Glen ou l’art d’en faire trois tonnes pour pas grand chose. L’humour toujours, l’humour d’abord. Il n’avait aucun mal à se mettre en scène, aucun mal à faire preuve d’autodérision. C’est sans doute ce qui le rendait perméable à n’importe quelle taquinerie. Elle ne le quittait pas des yeux. Voilà qui lui mettait un peu de pression, en plus de celle de potentiellement gâcher une précieuse bouteille de vin. « Si ça rate, ce sera pas de ma faute mais celle de la pression atmosphérique. » qu’il avait dit en haussant les épaules avec un rire, parfaitement conscient de raconter des conneries.Heureusement, Glen s’en sort miraculeusement bien et la bouteille est indemne. Bee applaudit, Glen bombe le torse en fanfaronnant. Il a de nouveau quinze ans et aucun de problème de conscience ou d’éthique. Il passe simplement un bon moment. Un très bon moment.  « Pas besoin de penser mon ange, Glen est là. » qu’il avait pouffé en mimant un homme très macho qu’il n’était pas. Il ne restait plus qu’à la boire, cette bouteille. Problème, il n’y a aucun verre à leur disposition… et Lullaby n’en a pas acheté. Il aurait pu y penser mais il avait été bien trop distrait par la perpective de leur soirée à deux pour le faire. Dommage. « T’aurais pu en avoir sur toi… » Non, personne ne se trimballe des verres pour le plaisir. Surtout pas en voyage. « Qu’est-ce que tu me fera pas faire alors… » Et dans un autre contexte, il aurait été catastrophé de boire à la bouteille mais, étrangement, il s’en moquait. Ce n’était pas grave. Il avait le principal. Il l’avait elle. Et alors qu’il allait faire remarquer qu’ils ne pouvaient trinquer, Bee trouva la solution en empruntant ses lèvres un instant. Une délicieuse initiative que Glen accueillit en fermant longuement les yeux. Est-ce qu’il pourrait s’en lasser ? Jamais. « Tu sais quoi ? Dorénavant nous ne trinquerons que comme ça. » Et il ouvrit les yeux pour découvrir sous ses yeux son parfait petit visage. « A toi l’honneur. » qu’il articula, lui laissant le soin de prendre la première gorgée. Il s’était ensuite assis à son tour, au pied du rocher qu’avait choisi Bee pour s’installer. Une de ses mains caressait distraitement son genou pendant que l’autre attendait de recevoir la bouteille de vin. Il prenait enfin le temps de regarder le coucher de soleil. « C’est beau… » qu’il avait soufflé tout bas. Et il n’avait pas besoin de prendre de photo : jamais il n’oublierait.

 

”- La pression atmosphérique, bien-sûr !” rit la demoiselle comme Glen se dédouane de toute responsabilité en cas d’échec dans sa manœuvre. ”Evidemment !”

Et pourquoi pas celle des marées, aussi, après tout, tant qu’on y est ? La demoiselle s’abstient de cette proposition, préférant l’observer faire tandis qu’il essaie de mettre à mal le bouchon, ayant planté les clés de l’appartement dans celui-ci. Définitivement, ce n’était pas une technique à laquelle elle aurait pensé. Non, elle, elle aurait mit la bouteille dans sa chaussure et frappé contre une surface dure, telle que les rochers tout autour. Elle n’aurait jamais eu l’idée d’utiliser des clés, c’est certain. Mais il avait raison, puisque ça marche. Que la bouteille finit par s’ouvrir. Vraiment ça, elle ne l’aurait jamais cru. Jamais envisagé.

Elle explose de rire devant l’air qu’il prend. S’il avait pu dire la même chose sans ce petit mime… Mon ange… Elle voulait bien l’entendre de nouveau, ça. En d’autres circonstances. Murmuré contre ses lèvres, peut-être ou dans le creux de son oreille. Ce serait une mélodie merveilleuse, dont elle ne pourrait jamais se lasser. Jamais.

”- Que ferais-je sans toi !” dit-elle spontanément, essayant de masquer son trouble en ne faisant rien de plus que l’accentuer. Bon sang. Elle sent le rouge lui monter aux joues.

