- On a toujours besoin de kiné. Ton centre de gravité n’est pas le même tout le temps, quand tu changes ta prothèse par exemple, cela peut engendrer des …

Il se tut, mange un peu et marmonne quelque chose dans sa barbe avant de s’excuser d’être un peu trop professionnel. Pas comme s’ils avaient passé une journée ensemble à ne faire absolument rien de professionnel, hein… Donc bon. Mais ça le dérange qu’elle soit devenu son amie, simplement parce qu’il ne pourrait plus suivre la progression de ses os. C’était bizarre dit ainsi… mais maintenant, il ne pouvait plus la voir comme une amie et ça le dérange.

- Tu auras toujours tes massages.

Et ça, il n’en démordra pas. Si elle veut l’inviter faire de l’escalade ou du parapente pour essayer de lui faire oublier les combats, libre à elle. Elle n’y arrivera pas –qu’il croit- mais il pouvait la laisser faire. Mais rien ne le détournera du besoin, quasi pathologique de faire du bien aux personnes qu’il aime avec ses mains. Et ce n’était pas moins ambigue. Mais au moins, lui, il le gardait pour lui. Il relève les yeux à la question, sourit à peine parce qu’on devait sourire dans ce genre de cas et posa la tomate qu’il allait porter à sa bouche pour réfléchir.

- Déjà, merci pour les compliments, et sache que je pourrais te retourner la question en même tant que ta description de moi. Pour ce qui est de la réponse…

Il tort sa bouche dans un essai évident de voir « en arrière » pour pouvoir répondre à la question. Il y avait là une vraie question. Il ne se l’était jamais posé. Il était bien trop jeune encore pour se poser ce genre de question… et heureusement pour lui, il était un homme. Ce qui fait qu’on le laissait plus facilement tranquille pour son manque de femmes dans sa vie.

- Avant, c’était à cause de Mary. Oh, pas que je donne tout à ma sœur, bien que c’était le cas … mais … Est-ce que je t’ai dit qu’elle pouvait être un petit démon vicieux ? Chaque fois que j’ai amené une femme avec qui ça collait, Mary a fait en sorte de me montrer son vrai visage. Rien de méchant, je devrais la remercier plus qu’autre chose.

Même si Nathan se demande quel genre de femme conviendrait à sa sœur pour lui. Il pose un regard vers Billie. Gentille, passionnée… et avec aucune arrière pensée. Fin, pas le genre « une fois avec moi, il te verra moins ». Un petit démon.

- Pour récemment, comme tu as pu le voir, je ne suis pas de très bonne compagnie, alors j’évite la compagnie féminine… Enfin, sauf quand celle-ci prends rendez-vous sous un faux prétexte pour me kidnapper ensuite dans des sorties, mais je connais qu’une personne qui a fait ça.

Il lui lance un regard entendu avant de reprendre.

- Et donc et toi ? Tu es lumineuse, est-ce que je risque de me prendre un pain de la part d’un monsieur pour ta compagnie, justement ?

Je levais rapidement les yeux au ciel en l'entendant me retourner mon compliment. Pour le intelligente il pouvait l'enlever. Je n'avais pas fait d'études. Je m'étais arrêtée après le lycée pour me consacrer pleinement à la danse avant de tout laisser tomber. J'étais capable de peindre mais c'était à peu près tout. J'étais loin d'avoir les connaissance qu'il avait.

Je l'écoutais tout en mangeant. Pour le avant je comprenais. Il s'était concentré uniquement sur sa soeur, lui laissant peu de temps pour penser à lui. Je souris légèrement en l'entendant parler des tendances protectrices de sa petite soeur et de ce qu'elle avait fait subir aux petites amies de son frère. Je trouvais surtout ça mignon de mon côté. Il voulait ce qu'il y avait de mieux pour son frère. Il avait tellement donné pour elle qu'elle voulait un peu prendre soin de lui.

