Il n’était pas question de les laisser tomber. Encore moins quand je suis collé contre la moiteur de leur corps. Le manque de notre femme etait encore bien trop cuisant, pour m'en aller. J’avais toute façon pas le choix. Je ne voulais aucunement me disputer avec eux. C’était quand même bien plaisant de les entendre s’y opposer. Au moins, j’avais ma place parmi eux. C’est une victoire pour mes moitiés. Pour cette fois. Ce n’est pas dit que je puisse repousser mes obligations quand je sais qu’on m’a déjà appelé plus d’une fois. Faudra que je consulte mon téléphone à un moment. M’enfin, réveil à 3h demain. Je vais tenter de tenir encore. Je resserre mes bras contre la taille d'Alex, les laissant piailler comme bon leur semble. Sourire niché sur la tronche, riant intérieurement.

Surtout que les deux âmes se mettent d’accord pour que je bouge cuisiner. Heureusement que j'adorais ça, parce que punaise, j'aurais pu mal le prendre de les voir se liguer comme ça. Je n'aurais pas perdu le nord pour autant. Et ce n'était pas plus mal d'économiser. Sinon on allait encore commander. Je soupire mais change pas de position pour autant. « Si vous me motivez mieux que ca, je pourrais aller me trémousser en cuisine. » Réclamer leur corps, encore une fois, dans une version plus chaste. Je crois ?

Hors le cerveau décide d'être plus sérieux, et de poser un sujet sur la table. Monsieur Chibre fait clairement la gueule là. « J’en profite avant de me faire jeter vu que vous voulez pas de moi, avec vous, sur le canapé.. pour annoncer que les demandes de congé, ont ete ouvertes. Bon comme suis adjoint- responsable médecin des urgences, je suis l’avant dernier a choisir .. On sait jamais, vous aurez des préférences.. Et où partir également.  Par contre, les vénales, je me fais pas chier avec des heures et des heures d’avion. Plus de 5h c’est sans moi. » Envie de nous retrouver loin de notre paysage habituel et être moins discret également.

Aucun corps n’a bougé, et je n’en cache pas mon plaisir. Loyd adorait son boulot, on le savait, mais il fallait aussi faire des concessions pour que les choses fonctionnent entre nous. Tous les trois, on devrait en faire, surement sur des points différents, mais on y viendrait tous. Alors aujourd’hui, ça sonnait comme une petite victoire de réussir à le garder avec nous malgré les tentatives de l’hôpital pour nous l’enlever. Lèvres qui viennent effleurer à défaut de ses lèvres, trop éloignées pour que je puisse les atteindre sans bouger, je traduis mon affection pour sa personne par quelques baisers.

Pourtant, d’autres de nos organes commencent également à se réveiller, réclamant leurs dû. La nécessité de bouger est présente, mais la volonté inexistante. Et comme Loyd est le premier à avoir abordé le sujet, c’est naturellement que je tente de lui laisser les responsabilités du repas, soutenu par Lexie, qui semble approuver l’idée. Tête qui redresse, grand sourire aux lèvres, je lui fais mes plus beaux yeux, attendant qu’il bouge, mais il semblerait que lui aussi ait un petit souci de motivation. Ou semble en tout cas vouloir obtenir plus d’encouragements de notre part. « Va te trémousser en cuisine pour nous, et je suis prêt à me trémousser pour toi toute une journée, autant que tu le voudras. Pour vous deux même ! » Je joue quelque peu des sourcils, avec l’espoir que le chantage sexuel fonctionne, sinon, j’allais devoir trouver quelque chose de plus subtil.

