Cela faisait maintenant plusieurs jours qu’Ezra avait quitté le centre où il se trouvait. Plusieurs jours qu’elle l’avait revu sans le vouloir puisqu’il était venu pour voir ce qu’elle devenait. Ils avaient pu discuter tous les deux et elle était heureuse qu’il aille bien. Elle ne voulait que son bonheur après tout, peu importe comment leur relation était terminée. Ils pouvaient toujours être amis et elle y tenait bien.

Aujourd’hui, elle devait aller le retrouver. Ils avaient prévu de cuisiner, ou plutôt, c’était Ezra qui le ferait. Elle ne ferait que l’aider. C’était mieux parce que la jeune femme n’était pas très douée en cuisine, il faut dire. Elle se débrouillait mais, comparé à son ex c’était rien du tout. La jeune femme devrait seulement lui donner quelques idées car il voulait cuisiner un plat en son honneur. Elle avait tout de même emporter un tablier, sait-on jamais ? Et un thermos de café parce qu’elle se dit qu’elle en aurait bien besoin et peut être que lui aussi. Elle le rejoint donc à l’adresse qu’il lui a fournie. Ils avaient rendez-vous en fin de matinée, cela leur laissait le temps de cuisiner. Il n’avait pas encore son food truck, il fallait le temps pour cela et sûrement qu’il voulait se relancer en cuisine pour.

La jeune femme sonne à la porte une fois qu’elle est arrivée. Elle attend qu’Ezra vienne ouvrir, elle suppose qu’il est déjà là parce qu’elle est pile à l’heure. « Hey, c’est moi ! » A moins qu’il n’attende quelqu’un d’autre ceci dit. Elle ne pense pas, il ne lui avait pas dit. « Comment tu vas ? » Elle lui demande alors. « Tu es prêt à cuisiner ? » Elle lui demande donc.

TW : internement psychiatrique ; violences conjugales
Ezra ne s’était pas attendu à partager des pancakes et une discussion de plus de quelques mots avec Briséïs quelques jours plus tôt. Il s’était encore moins attendu à ce qu’ils se donnent rendez-vous aujourd’hui pour cuisiner ensemble. Certes, l’idée lui avait traversé l’esprit durant ces derniers mois d’élaborer un plat en l’honneur de Briséïs, dès qu’il pensait à ce projet de food truck, mais de là à espérer un jour que tout ceci se concrétise… En rentrant, il avait eu un sentiment mitigé. Une grande joie, bien sûr, mais aussi une peur assez incontrôlable, une peur si déstabilisante que malgré les médicaments, il n’a pu dormir la nuit qui a suivi, mettant à mal ses mois de travail sur lui-même. La peur de de nouveau avoir des gestes déplacés. Des gestes interdits. Pourtant, il a dépassé tout cela. C’est bien pour ça qu’il a pu sortir et reprendre le cours de sa vie… mais le chemin est encore long avant qu’il ne puisse reprendre confiance en lui.

Il a de trop nombreuses fois hésité à annuler leur rendez-vous, oscillant entre différents états émotionnels contradictoires ; mais une fois que la sonnerie retentit, il est trop tard pour reculer. Il hésite quelque peu avant d’aller ouvrir. L’angoisse. Mais finalement, la joie de voir son minois l’emporte quand enfin il l’aperçoit dans l’entrebâillement de la porte. Il a sous-loué un studio de cuisine qui sert à des cours particuliers ou des tournages culinaires (influenceurs…), une manière de pouvoir être dans un endroit neutre et où ils auraient tout le loisir de s’adonner à la cuisine. Certes, ça n’a jamais été un domaine qui les a rapprochés mais il n’est jamais trop tard pour commencer.

« Bien et toi ? » Il n’a pas envie de dire autre chose que le fait qu’il va bien. Il n’est déjà pas sûr lui-même de ses états de santé alors s’il faut s’étendre dessus avec Briséïs, cela risque d’être compliqué. Il en parlerait avec son psychiatre dès demain. Il hoche la tête. « J’ai tout ce qu’il faut ! Paré à toute éventualité. » Culinaire seulement… Et encore, il n’est plus vraiment sûr de rien même là-dessus, bien qu’il tente de faire bonne impression. « J’ai pris de quoi faire différents tests ! » annonce-t-il, plutôt fièrement en montrant d’un geste les victuailles. « T’étais jamais venu dans ce type de studios ? » lui demande-t-il bientôt. Pas avec lui en tout cas.

