Il se gratte la tête négligemment en rigolant un petit peu. " Je crois pas que je sois connu pour ma délicatesse de toute façon. Je suis trop honnête pour ça. Tu peux me faire un procès si tu veux." Il hausse les épaules avec un faux air indifférent. En tous cas, il comprend qu'il va lui falloir du courage pour avoir ne serait-ce qu'un semblant de conversation avec Rose qui ne soit pas juste un méli-mélo de phrases sibyllines pour gagner du temps. Il espère que le mystère sera suffisamment opaque pour le détourner un peu de la drogue. Putain, il a vraiment envie de sa clope maintenant. Toutes les bonnes conversations ça lui donne cette impression que ça serait mieux avec une clope au bec et une petite bière. C'est plus fort que lui, sans doute une mauvaise habitude. Quoiqu'un petit joint aussi ça aidait bien à délier les langues quand on y pensait.

" Je suis un sauvage moi parfois je mets juste les céréales donc je ne saurais pas te répondre. Faut pas croire mais je suis un rebelle tu sais Rose. " lance-t-il avec son faux air goguenard qui lui colle si bien à la peau qu'on dirait que ça a été forgée sur son visage comme un masque. Il incline légèrement la tête à sa question incertain quant à ce que serait la réponse à donner à cette question. Il n'a rien contre danser et clairement il a dansé plus d'une fois en soirée mais est-ce qu'on pouvait appeler se dandiner bourré à trois heures du matin, danser ? C'était une bien vaste question. " J'aime danser même si je ne sais pas si on peut vraiment appeler ce que je fais danser. Parfois on dirait plus un pantin désarticulé." Il n'a aucune idée de pourquoi elle a posé cette question. Et comme à chaque fois avec la jeune femme, une question ça en pose 750 000 de plus dans sa tête.  Est-ce qu'elle dansait ? Est-ce qu'elle avait pris des cours ? Est-ce qu'elle aimait juste danser pour elle ? Toutes les questions arrivaient dans son esprit dans un merveilleux chaos. Pourtant, il ne voulait pas en poser une tout de suite. Il se contenait de la regarder dans les yeux comme s'il pouvait y lire la réponse. Comme s'il pouvait comprendre ce qu'elle attendait de lui. Comme s'il pouvait savoir s'il avait donné la bonne réponse. Inconsciemment il s'était un peu rapproché pour lui faire face. "J'aimerais bien qu'on danse." avait-il soufflé à moitié pour lui, à moitié pour elle sans bien s'en rendre compte. Sans se rendre compte de ce que ça pouvait sous entendre. Sans savoir pourquoi il avait dit ça avec une telle spontanéité, un tel naturel. Il se reprit malgré lui. " Enfin en dehors de ce contexte évidemment." rajouta-t-il paraphrasant sa réponse. Transformant leur conversation en parfait parallélisme. Ayant envie de poser mille questions mais incapable de se détourner comme il était incapable également de continuer la conversation comme si de rien n'était. Dans l'expectative d'une réaction, dans l'attente de quelque chose, d'un geste, d'une parole pour savoir ce qu'allait être le ton de la suite de la soirée. Et pendant tout cet échange, il ne l'avait pas quitté des yeux.

La réponse du jeune homme à sa fausse question tire à Rosie un vrai rire. Qui résonne assez fort pour qu’elle ait le réflexe de plonger ses lèvres dans l’eau pour se faire taire. Mais il a raison, Adam, un rebelle, un dissident. Carrément sauvage à ce point-là. D’autant qu’elle ne comprend pas le goal de mettre des céréales dans un bol vide. Autant taper directement dans le paquet. Enfin … elle lui fera part de ses réflexions demain matin au petit-déjeuner. Nom de dieu. C’est que le premier jour en compagnie du jeune Sintclair. Elle est déjà sûre et certaine de ne pas s’ennuyer un seul instant la petite Rosie. Et elle s'ennuie encore moins qu’elle ne l’a prévu la seconde précédente. Passant brusquement de l’amusement à l’imaginer se désarticuler sur de la musique électronique à un drôle de flottement laissé par la suggestion d’Adam.

_ … qu’on danse ?