Des verres. Ils avaient besoin de verre, merveilleuse diversion. Mais ils n’en avaient pas. Bee n’avait pas songé à en acheter dans le petit magasin et n’en avait pas apporté, non plus. Pour dire le vrai, elle ne pensait pas qu’ils décideraient de siphonner la bouteille ici. Parce qu’ils n’auraient pas d’autre choix que de la terminer, n’ayant rien pour la ramener à leur appartement sans la renverser en cours de route.

”- C’est vrai, c’est les nouvelles poches 2022 les verres à vin, très tendance !” remarque la jeune femme, sur le ton de la plaisanterie.

Qu’est-ce qu’elle ne lui ferait pas faire. Bee l’observe, étirant ses lèvres en un sourire. C’était une question dont elle voulait bien connaître la réponse. Mais qu’elle n’était pas sûre d’obtenir. Pas ce soir, tout du moins. Pas tout de suite. D’autant plus qu’ils ont un programme chargé devant eux, dans l’immédiat. Trinquer, pour commencer. S'enivrer de vin grec. Regarder le coucher de soleil. Et graver ce souvenir dans leurs mémoires. Ce qui n’était pas bien difficile. Elle ne risquait pas d’oublier tant le paysage que la main de l’homme caressant son genoux. Pas plus qu’elle n’allait oublier leur nouvelle manière de trinquer.

”- Oui…” murmure-t-elle le regard rivé sur lui comme elle l’observe profiter du spectacle avant de remettre la musique qui s’était achevée. Quand ? Elle ne le savait plus.

« Rigole pas, c’est un phénomène très connu. » qu’il avait insisté, incapable de garder son sérieux cependant. Quand il n’était pas occupé à faire attention à tout ce qu’il disait, les éclats de rire étaient nombreux entre eux. Leur complicité était si évidente, c’était le plus frappant dans leur alchimie. « Absolument rien, c’est pour ça que je te suggère de toujours me garder près de toi… Au cas où. » Et si Glen rigolait, il n’était pas moins sérieux pour autant. Mais ce serait difficilement réalisable bien qu’indéniablement agréable. « Moque-toi, c’est ça ! La mode ça peut vraiment être étonnant… T’as déjà fait un défilé Balenciaga ? Franchement, c’est quoi des poches verres à vin à côté ? » Il avait une nouvelle fois rigolé en se remémorant certains looks mémorables qu’il avait eu l’occasion de voir en live. Concert, cinéma, défilé… Il était régulièrement invité à tout un tas de choses, clientèle haut de gamme oblige. Maintenant qu’il se délectait du coucher de soleil, Glen entendait la musique que Bee diffusait sur son téléphone et poussa un soupir satisfait en entendant la voix de Billy Joel caresser ses oreilles. Il n’avait pas été aussi calme et serein depuis longtemps… Depuis que Lullaby lui avait avoué ses sentiments en fait. Et ça faisait du bien. Tout dans ces instant lui faisait du bien et l’agent laissa tomber sa tête en arrière, tout contre les jambes de la jolie blonde. Il n’avait plus rien dit ensuite, savourant cette tranquillité d’esprit qu’il avait perdue puis retrouvée. Les secondes défilent et la musique s’achève, enchainant sur une autre. Un sourire aux lèvres, Glen demanda : « Tu vas vraiment devoir travailler demain ? » A aucun moment sa main n’avait quitté la peau de Lullaby qu’il continuait à caresser avec une tendresse infinie.

 

Un phénomène très connu. Elle esquisse un sourire alors que l'homme insiste dans sa plaisanterie et secoue la tête en même temps, amusée par la situation. Mais quand ne l'amusait-il pas, lorsqu'il perdait tous ses filtres ? Elle avait beau réfléchir, il n'y avait pas une plaisanterie de l'homme que la jolie blonde n'avait pas appréciée. Pas une. Le devait-elle à leur alchimie ? Ou bien était-ce parce que l'homme était vraiment drôle ? Plaisantin il l'était, elle avait eu tout le loisir de s'en rendre compte et plus d'une fois au cours des déjeuners où elle l'avait croisée. Ce n'était donc pas juste ses sentiments qui parlaient. Il avait un vrai sens de l'humour. Parce qu'alors toute la famille riait des pitreries de l'homme.

