J'ai 27 ans et je vis pour l'instant à côté deBâton Rouge , en Louisiane, aux USA. Dans la vie, j'ai étudié l’ethnologie sociale, puis contre toute attente j'ai quitté les miens et mon avenir tracé pour me transporter jusqu'à San Diego, en Californie. Là, après une période difficile où j'ai tenté de vivre en vendant mes dessins, portraits et caricatures (et ai fini par offrir mon corps), j'ai intégré l'équipe du Lorenzo's, une pizzeria minuscule tenue par Larry, un phénomène de 82 ans paternel et volubile. Je suis devenu livreur de pizzas en rollers et je m'en sortais pas trop mal. Sinon, grâce à ma chance, je suis désormais fiancé et je le vis bien. A ajouter ? Je suis l'aîné de quatre enfants, né dans le Nevada dans une petite ville du nom de Sweet Home, la mal nommée. Mon père était -et est sans doute toujours- chirurgien, chef du secteur orthopédie de l'hôpital local, et ma mère femme au foyer. Nous avons été élevés d'une main de fer dans la plus stricte observance des commandements de Dieu ! Jusqu'au jour où j'ai avoué que je suis... homosexuel.
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Mon père n'aurait pas dû être choqué, puisque toute mon enfance il m'a rendu visite, chaque nuit ou presque ? C'est une calamité qu'il doit connaître aussi puisque c'est le plus âgé de ses fils et non une de ses filles qu'il avait élu comme « préféré » ? Ce secret là, je le cache, je n'ai jamais rien dit, ni à mes frères et sœurs, ni à ma mère qui n'a semble-t-il rien vu, ni à Dan, surtout pas !
- Avec moi, parce que tu m'aimes trop ? Je suis déjà parfait, pas besoin de m'accessoiriser ?
Dieu que je l'aime ! Si j'avais le sens de l'humour, mais je crains de l'avoir perdu en trouvant l'amour, je rirais aux éclats et lui répondrais « Prétentieux va ! Mais ce n'est pas faux... ». Au lieu de cela, je rougis à nouveau comme une midinette, me conspuant intérieurement de cette sensiblerie manifeste et nouvelle ? Cela dit ? Étais-je différent quand je n'étais que « le fils préféré » de mon père ? Je pense que dans ma position, le petit Markus aurait crié, hurlé, bataillé, porté ces affronts à la connaissance de tous, fait de cette « préférence » une honte indicible ? Comme il a abondamment -d'après ma sœur Belle- explicité et commenté son départ et l'odieuse attitude de mon père envers son Emma ? J'idéalise peut-être mon petit frère, si lui avait été le « fils préféré » il se serait peut-être contenté de souffrir et de protéger les autres, comme je l'ai fait... Ce faisant, il n'aurait peut-être jamais séduit Emma, ne l'aurait pas engrossée, ne serait pas père ? Des conjectures que tout cela, refaire le passé ne sert même pas à apaiser les âmes, celles qui ont pris des coups restent marquées, au mieux peuvent-elles cicatriser, même obtenir avec le temps une cicatrice qui ne se voit plus... mais ne pas voir ne signifie pas ne pas savoir, ne pas sentir.
Sheridan est parfait et je l'aime trop ! Là, il a tout juste. Mais ce n'est pas pour cela que je refuse d'utiliser ce qu'il m'a offert, je vois dans ces objets non comme il le dit un moyen de multiplier le plaisir, de jouer, mais un avilissement ; pour celui qui domine comme pour l'autre. Comment lui faire comprendre sans le blesser ? Et pourquoi me préoccuper de ne pas le blesser LUI alors que MOI le suis, simplement par les souvenirs que ces jouets véhiculent ? Je lui ai dit lors de notre rencontre que je m'étais prostitué, c'est un mot, et dans un mot tous ne mettent pas le même sens, le même ressenti, la même douleur...
Pour moi, avec l'éducation que j'ai reçue, dans l'environnement où j'ai grandi, le prostitué -ou la- restent des parias, d'abjectes créatures livrées au démon qui les poussent à forniquer avec n'importe quelle âme aussi déchue que la leur... Je n'ai jamais pu m'en défaire, et cela m'a d'autant plus perturbé que j'aime le sexe, j'en ai besoin pour vivre et certains clients étaient presque devenus des amis... Comment lui expliquer que j'aime quelque chose qu'on m'a présenté comme une abomination ? Une preuve tangible de l'emprise de Satan sur ton imparfaite personne ? D'autant que je n'ai jamais rien regretté ! Ni les parties de jambes en l'air tarifées ni les autres, je suis un être physique et avide de sensualité, peut-être un de ces incubes que mon père -lui-même ignoble par son comportement mais porteur de la vérité suprême en tant que pater familias- décrivait comme de monstrueuses exaltations de la luxure interdite par Notre Seigneur ?
