Elle ne viendra pas. Ou en tout cas, elle sera en retard. Comme toujours.
Tu soupires en posant ton téléphone sur la table de la terrasse de la maison. S'il suffisait d'être honnête, tu dirais que tu n'en peux plus de voir Sofia s'en ficher de ce mariage. Elle a mieux à faire, à se filmer devant son téléphone pour gagner de l'argent qu'elle dépense quasiment aussitôt. Les frais de la maison, jusqu'à présent, c'est toi qui les supportes, et les dépenses du mariage semblent lui passer par dessus la tête. Heureusement, ton portefeuille suit, car elle n'a même pas eu la décence d'en discuter avec un de ses sponsors, et de mettre l'argent de côté un minimum. Même sa robe, c'est toi qui la finances.
Mais ça, encore, tu t'en fiches.

En vérité, toi t'as juste envie que ça se passe bien, qu'elle ait le mariage de ses rêves, et aussi celui de tes rêves à toi. T'as envie que ce soit vraiment le plus beau jour de vos vies, que vous vous en souveniez et que vous ayez de quoi en discuter jusqu'à ce que vous soyez vieux et même séniles à répéter tout le temps la même chose. Pour ce faire, vous aviez rendez vous avec une organisatrice de mariage, une Wedding Planner comme ils disent en Amérique. Mais même pour le rendez-vous pour lequel Sofia avait dirigé la date, elle n'est pas capable de faire preuve de présence ou de ponctualité. Elle est épuisante, et tu sais très bien que cette journée se finira sur une dispute. Et d'avance, ça t'énerve. 

Tu prends toutefois sur toi en buvant ton café, assis autour de votre jolie petite table d'extérieur, à profiter de l'air offert par un vent calme ce jour-là. L'extérieur de la maison est idéal, et honnêtement, tu t'y sens bien. C'est ce qui vous avait fait craquer, quatre ans auparavant. Et aujourd'hui comme hier, tu t'y sens bien et tu apprécie être dehors. Dès qu'il fait beau, tu pointes ton nez dehors, à l'excuse d'un café.

Tout à coup, quelqu'un sonne, te faisant te lever pour aller ouvrir. Si ton coeur espère que ce soit Sofia qui, comme toujours, a oublié ses clés et rentre sans tant de retard que ça, tu sens la déception moins importante quand la porte s'ouvre sur un immense sourire d'une jeune femme. «Bonjour ?» Elle peut être quelqu'un qui s'est trompée, mais quand on regarde ses portes documents, elle ressemble plus à une personne chargée d'organisation.

Ce matin-là, Giulietta se leva tôt, réveillée par la douce lumière du soleil qui s'infiltrait dans sa chambre à travers ses volets à demi clos. Après une douche revigorante, qui la préparait mentalement pour une journée de travail bien remplie, elle parcourut son dressing à la recherche de la tenue parfaite, optant pour un élégant tailleurs pantalon à carreaux qui reflétait son professionnalisme et était l’image même de ce que l’on attendait, généralement, d’une wedding planner.

Elle s'installa à son bureau, et son regard se posa brièvement sur une photo encadrée disposée là, un doux rappel du tout premier mariage qu'elle avait orchestré, un cliché qui avait déjà plusieurs années. L'homme souriant sur cette photo n'était autre que son cousin. Cette journée avait été inoubliable, marquant le début d'une longue série de mariages pour elle. D'une certaine manière, ce mariage familial l'avait aidée à se lancer dans sa carrière. Chaque fois qu'elle jetait un œil à ce cliché sur son bureau, elle se souvenait qu'elle n'était pas seule dans son parcours et qu'elle avait bénéficié d'un soutien précieux pour arriver là où elle était aujourd'hui. Une manière, dans son succès, de ne pas oublier d’où elle venait.

Sa journée était une succession de tâches habituelles, allant de la coordination des fournisseurs à la création de plans de table, en passant par la sélection des fleurs, réalisation des listes de mariages, faire-part et autre, le tout en jonglant avec les appels de fournisseurs ou de futures mariées et les e-mails, auxquels elle prenait le temps de répondre par tranches de dix minutes entre deux tâches.

Il était plus de treize heures lorsque Giulietta décida enfin de quitter son bureau et descendit dans la rue pour s'acheter un bête sandwich jambon-beurre avant de remonter. Même pendant sa pause déjeuner, son esprit était toujours au travail. Se réinstallant devant l’écran de son ordinateur, elle continua donc de préparer ses prochains rendez-vous avec de futurs mariés, tout en croquant distraitement dans son déjeuner.

Lorsque l'heure approcha, Giulietta ferma son ordinateur, rangea ses dossiers, et quitta son bureau pour rejoindre son véhicule, entrant l’adresse indiquée par le couple dans son GPS, arrivant chez eux après seulement quelques minutes de route. Se garant, elle attrape ses dossiers, verrouille la voiture et s’avance rapidement, s’annonçant pour qu’on vienne lui ouvrir. Et lorsque la silhouette de celui qu'elle devine être le futur marié apparaît, elle lui tend la main en arborant un grand sourire.

"- Bonjour, Giulietta Marietti, nous avions rendez-vous." rappelle-t-elle avec un sourire avant de poursuivre. "Vous devez être Romeo ?"