"- C'était un plaisir, encore une fois. Je te dis à bientôt ?" demande-t-elle, un grand sourire aux lèvres comme la séance se termine.

Retirant son micro, la quadragénaire s'étire dans son fauteuil avant de se lever, rajustant son body en jetant un regard à l'écran de son ordinateur. Le site est relativement tranquille. Pas de visite, pas de message. Le creux de la vague. Décidant de s'octroyer quelques minutes de pause elle quitte donc son bureau et rejoins la cuisine pour se servir une tasse de caramel macchiato, jetant la brique Starbucks avant d'en placer une nouvelle dans le réfrigérateur, puis elle attrape un snack et prend la direction du jardin, allant s'échouer dans un transat au bord de l'eau.

Fermant les yeux, elle retire le papier de la barre chocolatée et la porte à ses lèvres, mastiquant en même temps qu'elle prend une grande inspiration. Ça fait du bien. Se poser un peu, se sortir de l'écran, se sortir des clients, surtout... Elle pousse un profond soupir et étire ses lèvres en un sourire en y repensant. Y'en a qui n'ont vraiment pas la lumière à tous les étages. Depuis quinze ans qu'elle fait ça, elle devrait le savoir mais... Non, ils arrivent toujours à la surprendre, au fond.

"- Hey, Dreas !" qu'elle lance en décrochant l'appel skype. "Comment se passe ta journée ?" demande-t-elle.

Depuis qu'ils se sont rencontrés sur un shooting il y a quelques semaines, ces appels quotidiens sont devenus leur petit rituel. Leur exutoire, leur safe place. Ensemble, ils peuvent parler de tout, de rien, su travail, sans craindre le moindre jugement. Raconter des anecdotes croustillantes et se plaindre de la clientèle. Comme elle, il est travailleur du sexe. Un peu plus jeune, c'est vrai. Assez mature dans son immaturité pour que l'écart d'âge n'ait pas été un frein à leur amitié, suppose-t-elle, naissante.

"- Oh bah écoute, la routine... Un type m'a raconté comment il a soi disant couché avec sa belle-mère, c'était marrant ! Je t'enverrais le screen tout à l'heure tu vas voir, c'était stratosphérique !"

Petite journée tranquille où tu vois que ta dernière photo rapporte bien. Tu refermes ton profil OnlyFans le temps de vérifier un truc sur ta chaîne twitch, répondant à tes modérateurs et te lèves en grimaçant. Tu vas pouvoir aller te faire à manger, brancher ta tablette sur skype et faire ton petit rituel d’appel avec l’une de tes collègues préférées. Un petit moment de calme et de rigolade. Parce que c’est bien mignon d’en parler avec tes deux meilleurs amis préférés, mais parler boulot avec quelqu’un du milieu, c’est mieux. Surtout vu la branche de métier que vous exerciez.

Tu sors tes écouteurs, les mets aux oreilles et déambule dans ta cuisine en répondant à l’appel en souriant.

- Et salut Rika !

Tu sors de quoi faire ton repas rapidement et soupires un peu quand elle pose la question. Tu hausses les épaules en allant te poser tranquillement sur ta table de salle à manger, posant la tablette de manière à la voir en face de toi tout en mangeant. Vous aviez bien sympathisé depuis le shooting des enfers, comme vous l’aviez nommé. C’était devenu naturel de lui parler, comme si vous vous étiez toujours connus.

- Rien de bien méchant. Une photo postée ce matin, un bannissement de compte twitch hier soir. J’pense faire ma sieste après notre conv et réfléchir à un ou deux clichés à faire pour demain. Et toi ?

Que tu demandes avant de t’arrêter dans ta lancée. Tu avais fait un bol de céréale, mais elle vont devoir attendre dans le lait encore un peu. Tu fronces les sourcils et regardes la blonde en grimaçant.

- Il quoi ? Sa belle-mère ? Genre… La nouvelle femme de son père ou… la mère d’sa copine ?

Dans les deux cas, c’était bizarre, mais les clients parfois… Tu te masses le front et bug un peu avant de rigoler doucement.

- Mais merde… Il y en a qui sont quand même barges… Ça m’rappelle cette nana qui voulait que je lui fasse un body pillow avec une de mes photos… Mais ouais, montre le screen, tu m’rends curieux.

Elle sourit en entendant le son de sa voix, si joviale. Dreas est le genre de personne qui semble être toujours de bonne humeur, toujours au top de la forme et de l’énergie. En tout cas, c’est la part de lui qu’il n’a cessé de lui montrer depuis qu’ils se connaissent. La part de lui qui semble prépondérante, de fait, puisque depuis qu’ils se sont connus sur le shooting, ils se sont parlés tous les jours quasiment. Elle ne se souvient pas d’un seul jour où il ait manqué d’énergie, ou il ait été à plat, où il ait été autre chose que positif, solaire.

