" Je n'aurais pas pensé que vous ayez des goûts aussi onéreux. J'en serais presque surpris." Il rit tendrement à sa remarque. Il n'y avait rien de méchant dans sa taquinerie, tout au plus une petite boutade. Il en connaissait des nanas qui s'en achetaient un par semaine de sac comme ça et sans sourciller. D'une certaine manière, il considérait que c'était du gaspillage. Elles dépensaient le salaire moyen d'une personne dans quelque chose d'aussi futile qu'un sac. Le pire c'était sans doute lorsqu'elles paradaient avec le dit sac comme si c'était quelque chose d'exceptionnel. En vérité, elles étaient aussi blasées que lui si ça n'était pas plus. Derrière tous ces cadeaux, elles se muraient dans l'idée que peut-être papa les aimait plus qu'il ne le laissait penser parce qu'après tout il avait quand même donné sa carte bleue. La vérité était souvent autre. Pas que tous les pères riches soient d'immondes connards mais ils étaient souvent trop occupés pour se rappeler qu'ils avaient des enfants. En général, ils n'étaient que peu présents voire anecdotiques dans leur vie. La plupart de ses connaissances avaient plus de liens familiaux avec l'aide de maison qu'avec leurs propres parents. D'une certaine manière, c'était aussi dans cet optique qu'ils étaient choisis.

" Je vois. Je suppose que je n'y avais pas assez réfléchi."Brusquement, la réalisation le mit nettement moins à l'aise. S'imaginer devoir changer son mode de vie loin de ses potes et tout couper pour une remise en question, c'était pas vraiment le plan. L'idée c'était que lorsqu'il reviendrait dans plusieurs mois, il puisse juste reprendre sa vie comme avant et que son père ne lui coupe pas les vivres. Pas de se retrouver à devoir réfléchir sur sa vie et sur ses actions pour se trouver des objectifs que ça soit à court ou à long terme. En vérité, ça lui convenait bien de ne pas avoir à prendre ce genre de recul.  Il réalisait un peu trop tard que les choses ne seraient probablement pas aussi simples qu'il l'avait anticipé.

"Va pour le tourisme alors, ça nous occupera bien un certain temps. Heureusement, on a quand même internet et toutes les commodités habituelles. Je suppose qu'on va devoir se faire des soirées pyjamas. On se racontera nos secret entre copines, ce n'est pas grave."

Sans bien y réfléchir Adam paya la glace avec un peu d'espèces qui lui restait. Son père avait suspendu son compte et sa carte bleue jusqu'à ce qu'il aille mieux. Une manière comme une autre de le forcer à obéir. Malgré tout et bien qu'il avait prévu de garder les sous qu'il avait au cas où, il avait envie de faire plaisir à Rose. Il lui offrit la glace qu'elle voulait et en prit une également pour lui. Ils se retrouvèrent sur un des innombrables ponts de la ville à la déguster.  

" On devrait aller goûter la gastronomie italienne alors ce soir, puisqu'on est là. Autant en profiter. Et qui sait, peut-être que je taperais dans l'œil d'une petite serveuse mignonne." lança-t-il après un bref clin d'œil taquin. Cela ne lui avait pas été formulé clairement mais il supposait que l'abstinence faisait également partie de sa pseudo thérapie. Ce qui le peinait un peu également maintenant qu'il s'en rendait compte. Le temps allait sembler plutôt long. A brûle-pourpoint, il rajouta :
" Et si on apprenait l'italien Rose ?"

La bonne nouvelle, c’est qu’elle n’avait pas essuyé un refus catégorique, une colère ou une quelconque autre forme de réaction négative de la part d’Adam. Vis à vis de cette réflexion. Changer de vie dans le fond, au-delà de la forme. La mauvaise nouvelle, c’est qu’elle n’avait pas essuyé un refus catégorique, une colère ou une quelconque autre forme de réaction négative de la part d’Adam. Et que cela ne laissait rien présager de bon non plus, puisqu’elle allait forcément se heurter à ses résistances à un moment donné, même si ce n’était pas maintenant. Sauf si monsieur S avait dramatisé la situation concernant son rejeton. Mais ce n’était pas le genre de l’Homme. De ce qu’elle en savait en tout cas. Bref, pas d’orage pour l’heure, mais il continuait de se profiler à l’horizon. Mais pour l’instant, Rosie se contente de choisir parfum amarena et de classer dans l’ordre de priorité les autres parfums qu’elle compte bien engloutir le temps qu’elle restera ici. Avec ce drôle d'énergumène et ses commodités habituelles d’internet, qui lui font hausser un sourcil presque moqueur. L’esprit mal tourné, Rosie, l’esprit mal tourné. Ou pas. En tout cas, elle rit quand lui propose une soirée pyjama.