Elle répète bêtement, à mi-voix. Soudain perdue dans les iris bleus qui lui font face. Sous ces foutus sourcils en broussailles. Mêmes regards, elle ne peut pas s’empêcher d’y penser. Dans la forme. Mais les lumières qu’elle voit danser sur la rétine du fils ont peu en commun avec celles du père. Beaucoup plus … chaudes. Elle contracte la mâchoire, Rosie, première réaction physique avant que son cerveau ne se remette en marche. Adam brisant le flottement avant elle.

_ Evidemment … qu’elle répète encore.

Il devient soudain tout aussi évident pour la jeune femme, qu’elle va devoir s’en griller une en cachette en remontant. Elle qui pensait pouvoir tenir au moins la journée sans cigarette … C’était sans compter sur la personnalité si particulière d’Adam. A la fois sauvage et étonnement peu farouche. Au contraire, même. (Le contraire de papa.) Rosie finit quand même par incliner la tête sur le côté, se fendant d’une réaction plus normale, d’un contrôle plus “Rosie” avec un mince sourire et un :

_ Mais dans ce cas, ça pourrait faire partie de ta liste de nouvelles choses à faire. Apprendre  à danser.

Sur ce, elle se hisse sur le rebord de la piscine. Les doigts courant machinalement le long de sa jambe gauche avant qu’elle ne se relève et ne file s'envelopper aussitôt de son kimono rouge. C’est l’heure pour Rosie de quitter la scène. Le jeu risque d’être plus éprouvant que prévu dans les jours à venir. Alors elle préfère ménager ses forces.

_ J’vais me coucher, et sans vouloir commander tu devrais en faire de même. Et demain matin on compare nos listes. Dix trucs à faire c’est ça ?

Après avoir pris la décision de faire une liste, ils sont remontés tous les deux se coucher. Adam n'a pas sommeil, il n'est pas spécialement tard et cette idée de liste, ça l'intrigue suffisamment pour le garder éveillé. Il attrape son paquet de clopes et commence à fumer. Il aurait bien besoin d'un autre type de remontant mais bon vu qu'il n'y a pas de soirée à l'horizon, il devra vivre avec. Ce n'est pas comme si ça lui manquait. Il avait dit à son père qu'il n'était pas un addict et qu'il pouvait vivre sans. Il se montrerait à la hauteur de ce qu'il avait dit lui susurrait son ego. Bien que ce fut un de ces cas où l'on essayait de se convaincre de quelque chose qu'on savait faux par essence. Au fond, il se doutait de la vérité de la situation mais n'était pas disposer à l'admettre. Il regarda le bout de papier se rendant compte qu'il n'avait jamais pris le temps de se poser pour savoir ce qu'il aimerait apprendre à faire. C'était comme s'il avait mené une existence entre parenthèses depuis un certain temps.

Son premier instinct lui avait crié d'écrire " Découvrir qui tu es." en s'adressant à Rosie mais il avait eu le sentiment que ça ne serait pas à son goût à elle alors il l'avait effacé. Comment faire une liste sans trop se compromettre. D'ailleurs, il n'avait pas pensé que ça puisse être compromettant que d'écrire une liste. Il regarde le papier, on voyait encore un peu ce qu'il avait écrit en filigrane mais il aurait fallu être très attentif au papier pour le déchiffrer alors il n'y fit pas vraiment attention. Il écrit la première chose évidente qui lui était venu.

1. Danser

Quelle danse ? Là, il devait admettre qu'il n'avait pas vraiment d'idées sur quel type de danse mais au pire, ils auraient à priori tout le temps de découvrir. En tous les cas, il voulait que ça soit quelque chose en duo parce qu'il voulait ressentir ce que ça faisait que de se connecter à quelqu'un au travers de la danse. Les idées lui vinrent plus rapidement que ce qu'il aurait pensé.

2. Découvrir ce que je veux faire de ma vie
3. Les origamis
4. Fabriquer quelque chose de mes mains (restaurer un meuble ?)
5. Se déguiser et participer à un carnaval
6. Faire une balade en barque
7. Faire une folie (un truc qui sort de l'ordinaire)

Ce n'était pas une demande très précise mais il n'avait pas encore bien établi la limite derrière cette idée-là.

8. Apprendre à parler italien

Le temps qui lui avait semblé extrêmement long lui sembla plus rapide qu'il ne l'aurait pensé.