Je pourrais pousser la réflexion en me demandant pourquoi une divinité qui me semble-t-il quelque part dans la bible dit « Croissez et multipliez-vous » escompte interdire les relations sexuelles ? S'il a doté l'espèce humaine de genre, et assorti l'acte prohibé de plaisir, n'est-il pas illogique qu'il le pare aussi du péché ? En tout cas, je suis resté trop longtemps exposé à ces niaiseries pour m'être libéré de leur néfaste emprise... Forniquer hors mariage est péché, forniquer dans le mariage dans un autre but que la reproduction est péché, alors que dire de vendre son corps, ou de pousser les autres à une jouissance qui devrait ne pas être, puisque le péché ne devrait pas procurer de satisfaction ? À moins d'être déjà damné dés la naissance ?
Bon dieu ! Aimer un homme et se torturer à refuser l'ultime accomplissement de l'amour parce qu'on a été trempé dans une amertume et un désespoir causés par un supposé péché universel !
Je me secoue, rejetant ces pensées débiles ! Je n'ai pas quitté les miens à la fin de mes études pour retomber dans les stupidités dont ils entravaient leurs vies ?
- Ce sont de bonnes raisons... Je remonte à l'assaut, mais je suis déterminé à ce qu'il comprenne... - Dan... Pour moi ces trucs salissent ceux qui y touchent ? Est-ce que tu peux comprendre ? Je sais que c'est idiot mais c'est plus fort que moi.
Lui ne semble marqué par rien, à ce que j'ai compris, sa mère aimait l'amour autant que moi et n'a jamais fait de la fidélité une nécessité ? J'aurais souhaité grandir dans ce genre de milieu ! La liberté, la pureté de l'amour dénué de toute autre notion, mon père à moi aurait vu sa mère comme la grande catin à abattre ! La prostituée des écritures, une Lillith mère de tous les hommes de mauvaise fame... Je serais donc l'amant d'un demi-démon ? Cette idée me plaît, elle confère à Dan une unicité qui m'émoustille...
Bref, je me laisse aller à des conneries dont je devrais avoir honte ! Je me laisse bercer, par son corps et sa voix...
- ...Bien sûr on peut se passer de tout, mais je serais d'avis qu'on ne se prive pas non plus. Comme la musique, tiens... Notre ami s'en occupe.Il ne faut pas que tu sois jaloux de lui. Ni de Camille, ni de personne. Tu vois ce corps sous tes doigts ? C'est ton royaume. Tu en es le prince.
Je n'en suis pas le prince, j'en suis l'humble servant, je rejette la tête en arrière savourant en effet l'étrange musique qui donne à nos ébats une connotation sauvage et rythmée... Je me fiche de Camille en ce moment, je me fiche de tous et toutes, je veux sentir en moi tout son être, fusionner avec lui, comme cette Lillith effacée de la Bible qui aurait été accrochée par le dos à Adam avant de recevoir une vie propre... Je me veux Sheridan et je veux que Sheridan soit moi ! Puis...
- Qu'est-ce que c'est ?
Stoppé dans mon élan je reste pantois, mes délires mystico-érotiques s'évaporent dans l'air... Le hurlement est suivi d'autres, qu'est-ce qu'ils fichent là-bas ? Il n'est pas en train de la découper ? Ou l'inverse ? Ont-il été attaqués en position vulnérable comme nous pourrions l'être ? Je prends le bras de Dan, le serre d'une main anxieuse, avons-nous eu tort de nous exposer ainsi ? Quelque chose, ou quelqu'un rode-t-il dans le parc ?
- Oh mon Dieu !
Ce ne sont pas les termes que je m'attendais à entendre dans sa bouche ? Mais Dieu à mon avis se contrefout de nous, Camille et la fille sont aussi des pécheurs ? Encore que... Sont-ce les hommes ou Dieu qui ont introduit cette ridicule notion de péché ? J'en reviens là, très confusément, une vague pensée chassée par d'autres...
J'enfile en hâte mon pantalon, mes chaussures je ne sais pourquoi...
- On va voir !
