La voilà.
Cette terre, sa terre. Depuis toute petite, ses parents lui avaient promis cet endroit où elle aimait tant jouer et rêver. Certes, pour bien des hommes ce cadeau s'avérait exagérer...Mais elle y tenait tant qu'elle ne désirait rien d'autre. C'est à l'aube de ses vingt-trois ans qu'elle eut enfin droit d'agir comme souveraine de ces terres, les siennes. Les lieux ne payaient pas de mine : Les champs s'étendaient à perte de vue, les villages n'avaient rien de luxueux et noble. Mais jamais Alice n'avait vu d'endroit tant sincère et unique. Chacun vivait à sa façon, préservant les lieux et la nature comme s'ils faisaient partie d'eux.

Bien sûr, les débuts s'étaient vus compliqués. Les habitants ne savaient pas quoi penser d'une si jeune souveraine, surtout en connaissance de la situations. Beaucoup la jugeaient d'enfant capricieuse, cherchant à obtenir tout et n'importe quoi. Certes, ils n'avaient pas spécialement tort...Mais là, tout était différent. Elle ferait les choses bien et prouverait à tous de quoi elle était capable.

Et jusque là, tout se maintenait...Jusqu'à son arrivée.

Elle aurait dû se douter que cet homme ne lui laisserait pas la paix. Sylan n'avait pas vraiment apprécié être refoulé par la jeune femme, à l'époque. Evidemment, il prévoyait de prendre possession de ces terres après leur mariage...Mariage qui n'aboutit jamais puisqu'elle avait répondu à sa sa demande par une gifle. Se lier à un tel énergumène ? Plutôt se faire dévorer par des bêtes étranges. Seulement, Sylan ne le prit pas si bien. Tant que quelques semaines après le refus, elle apprit que le village avoisinant ses territoires s'étaient fait prendre dans les flammes durant une nuit pourtant paisible.

Depuis, les hostilités empiraient de mois en mois. Si bien que la jeune femme ne savaient plus quoi faire...Les menaces ne servaient pas, les accords non plus. Sylvan ne lâcherait pas les armes tant que tout ne lui appartiendrait pas, ou alors que tout ne finisse décimé.

C'est durant une nuit de tourment qu'Alice eut une idée. Quittant son lit, elle s'habilla et revêtit une longue cape couvrant son visage. Une heure plus tard, elle harpentait les chemins de campagne à dos de son cheval pour rejoindre la grande ville. Certes, il était tard...Très tard même. Mais de toute façon, il lui était impossible de trouver sommeil. Et si c'était le prix à payer pour obtenir enfin la paix chez elle, alors elle ferait tous les sacrifices. Ce fut durant une balade au village qu'Alice entendit parler des mercenaires arrivés en ville. Tant qu'elle aurait quelque chose à leur offrir, elle s'assurait qu'ils accepteraient.

Une fois arrivée dans les bas-quartiers, l'odeur d'alcool et de toutes autres substances lui fit plisser le nez. Bon sang, elle n'avait pas l'habitude de tout ça ! Sauf que ce n'était pas le moment de faire la fine bouche. Couverte et cachée, elle s'avance dans les rues sombres, évitant de bousculer l'ivrogne en colère. Elle le savait : Le moindre faux pas pouvait lui être fatal. S'ils avaient connaissance de sa nature, elle finirait à coup sûr enchaînée en attente d'une rançon. Le problème, c'est qu'elle ne savait pas comment les trouver....

Venant de finir une mission de protection dans la Bavière, Mulan était arrivée à Stuttgard pour profiter d'un repos bien mérité avec sa troupe de trente personnes. Vivant dans les quartiers malfamés certes mais peu chers, ils s'amusaient, avec les femmes, l'alcool, les jeux, peu importait, tant qu'ils s'amusaient. Mulan ne faisait pas totalement partie de ces célébrations, ne se sentant pas capable de décoincer son cul comme dirait Weitan. Elle était partie acheter des tissus, pour remplacer les vêtements rapiécés de sa garde robe. La seule chose qu'elle avait retenue de son éducation était au moins la couture. Même en guerre, ça servait.

Revenant du marchand du centre ville, elle rentrait à la taverne où elle logeait avec ses hommes, passant par les ruelles pour éviter d'être vue par le plus grand nombre. Il était difficile de cacher ses origines chinoises, mais si elle pouvait éviter les plus riches - ceux qui avaient le temps de flâner de visage en visage tout en manquant clairement d'éducation en l'abordant.

Elle traversa un carrefour et fut bousculée par un couple de toute évidence bien éméché - elle vérifia quand même qu'elle avait toujours sa bourse. Oui, elle était là. Sauf qu'en étant occupée à vérifier, elle rentra dans une femme vêtue d'une cape à capuche.