Comme il allume la visio, elle en fait de même et sourit en remarquant qu’il sort de quoi manger. C’est peut-être un concours de circonstance mais, quand ils s'appellent, il est presque toujours en train de manger ou grignoter un truc, à tel point qu’il semble presque injuste qu’il soit taillé comme un Dieu. Elle ne se fait généralement pas prier pour le taquiner là-dessus. Et aujourd’hui ne fait pas exception, alors même qu’elle vient de s'engloutir une barre chocolatée à peine cinq minutes plus tôt.

”- Mais tu peux m’dire où est-ce que tu planques toute cette bouffe ?” qu’elle demande en riant, donc.

Elle acquiesce d’un mouvement de tête comme il raconte sa journée, de la photo postée sur son réseau - elle sait, puisqu’elle l’a vu - en passant par le bannissement sur Twitch la veille, pendant son stream. Forcément, ça pique sa curiosité, comme il n’entre pas dans les détails. Elle se demande ce qui a bien pu se passer, mais il enchaîne déjà à parler de sa sieste, de ses clichés à faire, la questionnant aussi sur sa journée encore moins conventionnelle que la sienne, à tel point qu’il semble buguer sur la réponse qu’elle lui apporte.

”- La mère de sa copine. C’est tellement… Je ne comprends pas comment tu peux faire ça à ta propre fille, ça me dépasse. Je sais que ça arrive vraiment dans certaines familles, des filles témoignent de telles histoires. Mais lui, si tu veux mon avis, c’est un gros fantasmeur. Il me racontait que sa belle-mère était devant lui en train de l’allumer… Comme s’il serait vraiment sur son téléphone ou son ordinateur, si ça arrivait vraiment !” elle rit. ”Enfin, au moins le dial était marrant. Mais j’crois que la tienne gagne la palme. Au moins l’miens c’était du fantasme… La tienne a osé demander !” Nouveau rire. ”J’te montre ça tout à l'heure. Et sinon la routine. Des cocus qui veulent leur dose d”humiliation et que je leur rappelle à quel point leur femme a raison de les tromper, des offrandes et des cams… La routine quoi !” raconte-t-elle.

Elle parle de ça le plus naturellement du monde, comme si rien dans leur conversation n’était étrange. Parce que ça ne l’est pas, pour eux. Que c’est leur quotidien, leur travail. Qu’au delà des considérations purement sexuelles du job, ils sont parfaitement au courant de la portée parfois psychologique de la chose. De ce que ces personnes essaient de combler. Pour certains, pour beaucoup, ce jardin privé est un exutoire. Ils en parlent ensemble, ils en plaisantent parfois, bien sûr… Mais, pour autant, elle comprend. Elle comprend que pour certains, c’est un lâcher prise. Que ce n’est pas seulement du sexe, qu’il y a quelque chose au-delà. Son boulot a un côté psychologique indéniable, qui l’a poussée, d’ailleurs, à se former sur le sujet, pour pouvoir les accompagner à sa mesure, sans se substituer pour autant à un thérapeute mais au moins être capable de savoir comment agir ou réagir parfois, encadrer la chose, pour que les prestations restent sécurisés, sécurisantes.

”- Au fait, en parlant de clichés à faire, t’es toujours partant pour qu’on parte deux-trois jours créer du contenu ?”

Tu rigoles un peu quand la quadragénaire fait une remarque directement sur la nourriture. Tu sais que tu fais des jaloux à être capable de bouffer autant alors que ton physique est assez avantageux. Pourtant, tu ne vas pas non plus faire croire que tu as ça sans bosser derrière, tu cours le matin, tu suis quand même un régime sain, tu n’es pas là à consommer des fast-food à longueur de temps. Puis tu fais aussi des exercices chez toi à défaut d’aller à la salle. Alors quand elle fait sa remarque, tu te contentes de te redresser un peu et tu tapotes tes fesses.

- Ça va là ! Et ça fait plaiz aux clients !

Que tu dis en rigolant avant de bien t’installer pour lui raconter ta journée plutôt calme, sans grand problème. C’est plutôt la sienne qui semble mouvementée et l’écoute attentivement avant de te facepalm si fort, laissant ta cuillère tomber dans ton bol en soupirant. Tu vois bien le genre de tableau qui se dresse devant toi, le genre d’histoire chelou et le client derrière. Tu soupires un peu, te disant bien que c’est à cause de ça que tu ne préférais pas faire de cam ou de call pour le moment.

- Oh Seigneur… Je sais pas, c’est quoi le pire… Le fait que je sais que ce genre de femme existe… Ou que le mec soit assez en chien pour croire que sa belle-mère veuille de lui…

Tu te redresses en continuant de manger et hoches la tête quand elle raconte la suite qui semble plus logique. Tu pouffes un peu.