9. Valider mon semestre en distanciel à la fac

Il était loin d'avoir assister à tous les cours, et probablement assez loin d'avoir le niveau mais il aurait bien aimé ne pas perdre six mois de sa vie à ne rien faire. Et puis de là, il pourrait peut-être se faire un plan de bataille plus précis pour le futur.

10. Comprendre Rosie.

Il n'avait pas pu s'en empêcher. C'était la première chose qu'il avait voulu écrire et au final c'était la dernière de la liste. Probablement, la plus impossible car la plus difficile. Toutefois, il n'était pas homme à se décourager. La nuit fut courte mais productive. Lorsqu'il se leva le matin, il alla s'installer à sa place favorite, toujours en caleçon, pour fumer sa petite clope du matin dans le salon. Il avait entendu des mouvements mais ne savait pas où se trouvait la jeune femme. En tous les cas, il l'attendait avec sa liste. Prêt à lui montrer même s'il se demandait combien d'éléments ils auraient en commun. Sans doute presqu'aucun mais ça avait le mérite d'être un jeu intéressant. Lorsqu'il entendit ses pas s'approcher, il lança :

" Alors, on fait la grasse matinée (ironie alors qu'il était déjà 11h et que lui venait de se lever) ? C'est que je t'attends pour la liste moi." finit-il sans se défaire de son éternel sourire amusé.

Dix trucs. Encore une idée de géni ça. Dix trucs à faire à Venise. Ou autre part ? Ils sont pas complètement coincés, non ? Et puis elle ne compte pas vraiment sortir son petit guide touristique et suivre les bus d’asiatiques dans tous les hot sports de la ville. C’est pas le genre Rosie. Elle doute que ce soit le genre d’Adam aussi. De se farcir tous les bâtiments historiques et musées de la ville. Et faire un tour en gondole. Quoique ça, elle est à peu près certaine qu’il aimerait bien Adam. La coincer sur une barque aux milieux d’un canal pour la cuisiner sans qu’elle puisse s’enfuir. L’idée la fait sourire toute seule dans le noir, et se retrouenr une énième fois dans son lit avant d’abandonner la course au sommeil et de se relever. Pour écrire cette fichue liste. Sur un vieux papier à lettre qui commence à décolorer. no idea de pourquoi elle trimballe encore ce truc partout, au lieu de l’avoir jeté il y a plus de dix ans. Quand elle a arrêté de s’en servir. Tant pis. Au moins, comme ça, elle pense à son père à elle. Un tout petit peu. Avant de tenter de trouver des idées qui ne fasse pas touriste de base. Mais la vérité, c’est que la plupart des trucs qu’elle a envie de faire … elle n’a pas envie de les faire. Genre … manger. Enfin les restau quoi. Mais. Non.

1. apprendre l'italien
2. plan Z
3. semaine musée à Florence
4. se baigner au Lido trois fois par semaine minimum
5. apprendre à naviguer
6. passer une nuit en mer
7. faire du shopping
8. lire tout conan doyle
9. se faire tatouer
10. refaire du sport ?

Voilà. Elle avait usé trois feuilles de papiers en changeant sans cesse d’avis, faisant disparaitre et réapparaitre des idées avant d’être agacée par les ratures et de jeter deux fois cette fichue liste. Quelle idée pourrie. Ok, c’était une excellente idée. Surtout pour Adam à qui ça pouvait aider de garder un certain cap si … si sa propre liste ne consistait pas à pécho de jolies donzelles, aller danser tous les soirs et se faire tatouer. Ah, non, c’est sur sa liste à elle ce dernier point. Oups. Elle se marre toute seule Rosie, en silence, se poste à sa fenêtre pour fumer et écouter la ville. Étrangement ponctuée par le bruissement caractéristique de l’eau juste en-dessous. Et puis elle retourne se coucher pour s’endormir bien plus vite cette fois.

Réveil en douceur, ni tôt, ni tard. Elle fait rapidement un tour des lieux pour s’assurer, à peu près, de la présence d’Adam dans la demeure (visiblement toujours en train de ronfler), et décide de profiter que monsieur “tous à poil” soit encore sous la couette pour retourner à l’eau. Et nager pour de bon cette fois-ci. Pas juste flottouiller en esquivant les questions et la proximité du jeune homme. Ok, elle exagère. Baignade terminée, elle file prendre une douche, nouer son éternel chignon savamment décoiffé et enfiler une paire de collants transparent avant de choisir quelle foutue robe ou ensemble uni (ou à fleurs youhou) elle allait enfiler. No need de demander pourquoi elle a ajouter “shopping” sur sa liste. Bref. Elle redescend en tentant de se persuader qu’un petit déjeuner, même à cette heure-ci, c’est bien. Sans remporter un franc succès mais de toute façon interrompue par Adam (en caleçon) (et en train de fumer).