Je me redresse pour le laisser se dégager, mais il ne bouge pas, posant un nouveau sujet de discussion sur la table qui me laisse sans voix. Les vacances. Je n’y pensais pas vraiment, mais c’est vrai qu’on allait devoir s’organiser pour pouvoir les passer ensemble tous les trois. En sachant que celles de Loyd risquaient d’influencer beaucoup de choses. « Pour les dates, je devrais pouvoir m’arranger. On ne les a pas encore ouverts, mais ça peut être assez souple. » Après tout, il fallait juste adapter le nombre de coachs présents, ce qui était moins difficile que de trouver des chirurgiens. « Pour la destination… Pourquoi pas la Méditerranée ? » Je les regarde à tour de rôle, répétant les contraintes dans ma tête. « Malte, Chypre, la Sicile ? Je pense que c’est faisable en cinq heures ? » Même si ça restait à vérifier, en tout cas, ça pouvait nous laisser un large choix de destinations.

La demoiselle éclate de rire, comme Loyd propose de se trémousser dans la cuisine, si ses compagnons parviennent à le motiver pour cela. Elle imagine parfaitement la scène. Le médecin, vêtu de son tablier, se dandinant en rythme sur une musique lascive tout en donnant un bon coup de fouet dans un plat… L’image avait de quoi vendre du rêve. Et sinon du rêve, elle prêtait au moins à rire de bon cœur, ce dont la demoiselle ne se prive pas le moins du monde. Il pourrait alors préparer ce qu’il voulait, que ça passerait au second plan. D’ailleurs, la créatrice se porte volontaire pour admirer le spectacle, peu importe ce qu’il compte leur préparer. Et la réponse de Jay, ne se faisant pas attendre, ne manque pas d’ajouter à l’hilarité de la jolie blonde.

”- Trémoussez-vous pour moi autant que vous voulez, je ne demande pas mieux !” assure la demoiselle. ”Surtout s’il n’y a rien sous le tablier.” sourire en coin, regard enjôleur. ”C’est un plan qui me plaît particulièrement.”

Quant à elle, elle peut s’asseoir confortablement, siroter quelque chose et profiter du spectacle, non ? C’est un programme qui lui plaît bien, en tout cas. Et elle observe les garçons tour à tour, les gratifiant d’un sourire. Attendaient-ils qu’elle se propose pour les honorer d’une danse, d’un déhanché, elle aussi ? Mieux valait qu’ils n’attendent pas trop, elle ne comptait pas leur donner satisfaction. A moins que…

”- Ne me regardez pas comme ça, je ne me trémousse qu’entre nos draps, moi !” assure la demoiselle. ”Et en attendant… je matte ?” annonce-t-elle tout sourire.

C’était un bon plan. Un aussi bon plan que de partir en vacances, comme le propose Loyd. La demoiselle se redresse illico, les yeux plein d’étoiles. Moins de cinq heures en avion, c’était largement jouable et cela offrait tout un tas de possibilités. Des vacances au soleil, notamment, comme Jay le propose rapidement, comme si leurs deux cerveaux avaient été connectés sur la question. Et peut-être était-ce le cas.

”- Chypre, Chyyyyyyyyyyyypre !” clame-t-elle. ”Sinon Cordoue ? L’Italie ? Ce doit être beau aussi en plein été…”

Et blindé en pizzas et plats de pâtes. Le rêve.

Me faire mener par le bout de la b., c'est ce qu'il me faut pour me convaincre d'aller cuisiner. On pourrait dire que je suis faible. Mais à quoi bon me priver de leur plaisir quand je peux aisément l'obtenir. Et les deux se mettent d'accord sur la récompense. BabyFace espérant même avoir un spectacle. De moi, j'en doute franchement, c'est beaucoup demander là. De Jay, faut croire qu'il est prêt à se donner. Affaire à suivre. Je finis par me mettre sur le bord du canapé pour commencer à me rhabiller. Jamais, je cuisinerais nu, si je me brule, ça peut être à Vie. Je suis chaud du chibre, mais j'aimerais que ça reste une métaphore. Je pose le sujet des vacances sur la table, et à ma grande surprise, les deux se mettent d'accord sur une destination. Ca m'arrange, ça m'aurait copieusement gonflé de les entendre déblatérer pendant des heures. Un baiser pour les deux, satisfait de cette affaire bien menée, au moment de quitter le canapé. Va pour Chypre et faire ma valise. On partira soit en Juin soit en Septembre, parce que priorité aux étudiants et aux parents. Ce que ne nous sommes pas. Et nous ne serons jamais mais je m'abstiens de le dire, je préfère surfer sur les effluves de nos orgasmes.