Je ris alors qu'il venait donner un portrait peu flatteur de ce que j'avais fait.

- Et bien je dirais que cette personne est particulièrement attentionnée et t'apprécies beaucoup pour être passer par dessus ton comportement pour te proposer des sorties. Tu devrais la garder comme amie je crois.

Et bien entendu mon conseil était purement objectif et complètement désintéressé. Je ne disais pas ça pour le convaincre de continuer de me fréquenter.

Je ris une nouvelle fois alors qu'il venait s'inquiéter de voir un type débarquer pour lui refaire le portrait.

- Non tu ne risques rien. Il n'y a aucun mec dans ma vie. Et c'est un peu difficile de dire pourquoi.

Je repris une bouchée, réfléchissant à comment je pouvais résumer mon absence de vie amoureuse.

- J'ai eu quelques amourettes adolescente mais à l'époque je me concentrais surtout sur la danse. Je n'avais pas le temps pour quelque chose de plus sérieux. Puis quand j'ai tout plaqué pour la peinture, l'envie de me poser ne m'est pas venue. J'avais envie de m'amuser, de profiter, d'être libre. Je ne voulais pas être coincé avec un homme. Puis il y a eu le cancer...

Pas besoin d'expliquer pourquoi je n'avais pas voulu me mettre en couple à ce moment là. Se mettre avec quelqu'un en sachant qu'on allait mourir, ce n'était pas ce qu'il y avait de mieux.

- Mais je m'en suis sortie. Et j'ai recommencé à profiter de la vie. Je ne saurais pas dire pourquoi je n'ai personne. Peut être juste que je n'ai pas trouvé la bonne personne, celui qui me donnerait envie de me poser.

Ils étaient bien pour une nuit ou deux, mais je n'avais jamais trouvé de mec avec qui j'aurais eu envie de construire quelque chose. Et maintenant... maintenant le cancer était revenu. Si je devais vivre quelque chose avec un homme ça ne serait pas sérieux.

- Je pense que je vais la garder comme amie. Mais qui peut dire si c’est pour les sorties ou simple pour la voir ? Cela restera un mystère entier.

Bien, parfait. Parfaitement un commentaire que l’ancien Nathan aurait pu dire. Il doit continuer comme ça. Ainsi, cette amie arrêterait d’avoir peur pour lui, et tout ira mieux. Bien mieux. Il pourrait ensuite oublier tout ça et repartir… n’est-ce pas ? Une fois qu’elle serait fatiguée et verra qu’il va bien… Non ? Il n’en sait rien, il se prend trop la tête. Déjà survivre à un premier rendez-vous … Il aimerait vraiment lui faire plaisir… Vraiment. Mais il ne voit pas comment il pourrait lui faire plaisir tout en restant lui-même.

- Je suis sûr que tu trouveras bientôt. Et ce jour là, j’éviterais de te proposer des massages, pour le bien de ma mâchoire.

Quoi que … S’il se bat avec un type pour une fille, est-ce que ça ne légitimerait pas son combat ? Peut-être que c’était ça le véritable problème … peut-être qu’en réalité, il lui fallait trouver une raison de se battre, autre que la douleur et la libération dans la violence qu’il ressentait ? Peut-être que ça serait mieux …. Mais pour le moment, il avait peur de trouver une raison. Une raison de se battre, comme elle, ça serait une raison de plus de souffrir. Il boit un coup pour éviter de faire transparaître ses émotions dans ses yeux. Une serveuse, toujours la même à croire qu’elle avait eu un crush sur Billie, revient avec la carte des dessert.

- Rien, juste l’addition, dit-il avant de poser un regard sur Billie, à mon tour de te montrer l’endroit parfait pour prendre un dessert dans cette ville.

