Bon... prince Andrew ce n'était pas trop mal comme formulation. Ca faisait un peu moins caricature que ce qu'il avait fait la dernière fois qu'on s'était vu. Il progressait ou alors il était beaucoup moins bourré. Peut être un peu des deux.

Mais chassait le naturel et il revenait au galop. La remarque suivante, sur le plaisir de me revoir, était clairement remplie d'ironie. Quant à la question ensuite... c'était fait aussi pour me provoquer. Avait il conscience d'à quel point le sujet pouvait être sensible pour moi? J'espérais que non. S'il le savait, ça serait particulièrement un connard que d'appuyer là où ça faisait mal. Nous nous connaissions à peine, pourquoi ce besoin de faire souffrir les autres? A part quand on était un trou du cul. Mais non, il ne pouvait pas savoir que c'était un sujet sensible, encore moins pourquoi ça l'était. Je n'irais jamais me marier. Je refusais de jouer une comédie avec une femme que je ne toucherais jamais. Je ne pourrais pas lui faire subir ça. Subir la pression de la cour, de la couronne tout en étant mariée à un homme qui ne serait jamais plus qu'un ami. Sans parler du fait qu'elle finirait par se faire critiquer pour ne pas avoir donné d'héritier à la couronne. Même si ce ne serait pas de sa faute, même si ça serait la mienne parce que je ne pourrais pas la toucher. Les gens la rendraient quand même responsable. Sans parler du fait que peut être un jour elle finirait par en avoir marre, elle partirait et rien ne pourrait l'empêcher de révéler à tous que son époux le prince ne la touchait pas. Ca ferait scandale... Alors mieux valait ne jamais me marier.

- Une foule c'est vrai. Mais aucune ne trouve grâce à mes yeux. Je dois vraiment être comme on me décrit, particulièrement difficile. Alors profitez, ça serait certainement le seul mariage royal britannique auquel vous allez assister.

Je repris une gorgée de mon verre, sans alcool bien entendu. J'avais toute une soirée à tenir, où je devais accomplir mon devoir. La détente n'était pas un mot qui faisait parti de mon quotidien.

- Et vous? Y a t il une foule de jeunes femmes rêvant de devenir la belle fille du président?

Dans un événement aussi officiel, Chad se faisait un point d’honneur à avoir l’air courtois. Ça ne voulait pas dire qu’il l’était. Bien sûr, il ne voulait pas créer d’esclandres mais pouvait-il résister à la tentation de lui envoyer quelques piques ? Absolument pas. Mais il le faisait avec son sourire ultra bright d’américain. « Aucune ? » Chad siffla, l’air surpris. C’est qu’il se confiait quand même un peu. C’était marrant de décider de lui dévoiler quelque chose comme ça. La plupart des garçons préféraient se vanter de leurs conquêtes, en rajouter des tonnes. Lui, il lui disait simplement qu’il ne se marierait probablement jamais. « Quel cynisme. Vous avez tout le temps de trouver le grand amour et de vous marier. » que Chad fit remarquer, sincère pour le coup. Il y croyait. Un jour, on croisait le grand amour et on ne le quittait plus. « Bien sûr ! » Il haussa les épaules. S’il était aussi sélectif que l’était le prince Andrew ? Oh non. Il profitait et il profitait bien. Il n’avait pas les mêmes devoirs moraux que s’il était couronné alors pourquoi se priver ? Il était jeune et avait besoin de se découvrir. « Mais pas que. Je me laisse régulièrement tenter par les hommes, ça multiplie les possibilités. » Et si c’était vrai, Chad ne le disait que dans le seul but de choquer le prince. L’homosexualité, la bisexualité, ce n’était pas vraiment un sujet abordé dans la famille royale d’Angleterre. Il avait hâte de le voir se décomposer et guettait sa réaction avec un sourire narquois.