Avant ma destination finale, je m'arrête au niveau du Jukebox reçu à Noel, je farfouille dans le pot pour choper une pièce et l'insère afin de lancer une musique, index enfonçant un bouton et les premières sonorités se font entendre. C'est en commençant à bouger le corps en rythme que je rapplique dans la cuisine. Timide danseur s'élance dans la confection du repas. Enfin, quand je suis pas entrain de couper viande et légumes. Je tiens à garder mes doigts.

Je redresse quand même la tête à un moment donné. Faut aussi que je vous dise que je vais briguer le mandat pour être directeur de la section des urgences de l'hôpital. L'actuel part à la retraite, et nous sommes trois en compétition. Cela sous-entend que durant cinq six semaines, si on veut se voir, ça sera dans mon bureau. Et en prime, mes étudiants vont entamer la rédaction de leur thèse donc être aussi disponible pour eux également. Mais j'aimerais quand même garder contact avec l'extérieur et définir un jour dans la semaine où vraiment, je dois couper mon téléphone et être à vos petits soins. Lequel vous arrangerez ? Était-ce pour ça que je me faisais docile ? Les prochaines semaines allaient possiblement mettre notre relation à l'épreuve ainsi que mes nerfs. Mais je me surprends à vouloir les mettre en première ligne dans ce futur remue-ménage. C'est là que je réalise à quel point, je tiens à eux alors que d'ordinaire, je n'aurais jamais demandé ceci, plutôt tais-toi et sois patient. La pilule posée, je reprends la réalisation de mon repas, dandinant en rythme et sans lascivité.

L'engouement de Lexie pour nos vacances et la bonne humeur qu’elle dégage à cette idée est contagieuse. Je la laisse scander une de nos possibles destinations, grand sourire aux lèvres à ces jours qui se dessinent avec eux loin de notre quotidien. Il faut dire que ce n’était pas forcément facile le reste du temps de coordonner nos emplois du temps pour nous permettre de partir un week-end tous ensemble hors de la ville, même si ce n’était pas très loin. Si Lexie avait sûrement plus de libertés que nous sur ce point, moi, j’étais obligé de tourner régulièrement avec le reste de l’équipe sur les week-end, quant à Loyd… Son métier lui imposait souvent des horaires et des jours de travail complètement opposés aux nôtres. Alors forcément, cette optique est une pensée d'avenir délicieuse qui fera grandir l'impatience au fil de l'organisation de notre séjour. « Les deux sont possibles pour moi. La salle ne fermera pas, je vais juste embaucher quelques renforts, pour remplacer les vacanciers, donc je m'adapterais à ce qui vous arrange. La plupart m'ont demandé Juillet et Août justement. » Comme le souligne le médecin, on essayait de favoriser les étudiants et les parents sur ces points là.

C'est sans gêne que je regarde le médecin se rhabiller, déçu de voir ce corps parfait disparaître sous mes yeux. Enfin, partiellement. Je le regarde s'éloigner, tandis que je me repositionne pour pouvoir le voir sans pour autant bouger du canapé. Ce n'était pas le spectacle que l'on imaginait, mais ça restait plaisant pour les yeux. « Ce n'est pas aujourd’hui que ce fantasme se réalisera. » Que je lance amusé à Lexie, restée près de moi. « Mais on retentera, il finira bien par céder un jour. » Je ne désespère pas de réussir à le convaincre de nous faire ce plaisir un jour. Surtout que la version habillée était déjà très charmante.