_ Oh mais je compte bien connaître la plupart de vos secrets. Pour les miens par contre, il va falloir que vous ramiez un peu.

Ce qui est un euphémisme pour lui dire qu’elle lui dira que dalle à moins qu’il n’en découvre des morceaux d’une façon ou d’une autre et qu’il fallait tirer les choses au clair. Mais elle préfère laisser miroiter un semblant de “peut-être”, parce que personne n’a envie de se confier à quelqu’un qui ne confie rien. Sauf peut-être un thérapeute, okay, mais faut-il encore y aller de son plein gré. La jeune femme l’écoute s’illusionner sur ses charmes ravageurs en secouant doucement la tête.

_ Ce serait surtout dangereux que vous tombiez sous son charme. Je me retrouverai en compétition avec elle.

Attention, double sens.

_ J’veux dire. Pour vous avoir sous le coude et vous surveiller, bien sûr.

Quoi d’autre ? Rosie lève les yeux au ciel. Évitons de lui coller de drôles d’idées dans le crâne à ce petit. Bref, ne nous attardons pas là-dessus.

_ Mais oui pour l’italien et la gastronomie. finit-elle par acquiescer dans un soupir. Je sens que je vais prendre 15 kilos… avec l’italien en plus, je n’aurais plus qu’à laisser parler mon mauvais caractère et je serai une vraie mama italienne. Voilà un exemple de projet à long terme.

Elle appuie ses dires avec un index en l’air, comme une prof qui aurait terminé une démonstration mathématique incroyable. Rosie sourit de toutes ses dents à  Adam et lui fait signe de la suivre. Miss Huntington ne fait que rarement les choses au hasard, et ne se laissait pas tout à fait portée par le vent dans les ruelles de Venise. Encore quelques pâtés de maisons et ils arrivent enfin sur la place Saint Marc, tout proche de la basilique qui étale instantanément un sourire ébahi sur les lèvres de Rosie. Elle continue encore un tout petit peu son chemin sur la place nettement plus encombrée par les pigeons que par les touristes pour faire bien face à l’édifice et à sa symétrie. Elle se plante là, les yeux grands ouverts et le duvet de sa nuque qui se dresse.

_ Parfait …

Ça lui échappe dans un murmure et Rosie pince ses lèvres en croisant les bras. Juste un peu gênant. Erm. Elle se tourne vers Adam et soudain elle se rend compte qu’il y a une chose pas si anodine que ça qu’elle ne lui a pas encore demandé.

_ Au fait, question purement professionnelle, vous êtes croyant?

"Il n'y a pas de soucis Rose. Vous savez, j'ai le goût du défi et j'ai apparemment tout le temps du monde." dit-il en se penchant avec un air de connivence sur le visage. Il aimait bien s'amuser de ses réactions, il voyait bien qu'elle était plus froide et plus réservée que ce qu'il était et le jeune garçon s'en amusait. Il fallait au moins un jeu un minimum intéressant pour l'occuper.  

Il la laisse se reprendre dans ses phrases avant de continuer. En compétition ? C'est vrai que ça pouvait être mal interprété dans l'oreille de celui qui a l'esprit mal tourné. Adam décida en accord avec lui-même qu'il y avait peut-être une petite action manquée de son côté. Sans doute qu'elle ne l'avait pas dit en pensant sous-entendre quelque chose mais le fait qu'elle se reprenne montrait bien qu'il y avait un peu anguille sous roche. A son sens, il y avait quelque chose d'amusant à en tirer. Pourtant, le jeune garçon savait parfois se montrer patient, aussi retint-il sa remarque où il lui demandait si elle serait jalouse. En revanche, il comptait bien dragouiller la petite serveuse mignonne s'il y en avait une. Histoire de ne pas perdre la main pendant sa période de vache maigre.