Le garder auprès d'elle en toute circonstances, parce qu'elle ne peut absolument rien faire sans lui, affirme-t-il. Si c'était une invitation, elle n'y voyait aucun inconvénient, elle. Bien au contraire. Elle ne demandait pas mieux. Ce serait aller un peu vite, c'est vrai. Mais en même temps… en même temps elle songe, d'un coup, à l'après. À ce que ça fera de rentrer à Miami après avoir pu passer tout leur temps ensemble. Comment allait-elle faire pour ne pas ressentir le manque ? Pour ne pas le rejoindre chaque soir après le travail ? Et pourquoi se l'interdire, finalement, s'ils en avaient envie tous deux ?

"- Voilà un conseil avisé que je ne manquerais pas de suivre…" chuchote la demoiselle à son intention.

Si la demoiselle parle si peu fort il n'y a pourtant rien aux alentours qui risquerait de les entendre alors qu'en cette saison l'endroit est presque désert. Ce n'était pas le point le plus prisé des touristes, ce qui le rendait excellent pour passer un moment en tête à tête à oublier le reste du monde.

"- Non, jamais ! Trop occupée à vomir chez Desigual !" plaisante la demoiselle en retour comme son interlocuteur critique la mode.

Il n'a pas tout à fait tort toutefois. Parfois la mode était discutable et les courants pouvaient faire peur. Dans la haute couture principalement où le génie flirtait toujours dangereusement avec la folie. Mais rien, rien ne surpassera jamais la marque préférée de n'importe quelle prof d'espagnol sur cette planète. Rien.

La musique prenant place entre eux le silence se fait alors qu'ils écoutent les paroles, profitent du paysage - quel qu'il soit - et de l'instant présent. Et Bee perd ses doigts dans les cheveux de celui qui, s'abandonnant au moment présent, use de ses jambes comme d'un oreiller. Elle les lui prêtait du reste bien volontiers.

"- Il paraît que oui, ton ami ne me paye pas pour faire du tourisme, figure toi. Je sais, c'est incroyable, quel goujat !" lance-t-elle avant de baisser d'un ton. "Mais ça ne veut pas dire que je dois me lever aux aurores et ne pas traîner un peu."

Glen n’avait pas connu de moment aussi tendre depuis longtemps. C’était le problème du célibat quand il trainait sur la longueur, il ne permettait pas ce genre d’instant. Et il s’en délectait. Avec du bon vin, avec la plus jolie fille qui lui avait jamais été donné de voir, et, surtout, avec l’esprit tranquille. Il avait mis de côté ces craintes et ses peurs, il était juste un homme transi qui voulait y croire. « Tu veux ma carte ? » qu’il demanda avec sa malice habituelle. Oh mais il ne serait jamais l’agent de Lullaby Watson. Plus maintenant. Il y avait conflit d’intérêt. Un autre principe sur lequel il ne pouvait pas déroger. Ça ferait trop désordre chez ses autres clients. « Desigual ! » que Glen avait répété, repensant au nombre de fois où il avait fait signer des clients chez cette marque. Eh oui, même Desigual avait besoin de mannequins. D’ailleurs et pour des raisons qu’il ignore, la marque fonctionne bien. « Se pourrait-il que Lullaby Watson soit… snob ? » qu’il la taquina, comme s’il ne comprenait pas parfaitement l’aversion de la jeune femme pour la marque. Toutes ces couleurs, ces motifs… Franchement, ça donnerait le tournis à n’importe qui. Lullaby était dans son dos et il ne la voyait pas. En revanche, il la sentait. La douceur de ses jambes, la chaleur de son corps, et ses doigts qui se perdaient dans sa chevelure. Avec une gorgée de vin de temps en temps et sa musique préférée, rien d’étonnant à ce que Glen soit aux anges. Et il ne voulait plus que ça s’arrête. C’était pour ça qu’il lui avait demandé si elle était obligée de travailler et sa réponse lui inspira une petite moue boudeuse. « Je peux peut-être voir avec lui pour qu’il annule… » Oui, il parlait bien d’annuler son mariage et, évidemment, c’était une blague. Pour autant, Glen ne riait pas aux éclats et se contentait d’un petit sourire amusé. « Oui, je sais. Et puis… Tu auras besoin de moi, hm ? » qu’il demanda pour être sûr de ne pas être mis sur le banc de touche dès la nuit passée.
 