Tête posée sur l’accoudoir du canapé. Je regarde Loyd s'affairer en cuisine calmement jusqu’à ce qu’il aborde un nouveau sujet, déjà moins bien plaisant que les vacances ou nos fantasmes sexuels. Etait-ce pour cela qu’il était si mielleux jusqu’à maintenant ? Le corps tout entier se redresse, le regard se fronce. Le meilleur ami en moi souhaite l’encourager sachant pertinemment tous les sacrifices qu’il avait fait pour en arriver là, mais le… petit-ami - et c’était toujours bizarre de penser ainsi - n’aimait pas l’idée qu’il puisse être si peu présent pendant des semaines. « Ca veut dire quoi, se voir dans ton bureau concrètement ? Parce qu’on est d’accord pour dire que la salle est de l’autre côté de la ville, et que si ça consiste à te voir une demi-heure par jour pendant des semaines, je risque de pas mal râler. Même si tu nous consacre un jour par semaine. » Je préfère être honnête avec lui sur ce que cette situation peut entraîner. Je ne parle pas de rupture mais oui, l’ambiance pourrait se retrouver tendue pendant quelques jours, le manque omniprésent. Et je me rends compte que certains points de notre relation ont bien changé. « Je suis content que tu sois en lice pour ce poste, hein. Mais on va aussi avoir besoin de te voir un peu plus qu’un jour par semaine. »

La perspective de partir en vacances avec les hommes de sa vie était parfaite, peu importait la date à laquelle ils partiraient. Si les employés de Jay et les collègues de Loyd allaient demander à ce que leurs vacances soient en juillet et août, le couple partira pour sa part avant ou après. En même temps, les deux mois impliqués étaient le rush pour la jeune femme. Elle aurait aussi beaucoup plus de facilités à partir en juin ou septembre, avec une préférence tout de même pour l’après-saison, pour sa part. Il ferait sûrement encore très beau à Chypre, de toute façon.

”- Peut-être plutôt septembre, si c’est possible pour vous !” remarque donc la demoiselle. ”Ma saison sera passée, comme ça. Juillet et Août ce n’est pas possible de mon côté non plus. Juin c’est envisageable mais il y a quand-même des livraisons de robes à ce moment-là donc…” explique-t-elle.

Autant partir l’esprit libre, la tête tranquille. Ils profiteraient bien plus de leurs vacances, comme ça. En attendant, ils profiteraient déjà de cette soirée les uns avec les autres, même si pour celle-ci ils n’auraient pas le plaisir de voir Loyd danser, ou pas comme Jay et elle-même l’avaient espéré. La demoiselle étire ses lèvres en un sourire, à la remarque de son cher et tendre.

”- Je vous aurais un jour, je vous aurais !” annonce la demoiselle en riant, reportant son attention sur la danse de Loyd, un peu plus loin. ”Il nous fait à manger déjà, on ne va pas se plaindre !” poursuit-elle amusée.

Mais ils avaient peut-être de bonnes raisons de se plaindre, de bonnes raisons de râler, à la lumière des révélations que fait Loyd et ses ambitions à l’hôpital, annonçant la couleur d’une nette réduction de temps à passer ensemble. La jeune femme fronce les sourcils. Cela ne lui plaisait pas beaucoup. Et de toute évidence, cela ne plaisait pas non plus à Jay, même si ce n'était que l'affaire de cinq ou six semaines. Cela commençait ainsi. Puis le nouveau poste entraînerait sûrement de nouvelles responsabilités et de nouveaux horaires, plus importants, sachant qu’il y aurait toujours les étudiants, en prime.

”- De mon côté je peux aisément me déplacer mais Jay a raison, on aura besoin de te voir bien plus qu’un jour par semaine ou dix minutes en coup de vent.” remarque-t-elle. ”Après on peut toujours envisager de s’installer ensemble pour maximiser le temps à passer ensemble mais…” elle hésite. ”Je m’inquiète aussi de l’après… Tu parles de cinq ou six semaines mais qui dit nouveau poste dit aussi que tu auras plus d’obligation, si tu l’obtiens. Ce que je te souhaite de tout cœur, bien sûr.”

L'espoir de réaliser leur fantasme reste en suspens. Je veux pas me bruler et aller expliquer à mes collègues que e m'étais soumis à mes tiers. Cela dit, BabyFace se montre plus indulgente et je lui envoie un baiser au loin et un clin d'œil .. à notre homme. On se cale, le mois de Septembre pour partir à Chypre. Et je suis ravi qu'on ait réglé cette affaires.