_ Oh mais ça fait longtemps que je suis debout. tellement longtemps que j’ai déjà réglé deux points de ma liste.

“Bonjour”, apparemment, ne fait pas partie de leur vocabulaire ni à l’un, ni à l’autre. Rosie hausse les sourcils, un poil provocante avant de lui tendre sa liste à elle, soigneusement pliée en quatre.

_ J’espère que sur la tienne figure “s’habiller”.

Bim. De bon matin. Mais elle lui sourit sans défi aucun cette fois, et garde sa main en l’air pour désigner le papier à lettre fleuri du doigt. Une petite explication de mise.

_ Le plan Z c’est un truc que j’ai prévu pour toi en cas de nécessité. Mais c’est aussi un truc que j’ai personnellement très très envie de faire. Mais tu n’en sauras pas plus pour l’instant.

Elle ne sait pas si c’est d’une auréole ou de cornes rougeâtres dont on l’aurait affublée dans un dessin animé, à cette annonce. Mais certainement l’un des deux. En tout cas, elle ne baisse toujours pas les doigts, et fait pivoter sa main la paume vers le plafond.

_ Je peux voir la tienne ?

Il soupire comme un enfant. Drôle d'image d'ailleurs d'un enfant avec une clope au bec. " Oh mais tu triches, tu m'as même pas attendu pour commencer." lance-t-il en prenant un faux air boudeur. "Je pense que nous devrons parler plus tard de la compensation qui devra s'imposer."[/color] lance-t-il avec le ton sérieux de l'homme qui dit des évidences.  Il la laisse continuer à parler impatient de pouvoir découvrir sa liste à elle.  

"Je suis habillé. J'ai un BOXER." répond-il avec un demi-sourire signalant par la même occasion qu'il n'a pas prévu de vivre autrement qu'à poil quand il le peut et habillé lorsqu'il le doit. Il rajoute négligemment. " La pudeur, c'est un construit social." comme si ça lui donnait une légitimité à passer sa vie à poil et qu'en plus, si si promis, il y avait presque un message de contestation politique derrière. Il ne rajoute rien et attrape avec curiosité la liste pendant qu'elle parle du fameux plan Z. " Arh mais c'est pas très gentil de me tenter comme ça. Je suis curieux moi. " se lamente-t-il avec un air de chiot battu. Toutefois, il n'insiste pas parce qu'il aime un bon mystère, une bonne intrigue secondaire et de la nouveauté.

" Y'a plein de tes idées qui sont supers. Et la nuit en mer, je suis à fond partant. C'est vrai qu'on a l'océan pas loin !  Je vais peut être te voler celle du tatouage. Je n'y avait pas du tout pensé hinhin." ajoute-t-il avec un léger air de conspirateur. A sa phrase, il ne peut s'empêcher de se fendre d'un sourire faussement séducteur. " Oh mais tu peux voir la mienne quand tu veux Rosie." Toutefois, il n'en rajoute pas plus et tend sa liste à Rosie. Soudainement, il se sent un peu moins à l'aise que lorsqu'il faisait le malin quelques instants plus tôt. De l'avoir tendu à quelqu'un, ça lui donne l'impression qu'elle va la trouver débile ou se moquer de ce qu'il a écrit.

"On a pas mal de choses différentes, on fait commun ? On essaie de tout faire ou on fait une sélection entre les deux ?" Finissant sa clope, il la pose sur le cendrier observant intensément Rosie espérant qu'elle ne pense pas que ce qu'il propose est idiot. Il a vraiment trouvé que celle de la jeune femme avait l'air plus intéressante sur certains aspects que la sienne. " Alors, alors ? Qu'est-ce que tu en penses ?"  Pas patient pour deux sous, il ne peut s'empêcher de la relancer. " Et on fait quoi aujourd'hui ?"

_ Mais oui, mais oui...