J'entends sans le comprendre ses paroles, tout entier porté au secours du couple là-bas qui semble en difficulté, peu m'importe qu'il s'agisse de Cam et que je sois -effectivement- jaloux de l'attention qu'il génère chez mon amant...
- J'ai déjà tué pour toi, s'il le faut, je recommencerai.
Ma mémoire imprime, ma raison ne décrypte pas. J'ai déjà fait trois pas et me retourne, me suit-il ? Que pourrions nous prendre s'ils sont en danger pour chasser l'agresseur -ou les- ? Je n'ai jamais été très doué avec les armes, je dois être un des rares américains à n'avoir dans aucun tiroir le pistolet qui me sauverai d'un cambrioleur ou accroché au mur le fusil destiné à repousser une hypothétique attaque de voyous...
Mais Dan est fort et intelligent ! Et moi pas vraiment sans ressources malgré mon physique trompeur.
- Qu'est-ce que c'est ? Tu penses ? Pourquoi les attaquer eux et pas nous ? Ils sont dans la vieille maison, Cam' a menti en disant se coucher tôt, j'ai vu la fille...
Pour moi cela sous-entend qu'ils auraient dû être épargnés ? protégés par les murs ?
A moins que ça ne soit justement dans ces murs qu'on les attendait ?
Univers fétiche : Pas de préférence, avatars réels par contre
Préférence de jeu : Homme
Oskar
Mer 17 Avr - 16:27
Camille Grant
J'ai 22 ans et aprés un déracinement volontaire de deux ans, je suis revenu dans la demeure familiale à côté de Bâton Rouge , en Louisiane, aux USA. Dans la vie, depuis ma plus tendre enfance, je vis entouré d'artistes. Ma mère était danseuse classique et a interrompu sa carrière à ma naissance, ma grand-mère était une célèbre tragédienne de théâtre et mon « grand-père » son second époux, de quinze ans son cadet a connu un succès fulgurant au cinéma en tant que jeune premier. Seul mon père, trader et fils d'un riche banquier dénotait dans ce milieu, ça n'a pas eu d'importance bien longtemps puisque après leur divorce mes parents sont partis, chacun de leur côté, laissant à qui en voudrait l'enfant pourtant chéri et comblé pendant ses deux premières années d'existence...
A mon tour je suis monté sur les planches, après avoir étudié la danse, le cinéma, les effets spéciaux. Actuellement, je suis danseur peint dans un cabaret luxueux de Californie. Enfin... j'étais, je me suis mis en congés, d'une durée indéterminée, s'ils me virent je suis suffisamment à l'aise financièrement pour voir venir et attendre. Je m'en sors pas trop mal. Sinon, grâce à ma très grande chance, je suis célibataire et je le vis à merveille, espérant le rester jusqu'à la fin de ma vie !
FC : Nils Verberne - à découvrir sur @Lithunium.snow
A ajouter :
Je suis fils unique, enfin je dois avoir des demi-frères et sœurs, que je n'ai jamais vu et dont je ne connais pas plus le nom que le visage... Subjugués l'un par l'autre mes parents se sont mariés en quelques mois, puis ont découvert que non seulement ils n'avaient rien en commun mais qu'ils étaient incapables d'intégrer la personnalité et l'éducation de l'autre. Amants, déçus, méprisants, haineux... Leur divorce leur a fait tout rejeter des deux années passées ensemble, tout, jusqu'à l'enfant né de l'union. Sans Lianne Auffray et Humphrey Grant mes grands-parents, j'aurais été proposé à l'adoption. Humphrey a péri dans un accident l'année de mes treize ans. Lianne l'a suivi sept ans après, terrassée par ce qu'on appelle « une longue maladie » qu'elle a combattu avec fureur et courage. Leur disparition m'a fait fuir la Louisiane, cette terre où ma famille -celle de Lianne- avait accosté dans les premières années de l'émigration française. L'histoire ne m'intéresse pas, moi, petit blanc abandonné élevé par des gouvernantes souvent noires, j'ai baigné dans une atmosphère surréaliste, solitude, mystère, légende, religion... et cette grande maison, ces maisons, la vieille, demeure de maîtres à l'époque de l'esclavage, celle dite « du gardien » grande bâtisse qui servaient de logement non seulement au gardien mais aux domestiques blancs, et la dernière, celle que Lianne a fait construire à l'aube des 70's, lorsqu'elle a connu ses premiers succès. Particularité ? La maison de mon enfance jouxte une plantation « hantée » par une quinzaine de fantômes que j'ai en vain cherché dés mes six ans...