"Mes excuses."

Mulan avait simplement présenté ses excuses pour ensuite continuer son chemin quand elle réalisa quelque chose. La femme qu'elle venait de percuter sentait le parfum. Et pas le parfum bon marché des femmes de peu vertu, non, quelque chose de bien plus capiteux, floral. Alors, mûe par la curiosité, Mulan recula d'un pas, pour examiner ce qui était visible sous cette capuche. Elle vit une peau encore plus blanche que celle des concubine de l'Empereur, tellement blanche qu'elle se demanda si c'était naturel.

C'était un drôle d'endroit pour y voir ce qui semblait être une personne particulièrement aisée. En y regardant de plus près, le tissu était d'une qualité autrement supérieure aux rouleaux qu'elle s'était prise.

"Vous êtes perdue ?"

Mulan ne voulait pas s'occuper de ce qui ne la regardait pas, mais disons que si elle pouvait éviter à une femme de finir agressée, volée, ou tuée, elle n'allait pas se priver. De toute façon, qu'est-ce qui l'attendait ? Là, tout de suite ? A part ses hommes qui s'occupaient bien sans elle ? Rien. Donc prendre cinq minutes, maximum dix, pour elle, ce n'était pas beaucoup.

De toutes les idées sottes dont Alice pouvait faire preuve depuis sa tendre enfance, celle-ci faisait clairement partie des pires. Et c'est seulement une fois parmi le bas-monde qu'elle réalisa ses potentielles erreurs. Heureusement que les ruelles étroites peinaient à trouver un peu de lumière, car d'un simple faux-pas la jeune femme se retrouverait dans une situation peu confortable. Pour sûr, si jamais ses parents venaient à être au courant de cette escapade nocturne, ils lui retireraient cette liberté enfin gagnée. Peu de mondain aurait osé ce qu'elle accomplissait à l'instant.

"Cette enfant ne doit pas savoir où se trouve la réalité. Comment peut-on raisonner de la sorte ?"

C'était bien le moment d'avoir ces souvenirs déplaisants. Certes, Alice ne pouvait nier son côté excentrique et lunaire... Mais elle ne comprenait pas pourquoi les autres la voyait telle une folle , bonne à interner. Heureusement que ses parents, eux, croyaient encore en elle.  

Grimaçant, perdue dans ses pensées, elle ne prête pas vraiment attention à ce qui l'entoure. Si bien qu'elle finit par buter dans une personne. Immédiatement, la jeune femme se fige. Si la chance lui souriait, elle ne craindrait rien... Mais pouvait-elle tant espérer ? De réflexe, Alice baisse la tête, cherchant au mieux à se cacher et éviter toute altercation. Sauf qu'à sa grande surprise, c'est elle qui reçut des excuses. Ce n'était pas elle, la fautive ? On lui avait pourtant enseigné que la politesse et le respect n'appartenait qu'aux personnes éduquées. Alors... Pourquoi ? Surprise et légèrement perdue, elle relève la tête pour scruter la personne maintenant dos à elle. Elle ne rêvait pas, il s'agissait d'une femme. Le timbre de sa voix, bien que légèrement rauque, ne pouvait tromper personne. Puis, malgré une tenue de fortune, il n'était pas compliqué d'y trouver quelques courbes. Muette, elle se reprend soudainement. Ce n'était pas le moment de divaguer de la sorte ! Tirant sur sa capuche, elle pivote afin de reprendre sa route dans l'inconnu jusqu'à ce qu'à nouveau cette voix lui revienne aux oreilles. C'était bien trop beau ! La blonde déglutit difficilement, ravalant ses craintes pour se tourner et faire face à la femme. Toujours dissimulée, elle se racle doucement la gorge.

"Oui. Enfin, plus ou moins. Connaitriez-vous le repère d'un groupe de mercenaire ?"

Aussitôt lâché, elle se maudit tout en plaquant une main sur son visage. Quelle imbécile, elle et sa désinvolture ! Ce n'était pas l'instant pour parler si ouvertement, la confiance ne régnait clairement pas ici.

"J'ai entendu parler d'une de ces troupes, arrivée il y a peu. Mais je doute que vous en aillez connaissance, si je ne parviens pas moi-même à les trouver, je doute que vous le puissiez. Mais... Merci d'avoir demandé. Sur ce.

Alice devait fuir au plus vite. Bien que l'aura de cette femme reflétait une étrange sécurité, elle ne pouvait s'y fier. Demander la route à une inconnue en ces lieux était si risqué... Alors, sans un mot de plus, elle chercha à s'éloigner.