Comme il demande si elle voulait sa carte, la jeune femme laisse aller un petit rire. Avait-elle besoin de celle-ci ? pas vraiment. Ce n’était pas comme si elle aurait vraiment du mal à trouver son contact. Ce n’était pas comme si elle n’avait pas déjà son numéro de téléphone personnel enregistré dans son téléphone, non plus. En deuxième position dans sa liste, d’ailleurs, juste après le numéro de sa mère, sa personne à appeler en cas d’urgence. Et elle ne risquait pas de le perdre, elle l’avait même soigneusement écrit dans son répertoire, juste au cas où. Celui qu’elle conserve précieusement par peur qu’un jour tous les numéros de son téléphone disparaissent.

”- Je suis sûre que je peux me débrouiller sans !” objecte la demoiselle, se fendant d’un sourire. ”Tu crois que je ne connais pas déjà ton numéro par coeur ?” poursuit-elle, sourire en coin.

Snob, elle ? La demoiselle adopte un petit air offensé en entendant l'homme parler. Elle était tout sauf snob. Mais puisque l’homme fait valoir que la mode peut parfois être bizarre, s’appuyant sur les défilés qu’il a déjà pu voir au cours de sa carrière, la demoiselle pour sa part peut bien remettre en doute les goûts du styliste de la marque la plus pop et colorée de la planète. Ce n’était pas être snob ça, non et la demoiselle répond, un grand sourire aux lèvres, plaisantant comme lui.

”- Non, bien sûr que non !” se défend la demoiselle. ”Mais elle a du goût, elle !” renchérit-elle en riant. ”Elle n’est pas aveugle ! Pas comme certains stylistes…”

L’instant était appréciable, particulièrement doux. Etait-il possible que tous leurs problèmes soient derrière eux désormais ? Tout du moins, une bonne partie ? Que l’homme accepte cette liaison, cette relation, indépendamment des liens l’unissant au père de la demoiselle ? Père auquel ils n’étaient pas obligés, du reste, de parler tout de suite. A vrai dire, ce n’était pas dans les plans de la jeune femme avant un moment. Non pas qu’elle craigne la réaction de son père - même si elle se doute que ce sera quelque chose - mais parce qu’elle préfère profiter d’abord de cette relation naissante avant d’en parler.

”- C’est vrai, comment n’ais-je pas pensé plus tôt à cette possibilité !?” s’écrit la demoiselle quand il évoque l’idée de pousser son ami à annuler le mariage pour que tous deux puissent profiter de quelques jours de vacances en tête à tête dans ce paradis sur terre. Pour autant, même si elle devait travailler, elle ne comptait pas qu’ils soient séparés. ”Oui !... Il me faut un homme grand et fort pour porter pleiiiiiiiiiiin de paquets !” taquine-t-elle en venant déposer un baiser sur son front, puis sur ses lèvres. "Mais on peut peut-être se débrouiller de finir tôt pour profiter de la fin d'après-midi sans penser au mariage ?"