Oh tout le temps ça je n'en doutais pas. J'étais encore jeune c'était vrai. Mais je savais aussi que lorsque je trouverais le grand amour, je ne pourrais pas l'épouser, ni vivre avec lui. Mon père n'accepterait jamais que je sois le premier prince ouvertement homosexuel. Ca ne se faisait pas. Je me cachais, j'avais des aventures sans lendemain dont personne dans ma fille n'était au courant. Mais je ne pourrais jamais avoir plus que ça. Alors j'espérais, au contraire, ne jamais trouver ce grand amour. Ce serait trop cruel de le trouver et de ne pouvoir vivre à ses côtés.

J'accusais le coup alors qu'il parlait ouvertement de sa bisexualité. C'était un de ces moments où porter le masque du prince en permanence en public était plus qu'utile. Cela évitait à la jalousie de déformer mes traits. Il était davantage libre que je ne l'étais. Le fils d'un président n'avait pas la même pression qu'un prince. Dans quelques années son père ne serait plus président, il ne serait plus sur le devant de la scène. Il serait libre de vivre comme il l'entendait. Des chefs d'état homosexuel il commençait à y en avoir un peu partout dans le monde. Ca ne poserait certainement pas de problème si il venait à s'afficher avec un homme. Je n'avais pas cette liberté là.

- Grand bien vous fasse. Si cette vie de débauche vous convient, je ne suis personne pour vous juger.

Je n'allais pas le juger, juste l'envier un peu. Lui si il rencontrait son grand amour, si celui ci était un homme, il n'aurait aucun problème pour l'épouser...

Quelle deception. Chad s’était attendu à voir un prince profondément choqué par ses révélations mais il n’avait pas levé le moindre sourcil. Il esquissa une petite moue, déçu. Soit ça ne le choquait en effet pas, soit il avait été tellement bien entrainé par la couronne qu’il avait appris à camoufler toutes ses émotions. « C’est ça. Vous êtes personne. » Il avait volontairement marqué une pause dans le seul but d’être le plus provocant possible. Il avait sourit, plus amusé qu’autre chose avant de reprendre : « Pour me juger, je veux dire. » Aujourd’hui, il était parfaitement clair. La dernière fois, il s’était senti pousser des ailes avec l’alcool. Preuve qu’il n’avait pas besoin d’être alcoolisé pour être audacieux. Voire même carrément insolent. Ça faisait son charme. Pas sûr que le prince le voyait de cet oeil là. « Vous devriez essayer… la débauche. Ça vous détendrait un peu. Rassurez-moi, on a le droit à une vie sexuelle quand on est prince ? » qu’il avait demandé en faisant exprès de jouer à l’imbécile.

Je levais les yeux au ciel en entendant la petite pique. Je n'étais personne... Mais bien sur, j'étais prince d'Angleterre et il le savait très bien. Il faisait exprès pour m'emmerder. Ce mec était vraiment insupportable. J'espérais que le mandat de son père se termine au plus vite que je ne sois plus obligé de le supporter. Les autres enfants de dirigeants n'étaient pas comme ça. Ils savaient se tenir. Ils étaient conscients de ce que représentait leur rôle. Ce n'était pas quelque chose qu'il fallait prendre à la légère, pas comme il le faisait. Il fallait espérer aussi que jamais il ne lui vienne à l'esprit de faire de la politique, ça serait un désastre.

Je soupirais en entendant sa question sur ma vie sexuelle.

- A votre avis?

Non mais il était sérieux? Il pensait vraiment que je ne m'étais jamais envoyé en l'air? Bien sur que je l'avais fait. Mais je choisissais soigneusement mes partenaires, le contexte dans lequel je le faisais.

- Ce n'est pas parce que je fais preuve de discrétion et de classe que je ne fais rien de ma vie. Je n'ai pas à faire étalage de ma vie privée dans les tabloïds, c'est la différence entre nous.

Je ne pouvais pas me le permettre. Je ne pouvais pas faire éclater de scandales. On n'attendait pas la même chose de moi que de ce fils de parvenu. Il disparait dans peu de temps. Il n'avait pas sur les épaules le poids de plusieurs siècles d'histoire. Il n'avait pas de rang à tenir. Il semblait incapable de comprendre quelque chose d'aussi simple. Alors qu'il aurait du prendre exemple sur ça.