"Ce ne sont pas des kilos Rose, ça serait de l'amour voyons. Ne vous en faites pas, les femmes avec des formes c'est très séduisant aussi." Celle-là, il n'avait pas pu s'empêcher de la faire. C'était facile et ça lui venait si naturellement, alors pourquoi s'en priver en fin de compte.  Après moultes tours et détours sans aucun sens, Adam n'avait aucun sens de l'orientation, ils se retrouvèrent devant cette gigantesque église. Il n'était pas très versé dans la religion ni dans la découverte de monuments historiques alors il ne connaissait pas son nom mais il fut en admiration instantanément. C'était une place incroyable si on oubliait les pigeons qui se baladaient un peu partout. Enfin, même Paris avait son charme et pourtant ne manquait pas de pigeons alors on pouvait bien faire abstraction de ce détails.

" Croire en soi est-ce que ça compte comme une religion si on y croit beaucoup ?" lui répond-il avec un sourire tout fier de sa connerie sur le visage. Il lui laisse le temps de réagir avant de reprendre. " Pas spécialement non. Pourquoi vous l'êtes-vous ? Vous voulez rentrer visiter ? "

Elle ne lui fera pas part de ses avis sur les femmes avec des formes Rosie. En fait, elle n’en a pas. Celui qu’elle a, c’est un avis sur sa personne qui ne rentre plus dans un 36. Mais depuis le temps et les années de conditionnement, ce n’est pas comme si miss peau sur les os avait franchement le choix. Que ce soit en corps ou en esprit. Mais peu importe, elle se contente de secouer la tête avec une moue de désapprobation à l’égard d’Adam, avant de le conduire dans l’un des lieux les plus emblématiques de cette ville. Et devant cette fichue basilique qui la faisait frissonner des orteils à la racine des cheveux. La réponse du jeune homme à son interrogation lui tira un nouveau rire. Elle trouvait qu’elle riait beaucoup, Rosie. Peut-être un peu trop d’ailleurs, en compagnie de ce jeune homme tout à fait charmant (si l’on omettait certains penchants). D’ailleurs, et ça elle se garderait bien de le dire à voix haute, et même de le penser trop fort, il tenait clairement de son père à ce niveau. Oups. Elle secoue, encore, la tête avant de rétorquer.

_ Jusqu’à preuve du contraire, vous n’êtes pas encore un dieu, donc pour l’instant ça ne compte pas, non.

Pas encore. Faut bien lui laisser de l’espoir à ce petit. Il lui retourne, forcément la question. A celle-ci elle veut bien répondre, mais il ne faudrait pas qu’Adam prenne l’habitude de lui renvoyer toutes ses questions non plus.

_ Disons qu’on a un deal. Il ne me juge pas, et je ne Le juge pas.

Façon de dire qu’elle se contrefout de l’existence d’un être divin supérieur au temps t. Et si le jour de sa mort, y un type qui ose la juger, elle aura clairement des comptes à régler avec ce bonhomme. Ou cette bonnefemme. Ou ce chien. Ou peu importe ce qu’Il soit. Quoique non, pas un chien, c’est trop gentil pour être Dieu. Plutôt … une sorte de lézard à son humble avis. Mais elle accepte la proposition d’Adam pour visiter la basilique. Et ils restent un instant tous les deux sur le cul devant les murs … en or. Tapissés d’or, ok, mais bon l’impression est là. Et Rosie se fend d’une boutade en commentant que la famille Sintclair n’est finalement “pas si riche que ça”.

Ils ne rentrent qu’en fin de journée. Des boîtes de pizzas dans les bras pour le dîner. Ils méritaient bien ça après avoir passé la journée entière à crapahuter dans toute la cité des Doges, faisant une liste de leurs futurs activités touristiques. Ils avaient parlé de beaucoup de choses. Sauf d’eux-même. Que des banalités en somme; mais en tout cas, assez pour au moins partir sur de bonnes bases. Elle n’aurait pas parié là-dessus Rosie, au début de la journée, quand elle avait découvert le jeune homme en caleçon et la mine revêche. Mais c’est avec le sourire, ou presque, qu’ils retournent quand leur cage dorée. La jeune femme fait une escale boîte au lettres pour constater que les résultats d’analyses d’Adam sont arrivés. Mais elle attend qu’ils se soient installés devant leurs pizzas pour la lui tendre.

