Lorsqu'elle s'installa par terre, Morgan se moqua d'elle en déplaçant ses jambes en lui disant qu'elle prenait beaucoup de trop de place.

« Hey ! »

Elle se fâcha faussement et préféra rire avec lui et lui donna un petit coup de pied sur le haut de sa cuisse en se pinçant les lèvres. Le taquiner était facile. Et elle était joueuse. Son regard trahissait son amusement à cette situation. Puis elle avait décalée un peu ses jambes tout de même avant de réfléchir rapidement à ce qu'elle pouvait bien changer sa vie.

Encore une fois, elle s'était animée vivement, déclarant qu'elle reprendrait surement le tir à l'arc. Rebecca adorait cela. Elle trouvait ce sport apaisant. Le fait de se concentrer sur un seul objectif l'aidait à faire le tri dans sa vie. Morgan eu un petit sourire tandis qu'elle le fixait en train de prendre la parole. Il validais son choix, affirmant qu'elle pourrait là aussi faire de nouvelles rencontres. Elle grimaça et hocha la tête positivement juste après.

« On verra. Ou alors, je serais extrêmement sélective. Je n'ai pas envie de retenter avec un deuxième Alex. »

Cela l'avait vacciné. Elle était peut être difficile à suivre, peut être chiante ou emmerdante. Mais Morgan, encore une fois, avait raison. Elle n'avait pas à se sacrifier pour un homme et ne pas prétendre ce qu'elle n'était pas. Et surtout ne pas s'excuser pour cela.

Elle finit par lui poser une question le concernant. Elle voulait détourner la conversation d'elle. Elle l'écoutait attentivement, sa tasse de café entre les doigts, posées sur le haut de ses jambes. Elle joua un instant avec ses orteils distraitement, buvant les paroles de l'homme en face d'elle. Evidemment, la situation n'était pas comparable. Mais elle voulait vraiment écouter Morgan et sa voix profonde qui la calmait. Elle porta sa tasse à ses lèvres et continua d'écouter Morgan sans l'interrompre.

Elle baissa son regard, sentant un pic de culpabilité quand il parla de ce qu'il ne voulait pas. Elle était d'accord avec plusieurs des points qu'il lançait et pourtant, elle s'était enfermée d'elle même dans ce genre de schéma. C'était venu, sans qu'elle ne s'en rende compte. Mais pour elle, l'amour était quelque chose d'unique et qu'il était à chérir.

« Je comprends parfaitement ce que tu dis. C'est quelque chose que je ne veux pas non plus. Je ne suis pas faite pour les enfants, pour la petite maison bien rangée en banlieue et qui se ressemble tous, le labrador dans le jardin... Je suis bien trop changeante et je me lasse trop vite pour ce genre de vie simple... Mais... »

Elle soupira un instant. Elle avait tant d'amour à donner et pourtant, personne ne semblait lui convenir. A croire que l'univers lui avait une farce et que Cupidon avait oublié de lancer sa flèche sur un autre être, la laissant seule et désespérée.

« L'amour ça passe au dessus des lois et des frontières. Cela peut battre un gouvernement, une armée, l'univers. L'amour véritable il peut tout battre. Quand on est seul, on est fort parce qu'on a besoin de personne. Mais à deux, c'est avoir des ailes, un soutien indéfectible et une personne qui a confiance en nous comme on a confiance en eux. C'est le partage sans rien demander en retour, se comprendre d'un regard. Partager une vie pour ne pas la passer seule. Traverser les orages et le beau temps main dans la main sans avoir peur de ce qui pourrait arriver. » Elle sourit puis elle rit à sa propre bêtise. « Tu vois, t'es pas très joyeux, et moi je suis niaise de croire à cela. »

Elle le taquina encore de son pieds en tapotant sa cuisse, le regard sur le côté, sentant la fatigue la gagner. Elle rit encore, cette fois ci peut être plus doucement sous la tension de ses épaules qui diminuait.

« On fait la paire, hin ?»

Elle termina son café d'une traite et posa la tasse vide sur la table basse.

