connaissais leur vie. J'étais comme ça. Je m'intéressais aux gens. Alors sa détresse me touchait.

- Je... je suis désolé de te faire souffrir. J'espère que je pourrais me souvenir de toi un jour.

Pas juste pour moi. Bien sur, j'avais envie qu'on me rende les années que l'on venait de me voler. Je me sentais dépouiller d'une partie de ma vie et c'était une sensation difficile à vivre. Mais je voulais aussi pouvoir la soulager à elle, faire en sorte qu'elle ne pleure plus ainsi, qu'elle retrouve son mari.

Elle se gratte la gorge. Essaie de faire passer ses larmes en prenant toute la force qu’elle peut avoir en elle … Le problème ? Sa force, c’était lui. Son mari. Il avait été sa force pour tous les changements dans sa vie. Il avait été sa force dans tout ce qui lui était arrivé. Il était sa force. Il l’avait toujours été. Avant de le rencontrer, elle n’était qu’un paillasson qui faisait ce qu’on lui demander. Un joli minois. Un corps sexy. Elle n’était que ça. Un corps sexy qui n’avait rien dans la tête. Ni force, ni courage, ni la moindre parcelle d’intelligence. Mais elle n’était plus la même, avec lui. Elle était forte, elle était courageuse et elle était intelligente. C’étaient des choses qu’elle avait en elle, et qu’elle comptait bien mettre à profit. C’était quelque chose de fort. Il y avait quelque chose de fort entre eux. Et elle fit une respiration alors qu’elle le regarde avec des yeux déterminés.

- Ne t’excuse pas.

Elle respire doucement alors qu’elle tend la main avant de la remettre vers elle. Il fallait qu’elle arrête de le toucher. Elle sourit tendrement.

- Je sais ce que tu penses. Je te connais. Vraiment. Tu penses que tu n’aimes pas me voir pleurer, même si tu ignores qui je suis. Parce que tu as toujours été comme ça. Un homme au grand cœur qui s’inquiète, qui rassure, même les inconnus. Ou les mannequins presque anorexiques qui n’ont plus aucune lueur dans les yeux. Tu es un rayon de soleil pour tous tes amis. Alors, ne t’en fais pas.

Elle se lève et prend un book. C’était un book qu’elle avait fait rapidement, en prenant des pages de magazine de leurs amis. Elle lui tend et elle montre les pages en parlant de chaque personne sur les pages. Quand elle avait pu, elle avait pris des photos avec Elijah dessus. Elle avait arrêté de pleurer et elle expliquait doucement des histoires qu’elle connaissait sur leur ami. Parfois, elle avait rajouté une photo prise d’eux, avec elle au milieu, parce qu’elle pensait que ça pouvait l’aider à se souvenir avec des images précises. Elle finit par prendre ou bouteille après avoir parler avant de lui proposer à lui aussi de boire. Elle soupire un peu. Elle regarde Elijah avant de réfléchir en silence.

- Je sais que tu ne te souviens pas de moi, mon amour. Mais je … Je ne compte pas t’abandonner ou te laisser partir sans … je veux dire sans essayer, et elle rougit un peu parce qu’elle n’était pas courageuse, je m’excuse par avance si tu trouves que je suis … chiante.

Parce qu’elle n’allait pas le laisser à cette April … N’est ce pas ? Parce qu’Elijah était heureux avec elle, vraiment heureux. Ensemble, ils étaient heureux. Il l’aimait. Il l’aimait vraiment et son amour était tout ce qui lui fallait … Alors, même si tout de suite, il ne savait pas qui elle était, elle allait être un pot de colle… et elle voulait s’excuser par avance s’il la trouve chiante … Elle rougit encore. Elle avait besoin de courage, et c’était dans le regard de l’homme qu’elle trouva ce qui lui manquait.