Briséïs n’en voulait pas à Ezra. Certes elle n’oubliait pas ce qui s’était passé entre eux. Ils ne seront jamais aussi proches qu’avant tous les deux mais ils pouvaient au moins essayer d’être amis. Elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour l’aider du mieux qu’elle le pouvait. Si elle pouvait lui donner un coup de main pour cuisiner alors pourquoi pas. Ce n’était pas le plus dur qu’elle pouvait faire. Elle pouvait bien y arriver. Elle avait un peu peur de se retrouver de nouveau seul avec lui. La dernière fois, dans un café, il y avait d’autres personnes. Elle suppose que là, ils seront rien que tous les deux. Elle voulait tout de même lui faire confiance. Elle voulait voir que les choses se passent bien.

La brunette se trouvait de toute façon devant chez lui. Elle venait de sonner donc elle ne pouvait pas changer d’avis maintenant. La jeune femme voit Ezra qui vient lui ouvrir la porte. Elle lui adresse un sourire et reprends confiance. Elle lui demande comment il va depuis la dernière fois. S’il était là c’était que les choses allaient bien. Elle se doute qu’il doit avoir des rendez-vous à l’hôpital et tout ça. Il n’est pas totalement lâché dans le grand bain. « Je vais bien merci. » Elle lui dit avec un sourire. « Super alors ! Qu’est-ce que tu as pris de beau ? » Elle lui demande alors. Il lui avait dit la dernière fois vouloir faire un carpaccio mais elle se doute qu’il a pris d’autres choses. « Non c’est la première fois. Ca sert uniquement pour cuisiner ou bien pour autre chose ? » Elle suppose que c’était uniquement pour la cuisine mais sait on jamais. « Qu’est-ce que tu as prévu alors ? » Elle lui demande alors. « En quoi je peux t’aider ? » Elle n’est pas venue pour se tourner les pouces non plus.

Cette sensation étrange de connaitre quelqu’un par cœur mais de ne pas savoir quoi lui dire, d’avoir peur de faire le mauvais pas… Ezra ne l’avait jamais vraiment connu jusque-là, mais les choses semblent si compliquées avec Briséïs, de par leur passif, qu’il est dans une position qui ne lui sied guère. « Du saumon, du chorizo, du cabillaud, tout un tas de légumes… » Au moins, parler cuisine n’a pas vraiment de secret pour lui, ce qui permet d’être plus à l’aise. « Principalement pour cuisiner. Pour des cours particuliers ou des tournages culinaires. Parfois, c’est super compliqué pour pouvoir réserver mais coup de chance, c’est assez calme en ce moment. » indique-t-il, donnant sans doute trop de détails. « Mais en soi, chacun peut y faire ce qu’il veut du moment qu’il rend le lieu en bon état. » Il rit nerveusement et afin de cacher ses émotions, il sort bientôt son carnet culinaire dans lequel il fait des croquis des recettes qui lui viennent en tête. Des croquis qui n’ont rien de chefs d’œuvre en termes d’art mais qui lui permettent de mettre en forme ses idées pour ne rien oublier. Rapidement, il explique à son ex petite-amie le principe de son carpaccio de saumon aux baies roses et citron « Le seul souci, c’est que ça me semble presque trop simple comme idée… » finit-il par avouer en relevant la tête vers la brunette. « T’en penses quoi, toi ? » demande-t-il avec hésitation, ayant quelque peu peur de sa réaction. Après tout, c’est en songeant à elle que lui est venu cette recette. « Les baies roses, c’est parce que je sais que tu aimes cette couleur. » lui confie-t-il ensuite.