– Il n'y a vraiment que les femmes pour penser "nouveau mec" quand on parle de "nouvelles rencontres", pouffais-je avant de boire une gorgée de café. Commence déjà par réapprendre à vivre seule, c'est déjà un bon début.

Ouais, ce genre de choses pouvait prendre un certain temps. En tout cas lorsqu'on tenait à le faire bien. Six années, ce n'était certainement pas rien et se précipiter dans une nouvelle relation ne l'aiderait certainement pas à aller mieux. Heureusement, Rébecca semblait en avoir conscience… Enfin, c'est ce qu'elle disait.

La conversation dévia ensuite sur ma propre situation qui, évidemment, ne pouvait décemment être comparée à la sienne. Ma vie, je l'avais finalement façonné seul, tenant les autres à distance. J'aimais mon existence actuelle parce qu'elle était paisible, sans tracas particulier… Sans doute parce que je fuyais généralement les problèmes, surtout ceux occasionnés par une personne supplémentaire. Je ne tenais pas à vivre en suivant le modèle imposé par la société… Sans doute parce que je ne supportais pas que l'on cherche à m'imposer quoi que ce soit.

Lorsque je lui expliquais tout ceci, enfin… En partie, la Tornade m'affirma penser la même chose. Néanmoins, quelque part, je savais que ce n'était pas tout à fait vrai. Pourquoi aurait-elle accepté de vivre une existence qu'elle détestait pendant si longtemps si elle n'avait pas accepté ce fameux modèle ? Certes, ils n'étaient pas mariés, mais ils vivaient pourtant ensemble… ce qui, avouons-le, ressemblait énormément à un mariage. Malgré tout, je gardais ces pensées là pour moi. Après tout, je ne tenais pas à ce qu'elle pense que je formulerais le moindre jugement sur sa situation… Houla, certainement pas. Et puis, s'en suivit une longue tirade mielleuse évoquant un amour utopiste à souhait… Je grimaçais aussitôt.

– Je pense plutôt que l'amour te permet de régler à deux des problèmes que tu n'aurais jamais eu tout seul…Tu n'es pas niaise… En revanche, ta manière de voir le monde me rappelle vaguement les romans à l'eau de rose que ma mère dévorait autrefois. Sauf que… Tu as bien conscience que ce genre de relation n'existe pas vraiment, hm ? lui demandais-je en souriant avant de préciser : Le comble de l'intimité au XXIe siècle c'est tout de même de pouvoir pisser la porte ouverte…On est quand même loin du romantisme dont tu rêves…

Elle fut piquée sur le vif à la réflexion de Morgan. La honte l'envahit subitement. C'est vrai que la conversation tournait autour de ça. Avait elle mal interprétée ce qu'il voulait dire ?  Elle se referma un peu à sa réflexion. Vivre seule. La solitude n'était pas envisageable pour elle. Bien sur, il y avait des moments où elle ne voulait voir personnes. Mais elle avait besoin de ces instants partagées de tendresse, des échanges sociaux, autres que le travail. Elle passa une main agacée dans sa tignasse blonde en soupirant. Elle ne savait pas quoi répondre à cela. Il n'y avait rien à répondre de toute façon.

Puis il grimaça pendant sa longue tirade sur l'image qu'elle avait de l'amour. Et là, se fut largement la douche froide. Sa vision était complètement différente de la sienne. Elle fronçait les sourcils.

« Tu as une vision bien sombre de ce qu'est l'amour mon ami. »

Elle ne voulait pas l'agacer. Mais, elle, elle se sentait blessée par ses propos. Il remettait en cause sa vision et par cela, il remettait en cause les sacrifices qu'elle avait fait, l'amour qu'elle avait porté à un homme pendant six ans. C'est comme si il lui disait "T'as perdu ton temps dans une vision débile et niaise". Il remettait tout son système en cause. Et pour cela, elle sentait de la colère venir. Elle ne voulait pas s'énerver, aussi, elle préféra serrer la mâchoire. Mais la fatigue et le reste des limbes de l'alcool lui donnait plus de courage. Celui de défendre son point de vue.