J'ai 25 ans. Je suis revenue à Bâton Rouge , en Louisiane, aux USA après avoir fait des études sur la Côte Est. Dans la vie, je tiens un magasin de souvenirs, tout particulièrement d'articles "vaudou" plus ou moins réalistes. Accessoirement, je suis aussi... la Mambo Mary, prêtresse qui officie pour les fidèles de la région.
Financièrement je m'en sors pas trop mal surtout depuis que j'ai revu Camille Grant. Sinon, grâce à ma très grande chance, je suis célibataire et je le vis à merveille, dans ma famille, aucune femme n'a l'idée saugrenue de se marier, elles restent indépendantes !
FC : Sira Kanté
A ajouter :
Pour expliquer les « Desoffrey » je dois faire un bref cours d'histoire... ça commence dans les années 1860 à Bâton-rouge et La Nouvelle-Orléans. Une jeune demoiselle fille d'un planteur, fille unique nantie de deux frères plus âgés, s'éprend d'un bellâtre blond aux yeux bleus, bonne présentation, bagou et assurance : Thomas Auffray un « Français ». Le fruit de leurs errances se présentant de façon un peu trop visible, Mary Warrington est mariée de toute urgence au père de son enfant, ils en auront un second au grand dam des parents de la dame... Thomas est un gigolo presque un aigrefin, il vit aux basques de sa femme et de sa belle-famille, joue toute la nuit, trompe son épouse. Tant et si bien qu'il perd en une soirée mémorable tout son avoir, y compris la dot de Mary et presque Anthelme son valet... Presque ? Parce que s'il se fiche totalement de sa femme, il ne veut pas perdre mon aïeul qui sera d'ailleurs affranchi comme tous en 1865. Le mari indélicat et ruiné est mis de côté, Mary retourne auprès des siens et meurt en couches peu après, l'histoire ne dira pas si le nouveau-né coupable d'avoir tué sa mère est vraiment un « Auffray », en tout cas il en porte le nom. Les trois garçons sont élevés par leurs grands parents, l'histoire des Auffray s'arrête là.
Celle d'Anthelme commence juste, en décembre 1865 l'abolition de l'esclavage lui donne une identité, quel nom de famille coller à son prénom ? Il est l'Anthelme « des Auffray », de là vient notre patronyme. Une fois libre, le valet de Thomas reste valet de Thomas, et complice aussi ce qu'il a toujours été. Simplement, il se marie, et l'aventure commence. Il a deux filles, Judith et Mary Desoffrey... Elles seront les premières d'une longue lignée... de reines. Entre temps, en 1875 Thomas désavoué par sa belle-famille, retourne sur ses terres d'origine à NOLA, il y entraîne mon ancêtre et les siens, là-bas, Marie Laveau œuvre, reine incontestée et le vaudou est en plein renouveau.
Cela pour la parenthèse historique, à la mort de Thomas -revenu je ne sais quand ni pourquoi à Bâton-rouge en entraînant son domestique- les Auffray comme les Desoffrey n'en bougent plus. Les uns et les autres sont noyés dans le culte, maîtres et valets unis par la magie et la foi.
Moi ? Je suis donc la fille de Myrtle, seconde fille de Camélia. Je suis née en 1998 des amours de ma mère alors trentenaire et d'un connard nommé Clint Harper... Un peu le même style que le Thomas Auffray des origines, en black, et en fauché. Lui n'épousait pas d'héritière, il se contentait de semer des Harper qu'il ne reconnaissait jamais et de vivre aux crochets des mères -célibataires sans vraiment l'être-. Ça n'a pas dérangé la mienne, il était plus âgé qu'elle mais beau gosse, s'y entendait en amour -en sexe soyons franche- et ne l'emmerdait pas ni par sa présence ni par sa jalousie.
Mon enfance a été particulièrement heureuse, jusqu'à la mort de mon jeune frère abattu presque à bout portant alors qu'il marquait avec quelques jeunes du quartier sa désapprobation pour le meurtre dans le Missouri de Mickael Brown, un afro américain de dix-huit ans. Là, j'avoue que mon monde a basculé... J'ai demandé aux loas la force de conquérir ce monde, LEUR monde ! Un monde où la couleur de peau te met d'office dans le mauvais camp, où tu n'es quoi que tu fasses qu'un citoyen de seconde zone ? Ma mère est parvenue à canaliser ma haine, c'était pourtant le fruit de ses entrailles qui était enterré...