_ A vous l’honneur.

Après tout c’est son sang et sa santé, elle ne voit pas bien pourquoi elle lui grillerait la priorité.

"Vous savez vraiment rendre spécial même les moments les plus simples"glisse-t-il ironiquement avant d'attraper l'enveloppe. Il a déjà une petite idée de ce qui s'y cache mais c'est toujours un peu exaltant. "On dirait presque je vais découvrir si je vais pouvoir aller à la fac." Il regarde le papier un peu perturbé par la longue liste qui se présente devant lui. Il savait que certaines drogues prenaient plusieurs mois à s'effacer de l'organisme mais là il se donne l'impression d'être une armoire à pharmacie. Il lit un peu incrédule. " Kétamine, Cocaïne, MDMA, Cannabis, LSD" Il se souvient de certains mais il y en a d'autres qu'il n'a pas touché depuis longtemps alors il reste un peu interdit. Se demandant finalement si son père n'avait pas raison sur le fait qu'il y avait un semblant de problème. Il fumait déjà beaucoup pour son jeune âge, buvait comme une manière de bien commencer chaque soirée et s'oubliait dans la drogue pour la finir. Il aimait bien consommer ce genre de substances, ça lui permettait de ne plus rien ressentir et de faire le vide absolu dans son crâne.

Il n'avait pas vraiment envie d'arrêter. D'ailleurs, cela faisait une journée depuis qu'il n'avait rien consommé et il réalisa que ce soir il ne boirait pas non plus. C'était étrange de se dire qu'il ne ferait pas la fête ce soir, ça commençait doucement à le mettre un peu mal à l'aise sans qu'il puisse savoir pourquoi. Il aurait bien aimé avoir au moins une petite bière. C'était bizarre de tout arrêter d'un coup comme ça, surtout qu'une petite bière ça n'allait pas le rendre malade pour si peu. Il se décomposa un peu lorsqu'il réalisa que tout cela ne risquait d'arriver. Peut-être qu'il n'avait pas pris en considération jusqu'alors que son mode de vie serait aussi bouleversé. " Je vois que j'ai une belle liste, je devrais avoir le droit à des récompenses spéciales pour ça, vous ne pensez pas ?" lance-t-il plus grinçant qu'il ne l'était de prime abord. Soudainement de moins bonne humeur, il pense avec envie à la marijuana qu'il a emmené avec lui. Oh, il n'a pas pu en prendre beaucoup, il lui reste à peine de quoi faire quelques joints pas plus mais il a besoin d'un truc pour se calmer. Sa nervosité commence à transpercer sa carapace de nonchalance et on ne peut pas dire qu'il apprécie ça. " On fait quoi ce soir, Rose ?" Il a besoin de s'occuper et de se vider la tête parce qu'il sent qu'il va partir en vrille alors il se raccroche à elle comme une dernière bouée.

Rosie passe en mode théorique. Elle écoute avec attention le nom de chaque substance présente dans l’organisme du jeune homme et rassemble toutes les informations les concernant. Effets, effets secondaires, accoutumances, sevrages, conséquences à court et moyen terme de leur consommation comme de l’arrêt de leur consommation. Elle repense toujours à ce type d’elle ne sait plus quel groupe de rock dont le doc avait déconseillé l’arrêt de la prise d’héroïne qu”il consommait depuis bien trop longtemps. Chance, ou pas, ce n’était pas le cas d’Adam. Adam qui, quand elle relève les yeux vers lui, semble avoir changé de couleur. Oublie la théorie pour ce soir, Rosie. C’est pas d’un cours magistral dont il a besoin le gamin.

Elle évite quand même les effusions. Elle ne sait pas comment il y réagirait, et en plus, elle n’aime pas vraiment ça. Même si un petit sourire étire le coin de ses lèvres à cette remarque grinçante, ça s’arrête là.

_ Déjà on va manger. Tu vas avoir de moins en moins faim dans les jours à venir, alors t’as le droit à deux pizzas par jour si t’as envie. Mais pas celle-ci, c’est la mienne.

Elle le met en garde, direct. Faut pas déconner. Bien entendu, ça relève plus d’une boutade sous forme de gentille provocation que d’une vérité sans appel. Sinon elle serait vraiment une compagne d’abstinence en carton si elle ne pouvait pas céder une pauvre pizza. (Qu’elle ne va de toute façon pas manger en entier.)