Place au sujet sérieux. Mes propos pouvaient paraitre rudes .. Non, ils le sont. A leur place, ça me refroidirait. Mais je n'ai pas le choix d'être transparent. Les prochaines semaines vont être tumultueuses. Et rien que déjà les préparer et leur accorder du temps, je sais qu'ils ont obtenu une part importante dans ma Vie. Y'a encore quelque temps, je ne me serais pas encombré de nous préparer un timing à peu près satisfaisant.

Quand bien même, je cuisinais, j'écoutais avec attention les doléances, laissant mon cerveau faire son œuvre quant aux décisions à prendre. L'homme grince des dents. Bah il va nous falloir un endroit à mi chemin entre nos trois boulots et davantage de temps et de jours visiblement. Je résume sa pensée pour que ce soit clair pour tout le monde enfin surtout pour moi. Fallait que je traite leurs demandes comme celles de clients. Bon, c'est bof mais je sais pas comment gérer sinon.

Temps d'arrêt à la proposition de Lexie. Je relève le regard doucement vers elle, sentant le corps se crisper. Pas de mouvements brusques, on respire, ça va bien se passer. Je préfère passer sous silence l'emménagement, je suis pas prêt du tout. Enfin, deux trois nuits dans la semaine oui, les voir envahir mon espace, gniaaa non ! Par la suite, oui, j'aurais deux trois mois pour m'y faire, pour commencer mon équipe et m'habituer à mon poste mais je serais déjà plus souple sur le rythme, parce que je serais le Roi.. Tentative d'alléger la suite des évènements. Donc que me proposez-vous exactement ? A part vivre ensemble, mais je peux pas le refuser d'emblée.

Je tire la langue, amusé, à Loyd en réponse à son clin d’oeil qui répondait déjà à mes râlements sur le fait que ce n’était pas aujourd’hui qu’un de mes fantasmes se réaliserait. Quoique, on en avait déjà assouvi un il y a plusieurs minutes, qui se reproduira sûrement à l’avenir. Et rien que d’y repenser, je bandais à nouveau. Oups ! Heureusement, le corps allongé sur le canapé, cela ne se voit pas trop, même si ça m’aurait bien donné une excuse pour chauffer notre homme en cuisine. Mais je me devais de rester sage, surtout, si je voulais manger et non pas qu’on aille aux urgences.

Pourtant, le sujet des urgences est rapidement abordé, mais d’une façon plutôt inattendue. Je regarde Loyd, me redressant un peu, ne me souciant plus que mon excitation soit manifeste, puisque celle-ci venait clairement de redescendre. Mon regard se pose sur lui, le visage quelque peu fermé. La possibilité de ne pas voir Loyd pendant plusieurs jours ne me rassure pas vraiment, il faut bien l’avouer. C’était encore récent, ça, nous trois, et même si ma relation avec lui avait montré par le passé qu’on en était capable, cette fois, c’était bel et bien différent, puisque qu’il n’était pas question que de nous deux, ni juste d’amitié. Je fais ouvertement part de mes craintes, sans vraiment prendre le temps d’y mettre les formes. Ca me faisait déjà chier pour nous trois, et je n’allais pas m’en cacher. « C’est quoi pour toi un endroit à mi-chemin entre nos trois boulots ? Un hôtel, un café ? » Ou un appartement, comme le proposait Lexie ? Je reste bouche bée en me tournant vers elle. Je l’avais pas vu venir ça. Et naturellement, je viens me demander si on est prêt pour cela.