De bonne élève je suis devenue excellente, j'ai œuvré pour obtenir des bourses d'études, pour intégrer une école réputée, continuer mes études quoi qu'il en coûte ! Pourquoi l'histoire de l'art ? Pourquoi l'histoire tout court d'ailleurs, parce qu'elles renferment le sens de ma vie ? Si en son temps une prêtresse vaudou n'avait pas été arrachée à son sol, amenant avec elle sa foi et son pouvoir sur ces terres, je ne serais pas celle que je suis, issue d'une longue lignée de houngans et mambos...
Je suis donc diplômée, doublement, d'histoire des arts et d'histoire des religions. Le genre de diplôme plutôt confidentiel qui auraient dû m'ouvrir les portes de musées ou me permettre de rejoindre des équipes de chercheurs en éthologie ou ethnologie ? J'ai choisi autre chose, j'ai repris une petite boutique à Bâton-rouge pas loin de cette plantation Myrtle qui fait couler tant d'encre, prétendument hantée. J'y vendais des souvenirs de Louisiane, commerce florissant ne vous y trompez pas ! Et … des filtres, envoûtements, maléfices... Cela, pour l'arrière boutique.
C'est la que j'ai eu la surprise récemment de voir entrer Camille, le Auffray de cette époque dont la grand-mère Lianne a eu l'agréable surprise de se voir remettre -en tant que dernière héritière de la famille- la fortune Warrington. Je le connais depuis sa naissance quelques années après la mienne, j'ai joué avec lui, il était l'ami de mon frère autant que le mien...
Pour l'instant j'officie principalement pour lui, mais il y a ici une population de croyants aux oreilles desquels mon retour a été propagé par des bouches amies. Dans mon arrière-boutique, des fétiches, des fioles, tout un assortiment de poupées... Cela, c'est le folklore, la puissance est ailleurs, résumer mon savoir et mon talent à ces objets serait dire que le vent souffle parce qu'on a mis à sa disposition des manches-à-air ? Je suis habitée... Quand je danse, je sens graduellement les loas se mettre à ma portée, les ancêtres appelés ouvrent la porte aux guédés... Accessoirement, je sers les loas « des deux mains » comme on dit chez moi, magie blanche et sombres sorts... Si c'est vraiment nécessaire...
La plupart des gens voient tout cela comme une survivance de croyances superstitieuses, un dangereux amusement -qui sait, si c'était vrai !- moi, je crois, je sais.
Cela dit, pour mes nouveaux voisins, je suis Diane Desoffrey, les femmes trouvent parfois que mon physique leur porte préjudice alors je fais en mesure de paraître quelconque, les hommes... pour beaucoup lorgnent sur ma silhouette oublieux de tout ce qui fait ma personnalité, instruction, profession, intelligence même ? Je hais ces mâles qui restreignent la femme à son rôle de femelle !
Pour d'autres, ceux qui comptent pour moi en fait, je suis la Mambo Mary.
Mes mains continuent de battre la mesure... La mesure de quoi ? Je sens comme des milliers de mouches qui piqueraient mon corps pour y pondre ! Un corps -assurément peu vivant ?- sinon qu'y feraient ces insectes ?! Je sens... des serpents nager dans mes veines et mes artères, répandant leur poison en mordants les cellules sanguines... Je sens, quelque chose d'immonde et insidieux, roder autour de ma cervelle mise à nuit par ma boîte crânienne ouverte comme un œuf à la coque ! La douleur, la peur, que dis-je ? La terreur de me voir de dessus, dans un trou et une boîte ! Un enterrement d'homme seul, pas même mes chats, puis... mes yeux fermés se rouvrent pour voir cinq fourrures emmêlées et sanglantes, et je hurle plus encore !
Qu'avons-nous fait ? Je n'ai pourtant rien pris ? Elle ne m'a pas donné de filtre ou d'herbes à avaler ? Pas même dessiné sur le corps avec une peinture additionnée de je ne sais quelle substance ? Comment puis-je en être là ? Comme un bateau sur un fleuve qui déborde, sans amarres, sans gouvernail, offert aux flots, qui dérive et prend des coups, sans direction logique sinon suivre le cours de la rivière, celui d'aujour'hui, peut-être qu'à la décrue il se trouvera en plein champs, dans le marais, ou posé je ne sais où au milieu d'une ville ?