_ Ensuite, vous allez apprendre à faire un truc que vous n’avez jamais fait, ou que vous ne savez pas faire. On va éviter les reproductions de Botticelli ou les sauts-périlleux sans les mains sur le carrelage pour l’instant, mais un truc … Reste à trouver quoi ...

Tout en expliquant son plan à Adam, la brunette fait l’inventaire des activités qu’ils pourraient entreprendre ce soir, en fonction de ce qu’ils ont à disposition. Musique, peinture, cuisine, danse, origami (avec les billets du paternel haha, pardon, oui, ça la fait rire), ménage (pas certaine qu’il sache), yoga, oh, ils ont une piscine à “proximité” aussi d’ailleurs. Elle est en train de mâchonner pensivement sa pizza quand une idée lumineuse, si on peut dire, lui traverse l’esprit. Assez en tout cas pour lui faire lâcher sa part dans sa boîte et claquer ses mains l’une contre l’autre.

_ Je l’ai ! De la natation synchronisée !

Elle délire, Rosie. Complètement. Adam qui fait des pirouettes dans l’eau. Ça a tout à fait l’air d’être son style. Surtout vu la tronche qu’il tire. Le pauvre. Il vient d’apprendre qu’il est drogué jusqu’à la moelle, en phase de vivre les pires journées de son existence jusque-là, eet en plus qu’il va devoir danser au fond de sa piscine. (enfin pas trop au fond de préférence.) Mauvaise journée pour Adam Sintclair, vraiment. Elle balaye l’idée d’un geste de la main pendant qu’elle s'essuie le coin des lèvres de l’autre.

_ Ok, non. Ce que je veux dire c’est qu’il faut que ce soit assez compliqué pour vous tenir la soirée mais que ce soit faisable assez rapidement. Et puis on peut très bien faire quelque chose que je ne sais pas faire non plus, comme ça, on en chie à deux.

Ce qui est nettement plus drôle n’est-ce pas ? D’autant que de ce qu’elle a compris du caractère d’Adam, elle est à peu près certaine qu’il préférerait la voir galérer autant que lui. Si ce n’est plus.

Elle est marrante cette petite Rose quand même. Elle a quelque chose de doux et de mélancolique mais en même temps de taquin et de bienveillant. Y'a plein de petits traits de sa personnalité qu'il ne cerne pas du tout. Ça l'intrigue grandement. Ça l'aide aussi à ne pas trop se prendre la tête sur son problème principal : lui-même.  Il ne s'empêche pas pourtant de l'écouter attentivement réfléchissant en même temps qu'elle à ce qu'il pourrait bien vouloir apprendre. Ils ont mentionné apprendre l'italien, pourquoi pas ? Mais pas ce soir, ce soir il n'avait pas l'énergie d'apprendre à faire quelque chose de nouveau. Il voulait trouver une manière d'oublier, une manière de vivre en dehors de lui-même sans prendre quelque chose. Juste pour voir si c'était possible.

"La natation synchronisée, je suis sûr que ça serait très amusant mais du coup pour ce soir, allons inaugurer la piscine. Un peu de musique, une petite baignade dès qu'on aura digéré, ça nous fera du bien de nous dépenser un peu en plus. " Il n'avait pas vraiment envie de se retrouver tout seul dans la piscine. Et bon puisqu'elle était là, autant l'utiliser. La piscine évidemment, pas Rose. Quoique, ce n'était pas non plus une idée si désagréable que cela. Se rabrouant mentalement, il continua le fil de ses pensées. " Et demain, on se met en quête d'une activité, peut-être qu'on pourrait se faire une liste de ce qu'on aimerait apprendre et après on les compare ? Comme ça on pourra trouver de nouvelles idées ensemble ? On se dit une liste de 10-15 trucs pour commencer ? " C'était un point qui était intéressant chez Adam : une fois qu'il avait décidé de se lancer dans quelque chose c'était une personne assidue qui voulait rentabiliser le temps qui lui était échu. Il se rappela d'ailleurs qu'il avait certainement du retard dans ses cours de toute façon. Plusieurs idées commençaient à lui venir en tête, et ça semblait ne pas s'arrêter. Les possibilités étaient nombreuses au final quand on prenait le temps de s'y poser.