Ils paient l’addition. Il voulait payer tout le repas, parce qu’il était comme ça et que clairement depuis un an, il ne sortait pas réellement … Il réussit à tout payer avec un sourire de vainqueur après avoir bataillé un moment. Il paie donc, lui rappelant qu’elle a payé pour l’entrée à l’escalade et qu’elle avait conduit, donc payé l’essence. Il pouvait trouver moult raison pour payer. Il finit par l’amener deux rues plus loin (// A pied je pensais, mais en voiture comme tu le sens). Il y avait plein de petits restaurants, de magasin encore ouvert mais il continua la route sur un chemin piéton. Là, il y avait un glacier ambulant. Nathan s’approche en lui proposant une glace.

- Choisi ton goût.

Et là, les noms des goûts n’avaient ni queue ni tête. Fraise jaune des non-bois, miramoche, On n’est pas un pirate, entre autres noms étranges. Le glacier sourit à Nathan, et Nathan ne lui réponds que par un hochement de tête. Il venait souvent ici avec Mary, avant. Maintenant … Ce n’était pas la même chose. Il se sent aventureux, et plutôt surprenant, et observe Billie.

- Et choisi pour moi aussi tiens. Voyons voir sur quoi je vais tomber.

- Tant qu'il me garde comme amie ça me va.

Je lui souris doucement tout en terminant mon hamburger. La serveuse revint vite après, nous proposons la carte des desserts. J'étais sur le point de lui dire que oui, j'avais terriblement envie d'un milkshake, quand il me coupa. Je souris en l'entendant me proposer de m'emmener dans un endroit spécial pour manger des glaces.

- Je te suis avec plaisir.

On batailla ensuite pour payer l'addition. Je l'avais invité pour cette soirée alors c'était à moi de payer. J'étais une femme moderne, je n'avais pas besoin qu'un homme me paye le repas. Et de toute façon ce n'était pas un rencard mais une sortie entre amis et c'était normal qu'on partage dans ce cas. Mais malgré mes excellents arguments, il remporta la bataille. Je le laissais payer, grommelant dans mon coin un "sale macho". Je ne laisserais pas passer ça. La prochaine fois je paierais.

Je le suivis jusqu'au marchand de glace dont il m'avait parlé, discutant tranquillement.

- Ne t'en fais pas, je ne dirais rien à un potentiel petit ami à propos de tes massages. Je ne suis pas folle. Je ne vais pas risquer de perdre tes massages en lui disant tout. Et de toute façon je te l'ai dit, il y a très peu de chance que je trouve quelqu'un.

Un plan cul ça oui j'en aurais. Mais je ne voyais pas en quoi ma vie les concernait. Mais un petit ami ça serait plutôt inconscient dans l'état actuel des choses.

Je m'arrêtais avec lui devant le glacier, souriant en découvrant les noms des crèmes glacées, tous plus barrés les uns que les autres. C'était exactement le genre d'endroit que j'adorais. Il allait falloir que je note l'adresse et que je revienne pour tester un peu tous les parfums que je pouvais voir.

- Tu prends des risques là tu sais.

J'éclatais de rire avant de chercher la glace parfaite pour lui. Je cherchais quelques instants avant de pousser un petit cri de victoire.

- Alors pour lui ce sera crottin de licorne.

Je montrais du doigt la glace multicolore. C'était impossible de savoir à quoi elle pouvait bien être et rien dans le nom ne donnait le moindre indice.

- Et moi je vais prendre le pingouin givré.

Je montrais du doigt une glace blanche avec un petit sourire. Je me retournais ensuite vers Nathan, fière de ma connerie.

- Tu as payé le diner, je paye les glaces. Et n'essaie pas de négocier. Promets moi juste que tu me feras goûter ton crottin de licorne, je suis trop curieuse.

Il sourit doucement, pendant qu’elle ne regardait pas. Il cachait ce sourire pour pas qu’elle ne pense avoir réussi… et aussi parce qu’il avait envie de le garder secret. Juste un peu pour lui. L’égoïsme dans sa plus grande illustration mais il s’en fou.

- Je trouve que tu as toutes tes chances. Des gens lumineux comme toi, ça ne court pas les rues.