Je m'accroche à l'âme de la prêtresse que je sens proche, elle me suit, tente de me rattraper ! Je crie encore, éperdu, ma tombe se creuse, le cercueil tombe, des griffes avides essaient de me saisir ! Je vois les visages ou du moins ce qu'il en reste ! Cette Pamela que j'ai refusé d'épouser malgré ses filets tendus avec l'aide de sa mère ! Elle avait la fortune Grant -ou plutôt Auffray- dans le viseur... Ce type qui m'a martyrisé une partie de mon école primaire avant que je ne fabrique de lui une effigie que nous torturions, Mary, son petit frère et moi... Pourquoi ?! Je n'ai jamais fait de mal à personne d'innocent ! Tous les gens auxquels j'ai causé du tort -volontairement ou pas- avaient -parfois beaucoup- des choses à se reprocher ? Ils se trouvent à me harceler et à tirer mes restes vers le bas... vers l'enfer ?
Mais ne comprennent-ils pas qu'il est sur terre !
A nouveau je hurle !
Je n'ai pas mérité ça ! Cela dit je suis certain que tous les damnés arrivent devant Saint-Pierre en le jurant et prennent l'ascenseur vers le royaume de feu en le clamant ! Mais non ! J'en suis sûr ! Je ne suis pas mauvais ! Et puis, je dois vivre ! Je n'ai pas fini mon parcours ! Ce n'est pas pour moi, les gens ont tellement besoin de merveilleux ! C'est ce que je leur offre du merveilleux ? Mes mises en scène, mes sketchs, mes tableaux vivants, mes décors, mes maquillages ?!
J'offre du rêve et on me donne le cauchemar ?
« Mary ! Empêche-les ! Arrête-les ! Ils vont m'emporter ! Ils vont m'emporter ! Mary ! Ils m'arrachent la peau ! Ils veulent me dépecer ! Maryyyyyy ! »
Je me sens secoué, son âme l'est aussi...
Camille ! Camille reviens ! Tiens bon ! Camille!
Je n'entends plus rien, je me tords pour me soustraire aux milliers de doigts à griffes qui me labourent la couenne ! Pas comme ça ! Pas comme ça !
Envoûté ! Possédé ! Il me l'a dit pourtant ! Il décrivait une absence totale d'entrain, d'appétit, de joie ! Des cauchemars, des idées noires, une voix qui ne cessait de l'enjoindre à cesser de lutter et qui l'entraînait à la suivre, là-bas dans l'autre monde ! Quelle folle je suis ! Je ne l'ai pas suffisamment pris au sérieux ! Je le vois se contorsionner, hurler, appeler mon nom et celui de Lianne !
Lianne ? Pourquoi Lianne ?
Elle a été son soutien toute son enfance et une partie de son adolescence mais Lianne réprouvait son attachement à la Religion ? Elle n'a jamais cru en rien si ce n'est en l'acharnement, elle en a usé je le reconnais et a surmonté de durs moments, elle a perdu sa fille partie avec un moins que rien et qui lui vouait une rancune sans limite d'avoir autorisé son premier mariage, comme si les mères d'aujourd'hui pouvaient empêcher une jeune femme d'épouser qui elle voulait ! Elle a perdu un premier mari dont je ne sais rien, Camille non plus, un second l'acteur Humphrey Grant de quinze ans plus jeune qu'elle, puis la santé et a mené un combat dantesque contre la maladie !
Oui, Lianne était une femme forte, si elle avait « cru » elle aurait pu être une puissante mambo, c'était un caractère dur et strict, sûr de ses convictions que n'arrêtaient ni la morale, ni la bienséance, ni rien d'humain ! Elle se fixait un objectif et l'atteignait ! Qui qu'il lui en coûte, et quoi qu'il en coûte à son entourage.
Le Camille que j'ai connu enfant était comme elle ? Quand et comment est-il devenu ce jeune homme pusillanime qui sombre là, sous mes yeux !
- Camille ! Camille écoute-moi, suis ma voix, ne te laisse pas distraire ! Tiens bon ! Camille, guide ton âme jusqu'à mes mots ! Écoute le tambour, écoute le loa ! Écoute le son de mes mots, de mes pas ! Ne laisse rien ni personne te déstabiliser, regarde-les, mets des noms sur leurs visages, nous saurons qui combattre !!