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu l'impression d'être aussi actif intellectuellement, de bouillonner d'idées et de projets. C'était donc vrai que l'ennui était une bonne source de créativité. Il se rappela qu'il aimait bien dessiner quand il était plus jeune. Il n'avait pas un talent exceptionnel mais il avait eu quelques cours et ça lui était plutôt bien resté. Il aurait bien envie d'essayer de dessiner les paysages et l'architecture de Venise. C'était véritablement quelque chose d'exceptionnel. L'idée lui plaisait pas mal d'autant plus qu'il caressait l'idée d'orienter son cursus vers des cours d'architecture. Il avait eu une initiation cette année et la matière lui avait plu. Cependant, trop occupé à faire la fête et à ne surtout pas penser à lui, il avait laissé de côté ce doux rêve pour en construire un qui fut plus à sa portée et plus immédiat, niché au plein cœur des paradis artificiels.

Combien de choses avaient-ils laissés couler dans sa vie pour satisfaire ce genre de besoin et pour fuir en avant ? L'idée de la réponse lui donna un peu le vertige. "Peut-être que c'est pas si mal cette idée de se mettre au vert" dit-il en mâchant à moitié un bout de pizza, ma foi fort délicieux. " Y'a sans doute un truc à tirer de ce pseudo confinement forcé. Si ça se trouve, ça sera une bonne expérience en fin de compte." lança-t-il encore inconscient que les prochains jours et les prochaines semaines peut-être ne lui laisserait certainement pas de répit. Aveugle à l'idée qu'il n'aurait certainement pas la tête à faire quelque chose d'autre que de se plonger dans une bassine de cacheton pour arrêter d'en vouloir plus. Il y avait dans sa voix une presque naïveté comme s'il ne se doutait vraiment pas de ce qui allait se passer ou qu'il faisait très bien semblant que ça ne le touchait pas. On se trouvait certainement devant un subtil mélange des deux.  

L’idée piscine ne semble pas avoir été si mauvaise que ça. Même s’ils entendront encore un peu pour y faire des pirouettes et tout autres formes d’acrobaties. Cependant, Rosie reste un poil plus mitigée que ne l’est visiblement Adam, bien motivé par l’idée. Disons qu’elle n’a juste pas franchement pour passe temps favori de se promener en maillot de bain devant un type qu’elle connaît depuis le matin même. Même si lui, ça ne le dérange visiblement absolument pas vu son “accoutrement” si on peut dire, plus tôt dans la journée. A bien y réfléchir, ça faisait un sacré bout de temps qu’elle n’avait pas vu un type en sous-vêtements deux fois dans la même journée. Erm. Bref. Ce constat la fait sourire pendant qu’elle l’écoute approfondir l’idée “apprentissage”. Elle ne pensait pas que ça prendrait aussi bien, ni aussi vite. La plupart du temps, les personnes dont elles s’étaient occupées n’avaient montré qu’un enthousiasme très limité et avaient rencontré beaucoup de difficultés. En même temps, se vautrer dans un nouvel apprentissage, c’était un échec de plus. Et beaucoup préféraient, inconsciemment, ne pas s’y risquer. Mais Adam prenait ça avec un mélange de naïveté et de … discipline, et la jeune femme était surprise autant par l’un que par l’autre. Que ce type sarcastique puisse encore avoir cette spontanéité. Que ce petit fumiste puisse encore être exigeant avec lui-même. Oui, ça l’épatait Rosie, clairement dans le bon sens du terme. Et quelque part ça lui brisait un peu le cœur, sachant que tous ses beaux sentiments seront bien vite mis à l’épreuve. Mais elle ne s’épanche pas là-dessus, ça arrivera en temps et en heure. Préférant grignoter sa pizza et réfléchissant aux dix-quinze idées. Ok, là elle n’en a que trois, mais elle va finir par trouver, hein …

_ Vous verrez, on finira par tresser des bracelets en macramé qu’on revendra aux touristes sur la place Saint Marc…

Ca c’est de l’ambition, hehe. Elle ricane toute seule dans sa barbe, Rosie. Elle en a clairement fini depuis des années avec l’ambition. Elle finit par abandonner à la moitié de sa pizza. Presque un record. Non, clairement un record parce que les pizzas italiennes n’ont ni la même circonférence, ni la même épaisseur que celles du Bronx.