Elle hoche la tête de la même façon que le ferait une mère qui n’écoute qu’à moitié les revendications grotesques de son gosse, en réponse aux arguments (?) d’Adam sur son droit à porter des boxers en public. Et lui file sa liste, qu’il découvre avec un enthousiasme non feint. ce qui la surprend un peu, elle qui la trouvait pas terrible terrible. Mais bon. Elle est marraine d'abstinence. Et avec son protégé du moment. Donc. Voilà.

_ Mmmh on pourra se faire des tatouages assortis, alors. Tic et Tac ? Tweety et Grosminet ? Timon et Pumba ? Je prends Timon.

Elle dit ça dans le plus grand des sérieux. Tout à fait solennellement. L’index en l’air pour marquer l’irrévocabilité de sa décision. Hors de question qu’elle soit le phacochère. Regard entendu, même si ses lippes se fendent quand même d’un sourire en coin quand elle attrape la morceau de papier tendu par Adam. Les paupières qui se plissent à cette splendide remarque.

_ Désolée. Ce n’est pas sur ma liste. Ni au programme de ton sevrage. Elle baisse les yeux sur le morceau de papier. Ni même sur ta liste.

Rosie hausse les épaules avec une moue exagérément désolée. Et puis baisse à nouveau le nez vers la liste qu’elle n’a pas réellement lu. Bien qu’elle y ait déjà entrevu “Rosie” inscrit dessus. Avec l’écriture d’un autre. Enfin d’Adam. C’est bizarre. Presque autant que les mots écrits juste avant. Elle frissonne, mais ne dit rien. Les vieux réflexes toujours ancrés dans chaque muscles pour sourire doucement, distraitement, comme si tout allait bien. Alors que l’angoisse et la pression serpentent le long de ses nerfs. Mais rien en surface de la jolie poupée de cire qui relève la tête, et creuse fossettes avant de reprendre la parole.

_ La sélection se fera toute seule à mon avis. Donc on a qu’à essayer de tout faire et on verra bien.

Ils verront surtout selon son état qui va se dégrader dans les jours à venir. Elle le sait, il doit le savoir aussi, mais elle a bien du mal à se concentrer là-dessus, Rosie, à regarder Adam s’agiter comme un enfant devant n sapin de Noël.

_ Je crois qu’on va commencer par une séance de yoga méditatif. qu’elle le nargue. Aujourd’hui on peut se trouver un prof d’italien déjà. Et puis aller faire les puces pour voir si ça t’inspire quelque chose à faire ? Et puuiiiis … si la nuit en mer t’emballe vraiment, on peut aussi voir pour booker ça. Avant que ça ne devienne plus compliqué.

Si. Le sujet est finalement abordé en surface. Et implicitement. A l’oral en tout cas, mais le regard que Rosie adresse au jeune homme doit être suffisamment éloquent. Parce que les histoires qui commencent par “c’est un junkie en manque sur un bâteau”, terminent rarement bien.

Elle est drôle Rosie. Elle a toujours l'air un peu sur la défensive mais il sent qu'au fond d'elle, c'est une nana plutôt fun, même peut être plutôt sauvage et que c'est pour ça qu'elle se contrôle autant. Pour ne pas déraper. Il ne saurait pas expliquer pourquoi il pense ça mais il le ressent. Il rit de son trait d'esprit se disant pour lui-même qu'il s'en foutrait d'avoir Pumba en tatouage ou même un tatouage nul. Parce qu'il ne doutait pas que le souvenir serait impérissable et puis ça faisait toujours des histoires à raconter. Il aimait bien avoir des histoires à raconter, c'est ce qui fait l'originalité d'une existence.  Il acquiesce à la réponse à sa question, trouvant cela plutôt sensé.  En vérité, ça coupait un peu la poire en deux, c'était pragmatique.

Il soupire pour la forme à l'idée de faire du yoga en répondant d'un air moqueur qu'il est d'accord s'il peut rester en boxer alors. Le reste du programme lui convient et surtout l'idée de pouvoir aller sur le bateau. Ça lui en donne une toute autre plutôt sympa même s'il espère que la jeune femme ne fera pas trop la tête à le voir proposer de s'amuser un peu. Enfin, de toute façon, il était partisan de l'idée qu'il valait mieux demander le pardon que la permission. Qui vivrait, verrait.