Comme le médecin, je ne dis rien pour le moment, attends déjà de voir ce qu’il en pense, mais il occulte complètement cette proposition. Comme ça c’était clair… Je me lève et attrape mes vêtements, commençant à me rhabiller. « Alexandra vient de faire une proposition, mais visiblement, il n’en est même pas question. » Ma voix est sèche, teintée de déception. « Alors je suppose qu’on va juste devoir attendre que le Roi daigne avoir du temps à nous accorder. » Autrement dit, on allait devoir prendre notre mal en patience, qu’on le veuille ou non. C’est peut-être injuste comme réponse de ma part, mais s’il ignorait certaines des propositions car elles n’étaient pas à son goût, c’est sûr que la discussion ne donnerait rien. « Ok, c’est surement un grand pas pour tout les trois, et je suis pas sûr qu’aucun.e d’entre nous soit vraiment prêt pour, mais ça vaut peut-être mieux d’en parler plutôt que de passer des mois à attendre que t’ais un trou dans ton planning pour te rappeler qu’on existe non ? »

Un endroit à mi-chemin entre leurs boulots, voilà qui ne veut pas dire grand-chose. Si la jeune femme est assez mobile, n’ayant guère d’horaires à respecter, en ce qui concerne les garçons, en revanche, la situation est un peu plus compliqué. Si Jay est son propre patron, il n’en reste pas moins que la salle de sport est de l’autre côté de la ville, par rapport à l’hôpital. Cela sous-entendait se retrouver où, exactement ? Et combien de temps ? Une perspective incertaine qui ne lui plaît guère. Et qui ne semble pas davantage plaire à Jay, lequel exprime son désaccord, expose ses craintes, à coeur ouvert. Un endroit à mi-chemin, ça voulait dire quoi, au juste ? Voilà qui ne réglait pas la question du temps, même si Loyd propose de trouver davantage de temps à passer ensemble. Le tout restant de savoir comment ils pourraient s’y prendre s’il avait tant de travail qu’il l’avait laissé entendre et ce, bien sûr, sans être un frein à sa carrière, ce que la blonde ne désirait pas être ?

Si l’endroit où se retrouver et le temps à passer ensemble devait être si problématiques, peut-être qu’ils devaient revoir leur manière de vivre. Réfléchir à un grand pas dans leur histoire. Un pas peut-être un peu précipité, qu’elle évoque finalement. S’installer ensemble. Même elle en est surprise. Même elle ne se serait pas attendu à ce que le sujet soit abordé si tôt. Encore fallait-il qu’il soit abordé. Ce n’était pas dit. Loyd, pour sa part, renchérit comme si elle n’avait rien dit, se contentant d’apporter une réponse sur l’après, s’il avait le poste, avant de demander des propositions. Lexie ouvre la bouche, avant de la refermer aussitôt, sciée. Est-ce qu’ils en étaient vraiment encore là, à ne pas être capables de communiquer ? S’enfonçant un peu dans le canapé, la demoiselle soupire. Et c’est Jay qui craque le premier, évoquant l’appartement sur lequel Loyd avait préféré garder le silence.

Enfoncée dans le canapé, Lexie garde le silence, incapable de rien dire comme Jay continu de parler, laissant éclater sa déception en même temps que ce qu’elle prend pour de la frustration. Et elle le comprenait, elle le comprenait parfaitement. Pour elle aussi, ces perspectives étaient inquiétantes, angoissantes. Et l’absence de réponse de Loyd était frustrante.

”- Je dis pas… que ça soit la solution parfaite. Ou que c’est pas… un pas conséquent mais… si on doit passer des semaines à se voir en coup de vent, ça vaut peut-être le coup qu’on y réfléchisse, avant de tout détruire, non ?”

Parce que le risque, pour elle, était là. A quel point étaient-ils forts pour lutter contre ce manque de temps ? A quel point leur histoire, déjà bien particulière, pouvait-elle tenir cette cadence, ce rythme ? Et en même temps, peut-être que la cohabitation, à ce stade, était tout aussi critique. Elle n’en savait rien, pas plus qu’eux finalement. Et c’était angoissant. Très angoissant.

”- En soit… Si tu as tant de travail que ça, tu n’y seras peut-être même pas si souvent au final, dans cet appartement.” suppose-t-elle, en l’imaginant déjà scotché à sa chaise au travail, sauf un jour par semaine. ”Ou on peut envisager une alternance ? Genre… Moitié de la semaine chez toi, moitié de la semaine chez nous ? Je ne sais pas, ça serait envisageable ?” propose-t-elle. ”Par exemple on pourrait dire qu'on vit ensemble le vendredi, samedi et dimanche seulement ? Ou j'sais pas...” souffle-t-elle.