_ Vous pouvez la finir. Moi je n’irai pas plus loin.

Ce serait bête d’avoir un imc correct, hein Rosie. Elle fronce le nez en jetant un dernier regard sombre à sa pizza et se lève en s’essuyant les mains avec des serviettes en papier.

_ Je vais me doucher. On se retrouve dans vingt minutes ?

Elle lui jette un regard de maîtresse d’école. Pas de bêtises en mon absence, wesh. Mais s’il y a bien un moment où le pourcentage de bêtise de la part du jeune Sintclair est au plus bas, c’est bien maintenant. Pas encore de signe de mangue, une pizza dans l’estomac et une soirée piscine en vue. Elle devrait pouvoir se doucher en paix. Maillot de bain now. Meh, elle l’a pris, de toute façon elle a tout pris, mais pour le coup elle aurait préféré avoir autre chose à se mettre sur le dos que cet une-pièce archi basique aux lignes verticales noires devenues bleues foncées à force d’être lavées. Elle a l’impression d’avoir huit ans sapée comme ça. Encore plus avec les cheveux lâchés, alors elle se refait un chignon. Et puis elle enfile un kimono en faux satin bordeaux parce que c’est pas possible de se promener en maillot de bain bordel. Elle est clairement en train de lutter avec l’image qui danse dans un coin de son champ de vision. Faisant bien gaffe à ne surtout pas se retourner vers le miroir. Vers ses joues de bébé, ses os trop marqués, et sa jambe qui a clairement connu de meilleurs jours. Nœud bien serré autour de la taille, elle peut enfin redescendre et zoner un tout petit peu dans la demeure, le temps de trouver la piscine. Qui lui fait tomber la mâchoire par terre avec une claire impression d’halluciner. Mais à la réflexion, c’est nettement plus logique de trouver une piscine entièrement carrelée de mosaïques dans le style du reste de la maison qu’une pauvre piscine au liner décoloré de motel miteux, nan ? Problème étant qu’elle est plus familiarisée avec la seconde option, la petite Rosie.

Il hoche la tête aux propos de Rose. Il est plutôt enthousiaste même. Pour le moment en tous les cas, son inconfort passe encore inaperçu. Il a bien prévu de continuer à ce que tout se passe ainsi. Habitué qu'il est à dissimuler son état mental, ça n'est pas si difficile. Du moins pour le moment, il n'y a rien de trop difficile. Il se dépêche d'engouffrer le reste de Pizza de Rose, il ne va pas se faire prier. Elle a l'air bien mince la Rose, probable qu'elle mange pas beaucoup de toute façon. Il a pas mal de copines qui font ça, c'est un truc de nanas alors il cherche pas à comprendre ou à trop s'en inquiéter.

Lui-même daigne aller prendre une douche et va se mettre dans son petit caleçon de bain tout rouge. Il est déjà à côté de la piscine quand Rose arrive. Il ne peut s'empêcher de la détailler de haut en bas. Elle a l'air vraiment encore plus mince sans ses vêtements habituels. Il ne cherche pas à détourner rapidement le regard, il se contente de le laisser glisser pour montrer que lui en tous les cas n'est en aucun cas dérangé par la situation. Ça lui semble normal, il n'a pas de soucis avec l'idée que Rose et lui n'ont pas le même statut dans cette pièce. Il n'a pas prévu de se conformer à ce qu'on attend de lui. Au moins pour cela, est-il certain de vouloir se conformer à ce qui lui ressemble. Pendant que la jeune femme n'était pas là, il a allumé les lumières intérieures de la piscine. Le reste est plus ou moins plongé dans le noir et le dallage se reflète en éclat de couleur par-ci, par là. Il également branché son téléphone sur les enceintes, prêt à lancer de la musique.