Elle méritait un gars gentil, attentionné, amoureux, peut-être avec de l’humour, et même là encore ce n’était pas obligation. Un gars qui comprendrait les problèmes de son corps et ne les jugerait pas… ça serait le pire. Mary lui disait souvent que ce qu’elle aimait le moins c’était quand les élèves, les garçons, de sa classe faisaient semblant de comprendre son handicap. Comme si elle n’était pas déjà conscience de son fardeau, il fallait en plus qu’elle explique à un garçon de 14 ans que, oui elle aimerait bien se tenir droite mais non ce n’est pas totalement possible pour elle… et ça même s’il lui rappelle gentiment toutes les trois secondes. Bref, Billie méritait quelqu’un de bien. Et Nathan était sûr qu’un jour quelqu’un verrait la lumière qu’elle dégage et ne pourrait plus détacher ses yeux d’elle. Et vice versa, il l’espère. Il la laisse choisir. Ne dit rien sur les risques. S’il connait l’endroit, c’est qu’il a déjà était victime. Il prend le crottin de licorne dans son cornet avant d’attendre sa propre commande.

- Donc, on prend le truc étrange pour moi et mignon pour toi. Je retiens pour la prochaine fois, tiens.

Il la laisse payer sans soucis, pour cette fois… Il aimait bien avoir ce genre de débat un peu « doux » et simplet. C’était la discussion de monsieur et madame tout le monde. Tout le monde, dans sa vie, avait eu à un moment donné, cette discussion. Tout le monde. C’était impossible autrement. Alors, il trouvait cela reposant d’avoir des discussions normales. Loin de celle qu’il se fait avec lui-même. Il lui fait un signe de tête et l’emmène dans un parc un peu plus loin. Un petit parc. Si petit qu’on pouvait voir les deux autres entrées de celle qu’il ouvrit. Il se mit sur un banc en pierre avant de lui tendre sa glace.

- Ce qui est bien, c’est qu’il change aussi les couleurs, en mettant du colorant ou en le changeant. Donc, c’est toujours une surprise. Il n’y a que pour les allergies qu’il note et préviens. Mais comme tu n’as rien demandé …

Il sent une goutte qui tombe le long de ses doigts. Il change de main et met la goutte de ses doigts dans sa bouche avant de lever les yeux au ciel. Il est sûr qu’il a eu le droit au citron fraise. Ou en tout cas une des parties de couleur.

- Ah oui? J'en vois une autre pourtant.

Je lui mets un petit coup d'épaule en souriant. Il avait toujours été lumineux à mes yeux. Son sourire suffisait à ce que les gens se sentent mieux. Il avait ce don pour rendre les gens à l'aise, les aider à se sentir mieux. Un sourire, une parole, un geste... il avait toujours eu l'attention qu'il fallait. Il était lumineux. Et les personnes lumineuses ne devaient pas s'éteindre comme ça.

- Non je ne suis pas d'accord!! Les licornes c'est tout mignon. Et elles font caca des arc en ciel, ça n'a rien d'étrange.

Je m'installais à côté de lui dans le parc, hochant doucement la tête à ses paroles. Je récupérais ma glace, commençant à le goûter, essayant de deviner le goût tout en fronçant légèrement les sourcils.

- Noix de coco je dirais... aucun rapport avec les pingouins par contre.

Je ris légèrement en disant ça, reprenant un air sérieux par la suite. Je mangeais distraitement, mon regard perdu dans le parc. J'admirais les lieux, profitant du calme et de la paix de l'endroit. Le parc était quasiment désert à cette histoire ci. La plupart des gens rentraient chez eux, épuisés par un longue journée de travail. Il y avait l'autre partie de la ville qui s'éveillait doucement, celle qui vivait la nuit et qui s'apprêtait à faire la fête jusqu'au bout de la nuit. Je faisais partie du second groupe en général, ce soir était une exception. Je n'étais pas lumineuse comme il le disait. Je vivais à fond. Je consommais la vie le plus vite possible avant qu'elle ne m'échappe définitivement et que l'oubli ne m'emporte à tout jamais. J'étais folle désespérée, courant à toute allure après le temps avant qu'il ne m'échappe. Mais il allait le faire. Je perdrais ce combat. Peut être pas aujourd'hui mais un jour très certainement.