Je continue à danser, mais mes mains tout en mimant les gestes rituels sortent du grand sac fourre-tout que j'ai apporté avec moi des flacons, des senteurs, des pommades... Il me faut le ramener, je n'ai pas pris l'exacte mesure de sa souffrance, de sa faiblesse, de l'emprise de celui ou celle qui l'appelle et le mine !
- Camille ...
Je m'arrête net, la porte s'est ouverte avec fracas, deux énergumènes affolés sont là, bouche bée et les bras ballants ! Du moins c'est l'impression que j'ai !
- Qu'est-ce que vous fichez là ! Vous allez tout foutre en l'air ! Vous ne voyez pas qu'il est maléficié !
Prestement je m'approche de mon ami et lui fait respirer le contenu d'une petite bouteille, le diable en lui doit y être sensible ! Je me suis trompée d'approche, ce n'est pas un botono puissant qui l'a maudit, j'ai invoqué son loa, offert le sacrifice, je ne me demande pas un instant ce que les deux arrivants pensent de la pièce ? Les symboles tracés au sol sur le carrelage dont j'ai retiré le tapis roulé dans un coin, l'oiseau qui se vide de son sang épinglé au papier peint défraîchi... Je ne pense qu'à Camille...
Qui peut vouloir tant de mal à un homme, sinon un guédé en colère ? Il n'a cessé d'appeler Lianne et me suppliait de le sauver... Elle est morte depuis plus d'un an, tous ont cru qu'il ne se remettait pas de cette mort parce qu'il l'aimait avec passion... Une sorte de dépression...
Il est là, pantelant, ses mains ont quitté le tambour, il est au bord du coma !
- Camille ? Poukisa Lianne ta ka fache sou ou? (*)
Je me tourne vers les deux autres et aboie presque :
- Puisque vous êtes là ! Soutenez-le ! Bondye dwe ede l! Je traduis aussitôt - Il faut que le Bondie l'aide ! Pour cela je dois le ramener dans le monde de la vie...
Il est temps pour Papa Legba de lui ouvrir les portes... C'est un loa capricieux, Camille se voyait passant celle du succès, il semble qu'il ne lui ait pas ouvert la bonne ! Mais j'ai confiance dans le blond, quoi que Lianne lui veuille, quelle que soit la raison de sa colère, elle ne pourra pas vaincre à la vois un loa puissant et la volonté de son petit-fils !
Pour la première fois je me demande à quoi je ressemble pour ses deux amis incroyants... Ma peau n'est pas plus sombre que celle de Dan dont il m'a parlé plusieurs fois, Siggy lui doit me trouver d'un noir d'encre mais il paraît qu'il s'en fiche ? Avec un fichu sur la tête, une longue robe blanche rituelle, des peintures sur le visage et les bras nus, des colliers, bracelets, gris-gris...
Guédé : ancêtre Botono : sorcier noir Bondie : Bon Dieu, Papa Legba : Intermédiaire entre les dieux et l’humanité. Il parle toutes les langues humaines. Il est toujours le premier dieu à être invoqué dans les cérémonies vaudou. C’est à travers Legba que les loas vont et viennent du royaume des dieux vers le monde des mortels pour posséder des adorateurs. Il protège la porte et toutes les routes qui mènent du monde des dieux à celui des Hommes. Il détient la clé de cet accès. Par extension, il est considéré comme le dieu de toutes les portes et de tous les carrefours.
Univers fétiche : euuuh aventure, fantastique, city, histo, steampunk...
Préférence de jeu : Homme
Mandrin
Ven 26 Avr - 22:11
Sheridan Roje
Je suis citoyen américain ans et je vis à La Nouvelle-Orléans, USA. Dans la vie, je suis conducteur de calèche et je m'en sors pas mal du tout. Sinon, grâce à ma chance, je suis fou amoureux et je le vis plutôt bien. On m'a donné tous les surnoms possibles sur la base de mon nom existant, alors n'hésitez pas, créez votre propre sauce ! Vous gagnerez peut-être un prix si vous arrivez à me faire rire ! Je suis notamment reconnaissable à ma cicatrice au visage, souvenir d'une époque où j'ai tenté ma chance comme cascadeur et très vite regretté. J'étais ado, on fait tous des erreurs. J'ai laissé tombé la comédie et l'escrime à ce moment-là, pour me consacrer au ranch de ma mère et à un apprentissage d'artisan, mais en arrivant en Louisiane, en construisant ma propre famille, j'ai renoué avec ces vieilles ambitions.