- Des offrandes ? Comme quoi cette fois ?

Que tu demandes, naturellement, sans une once de jalousie. Après tout, ce n’est qu’une amie et collègue, rien de plus. Tu connais un peu le genre d’offrande qui lui est attribué, tu vois un peu la clientèle qui la réclame derrière. Tu souris un peu en avalant ta bouchée, levant ta cuillère vers ton écran.

- Y a pas d’soucis ! J’ai prévenu ma commu Twitch en mode, j’prends des vacances pour m’couper un peu des lives et tout. Donc mes modos vont gérer ça. La chaîne de rediff aura de quoi faire pendant c’temps et j’perdrais pas d’argent vu que j’aurais des photos en rab pour la fin du mois. Donc c’est quand tu veux, où tu veux, Bébé.

Que tu rajoutes en faisant un clin d’œil.

Il tapote ses fesses en les mettant en valeur, affirmant que toute la bouffe qu’il avale va directement là, pour le plus grand plaisir de ses clients. Elle imagine oui. Elle imagine très bien, même. Elle n’a même aucun mal à imaginer parce qu’il a beau avoir sept ans de moins qu’elle, il est quand-même bien foutu. Ouai, elle préfère le cuir plus usé c’est vrai, elle lui a dit quand ils se sont rencontrés. Mais quand-même, elle doit reconnaître qu’il est très bien fait de sa personne. Assez, même, pour presque remettre ses goûts en question. Mais, évidemment, elle évitera de lui balancer ça comme ça trop sérieusement. Sous couvert de l’humour oui, elle peut, bien sûr. Mais le sérieux…

”- Tu m’en diras tant…”

Ouai, les clients aiment quand c’est un peu charnu, elle s’en est largement rendu compte depuis le temps et elle sait bien que pour les hommes c’est pareil, un popotin bien galbé est toujours plus attirant qu’un cul tout plat, tout flasque. Ouai, elle imagine bien. Elle imagine très bien. En même temps… Ils fréquentent le même milieu et si pas les mêmes personnes, encore que, au moins le même genre. Elle sait. Il sait. Ils savent.

Il l’écoute parler, laissant tomber sa cuillère en se tapant le front comme elle raconte sa journée, les anecdotes croustillantes de celle-ci. Ouai, y’en a qui sont plus que bizarres. Mais… Bon, elle comprend aussi, vaguement, que ça relève de la psy et que les fantasmes… Hé bien, tout le monde est libre d’en avoir. Qu’ils mentent, c’est un peu plus dérangeant, plus drôle aussi. Ils pourraient dire la vérité, que c’est seulement un fantasme, elle ne jugerait pas. Mais non, ils ont l’audace de croire qu’elle est assez idiote pour croire que c’est vrai. Parfois ça l’est. Mais quand ça ne l’est pas… ça se voit tout de suite.

”- Qu’il mente, c’est le pire. Encore, s’il vient qu’il dit “écoute j’aimerais bien discuter d’un fantasme ou faire un scénario où ma belle-mère s’intéresse à moi”, pourquoi pas. Mais le mensonge, comme si on allait pas les flairer à 20 kilomètres… elle rit.

Mais bon, sinon, dans l’ensemble, la journée s’est bien passée, elle ne peut pas se plaindre. Et ouai, elle a même été payée à ne rien faire, avec des offrandes.

”- Oh la validation d’un panier de shopping, un parfum, un chèque cadeau pour Amazon. J’en ai un qui a participé à rembourser des vacances, un autre a payé mon déjeuner. Et j’en ai un qui m’a prit un jouet en wishlist mais je ne sais pas encore ce que c’est, j’verrais bien. De base, il voulait offrir une fuck machine mais bon, après il a vu que ça coûtait la moitié d’son salaire…” nouveau rire.

En parlant de vacances et de contenu, de leurs boulots… Ils avaient parlé d’un petit séjour tous les deux pour créer du contenu. Enregistrer des vidéos, faire des photos dans des cadres de folies… S’il est toujours partant, ils pourraient s’occuper de prévoir ça pour mettre ce plan à exécution prochainement. Après ça, s’ils bossent bien, ils auront pas mal de choses pour publier les semaines qui suivent. Toujours sympa.

”- T’sais que de nous deux, c’est toi le bébé ?” qu’elle demande en riant avant de reprendre plus sérieusement. ”On pourrait partir genre à la montagne, pour avoir un décor de dingue et pas trop de monde aux alentours. Avec un jacuzzi. J’suis sûre que ta commu ne résistera pas à ces abdos bien dessinés exposés au soleil, l’eau ruisselant dessus, ça va défaillir, c’est sûr !”