Je chassais bien vite ces pensées, essayant de ne pas le laisser apercevoir cette partie de moi. J'étais là pour lui. Je devais être la fille qu'il voyait, celle qu'il m'avait décrit. La Billie lumineuse qui voulait simplement être là pour celui que je voulais considérer comme un ami.

Je tendis un doigt pour prendre un petit peu de sa glace. Je le portais doucement à mes lèvres avant de le sucer tranquillement, prenant mon temps pour analyser son goût.

- Fraise citron, c'est plutôt sympa aussi.

Il n’avait pas rebondi sur son compliment –c’était bien un compliment, hein ?- parce qu’il ne l’était pas. Lumineux. Pas comme elle, elle l’était. Elle était tellement … Il l’observe d’un coin de l’œil, elle et sa noix de coco du pôle nord… il sent l’envie de lui sourire. Il sent quelque chose en lui. Et ça ne lui plait pas. Nathan ne veut pas sentir ce sentiment de … joie ? Non. Le mot était bien trop haut pour parler de ce qu’il ressentait. Il la laissa dans ses pensées pendant qu’il se débattait avec les siennes. Cela serait-il vraiment si désastreux que de se donner encore une chance dans la vie ? Billie n’allait pas mourir, elle. Mieux encore, elle n’allait pas se laisser mourir. Et elle avait déjà défini leur relation sur de l’amitié alors … Non. Il secoua la tête affirmativement avant se mettre à lécher sa glace.

- J’ai toujours aimé le citron, rajouta-t-il avant de finir sa glace.

Ils parlent un peu, de tout de rien. Il évita soigneusement le sujet des amitiés qu’il avait ou non. Il évita aussi de parle de ses combats. Il la raccompagna à sa voiture et la laissa repartir en déclinant la proposition de le raccompagner. Il avait besoin de courir, et il était exactement dans la tenue pour ça. Il met son téléphone en mode silencieux, et il traverse la ville en courant pour rejoindre son appartement. Bon. Cela devra suffire. Il ne sait pas combien de temps il pourra faire revenir l’ancien Nathan, sans qu’il ne revienne effectivement, et il en a aucune envie. Il se vautre dans son canapé. Il avait un petit appartement de célibataire. Une pièce salon salle à manger cuisine, une chambre, une salle d’eau. Suffisant pour lui. Il n’y avait pas trop de désordre, parce qu’il était le genre à tout remettre à sa place. Parce que les choses avaient une place. Lui, il était fait pour être sur un ring, pas sur un banc avec une femme. Il fit un rêve étrange, où Billie lui offrit des citrons. Les citrons avaient la même couleur que ses cheveux. Et ses baisers aussi. C’était après ce rêve qu’il s’était dit qu’il ne la rappellerait certainement pas.

**

Trois jours plus tard, il entendait son téléphone sonnait. Il avait passé la journée dans son appartement, rideaux tirés, volets et fenêtres fermés, à grogner de douleur de son combat d’il y a deux jours. Il avait refusé celui pour le rendez-vous avec Billie, mais il n’avait pas eu envie de refuser les deux autres d’après. Etalé dans son canapé, il attrapa son téléphone qui sonnait si fort dans son crâne qu’il avait l’impression d’en avoir le tournis. Un nouveau message, un nouveau rendez-vous. Il ne savait pas s’il devait accepter ou faire le mort … Après tout, elle ne connaissait pas son adresse et il n’avait plus aucune raison d’aller bosser. Grognant encore, parce qu’il était plus proche d’un ours que d’un homme sur l’instant, il se releva et parti prendre une douche. Il sentait la sueur, le sang et la fatigue. Il regarda l’heure du rendez-vous et le lieu. Il avait le temps. Malgré ce qu’il avait dit, il n’avait pas réussi à totalement l’ignorer quand elle lui avait envoyé des messages. Il n’avait pas envie qu’elle soit triste, aussi logique que cela puisse paraître… alors… Il avait répondu à ses messages, et maintenant, il était en train de prendre une douche et se raser pour être présentable. La logique … Il finit par sortir. Comme la première fois, il n’avait pas posé de question sur ce qu’elle voulait faire, juste s’il y avait des besoins pour leur rendez-vous…