Briséïs espérait que les choses iraient mieux entre elle et Ezra. Cela n’allait pas trop mal mais bon ils s’étaient revus que peu de fois depuis qu’il avait été interné. C’était aussi la seconde fois qu’elle le voit depuis qu’il est sorti de là-bas. Elle espère donc que leur relation sera plus simple maintenant. Elle savait que ça ne redeviendrait pas comme avant, parce qu’ils n’étaient plus ensemble et qu’ils ne le seront plus. Néanmoins cela leur permettrait peut-être que cela leur ferait retrouver une petite complicité. « Cela me semble déjà délicieux, j’en ai déjà l’eau à la bouche. » La jeune femme était plutôt gourmande après tout. Bon, qui ne l’était pas ceci dit. Elle hoche la tête quand il lui parle de cet endroit. Elle n’y était jamais venue, ni avec lui ni avec qui que ce soit. En même temps, elle n’en avait pas eu l’occasion. « Oui je comprends. Ou des personnes qui veulent s’entraîner ou poster des vidéos sur leur compte instagram ou autre ? » Elle travaillait dans les réseaux sociaux alors elle s’y connaissait dans le domaine. Elle allait sur instagram aussi alors oui elle voyait des personnes poster toute sorte de choses. Il y avait même des vidéos et certains avaient beaucoup d’abonnés. « Oui le but c’est que tout le monde puisse utiliser. » Alors si les gens se mettaient à laisser tout un désordre ou casser certaines choses, ils ne prêteraient sûrement plus le lieu. La brunette le laisse sortir son carnet, curieuse de savoir ce qu’il avait prévu pour le repas. Elle aime beaucoup l’idée du carpaccio, léger et puis elle aimait beaucoup le saumon. « Je comprends.. il faut trouver quelque chose d’original en plus c’est ça ? » Elle se dit qu’il faut toujours se démarquer en cuisine. Il n’y aurait pas autant de restaurant sinon. Elle lui adresse un sourire quand il lui explique son idée. « J’aime beaucoup l’idée. Est-ce que tu prévois un accompagnement avec ? » Elle lui demande tout en cherchant une idée. « Tu pourrais utiliser le saumon pour faire autre chose en plus du carpaccio peut-être ? Du genre un tarte ? Ou cela ferait trop. » Elle n’y connait pas grand-chose.

Il fait un sourire niais, Ezra, quand Briséïs lui annonce qu’elle aime l’idée. Tout ce qu’il voulait, c’était lui faire plaisir, lui donner envie, et ça semble fonctionner à la perfection. Il y a donc de quoi se réjouir, non ? Il hoche ensuite la tête alors qu’elle semble parfaitement comprendre l’esprit du lieu, bien mieux que lui n’avait pu le saisir au début tout du moins. « C’est pratique et pas mal. Un esprit un peu communautaire. » Il hausse les épaules. Il sait qu’il y a un aspect financier plus que communautaire dans la gestion du lieu, mais malgré tout, il aime le côté ‘partage’ et fourmillement. Ca a le don de l’inspirer de savoir qu’il s’est passé tout un tas de choses ici.

Puis bientôt, il hausse les épaules en hochant la tête en même temps. Il écoute l’idée de son ex-petite amie qui fait son bout de chemin dans sa tête et tout à coup, il lui vient une idée. « Ou une petite verrine à base de concombre et fromage frais. » Ça accompagnerait pas mal, non ? L’idée de la tarte lui fait penser à un burger, puis un bagel, puis une verrine… Oui, ça va chercher loin, mais surtout… « Tu te souviens lorsqu’on avait fait notre weekend à Washington ? Il faisait que de pleuvoir, et on avait fini par se réfugier dans une sandwicherie. On avait pris des bagels saumon concombre fromage. Il ne leur restait plus que ça… Qu’est-ce qu’on a pu rire ce jour-là ! Et on s’était régalé pour le coup. » En disant cela, ses souvenirs reviennent comme si c’était hier et il ne peut s’empêcher de la regarder de la même manière qu’il la regardait à l’époque, un regard plein de tendresse et d’amour, avant qu’il ne lève la main sur elle pour la première fois.

Briséïs avait du mal à s’imaginer il y a quelques temps qu’ils auraient pu être là tous les deux avec Ezra. C’était même quelque chose qui lui était impensable en réalité. Ils avaient eu leurs différents, des difficultés tous les deux mais Ezra tentait d’aller mieux. Il avait été dans ce centre et il semblait aller mieux. Cela se voyait et elle était contente pour lui. Bien sûr cela n’effaçait pas ce qui s’était passé entre eux. Elle avait juste envie d’aller de l’avant. Elle aussi voulait aller mieux et pour cela elle devait pardonner et se pardonner.

Elle hoche la tête aux mots d’Ezra. Elle aussi aimait beaucoup ce principe et ce concept. Ils pouvaient aussi rencontrés d’autres personnes qui venaient louer les lieux ou bien finir par cuisiner à plusieurs. Chacun avait sa technique, ses connaissances. Autant dire qu’elle, elle en avait pas, à part ce qu’elle savait cuisiner bien sûr. Ce n’était pas vraiment ce sur quoi elle excellait et ça avait toujours ou presque été Ezra qui cuisinait. « Oui c’est super aussi et puis ce n’est pas trop lourd ça accompagne bien. » Le saumon et le fromage frais ça matchait plutôt bien. « Tu peux peut-être ajouter une tranche de pain de campagne tranché ? » Libre à celui ou celle qui avait envie de tartiner. Bon c’était un peu la gourmande en elle qui parlait pour le coup. Elle se met à sourire à l’évocation de ce souvenir. Evidemment qu’elle n’avait pas oublié, ça faisait parti des bons moments qu’ils avaient partagés ensemble. « Je me souviens oui ! C’était soi ça.. soit finir par être trempé sous la pluie. Quoique on l’était déjà un peu. » Et puis bon, ils avaient faim alors il fallait choisir. « Heureusement que c’était bon et je crois que tout le monde avait eu la même idée que nous.. en même temps l’appel du ventre. » Elle lui dit en rigolant. « On se lance alors ? »