« En quoi c'est romantique ? Je n'ai pas parlé de ces choses niaises qu'on peut lire dans des livres d'adolescentes. Je te parle de l'amour qu'on a pour la bonne personne. Celle qui, malgré les tempêtes, tu n'as pas envie de partir, l'idée même ne t'as jamais traversé l'esprit. Parce que c'est elle, ou lui, et tu l'as dans la peau et t'y peux rien. Et surtout, c'est réciproque. »

Ses parents c'était ça, elle avait grandit avec ce modèle. Elle n'avait jamais trouvé ses parents niais ou quoi que se soit. Bien sur, il y a des disputes parce qu'on veut se faire entendre et comprendre. Mais cela passe loin au dessus parce que finalement, l'amour qu'ils ont pour l'un ou l'autre, dans le regard, reste complètement inchangé depuis toutes ces années.

Elle avait fini son café depuis un moment. Honnêtement, elle avait soudainement envie de prendre ses affaires et de partir chez elle, quitte à appeler un taxi ou marcher dans Londres une bonne partie de la nuit. Mais se serait complètement impolie et surtout, elle ne pouvait pas faire ça à Morgan alors qu'elle l'avait dérangée. Elle ne sait même pas combien de temps ils s'étaient mis à discuter ensemble comme ça. Peut être voulait il se coucher simplement ?

Elle se releva et attrapa la tasse pour la rincer dans l'évier de la cuisine. Elle détestait laisser du bordel chez qui elle était invitée. Aussi, ce geste était complètement naturel pour elle. Elle resta quelques minutes là, en s'appuyant sur le rebord de l'évier avant de revenir dans le salon. Morgan avait cette fichue manie de la bousculer dans ses pensées et son esprit et elle n'aimait pas cela. C'était comme si il arrivait et ébranlait toutes ces convictions. Pourtant, elle était ouverte d'esprit. Alors qu'est ce qui pouvait la gêner dans ce qu'il disait ? Elle ne le savait pas encore. Mais elle sait déjà que son cerveau va travailler dessus.

Elle revint en s'appuyant sur le chambranle de la porte entre la cuisine et le salon et croisa les bras. Elle ne pouvait pas affronter son regard maintenant.

« Je suis fatiguée... Si jamais, je peux toujours dormir sur le canapé, ça me dérange vraiment pas. »

Elle réussit tout de même à faire descendre la pression de sa tempête intérieure et lui sourire pour relever son visage vers l'homme.

A l'évidence, je l'avais énervé bien que la raison de son agacement me fut totalement étrangère. Malgré tout, je restais calme et me contentais de l'observer en train de s'agiter tout en essayant de comprendre ce qui l'avait tant piqué dans mes propos.

Pensait-elle que je me moquais de sa vision des choses ? Peut-être… Il est vrai que je ne faisais que rarement dans la dentelle, surtout après une longue journée et une nuit grandement écourtée. La furie blonde avait terminé de déverser sa colère en disparaissant dans la cuisine pour y faire la vaisselle. Elle y resta un long moment… Personne ne pouvait réellement prendre autant de temps pour nettoyer une simple tasse. Sans doute cherchait-elle à se calmer, loin de moi, le type agaçant dont la vision de l'amour était si diamétralement opposée à la sienne que c'en devenait insupportable.

« Je suis fatiguée... Si jamais, je peux toujours dormir sur le canapé, ça me dérange vraiment pas. » me lança-t-elle depuis la porte de la cuisine, les bras croisés, fermée.

D'accord, elle fuyait bel et bien la conversation… Je soupirais en me relevant.

– Peux-tu au moins me dire ce qui t'a autant énervé dans mes propos ? lui demandais-je, lui faisant face à présent. Non, je n'ai jamais toléré la fuite et l'incompréhension. Je peux tout entendre et encaisser sans soucis. Par contre, je trouve plutôt injuste de me laisser dans le flou. Si je t'ai blessé, j'aimerais au moins comprendre pourquoi avant de m'excuser. Parce que, oui, je suis désolé, je n'avais certainement pas l'intention de te blesser.

Qu'avais-je dis de si affreux à la fin ?

– On n'est pas obligé d'en parler maintenant si tu es fatiguée. Vu l'heure, je ne vais plus pouvoir dormir donc tu peux prendre le lit sans aucun souci.