- Salut, dit-il en s'approchant de la jeune femme, tu vas bien ? J'ai attendu mon prochain rendez-vous !

Mais, qu'est-ce qu'il raconte ?

La sortie s'était terminée tranquillement. Il m'avait raccompagné à ma voiture en parfait gentleman avant de partir en courant. J'étais rentré de mon côté et étais partie me mettre au lit, épuisée.

Je passais les jours suivants à penser à lui, à réfléchir à quelle sortie j'allais pouvoir lui proposer. Je ne voulais pas tomber dans les trucs trop bateaux, genre cinéma ou théâtre. Je voulais quelque chose qui sorte de l'ordinaire, qui lui fasse vivre une expérience à laquelle il repensera avec le sourire. Je voulais lui faire vivre des moments mémorables pour lui montrer à quel point la vie pouvait être belle et pleine de surprise. Mais pour le moment, je me demandais si tout ça ne me faisait pas plus de bien à moi qu'à lui. J'évitais de penser à ma prochaine séance de chimio qui allait arriver dans quelques jours. Je ne voulais pas penser à l'état dans lequel je serais à la sortie de la séance, épuisée, sans la moindre force, n'arrivant à rien avaler. Je voulais vivre et profiter de ces moments avec lui.

Je finis par trouver mon bonheur, une activité sportive suffisamment originale pour qu'il en prenne plein les yeux. Je m'étais assurée qu'il était libre avant de réserver notre excursion. J'avais souris quand il m'avait demandé la tenue avant de lui répondre.

Billie a écrit:

Des vêtements de sports assez chaud mais qui ne craignent pas d'être mouillés. Prévois de quoi te changer au cas où.

J'espérais que ça ne lui donne pas assez d'indices pour qu'il devine ce que nous allions faire.

Le soir venu, j'étais prête. Je lui avais donné rendez vous au pied de mon immeuble. J'avais enfilé une tenue sportive avec une veste Kway. J'avais dans mon sac de quoi me changer pour la suite du rendez vous. J'allais devoir aller à ma chimio le lendemain et je ne mangerais rien de la journée, voir pendant quelques jours. Alors ce soir je voulais profiter.

Je souris largement en le voyant.

- Je suis contente de le savoir. J'avais beaucoup trop hâte aussi. C'est quelque chose que je n'ai jamais fait mais qui promets d'être énorme.

Je grimpais dans la voiture avec lui et démarrais pour rejoindre le lieux de rendez vous. J'avais mis de la musique, me contentant de chantonner doucement dessus. Je ne l'obligeais pas à faire la conversation. J'avais noté la raideur dans ses mouvements mais je n'avais rien dit. Je devinais parfaitement qu'il était parti se battre. Je savais que je n'allais pas l'aider avec une sortie, mais je ne le lâcherais pas.

Je me garais finalement près d'un quai le long de l'Hudson. Je descendis avec un sourire, sautillant presque tellement j'étais excitée.

- Je n'ai jamais fait de kayak. Encore moins de nuit sur l'Hudson. Mais ça l'air splendide...

Je regardais en souriant les immeubles qui commençaient à s'illuminer alors que le soleil se couchait doucement.

- Ca te tente?