Bee n’avait évidemment pas besoin de sa carte. Elle avait déjà un accès VIP à son cellulaire. Et pas que. Elle avait également gagné son coeur. Il était donc indéniable qu’elle pouvait se débrouiller sans mais Glen était comme ça, toujours à plaisanter. Ça tombait bien parce que Lullaby n’était pas en reste. A chaque fois, elle surenchérissait et leurs conversations étaient toujours parsemées de rires et de taquineries. « Tu connais mon numéro par coeur ?! » qu’il s’était exclamé en se retournant vers elle pour vérifier si elle était sérieuse. Évidemment, ça l’aurait surpris. Bien sûr, il s’attendait à ce que ce soit une blague. Qu’elle ait des sentiments pour lui, ok… Mais de là de à virer à l’obsession ?! Impossible. Il ne fallait pas pousser. « Ah on y revient ! Le bon goût ! » Glen s’était de nouveau retourné, tout sourire. Il faisait référence à un moment arrivé un peu plus tôt. Avant qu’ils ne s’embrassent. Quand Bee avait insinué qu’il n’en avait pas, du goût, et qu’il avait dit qu’il en avait forcément puisqu’il l’appréciait elle. « Mais je te l’accorde. Certains ont des goûts… discutables. Il faut de tout pour faire un monde. » qu’il avait conclut, un peu plus sérieusement. Si Glen était un rigolo, il avait aussi ce côté calme et posé. Presque sage. Le soleil n’était presque plus visible, la nuit ne tarderait donc pas à s’installer définitivement. La bouteille, elle aussi, commençait à être sérieusement mise à mal. Il faut dire que l’assaut répété du nouveau couple Lullen était redoutable, c’est à peine s’il laissait deux secondes de répit à cette pauvre bouteille. Sauf que cette fois, Glen n’avait pas peur d’être légèrement attaqué par l’alcool. Il ne courrait plus de danger, il n’avait pas besoin de se brider. Enfin, c’est ce qu’il croyait en tout cas. « Je sais pas. Ça paraît pourtant si simple d’annuler un mariage à plusieurs milliers de dollars… » Non pas que Glen sache précisément combien ce mariage coûtait. Loin de là. Il se faisait simplement sa propre estimation. Bee devait être bien plus au courant du budget qu’il ne l’était. « Grand et fort… Je crois que j’ai ces deux critères-la, ouf. » qu’il soupira en mimant le soulagement alors que Bee venait tendrement embrasser son front. Puis ses lèvres, arrachant un sourire béat à l’agent. Ah, ce qu’il pouvait aimer ça… « J’y compte bien. Je peux t’assurer que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour raccourcir au maximum tes journées de travail. » qu’il lui confia sur un ton très sérieux cette fois.


 

Il s’exclame, répétant ses mots comme elle suggère l’hypothèse de connaître son numéro déjà par cœur. En serait-il vraiment si surpris, si elle venait à avouer que c’est vrai ? Elle n’avait pas vraiment cherché à l’apprendre, en soit. Mais elle l’avait retenue, en effet, au fil des sms qu’elle lui avait envoyés. Parce qu’elle avait une bonne mémoire. Parce que, aussi, elle l’avait trouvé très simple. Il y avait plein de moyens mnémotechniques qui avaient permis d’ancrer ce numéro dans sa mémoire. Mais pouvait-elle le lui dire, le lui avouer ? La simple idée qu’elle ait pu le retenir semblait le surprendre au plus haut point. Il s’était même tourné vers elle pour vérifier l’expression de son visage et y chercher les marques de la plaisanterie. A quoi pouvait-il bien penser, alors ? Qu’est-ce qui pouvait bien tourner dans cette tête, à présent ? Si Bee s’interroge, elle n’ose poser la question, se contentant de répondre d’un sourire. Et ils changent de sujet.

”- Toujours !” souffle la demoiselle comme il s’est retourné de nouveau. ”Je n’ai que de bons goûts.”

Et elle se fend d’un nouveau sourire en l’observant. Comprendrait-il qu’elle voulait parler de lui en disant cela, tout en ayant pensée elle aussi au moment qu’ils avaient vécu un peu plus tôt ? Elle ne pouvait pas l’affirmer, mais l’espérait bel et bien. Et son regard se reporte sur la contemplation du soleil presque tout à fait disparu à l’horizon, comme il remarque qu’il faut de tout pour faire un monde.

”- Même du desigual ?” taquine encore la jeune femme malgré le sérieux retrouvé par l’agent.

Si seulement ils pouvaient être en vacances tous les deux, rien que tous les deux, sans avoir rien d’autre à penser qu’eux et leur bonheur… Mais non. s’ils étaient ici, ce n’était pas de leur fait de prime abord et ils avaient du pain sur la planche d’ici le mariage du week-end, pour que tout soit fin prêt le jour-j. Si l’endroit était paradisiaque, Bee était bien là pour le boulot, même si elle espérait bien en profiter malgré tout. Le lendemain, avant de pouvoir se la couler douce, il faudrait donc qu’elle se plie à sa to-do list. Glen, lui, avait bien une autre solution ceci étant pour permettre à sa belle de se sentir en vacances. Et elle rit face à sa remarque.