Sauf si elle voulait partir… C'était tout de même l'impression qu'elle me donnait. "Ce type ne pense pas comme moi, fuyons aussi loin et aussi rapidement que possible." Les gens sont souvent comme ça. Tout va bien tant qu'ils vont dans le même sens, tant qu'ils pensent la même chose… Et puis ils fuient à la moindre contrariété… À mes yeux, ils traitent leurs relations comme ils traitent le matériel. On jette à la moindre occasion. Une vraie société de consommation que je trouvais parfois sacrément écoeurante. On aime parce que ça ou ça… Mais ce n'est certainement pas ainsi que je considère les gens, les relations. Quand j'aime c'est pas pour les qualités, mais plutôt malgré les défauts. Sauf que moi, personne ne m'a jamais aimé de la sorte. De toute façon, à mes yeux, les gens jouent constamment à un jeu. Un jeu de rôle. Ils ne sont pas sincères la plupart du temps. Plus particulièrement lors de la phase séduction où ils s'efforcent de gommer leur personnalité pour coller à celle de l'autre. Et après plusieurs semaines, mois ou années d'épuisement, parce que personne ne peut tenir un rôle aussi longtemps, ils s'étonnent de voir l'autre changer à ce point. Ils sont tout simplement usés, jusqu'à la trame…

Après on se demande pourquoi ma vision de l'amour est aussi biaisée ? Non, moi je vois les choses telles qu'elles sont, plus simples, plus naturelles et moins "évidentes". Mais ça, c'est moi.

Il se releva et se dirigea vers elle pour lui faire face. Elle était complètement fermée. Elle il était évident qu'il l'avait remarqué. Il lui demanda qu'est ce qui l'avait énervé. Honnêtement ? Elle en savait rien. Elle avait juste sentie une vague de frustration et de colère, touchant quelque chose au plus profond de son esprit. Elle écouta la suite et s'en voulut immédiatement de s'être emportée ainsi.

Elle n'a jamais été dans la retenue. Les sentiments se montraient sur son visage comme un livre ouvert. Elle n'était pas dans cet esprit de cacher véritablement ce qu'elle pensait. Et souvent, ce qu'elle montrait inconsciemment ne collait pas avec ce qu'elle disait. Mais elle ne voulait pas blesser les gens autour d'elle, alors souvent, elle se tait. Jusqu'à ce que la pression soit trop importante et qu'elle explose. C'était ce qui s'était passé finalement, avec Alex. Elle s'était tu, étouffée à petit feu, jusqu'à exploser. Morgan dans sa rencontre et ses simples mots avait mit le feu au poudre à ce moment là. Mais les flammes n'étaient pas très loin.

Elle soupira. Elle lui devait bien cela. Et elle fut complètement honnête.

« J'en sais rien. Je suis pas en colère contre toi. Je suis frustrée de ne pas comprendre. Tes propos m'ont blessée mais je n'ai aucune idée de pourquoi. Peut être parce que ça remet en cause tout ce que j'ai vécue, pensée ? Peut être parce que j'ai l'impression que tu me dis que j'ai perdue mon temps en cherchant quelque chose d'idyllique ? Ne me dis pas que cela n'existe pas. Ca existe. Mes parents en sont la preuve vivante ! Ils s'aiment comme au premier jour et pourtant, je suis incapable de tenir une relation normale ! Et voilà que ce con me dis que je suis difficile à vivre ? Est ce que dans ce cas j'ai trop d'attentes ? Pourtant je demande pas la lune hin ! Je demande juste quelqu'un qui me comprenne, c'est si difficile à trouver ? »

Elle s'était redressée, s'était animée, la frustration avait fait gonfler ses épaules et elle s'était mise à le contourner pour faire des allers retours dans le salon pendant sa tirade. Elle croisa les bras sans le regarder alors qu'elle tournait comme un lion en cage.

