TW : internement psychiatrique ; violences conjugales

Le terme ‘problème’, le fait soudainement tiquer, bien qu’auparavant, il n’aurait rien trouvé à y redire. Il la connait et sait qu’elle l’a utilisé sans connotation. Pourtant, il prend ça pour lui. Parce que lui aussi est ici et donc lui aussi a un problème. Lui aussi est un problème, plus précisément. Pour autant, il tente de ne rien montrer, se concentrant sur ses mains qui se crispent l’une contre l’autre pour ne pas changer. Des semaines, presque des mois qu’il est ici, concentré sur lui-même et cet échange n’est qu’une preuve de plus qu’il n’est pas prêt à affronter le monde extérieur encore et que le retour à une vie normale sera sans doute plus laborieux qu’il ne pourrait l’imaginer, maintenant qu’il a pris conscience de certaines choses.

Il hoche la tête. Il la comprend dans le fond. Ce besoin d’avancer. Ce n’est pas comme si elle avait un énorme travail à faire sur elle-même, elle. « Tu sais, tu peux donner le préavis si tu veux. Ça te soulagera financièrement. » Et lui aussi, dans le fond. « Je ne peux pas vraiment m’occuper de tout ça d’ici ; mais je peux voir avec ma famille pour qu’ils se chargent de mes affaires. » Ils mettraient tout dans un garde meuble. Au pire, il a encore quelques économies pour payer des déménageurs et lui aussi, serait mieux sans un loyer à payer, dans le fond, n’ayant plus de rentrée d’argent. Ces préoccupations sont loin d’être celles qui lui occupent l’esprit présentement pour tout dire, mais puisque Briséïs est là…

Il hausse bientôt les épaules. « J’irais peut-être chez mes parents durant quelques temps. » L’idée ne le réjouit pas mais beaucoup en passent par là. « Je suis content si tu t’épanouis au moins là-dedans. » Il n’a aucune envie de savoir si elle s’épanouit dans d’autres domaines, alors il ne pose pas la question. « Oui, j’espère. » sourit-il. Cette pensée est positive. Il la conscientise, comme on lui a appris. Il se voit déjà à refaire de bons petits plats. Il est vrai que ça lui manque, plus qu’il ne veut bien l’admettre. « Je monterais peut-être enfin ma boite de chef à domicile, qui sait ?! » Il se veut enjouer. « Depuis le temps que j’en parle ! Et quitte à prendre un nouveau départ… »

Briséïs avait besoin d’avancer, elle avait besoin de trouver une solution. Il fallait qu’elle aille mieux alors pour cela, elle avait décidé de partir de l’appartement qu’elle partageait avec Ezra. Ce n’était pas l’appart le souci car tout s’était toujours bien passé mais plutôt les souvenirs qu’il regorge. Il y en avait des bons mais aussi des mauvais. Les derniers qu’elle avait malheureusement c’était les disputes qu’ils avaient eues et les coups qu’Ezra lui avait portés au visage et autre partie de son corps. Elle préférait repartir à zéro. C’était mieux. Elle hoche la tête à ses mots. « Ce n’est pas pressé tu sais enfin, ce n’est pas un souci l’argent. » Elle n’était pas dans le besoin, enfin pour l’instant ça allait elle s’en sortait. Ils avaient le temps pour l’appartement. Il pourrait prendre le temps de retourner à l’appartement et choisir ce qu’il souhaitait récupérer. Meubles compris car bon il y avait aussi des choses qu’il avait peut-être envie. La jeune femme n’avait pas envie de le pressé ou de le forcer aussi vite. « On verra cela quand tu sortiras. » Ce serait d’ici quelques mois seulement. Elle pourrait toujours faire louer l’appartement en attendant mais bon, elle verrait.

Elle hoche la tête à ses mots. « D’accord ça fait combien de temps que tu ne les a pas vus ? » Elle ne sait plus exactement puisqu’elle ne les voyait pas seulement. Le boulot c’était une des rares choses dans sa vie qui se passaient bien. La brunette aimait son boulot et elle prenait plaisir à se lever chaque matin sans pour autant avoir la boule au ventre. Elle sait qu’Ezra aime aussi le sien. C’était aussi important pour lui mais elle se demande comment vont se passées les choses maintenant. Après tout, est-ce qu’on allait le reprendre ? Est-ce qu’il allait devoir partir trouver autre chose ? « Bien sûr, si c’est ton rêve et ce que tu as envie de faire il ne faut pas hésiter. » Elle lui souffle. « Je suis sûre que ça fonctionnerait. Je veux dire.. il y a quelques clients qui connaissent ta cuisine maintenant. »

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La pensée traverse l’esprit d’Ezra, celle de se demander si Briséïs lui dit ça dans le but d’être gentille, ou peut-être parce qu’elle culpabilise qu’il soit là par sa faute. Mais à vrai dire, quelle importance ça aurait ? Il lui sourit pour la remercier. Il se plait à se dire qu’il y a forcément encore quelque chose entre eux. Pas de l’amour, sans aucun doute, mais quelque chose, non ? Arrête de songer, Ezra, tu ne peux que te faire du mal et ta guérison est ce qui prime avant tout le reste. Il se répète cela plusieurs fois pour réellement l’ancrer dans sa tête. Il aimerait tellement lui prendre la main, comme au bon vieux temps…

« Quelques semaines… » Il tente de réfléchir. Le temps ne passe pas de la même manière ici, alors il a du mal à savoir exactement quand était la dernière fois. « Ma mère vient régulièrement. Mon père un peu moins. » Mais en même temps, son père n’a jamais été très démonstratif alors ce n’est pas comme si le brun le prenait personnellement.