Elle sait juste qu'elle n'a pas envie d'être une option dans la vie de l'un comme dans celle de l'autre.

Je les ecoute attentivement, mettant tout à mijoter. Dans trente minutes, les panses vont être remplies. Je contourne l'ilot de la cuisine pour me rapprocher des deux et me coller contre, les bras croisés. Faire preuve de diplomatie parce que je l'admets, dans la sphère privée, j'ai plutôt envie de les envoyer chier quand je comprends que l'un ne remarque pas l'effort que je fais tant dis que l'autre se montre plus raisonnable. Et je n'aurais pas parié dans ce sens là. Comme quoi, on peut toujours être surpris. Je me racle la gorge, rassemble mon opinion et me lance. Effectivement, vivre ensemble de manière permanente est une trop grande étape pour moi. Tout comme me mettre en couple, l'a été et m'a demandé quelques temps d'adaptation. Alors à l'heure actuelle, allez dormir les uns chez les autres me plait beaucoup et muer doucement vers une solution plus définitive serait plus à mon aise. Pardon de ne pas vouloir me précipiter à ce sujet, j'apprécie de m'engager durablement quand je me lance dans une relation. Et Jay, au lieu de dire de la merde, tu pourrais être encourageant, tu sais combien d'heure, de vacances, et autres j'ai sacrifié pour toucher mon rêve du bout des doigts et il est proche. Tu préfères que je me donne à fond, te privant de cul deux trois dans la semaine ou que je la joue à l'aise mais qu'on se voit tous les jours ? Je suis certain que tu vas apprécier de me voir faire la gueule parce que j'ai des regrets. Alors avant de dire de la merde, évalue les enjeux. Parce que si je vous en parle là, c'est justement, parce que la période va être tumultueuse et que je ne veux pas que vous vous sentiez négligée. Je propose des idées, parce que j'ai toujours été dans le monde médical et qu'on vit constamment sur le pouce. Donc si tu n'es pas capable de faire des suggestions afin de convenir d'une solution qui nous va, va mettre la table. Je vais pas tolérer que tu remettes mes choix de carrière et ma vie privée. Si vraiment vous n'existiez pas, cette conversation n'aurait pas lieu d'être et je vous laisserais dans l'ombre. Si c'est ce que tu veux dis le et y'aura rien à mettre en place. Si ça vous emmerde de sortir avec un médecin urgentiste, trouvez quelqu'un d'autres mais je sacrifierais pas ma carrière, j'ai bossé dur pour l'avoir et je ne m'en cacherais pas. Je tâtonne encore pour concilier tout. Y'aura des loupés, des échecs, des réussites. Si vous n'êtes pas prêts à les vivre, ça va être compliqué pour notre avenir. Et visiblement, nous sommes que deux sur trois à l'envisager. Si pour vous se voir en coup de vent, c'est tout détruire alors effectivement on va détruire notre couple, parce que c'est aussi notre quotidien qui nous attend. J'aurais des jours, des nuits, des semaines et des mois compliques autant que calmes. Si là, je brigue un poste important, qui pourra m'aider à m'épanouir, ça vous semble insupportable, je vous le redis, va falloir revoir vos choix de mec. Je veux bien entendre tout ce que vous me dites, je suis prêt à vous voir autant de fois que je le pourrais, mais oui ça va être tumultueux dans les prochaines semaines avant de trouver un rythme de croisière et rester auprès de vous. Enfin vu les mots que vous employez, c'est celui qui voulait pas être en couple, qui semble davantage s'engager. Je les regarde tous les deux, puis retourner touiller ma casserole. Je n'avais pas de colère, et je pouvais comprendre leurs réticences mais c'était que le début de la bataille avant la victoire. Et je donnerais tout pour être le Roi.