« Je le vis comme un échec et pourtant, j'ai cette sensation de liberté derrière. Mais c'est comme si tu me disais que j'avais beau me battre, de toute façon je n'aurais jamais ce que je demande. Abandonner ne fait pas partie de mon vocabulaire. Je suis une fonceuse, je sais que je peux être pénible et qu'il faut avoir un sacré bon coup de collier pour me suivre. Je n'aime pourtant pas comme tu l'as si bien dit les schémas classiques. Je suis contre le mariage et contre les enfants. Je considère qu'on a pas besoin de ça pour se prouver qu'on s'aime et faire des gosses alors qu'il y en a tellement qui ont besoin de parents aimants... De toute façon j'ai absolument pas la fibre maternelle et je l'ai surement jamais ! Je préfère largement prendre une tente, ma voiture et me poser seule dans une forêt pour dormir à la belle étoile. Ca, ca me fait vibrer tu vois ? Mais je veux le partager avec quelqu'un. Alors peut être que je me fourvoie depuis le début et que je devrais plutôt partir sur un ami plus qu'un petit ami ? Ou un sex friends ou que sais je. J'en sais rien. »

Elle avait laissé passée tout ce qui lui passait par la tête. Elle ne laissait pas Morgan répliquer encore et continua et planta son regard dans le sien en s'arrêtant.

« Et je déteste quand tu as cette manie de réussir à chambouler et renverser tout ce que je pense. C'est terriblement déboussolant. »

Elle croisa de nouveau les bras, cette fois ci, libérée de tout ce trop plein de ce qu'elle pensait. Puis elle réalisa subitement tout ce qu'elle venait de déballer sur sa propre vie. Mais elle s'en souciait peu là maintenant.

Je partais du principe que tout abcès se devait d'être crevé. Ouais, je sais, l'image n'a rien de très ragoûtant. Néanmoins, j'ai mainte fois pu constater qu'une vive discussion, même difficile, était souvent bien plus bénéfique que les bouderies…

Je lui avais demandé de parler et c'est bien ce que Rébecca fit. Elle venait de crever son abcès. Alors, je la laissais faire sans broncher, l'écoutant déblatérer son interprétation de mes propos. Elle y voyait une remise en cause… Qui a dit qu'elle avait perdu son temps dans cette relation ? Certainement pas moi… Elle me parla de ses parents, de leur amour toujours aussi fort après plusieurs décennies. J'aurais pu tout aussi bien lui parler des miens et m'en servir de contre-exemple, mais je préférais m'abstenir. La Tornade n'avait certainement pas besoin d'entendre ça, en tout cas pas à ce moment-là.

Si je devais moi aussi interpréter ses propos, je dirais que cette femme, aussi belle et intelligente fusse-t-elle, craignait par dessus tout de vivre seule… Honnêtement, même si je préfère me garder de toute interprétation hasardeuse, cette fois, je ne pensais pas me tromper. Voilà pourquoi elle était restée si longtemps avec ce Alex : parce que pour elle, mieux vaut être mal accompagnée qu'être seule.

« Et je déteste quand tu as cette manie de réussir à chambouler et renverser tout ce que je pense. C'est terriblement déboussolant. »

– Et bien, pardonne-moi pour ça, lui dis-je en souriant. Je n'ai jamais dit ou même pensé que tu avais perdu ton temps dans cette relation tu sais ? Je ne dis pas que l'amour n'existe pas non. Je pense juste que ce dernier prend une toute autre forme…

De nouveau, je lui donnais une pichenette. Pas pour me moquer, du tout, mais plutôt pour dédramatiser un peu la situation.

– Déjà, avant d'être un amant, un compagnon se doit d'être un ami. Le meilleur. Celui avec qui tu pourras parler librement de tout sans avoir à tout garder pour toi par crainte de je-ne-sais-quoi. Celui qui aura vu tes meilleurs côtés, mais surtout les pires et qui t'aimera quand même. Celui avec lequel tu pourras rire, avec lequel tu seras en confiance… Avec lui, tu n'auras pas besoin de jouer un rôle. Tu seras toi-même et il t'aimera précisément pour ça et il n'éxigera rien d'autre de toi. C'est tout. Mais pour l'heure, tu vas devoir réapprendre à te connaître parce que, pendant ces dernières années, tu t'es oubliée. Le reste viendra quand ça viendra et tu n'auras certainement pas besoin de faire quoique ce soit pour provoquer les choses. Alors, ne te prends pas trop la tête.