Ils abordent bientôt le futur du cuisinier. Un futur qui semble si loin qu’il en est presque irréel. Il hoche la tête. La projection n’est pas son truc, et encore moins avec la tonne de médicaments qu’on lui fait prendre. « Oui… C’est sûr… Il faudrait juste que certaines choses ne s’ébruitent pas… » Il soupire. Retour à la réalité et à la culpabilité qui reprend ses droits. « J’avais gardé quelques contacts du concours de cuisine que j’avais fait à Denver l’hiver dernier… Il sera toujours temps de passer quelques coups de fils pour un coup de pub. » C’est si difficile d’aborder tout cela, les projets, le futur… quand on ne sait même pas si dans trois mois on sera capable de reprendre une vie normale.

Briséïs ne voulait aucun mal à Ezra alors elle espérait que celui-ci était bien entouré. Ce n’était pas parce qu’ils avaient rompus qu’elle ne voulait pas. Elle espérait que sa famille le soutenait tout de même. Elle ne savait pas trop la relation entre eux et elle les avait vu quelques fois uniquement. Elle ne les avait pas contactés, si ce n’est pour les prévenir. Elle n’avait rien dit sur le fait que les choses se passaient mal dans leur couple et qu’il était violent envers elle. Ce n’était pas à elle de le faire, bien qu’elle avait dit qu’ils n’étaient plus ensembles. « C’est important qu’elle vienne en tout cas. Ca se passe comment avec ton père ? » Elle lui demande. Elle a parfois l’impression que dans certaines relations, c’était plus compliqué avec les pères. Elle ne connait pas cela parce qu’elle a été adoptée. Elle a été élevée par deux papas avec qui ils sont fusionnels. Il y a son grand frère aussi. Elle a toujours vécu entourée d’hommes.

Elle se pince la lèvre parce qu’elle sait ce à quoi Ezra fait référence. Oui en effet, il ne fallait pas que ça se sache car cela lui fermerait sûrement des portes. Les gens en parleraient dans la presse ou autre et les personnes ne voudraient venir manger dans ce restaurant. « Je comprends mais il n’y a pas de raison. » Elle n’allait pas en parler de son côté, lui non plus. Il n’y aurait que le personnel ici qui sauraient et ils étaient tenus au secret professionnel. Non, les choses se passeraient bien. La jeune femme ne se voyait pas sans son boulot alors elle comprenait que lui non plus. « Oui qui sait, tu pourras toujours les contacter. Ca se trouve ils recherchent quelqu’un pour un projet. » On ne savait jamais enfin Briséïs ne savait pas depuis quand il n’avait pas été en contact avec eux. « Tu as déjà pensé à faire un espèce de foodtruck avant ? Peut-être que ça pourrait te faire une clientèle ? » Ce n’est qu’une idée qu’elle a eu, il n’est pas obligé d’adhérer.

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Il hoche la tête pour confirmer qu’il est d’accord, avant de prendre un instant de recul pour aborder son père. « Bien… Enfin… Il est comme il est. » Il ne sait pas vraiment comment décrire son paternel autrement, mais tout à coup, en cherchant à réfléchir sur ce sujet, il a comme une sensation étrange. Une sorte de sentiment de déjà-vu d’un souvenir refoulé ; quelque chose qui lui semble à la fois très familier sans qu’il ne sache précisément dire ce que c’est, si ce n’est que ça a un rapport avec son père et sa place ici. Mais quoi ? Telle est la question. Le moment d’absence dure sans doute une bonne minute et il secoue la tête en revenant à lui, ayant tout à coup cette sensation d’avoir froid dans le dos. Ses doigts se crispent. Que lui arrive-t-il ? Il en parlerait à son médecin dès le ce soir.

En attendant, il se concentre de nouveau sur Briséïs et reprend peu à peu contenance. « Un food truck. » répète-t-il dans un sourire. Il n’y avait pas spécialement pensé mais l’idée lui plait, dans le fond. Au moins, il n’aurait de compte à rendre à personne, pourrait délocaliser sans problème si l’envie lui en dit et l’investissement serait sans doute moins onéreux. « C’est une bonne idée ! Faudrait que je creuse le sujet ! » dit-il tout en l’observant, avant de finalement lâcher. « Ça m’avait manqué… le fait qu’on fasse une bonne équipe. » Sans doute trop tôt pour le dire mais après tout, ils ont toujours eu conscience l’un comme l’autre qu’ils sont très complémentaires. Et n’ayant aucune envie qu’elle réponde à cette phrase par une remarque potentiellement négative, préférant largement restée avec un souvenir heureux de ce moment, il se lève. « Je dois aller à mon groupe de lecture. » Il repousse sa chaise sous la table. « Je te remercie d’être venue, Bri. Rien n’aurait pu me faire plus plaisir. » Un des infirmiers s’approche de lui et ensemble, ils retournent dans un monde où la réalité n’a plus sa place.