La journée passa avec une grande rapidité. Trouver un professeur d'italien fut étonnamment plus facile qu'il ne l'aurait pensé. Ou plutôt une professeur en l'occurrence. Elle s'appelait Livia et devait avoir environ le même âge que Rosie. A ceci près qu'elle était brune avec de longs cheveux et plus de courbes peut être. Non pas qu'Adam les aient comparés, il était plus gentleman que cela. Toujours était-il qu'elle avait montré un certain enthousiasme à pouvoir aider les deux compères à découvrir les plaisirs d'une nouvelle langue. Possiblement un peu trop mais il n'avait pas voulu s'arrêter à une supposition trop poussée. Après tout, les italiens étaient connus pour être un peu un peu séducteurs et chaleureux. Ce n'était probablement rien de plus que sa manière par défaut de fonctionner. Et puis, dans le pires des cas, ils aviseraient en fonction de la situation.  Livia avait apparemment un frère qui s'appelait Enzo qui viendrait la remplacer certains jours. Ça avait l'air d'être intéressant de pouvoir changer de professeur de temps en temps.

Après avoir déjeuné avec Livia, ils repartirent pour faire les magasins. Les puces se passèrent comme on pouvait s'y attendre avec beaucoup d'essais de vêtements divers et variés et pour le moins coloré. Adam s'acheta un boa en plume rose discrètement. Il comptait le porter négligemment le prochain matin qu'il passerait dans la villa. Vu qu'apparemment le fait qu'il soit toujours à moitié nu dérangeait Rosie, il faisait un effort en se couvrant voyez-vous. Dans cette même boutique, il acheta également un bracelet sans bien savoir pourquoi. Il l'avait trouvé joli, ça lui avait fait penser à Rosie même s'il ne comptait pas du tout lui donner. Evidemment, ce serait déplacé mais il n'avait pas pu se retenir. D'amusement en amusement, il fut bientôt dix-neuf heures. Ils se retrouvèrent sur la marina. Comme Adam restait tout de même fils de Sintclair, il avait loué un petit bateau avec un capitaine pour pouvoir gérer la navigation. C'était un mini yacht privatif. Un chef avait également préparé de la nourriture à emporter. Il faisait bon ce soir-là, l'air embaumait les embrumes marines.

"J'ai essayé de faire le moins cher que je savais faire. Je me suis dit que tu n'aimerais pas s'il y avait trop de décorum. Mais je pense que ça sera sympa. La nourriture vient d'un gastronomique du coin, ils ne font pas à emporter normalement mais ils l'ont fait pour moi, et le capitaine saura rester discret. A priori ils doivent nous emmener dans un spot très sympa à la tombée de la nuit avec des animaux marins qu'on peut voir."

Bon, ce n’était pas tout à fait à ce genre de shopping qu’elle s’attendait, Rosie. Plutôt portée sur les meubles que les vêtements, mais finalement, observer Adam essayer moultes pièces plus ou moins suspectes l’amusait. D’autant plus en fredonnant Thrift shop en fond de gorge. (Dommage qu’il fasse trop chaud pour le manteau de fourrure.) Et puis il méritait bien ça, au vu de tout l’enthousiasme qu’il mettait dans la réalisation de leurs projets, cours d’italiens déjà organisés avec la jolie Livia. (A surveiller d’ailleurs, elle. Sait-on jamais.) Rosie, elle, se dit qu’il faudrait peut-être qu’elle s’y mette aussi, vu que le shopping (et le relooking surtout) ça fait parti de sa liste à elle, mais dur dur de se trouver un style quand on passe la moitié du temps en uniforme (et l’autre en pyjama). Elle finit quand même par se dégoter un maillot une pièce rouge typique d’alerte à Malibu mais largement trop petit pour la silhouette des filles de ses séries. Mais pour elle c’est parfait. Et puis une robe blanche vintage jusqu’aux genoux, rendue semi-transparente pour le temps. Et puis un chapeau de paille un peu usé avec un ruban marine très usé qu’elle remplacera par du satin blanc en rentrant. Et bah voilà. Avec un chouille d’efforts, Rosie se retrouve équipé d’une tenue nettement plus adaptée à la sortie en bateau du soir que tout ce qu’elle a pû ramener dans sa valise. C’est donc ainsi vêtue qu’elle découvre le mini-yacht non sans un émerveillement à peine dissimulée. Elle écoute attentivement Adam en détaillant le navire du regard.