”- C’est vrai ! Juste un traiteur à congédier, un photographe à dédommager, toute une décoration à jeter et j’en passe… Une bagatelle.” plaisante-t-elle. ”Finalement je vais peut-être prendre ta carte ! Si quelqu’un cherche comment jeter une dizaine de milliers de dollars par la fenêtre, ça pourrait me servir !”

Naturellement, c’était des plans sur la comète qui ne se produiraient pas et Bee ne l’espérait même pas. Elle avait déjà connu un cas pareil plus d’une fois malheureusement et ne le souhaitait à personne. Les mariages avortés sur fond d’adultère, de deuils… ce n’était jamais réjouissant. Pas le genre de nouvelles qu’elle aimait apprendre quand elle décrochait son téléphone, répondant à ses mariées d’une voix enjouée. Définitivement, elle préférait les happy ending et, sur son petit nuage, elle souhaitait à chacun de trouver le sien. D’autant plus que même si elle devait travailler, elle ne serait pas loin de lui. Il était ici, lui aussi, pour les préparatifs de ce mariage.

”- Et beau, pour le plaisir de mes yeux ! Histoire de ne rien gâcher !”

Nouveau baiser déposé sur ses lèvres qu’elle n’a pas manqué d’effleurer en soufflant ces quelques mots. Pouvait-il sentir à quel point elle se sentait bien, ce soir ? Même elle ne pouvait pas vraiment dire ce qu’elle ressentait vraiment ceci dit face à ce revirement de situation. Elle avait passé quatre ans à penser secrètement à lui, s’était déclarée à peine quelque temps plus tôt et alors que le matin-même, la semaine semblait mal-engagée en sortant de l’avion… Que s’était-il diable passé dans l’esprit de Glen pour qu’ils en arrivent là ? Elle l’ignorait. Pourtant elle n’aurait pas pu en être plus heureuse.

”- Que je puisse dire à ton ami que tu n’as pas uniquement déconcentré sa wedding planner !” rit-elle. ”Mais peut-être…” elle hésite. ”Peut-être qu’on pourrait s’organiser une vraie semaine de vacances tous les deux pour dans quelques temps ? Quand tu pourras t’en accorder.”

Elle n’oublie pas que pour lui comme pour elle, prendre des vacances est un peu compliqué. Mais ça valait quand-même le coup de le suggérer.

Ce que Glen ne réalisait pas encore, c’est que ce début de relation amoureuse n’était pas qu’un simple début. Ce n’était pas si léger, ils ne seraient pas capables de se détacher l’un de l’autre dès le lendemain comme le feraient d’autres gens dans leur situation. Ils avaient d’ores et déjà une trop grande place dans la vie l’un de l’autre. Ça s’était fait petit à petit, au fil des années, et ça se consolidait aujourd’hui de la plus belle des façons. Alors que Lullaby se vantait de n’avoir que des bons goûts, Glen se demandait s’il devait le prendre pour lui comme il l’avait spécifié pour elle. Sans doute. Il était encore un peu perplexe. Il y avait une foule d’hommes bien plus jeunes et charmants qui serait sans hésitation ravis de partager leur vie avec elle. Pourquoi lui ? Glen n’avait jamais franchement été subjugué par son reflet dans le miroir. Un manque de confiance en lui qui s’expliquait difficilement tant il avait été choyé et aimé par ses parents. « Je n’en doute pas. » qu’il avait acquiescé en lui adressant un sourire complice. Il faisait bien de le prendre pour lui… C’était agréable. « Ouais, et même des moustiques figure-toi… » Il ferma les yeux un instant, comme pour mieux savourer les caresses que la demoiselle lui prodiguait sur le crâne. « Enfin… Je crois. Je suis pas bien sûr pour les moustiques, j’avoue. » S’ils avaient une utilité, Glen ne savait absolument pas laquelle. Mais ils devaient bien en avoir une, non ? Il mit dans un coin de sa tête qu’il fallait qu’il se renseigne sur le sujet plus tard. « Trois fois rien, tu vois. » Glen gloussa alors qu’elle renchérissait en disant qu’elle allait prendre sa carte. « C’est pas de l’argent jeté par les fenêtres puisque c’est pour la bonne cause ! » Il haussa les épaules, classant le sujet : ce n’était pas possible. Tant pis. Pour l’heure, les compliments de Bee suffisaient comme lot de consolation. « Si tu le dis. » qu’il souffla avant de répondre à son baiser. Il se permit même d’en réclamer un autre. Juste parce que ça faisait du bien. « Te déconcentrer, moi ? Je n’oserais jamais ! » qu’il fit semblant de s’insurger en posant une main sur sa poitrine, l’air choqué. Le reste de la discussion le fit redevenir un peu plus sérieux. Des vacances ? Glen ne savait pas. A vrai dire, il évitait de penser à son retour à Miami. Il ne savait pas comment les choses se passeraient une fois de retour à la maison et n’avait aucun moyen de se rassurer sur le sujet. « Peut-être. » qu’il murmura en restant tout à fait vague alors que l’obscurité se faisait de plus en plus présente.
 