Il n'avait rien dit pendant toute la longue tirade de la blonde. Et alors qu'elle s'était arrêtée, le fixant, il s'était avancé vers elle, au milieu du salon. Il lui avait sourit chaleureusement, avant de la fixer et s'excuser.

Cela eu le don évident de la calmer. Elle le fixait en retour alors qu'il lui affirmait qu'elle s'était trompée sur ce qu'elle pensait de ses propos. Qu'il n'avait jamais voulu dire ça. Elle arqua un sourcil, interrogateur mais il leva sa main pour lui donner une pichenette gentille sur le front comme pour lui implanter ce qu'il lui disait dans son crane. Elle réagit en plaçant une main sur son front alors qu'elle l'écoutait parler. Elle fronça les sourcils un instant. Elle avait dit exactement la même chose mais dans des mots différents. La confiance, le partage, les aspects de la vie et donc de nous même.

Elle finit par secouer sa tête. Tout bourdonnait et bouillonnait dans son cerveau. Elle était partie pour une nuit blanche évidente.

« Ne ne veux pas que tu t'excuse. Je te l'ai dit, ce n'est pas toi. C'est moi et ... mon moi intérieur qui sont pas raccord. »

Elle avait cherché le terme exact en fronçant les sourcils, plissant les yeux dans un efforts de concentration. Elle s'était calmé comme la tempête avait démarré. Aussi rapide qu'une tornade qui passe. Il suffit juste d'apprendre à vivre avec les conséquences. Elle soupira de nouveau.

« C'est à moi de m'excuser plutôt. Tu es venu me chercher alors que t'étais pas obligé de le faire et tu m'abrites chez toi au beau milieu de la nuit. Et je me permets encore d'être en colère. Je suis vraiment désolée pour ça. »

Ca, c'était ce qui s'était passé ce soir. Si elle avait eu un peu plus d'aplomb envers Sienna, jamais elle n'aurait dérangé Morgan. Elle lui adressa un sourire. Timide, mais sincère et reconnaissant, reprenant un peu de cette étincelle qui vivait dans ses yeux.

« Je me ferais pardonner en centaine de litres de café. »

Elle voulait juste le serrer dans ses bras pour le remercier mais elle ne connaissait pas suffisamment l'homme pour savoir si il était du genre tactile ou pas. Alors elle garda ses distances pour le moment, préférant simplement danser d'un pied à l'autre. Maintenant que la tornade était passée, elle se sentit mieux, soulagée. Elle termina, d'une voix bien plus douce et bienveillante.

« Je vais suivre tes conseils dès demain. Apprendre à vivre seule se serait une grande étape mais je l'ai déjà fait. Se serait pas dure de réussir à retrouver les habitudes du célibat ! »

La tempête était passée plutôt rapidement. Très vite, Rébecca retrouva son sourire et présenta même ses excuses pour s'être énervée.

– Pas de problème. De toute façon, je préfère que les grenades dégoupillées explosent à l'abri, raillais-je gentiment. Tu dois te sentir mieux à présent, non ?

Enfin, je l'espérais. De ce que j'avais cru comprendre en écoutant la Tornade me parler de son couple, elle avait passé des années à tout garder pour elle. Je ne trouvais rien de très sain dans ce genre de relation. Je comprenais bien le besoin d'éviter le conflit pour avoir la paix, mais je savais d'expérience qu'il n'existait rien de pire que le silence.

– Tant qu'il est meilleur que le mien… Le pétrole, ça va cinq minutes.

Je la vis alors se balancer d'une jambe sur l'autre… Un peu comme si elle crevait d'envie de pisser mais qu'elle n'osait pas me demander où se trouvaient les WC. Cela se tenait après tout, elle avait pas mal bu avant d'arriver, aussi lui désignais-je la porte de la salle de bain.

– J'ai totalement oublié… Si tu as besoin de te rafraîchir, n'hésite pas.