"Alors qu'est-ce qu'on se met comme musique de fond ? Un peu d'electro chill, du lounge ou encore de l'indie ? Tu as une envie Rose." Adam a un certain talent pour se sentir à l'aise n'importe où. Comme un poisson dans l'eau semble être l'expression la plus appropriée à la situation. Il se conduit avec elle comme si c'était une vieille copine, quelqu'un de familier et qu'ils se revoyaient juste pour passer un bout de week-end normal. Il décide de se rapprocher d'elle en passant par l'autre. Il entre tranquillement dans celle-ci avant de nager vers la jeune femme s'approchant jusqu'au rebord de la piscine. On voit principalement sa tête dépasser. " Et alors, tu vas te baigner en kimono ou tu veux pratiquer l'air piscine peut être ? Viiiennns, aiiie confiiiaaannceeeuh." lance-t-il en prenant le ton du serpent dans le livre de la jungle et en la regardant avec un sourire frivole au coin des lèvres.

Rosie reste un instant subjuguée par l’endroit avant de percevoir la présence d’Adam de l’autre côté du bassin. Elle tourne ses yeux vers lui et ses hanches en biais, côté gauche vers l’arrière. Un réflexe un dissimuler les traces dans l’ombre. Elle le regarde avec une mine placide, pour ne pas dire un visage fermé. Elle ne s’attendait pas à ce que tout ceci soit autant déclencheur. Et elle a la chair de poule même s’il fait chaud. Elle est peut-être allée un peu vite, Rosie, ignorant ses propres cicatrices en voulant s’occuper des plaies d’Adam. En même temps c’est l’exact raison pour laquelle elle fait ce job, non ? Semer ses démons en courant après ceux des autres. Mais il va falloir qu’elle se détende un peu si elle ne veut pas perdre le jeune homme dans la minute alors qu’il semble bien plus à l’aise qu’au moment de la lecture des résultats sanguins. Alors elle inspire, expire, rejette ses fantômes au fond de son crâne et fait quelques pas supplémentaires alors qu’il s'enquiert de ses goûts musicaux. Questionnement qui lui font froncer les sourcils et plisser le museau.

_ Ah parce que c’est pas la même chose ?

Pour elle, il n’y a pas franchement de différence. En réalité, elle n’y connait quasiment rien. Ses goûts musicaux ne sont pas de ce genre du tout. Mais surtout, ils sont tout à fait inappropriés à la situation donc elle se passe bien dans les mentionner. La jeune femme préfère hausser les épaules, ponctuant le geste d’un “comme vous préférez” et elle le laisse lancer la musique. Profitant du son qui s’élève dans l’air et de l’obscurité comme soutiens supplémentaires pour se décoincer. Adam aidant, étrangement. Elle se surprend à sourire à son imitation douteuse, plutôt qu’à lui enfoncer la tête l’eau du plat du pied. Pourtant l’option numéro deux faisait partie de ses favorites. Surtout quand elle était contrariée. Mais cette fois-ci elle se détend un peu et secoue la tête en faisant mine de s’éloigner.

_ Je crois que je vais m’en tenir à l’air piscine en effet. Ça me paraît largement moins risqué.

Inspiration et Rosie se débarrasse du tissu écarlate qui la couvre encore. Tout de suite la sensation de l’air sur sa peau. Elle n'aime vraiment pas ça. Alors elle ne réfléchit pas à deux fois avant de filer vers le bassin, prenant soin de garder Adam sur la droite. Une habitude. Elle s'assoit sur le bord, tenant le jeune homme à presque deux mètres de distance. S’il se fiche de règles tacites ou factuelles, elle non. S’il est à l’aise avec le fait d’être quasi à poil dans une piscine avec une quasi inconnue, elle non. Mais il ne faut pas qu’elle bloque là-dessus. Alors elle expire et se laisse glisser sans bruit dans l’eau, les mains sur le bord du bassin pour amortir la descente. L’eau couvre l’épiderme. Nettement mieux. Elle peut enfin se détendre à peu près. Dans son élément, miss Rosie, peut-être quelques gène de batraciens en réserve. La jeune femme soupire et pose ses avants-bras sur les carreaux. Elle écoute quelques secondes la musique et secoue doucement la tête.

_ Non, décidément, je ne vois pas la différence. Surement un truc de jeunes. Elle le taquine un peu avant de demander plus sérieusement. Et vous faisiez quoi avant de vous faire exfiltrer vers Venice ? Un job, des études ?

Sans indiscrétion bien sûr. Qu’elle sache juste ce qui le botte dans la vie. Autre que la kétamine, la cocaïne, la MDMA, le cannabis, le LSD, la musique de millénial et se promener en slip. Un chouette programme ses soirées dîtes-donc ...