Il est ravi que l’idée lui plaise, Ezra. A chaque fois qu’il servirait le plat, il aurait une pensée pour elle. ; elle emplirait sa tête, ses yeux et un sourire viendrait s’afficher sur son visage. Il ne songe pas au fait que ça pourrait le rendre triste s’il est dans un de ces jours où les regrets l’envahissent et qu’il ne sait pas comment les surmonter. Il vaut mieux se concentrer sur le positif, comme on lui a apprit ces dernières semaines. « Oh oui ! Excellente idée. » Les Américains ont cette espèce d’affection pour le bon pain français, comme s’il s’agissait d’un met exotique venu d’ailleurs ; et Ezra n’en fait pas exception. Si les bonnes boulangeries sont rares dans la vie, il a toujours su où se ravitailler pour offrir les meilleurs produits à ses clients. Au final, leur idée revient à ce fameux bagel qu’ils avaient mangé, mais de manière déstructurée et cette idée le ravit.

Il la voit rire et il ne manque pas une seule seconde de cette vision de bonheur. Cela lui donne une envie subite de l’embrasser, ou à minima de l’étreindre comme il en avait l’habitude mais bien sûr, il se retient de tout geste qui serait jugé comme déplacé. « Qui ne se laisse pas diriger par son ventre, sérieusement ? » enchérit-il. Ils avaient toujours eu cette passion commune pour la nourriture, et c’est sans doute en cela que leur moment du jour semble si important et l’activité si bien choisie. « Mais t’étais jolie avec tes cheveux tout mouillés. » Un sourire vient apparaitre sur son visage, avant que gêné, il ne se tourne vers les ingrédients pour tout poser sur le plan de travail, afin que Briséïs ne voit pas son visage. Et merde, il s’était pourtant dit qu’il ne fallait pas émettre le moindre compliment qui ferait penser au passé.

« Tu veux éplucher les concombres et les couper en petits dés ? » propose-t-il aussi pour détourner l’attention et ne pas créer de moment de malaise. Il déglutit difficilement. Se contrôler est difficile. Ce ne sont aucunement des pulsions de violence qui l’envahissent à ce moment, mais son amour pour elle qui ressurgit, celui qu’il tente d’enfouir en vain.

Briséïs n’était pas cuisinière mais visiblement la jeune femme savait quand même avoir quelques idées. Ce n’était pas elle qui ferait les plats mais bel et bien Ezra. Elle ne voudrait quand même pas gâcher leurs bonnes idées. Ce serait dommage alors elle tente de réfléchir et imaginer ce qu’ils pourraient faire. Elle n’était pas douée non plus en présentation mais elle sait qu’elle aime bien le pain et tartiner aussi. Elle ne doit pas être la seule et puis au pire ils n’étaient pas obligés de le manger.

Il n’avait pas vraiment tort et elle se met à rire. « Hum.. je dirai les personnes qui ne sont pas gourmandes ou n’ont pas un grand appétit. » Elle lui dit en rigolant encore. Soit une personne qui n’était pas elle. Néanmoins elle trouvait que cela creusait que de marcher ou bien la pluie. Elle ne peut s’empêcher de rougir un peu gênée à son compliment. Elle ne sait toujours pas comment réagir à ce genre de choses et elle voit bien que lui aussi. « Merci. » Elle se contente de lui répondre, c’est sûrement ce qui sera le moins gênant. Elle se concentre de nouveau sur la cuisine car ça n’allait pas se faire tout seul, ce serait plus facile et bon, il y aurait plus autant de chef cuisiniers, de pâtissiers et tout le reste. « Oui bien sûr, je devrais m’en sortir sans trop dégâts ni me couper. » Elle savait au moins faire cela et ce n’était pas le plus difficile, quoique, il y avait des personnes maladroites. « Et toi qu’est-ce que tu vas faire ? » Elle lui demande avant d’aller se laver les mains pour commencer à éplucher ce qu’Ezra lui a donné. « C’est bon comme ça ? » Elle demande avant de continuer. « Et du coup.. tu as pensé à cette idée de foodtruck ? » Ils l’avaient évoqués la dernière fois.