_ Oh nooo … moi qui ait accepté de m’occuper du fils d’un multimilliardaire (elle exagère) exprès pour pouvoir me baigner dans un jacuzzi, dans une piscine, sur un bateau.

L’inception de la baignade please. Elle appuie ses dires en traçant des ponts du bout de l’index, un sourire en coin avant de reprendre plus ou moins sérieusement.

_ Ca m’a l’air parfait. M’aurais-tu caché tes talents de tour opérateur ? Tu pourrais te lancer dans le tourisme de luxe personnalisé.

En posant les pieds sur le pont du yacht, elle réalise soudain qu’elle n’a absolument aucune habitude de se retrouver sur un quelconque navire. Mis à part deux ou trois tours en barques à Central Park, mais ça ne compte pas. Elle croise les doigts pour ne pas se découvrir intolérante à la navigation et dégueuler toute la nuit. Quoique ce serait franchement ironique qu’elle ait des soucis d’équilibration. Bref, elle cache ses doutes à Adam pour l’instant, se disant qu’il aurait bien toute l’occasion de la chambrer si elle se retrouve avec le mal de mer.

Salutation au discret capitaine puis tour du navire et la jeune femme se débarasse de ses affaires dans le euh, salon (ptn y a un salon dans un bateau wsh, oui ça l’étonne malgré que ce soit soit entendu dans le mot “yacht”) avant de retourner sur le pont. Appuyée contre le bastingage, elle regarde l’eau se faire aspirer sous la coque puis la cité des Dodges s’éloigner doucement d’eux.

_ Alors c’est ça la vie de riche ?

Qu’elle demande d’une voix douce, chambrant Adam d’un regard avant de détourner de nouveau les yeux vers l’Adriatique.

_ J’espère que tu ne profiteras pas de l’escapade pour te débarrasser de moi en m’envoyant par le fond.

Décidément, elle est de bonne humeur, Rosie. En même temps, elle compte bien profiter de cette soirée de répit pour eux deux. Et espère que le jeune homme en profitera au moins autant qu’elle avant … la suite.

Il lui lance un petit sourire en coin. Elle est plus sympa que ce qu'il aurait pensé. Quand on lui avait dit qu'il aurait le droit à une baby sitter, il l'imaginait avec un chignon et un air revêche.

"J'ai de multiples talents enfin Rosie, il suffit de me regarder pour le voir enfin !" lance-t-il avec un ton faussement outré. Il monte dans le yacht sans même y faire attention, la force de l'habitude. Cela fait longtemps que ça ne lui fait plus grand-chose. On s'habitue facilement au luxe. Alors qu'il s'accroche au bastingage pour se hisser, il sent des tremblements dans ses mains. Il n'a rien dit, fait tout pour le cacher. Cette soirée, il voudrait pouvoir profiter encore un peu.  Depuis ce matin, il a commencé à se sentir un peu patraque, genre un peu nauséeux. Il s'était dit avec ironie qu'il aurait sans doute dû passer un test de grossesse. Ça passera, faut juste pas s'attarder dessus, c'est comme une mauvaise gueule de bois.

" Oui, tu verras on s'habitue vite, un peu trop sans doute." Il va pour s'installer dans les fauteuils. Adam aurait bien aimé une bière mais par respect pour Rose, il n'a pas pris une seule goutte d'alcool. " ça dépend, si on arrive assez vite dans les eaux territoriales ou non." L'homme attrape une canette qui trainait dans un seau de glaçons et se tourne vers la jeune femme. " Ecoute, nous avons plein de types de soda différents, je te laisse faire ton choix." Sur ces mots, le bateau se met en branle. La nuit commence doucement à tomber. On peut apercevoir le soleil qui commence à descendre. Plus que quelques heures avant que l'obscurité ne vienne les enlacer. Le brun inspire et s'allume une cigarette.