Que de bons goûts évidemment, indiscutablement et s’il n’y croyait pas, Bee ferait tout son possible pour le lui prouver, pour lui permettre de se voir avec ses yeux. S’il pouvait se voir au-travers du regard de la demoiselle, il pourrait voir à quel point il était merveilleux. A quel point elle le trouvait incroyable en tout temps, dans tout ce qu’il faisait. Ce n’était pas seulement une question de physique, c’était aussi quelque chose d’autre, qu’il dégageait. Une aura. Un charisme. Il était magnétique. Et drôle. Et intelligent. Travailleurs. Et il n’y avait qu’à le voir interagir avec Noah pour savoir qu’il pouvait devenir un papa rêvé, idéal, en plus d’un oncle amusant.

Tous les goûts et les couleurs sont dans la nature, à ce qu’on dit. Et il faut de tout pour faire un monde, rappelle l’homme. Même du desigual. Et même des moustiques. Même s’il en doute, d’un coup. Et Bee rit. Ils devaient bien avoir une utilité dans l’écosystème, le tout était de savoir… laquelle. Parce que là, comme ça, elle ne voyait pas trop. Pas plus que pour d’autres espèces, à vrai dire, telles que les araignées, les serpents et quelques autres qu’elle ne portait pas spécialement dans son cœur.

”- Les moustiques auraient donc un autre but que celui de saccager nos nuits estivales ?! Incroyable !” plaisante la jeune femme en continuant de perdre ses doigts dans la chevelure de son interlocuteur.

Annuler ou reporter le mariage, de sorte qu’ils puissent passer une semaine de vacances ensemble sur cette île paradisiaque, telle était l’idée de Glen. Une idée qui ne manque pas de faire rire la jeune femme, comme ils s’épanchent l’un et l’autre dans cette plaisanterie, allant toujours plus loin dans une succession de surenchère. Trois fois rien, donc, que d’annuler plus d’un an de travail à la dernière minute. Mais c’était pour la bonne cause, d’après lui. Elle rit.

”- Ils peuvent congeler le foie gras et le ressortir à noël c’est vrai, ils ne font pas d’efforts, aussi !” commente-t-elle. ”Je vois l’échange de sms d’ici. Merci d’annuler ton mariage, j’ai besoin de piquer ta wedding planner ! - Pourquoi ? - Pour des vacances !” rit-elle.

Trêve de plaisanterie, ils travailleraient ensemble aux préparatifs dans les jours à venir, ce qui leur permettrait ainsi de profiter de longues soirées, quand les journées sont plus agréables car un peu moins chaudes. Ils auraient alors largement le temps de profiter des plages, des vignobles, des couchers de soleil et, si le cœur leur en dit, de faire la visite de quelques sites touristiques. Ils pouvaient toujours prendre de vraies vacances plus tard, ensemble, pour se reposer pour de vrai. Bee le propose tout du moins, se projetant dans cet avenir à deux qui lui semblait évident, à présent. Pourrait-elle seulement encaisser qu’ils fassent marche arrière ?

”- Si on y allait ?” souffle finalement la demoiselle après quelques minutes de silence. ”On est à sec de vin et je dois toujours te mettre une branlée en dégustation de sushis, il me semble !” plaisante-t-elle.

D’autant plus que les caresses répétées de l’homme sur son épiderme allaient finir par la rendre folle alors qu’aucun homme ne l’avait touché ainsi depuis bien longtemps.