Contrairement à ce qu'elle semblait affirmer, réapprendre à vivre seul n'était pas si simple. À première vue si, il suffisait de vivre en faisant comme "si"... Comme s'il était toujours dans la pièce à côté. Comme s'il squattait encore le canapé… Puis après ça, la solitude commencerait à se faire pesante et il n'y aurait rien de plus simple que de céder à la tentation en la comblant lors de sortie alcoolisées entre copines.

– Fais juste attention au choix du bar, hm. Et n'hésite pas à m'appeler si besoin.

Pourquoi avais-je dit ça ? Aucune idée… Au fond, je n'étais nullement en droit de lui faire ce genre de proposition hautement intrusive. Je ne pouvais ainsi me placer en protecteur alors que nous n'étions, finalement, que de simples connaissances.

–Enfin… Si tu veux hein. C'est pas une obligation non plus… bredouillais-je bêtement tout en me disant que mes derniers propos ne pouvaient qu'être mal interprétés. Aussi me sentis-je obligé de préciser : Mais ça ne me dérangerait pas, hein.

Bravo Morgan… Bravo…

– Tu devrais aller te reposer maintenant. Il se fait tard… ou tôt… Mieux vaudrait que tu dormes un peu si tu ne veux pas avoir mal aux cheveux pour le reste de la journée…

Il laissa la blonde s'excuser et railla automatiquement derrière qu'il préférait que les grenades explosent à l'abri. Elle sourit face à l'allusion. Etait elle cela ? Une grenade prête à exploser à tout instant ? Il lui demandais tout de même si elle allait mieux et elle hocha simplement la tête avant de reprendre sur un ton bien plus doux que tout à l'heure.

« Oui, merci. Encore. »

Décidément, elle ne faisait que remercier cet homme. Elle dansa alors d'un pieds sur l'autre, alors qu'elle voulait seulement le remercier en le prenant dans ses bras. Mais il sembla identifier cela comme si elle avait une envie pressante. Il lui désigna la salle de bain et les toilettes juste à côté et elle tourna sa tête pour voir la direction. Elle reprit son attention sur Morgan qui lui affirma comme un conseil qu'elle devrait faire attention au choix du bar à l'avenir. Et qu'elle ne devait pas hésiter à l'appeler si elle avait besoin. La blonde arqua un sourcil. Etait il en train de la protéger ? Il sembla alors vouloir se justifier car il bredouilla rapidement qu'elle n'était pas obligée mais que cela ne le dérangerait pas.

Elle lui lança un magnifique sourire, rassurante.

« Promis, je te sortirais de ton lit si j'en ressens le besoin. Et ça vaut aussi dans l'autre sens. Si tu as besoin de quoi que se soit, parler, ou juste d'une présence ou d'aller à un endroit, tu hésites pas non plus, okay ? »

Elle s'étira un instant, levant ses bras vers les cieux et bailla un grand coup. Effectivement, elle était fatiguée et sentait Morphée arriver à grand pas.

« Oui, je vais pas tarder. Est ce que je peux t'emprunter un tee shirt pour la nuit ? Et une serviette pour une douche ? »

En vérité, elle ne voulait que ça. Une bonne douche, comme pour se laver de cette journée, de ce qui s'était passé, du regard de ces hommes, d'Alex. Elle voulait se retrouver et elle sut que Morgan avait raison depuis le début. Elle devait revivre seule. Reprendre ce qu'elle était. Une fille courageuse, enthousiaste, rebelle, ouverte d'esprit, hyperactive,  avec un humour douteux. Et cela commençait par se donner le droit de faire ce qu'elle avait envie.

Alors elle attendit que Morgan revienne avec un tee shirt et une serviette pour venir se planter devant lui et passer ses bras autour de sa taille, posant son visage sur son torse, cette fois ci, le sourire aux lèvres. Cela ne dura que quelques secondes mais elle voulait lui montrer sa gratitude. Elle avait toujours eu du mal avec les mots, il y avait toujours trop de sens, trop d'interprétations possibles alors que les actes étaient concrets et sans double sens. Maintenant, pour elle Morgan n'était plus qu'une simple connaissance mais un ami sur qui, elle est sure qu'elle pouvait compter. Et la réciproque était vraie. Si Morgan l'appelait pour lui demander de l'aide, elle viendrait à son secours, comme il l'avait pour elle.