"Il y a pire que l'Italie en tous les cas. Si on s'était retrouvé en Angleterre, je partais en courant dès le premier soir. La nourriture est vraiment dégueu là-bas. La  vie nocturne est sympa cela dit. Tu y es déjà allé ?" Faire la conversation, c'est un peu comme une seconde nature pour lui. Très extraverti de nature, il est capable de se faire des amis partout. C'est d'une facilité déconcertante pour lui, ça l'a toujours été. Dans ses amis, il a toujours eu plein de gens différents. Pour un riche, il a plutôt un bon capital sympathie, et le capital paternel est une bonne aide aussi. Force lui était de constater que l'argent ça rendait quand même pas mal de service. " Demain, j'ai pris rendez-vous avec la prof d'italien, ça te convient ?" S'il ne se sent pas trop fatigué, parce que là il est épuisé. Comme s'il avait couru un marathon, mais il essaie toujours de garder une bonne façade. Son corps n'est pas dans son état normal. Il aurait bien aimé avoir un peu d'ecsta ou un taz. N'importe quoi pour faire repartir un peu son corps. Il aime pas se sentir dans cet état d'épuisement. Il espère qu'elle ne s'en rendra pas compte. Pas maintenant. Et puis c'est quoi cette sensation dans la poitrine ? Il s'allume une second clope comme si ça pouvait faire passer son malaise. Pourtant ça fait même pas trois jours qu'il a pas pris un truc.  Après un moment, il finit par lui demander. " T'avais d'autres propositions que de venir aider un gosse de riches bon à rien comme moi ?" Toujours avec un sempiternel sourire, comme si ça n'était pas grave de dire les choses comme ça. Après tout, c'était la vérité.

Elle tire une moue dubitative, Rosie. Pas certaine d’avoir très envie de s’habituer au luxe, même si elle l’a souvent côtoyé de près. Disons qu’elle y a presque toujours trouvé un côté malsain. Bien malgré elle.

_ Oui j’ai eu l’occasion d’y aller quelques fois pour … le travail. J’ai pas vu grand-chose de Londres, mais j’y ai passé quelques nuits mémorables.

Elle a trébuché, Rosie, avant d’opter pour le mot “travail” sans bien savoir pourquoi reste aussi réticente à formuler clairement les choses. Après tout ce temps. Bref.

_ En tout cas, on a évité la communauté amish, c’est déjà pas mal.

Enfin, il a évité la communauté amish. Monsieur S ou pas, si c’était la destination qu’il avait choisie pour son fils, la réponse aurait été : nope. “Yes.” par contre à la question d’Adam. Il se tient occupé, et c’est bien. Ou alors c’est suspect. Pour un type qui trainait ostensiblement des deux pieds à leur rencontre, il avait l’air soudain vachement motivé. Alors soit ça tenait du talent naturel de meneuse d’homme et d’ambianceuse de Rosie. Soit ça tenait d’un besoin impérieux de s’occuper les mains et l’esprit. Et bien entendu, Rosie penchait pour la première option. (Non, c’est faux.)

Pof ! Le bout du pied de Rosie vient percuter doucement le tibias d’Adam pour le “sermonner” de sa petite autoflagellation gratuite. Va falloir qu’il arrête avec cette mauvaise habitude. Ça n'a pas l’air bien violent comme ça, mais c’est clairement l’une de ses petites habitudes toxiques qui passent ni vues ni connues dans les habitudes et qui sont terriblement corrosives. Ce n’est pas franchement le moment de lui faire la leçon, elle préfère répondre à sa question, mais les coups de pieds en guise de remontrances, ça lui parait pas mal à Rosie. Surtout que ça a plus l’air d’être le style d’Adam (et qu’il n’a pas dû se prendre beaucoup de coups de pieds au cul dans sa jeunesse lui, haha.)

_ Non. En fait, j’étais en train de finaliser un contrat quand mon père est décédé, donc c’est tombé à l’eau. Et j’ai plus rien fait ensuite. Jusqu’à la proposition de Monsieur S.

Oups. Ça lui a échappé. Tant pis, autant en jouer. La jeune femme lance un regard en biais plein de mystères au jeune Sintclair en lui piquant briquet et cigarette. Presque avec des airs de méchante de James Bond, revenus d’une autre vie, accentués par la lumière fugace de la flamme près de son visage. Inhalation, puis expiration lente, la fumée sortant à un rythme presque naturel de ses lèvres et de ses narines en même temps. Mode bad girl activée jusqu'à ce qu'elle s'étouffe à moitié Rosie. Toussant, râlant, et se marrant en même temps.

_ Eww jsuis trop vieille pour ces conneries. Par contre …

Y en a d'autres pour lesquelles ça va encore. Elle tend le cou pour examiner l'eau puis le ciel avant de se tourner de nouveau vers le jeune homme.

_ Ça te dit de te baigner ? Ou on attend qu'il fasse nuit ?

Même pas peur wsh.