Oh, je ne cherche plus à faire carrière sur vos écrans. Quoique j'ai déjà fait un peu de figuration pour un petit clip de métal que vous n'avez sans doute pas vu. Non, surtout, je transporte les touristes en calèche dans la vieille ville pendant que le guide raconte l'Histoire ancienne, et à force de tout entendre encore et encore, je commence déjà à connaître tout ça par coeur.
Dans la lumière tremblante, Dan assailli par l'odeur du sang et des herbes voit la femme rouge, et dans sa voix il entend les ordres de sa compagne de captivité. La liberté mérite tous les combats. Et il ne doute pas que Camille se bat en ce moment. Est-il vraiment besoin de crier dans sa direction ? Un homme qui sombre se bat toujours, même s'il s'est de sa propre volonté jeté à l'eau ! Pourtant les voilà qui l'entourent tous les trois, comme s'il avait besoin de leurs voix dans sa tête, lui qui est déjà si affreusement hanté. Qu'est-ce qui lui arrive ? Dan ne pose même pas la question. Il n'a pas connu cette même chute mais il a été hanté lui aussi. Et s'il a surmonté cette mauvaise passe, s'il s'en est sorti le cerveau presque intact, c'est parce que Camille, au lieu de le mettre à la porte, l'a invité à passer du temps chez lui et à parler au calme, et à se conduire en être humain, jusqu'à ce que les démons renoncent.
Des démons, c'est ça qu'il y a ici ? Dan s'en fiche bien. Il est dévoré par la haine envers ces entités, quelles qu'elles soient. Une envie de détruire, de brûler, d'écraser entre ses mains. Il ferme les yeux pour la faire taire, ce ne sera pas possible ce soir, ce ne sera pas si simple. Sa voix basse se superpose aux incantations de la fée de sang et trouve même un rythme en accord avec le sien. Il lui semble - mais ça n'a pas de sens - qu'il a déjà fait cela, il y a très longtemps, dans d'autres vies.
"Camille, tu es fort. Tu as chassé mes démons. Quand mon propre frère m'a tourné le dos, tu m'as rendu courage. Tu nous as accueillis dans la demeure de tes ancêtres. Tu es notre protecteur, notre ange gardien. Bats-toi pour nous, et nous nous battrons pour toi."
Son frère. Ce mot a fait déborder ses yeux soudainement, une envie de pleurer lui a coupé la parole. Démuni, perdu, il se tourne vers Siggy pour le serrer contre lui, protection contre la destruction du monde. Dire qu'il y a quelques minutes, ils ressentaient tout ce qu'il y a de plus libérateur et de plus beau ! Et ce sentiment existe encore, et un jour Camille le ressentira lui aussi. Il faut y croire, il faut s'y accrocher. Impossible, au contact de son Siggy solaire, d'arborer autre chose qu'un sourire.
"Tu es plus fort que les maléfices, Camille. Tu m'as délivré du mien. Ta place est là avec nous. Témoin à notre mariage."
Il avait presque l'impression de lui reprocher son état et il ne voulait surtout pas faire une telle chose. Imaginer son ami sombrer dans les ténèbres avec le souvenir de sa voix en train de lui faire un reproche... Ce serait une horrible injustice. Son moral faisait des dents de scie, il était beaucoup trop atteint par les phénomènes à l'oeuvre ici même s'il y évoluait comme un aveugle dans un labyrinthe.
"Et si un jour ils sont plus forts que toi, sache que je comprends. Je comprends." Sa main se posa sur les cheveux de Camille, cherchant à capter son attention. Où était-il parti ? A quelle distance ? Les voyait-il encore ? N'aurait-il pas fallu appeler une ambulance ? Il fallait qu'il réprime sa panique, il ne voulait surtout pas la transmettre. "Parlons pas de ça. Rassure-nous, qu'on puisse se rhabiller, d'accord ?"
Son regard errait sur la scène, il commençait à peine à en percevoir consciemment les détails. Il fallait que cette femme en charge des événements lui donne des instructions. Il revivait son évasion des mains de la mafia, et il ne s'en rendait même pas compte. Tout ce qu'il percevait, c'était l'ombre alentour, et la nécessité d'arriver jusqu'au soleil. Et il avait besoin de son langage corporel pour communiquer à son amoureux dans quel état il était lui-même : il aurait été incapable de le décrire, il le percevait à peine.
"Qu'est-ce qu'il a ? Il y a des esprits mauvais ici, hein ? Comment je peux m'y prendre pour leur faire mal ? Je peux donner mon sang au besoin. J'en manque pas."