Il avait préparé ses affaires dans un sac de sport d’une salle dont il n’avait plus d’abonnement depuis plusieurs années. Il avait payé le sac et l’utilisé comme il faut. Il avait suivi strictement ses consignes et rejoint la jeune femme à l’heure et à l’endroit. Il ne sourit pas à la jeune femme mais cherche à trouver des indices sur où ils vont. Il se demande … Il avait quelques idées, mais au fond…. Pourquoi chercher alors qu’il allait le savoir sous peu ? Il attendait donc, observant la jeune femme en biais, curieux de savoir ce qu’il peut se passer dans sa tête. Il n’avait plus été aussi curieux d’une personne depuis … Depuis William. Mais il méritait toujours des baffes, lui, même mort. Il arrive devant Hudson et observe les embarcations qui se trouvaient sur une plage de départ.

Il observe le spectacle, la vue des berges depuis sa position, les kayaks qui dénotent dans l’eau foncé, il lâche aussi un regard vers la jeune femme. Elle était encore plus lumineuse ainsi, avec les lumières qui l’entourent comme une auréole. Elle ne semblait pas en avoir conscience, et Nathan décida de garder cette observation pour lui, pour le moment en tout cas. Il n’avait pas envie de se demander pourquoi « pour le moment ».

- J’ai déjà fait du kayak… mais je vais avoir un petit plaisir à te laisser tout faire et voir galérer. Cela me tente énormément.

Bon, il n’y avait pas de rapide ou de virage trop abrupt, il pense, donc ça ira. Mais ça serait drôle, il s’approche et prends place dans un kayak alors qu’il laisse un homme faire une explication à la jeune femme qui n’en avait jamais fait.  Il la laisse se placer et aide pour l’impulsion. Il avait mis son sac dans des tonneaux, mais il avait aussi enlevé ses chaussures et ses chaussettes. Il se retrouve au milieu de l’eau et par taquinerie, il envoya de l’eau, mais pas assez pour la mouillée.

- Avec toi, je fais beaucoup de sport, mais ça ne me dérange pas, rajouta-t-il peu désireux qu’elle s’en veuille.

Il prit son téléphone et le tendit en selfie alors qu’il s’approche d’elle pour faire une photo. Il allait l’envoyer à son grand-père pour prouver qu’il était encore en vie et que tout aller bien dans sa vie… ça c’était une super bonne idée pour éviter qu’on lui prenne la tête tiens.

Je lui mis un petit coup sur l'épaule en riant.

- Espèce de monstre! Vouloir ainsi que je galère c'est pas cool. T'es pas sensé m'aider? On n'est pas dans le même bateau?

Petit jeu de mot volontaire. Je lui souris malicieusement alors que j'enfilais mon gilet de sauvetage et que je récupérais ma pagaie.

- Je vais tout déchirer tu vas voir.

Je montais avec précaution quand même sur le kayak, faisant attention de ne pas perdre l'équilibre avec ma prothèse. Je restais sérieuse quelques temps, écoutant avec attention les consignes du guide. C'était la première fois pour moi et je n'avais qu'une vague idée de comment je devais m'y prendre pour faire avancer ce bateau. Je savais que je devais ramer oui et c'était bien l'essentiel non.

Je ris de plus belle en le sentant m'arroser.

- C'était une mauvaise idée je crois. Tu es vraiment affreux!

Je l'arrosais à mon tour, continuant de rire. Je me laissais faire avec plaisir alors qu'il venait prendre un selfie de nous.

- Tu as intérêt à me l'envoyer. Je l'adore.

Parce qu'il avait l'air de réellement s'amuser en cet instant. Alors oui je lui faisais du sport. Je cherchais principalement des activités où il pourrait se vider la tête, ne pensait à rien, tout en se défoulant. C'était ce qu'il cherchait un peu dans ses combats. Je voulais qu'il puisse faire la même chose mais de manière beaucoup plus saine avec moi.

Je m'élançais finalement avec les autres, me lançant dans cette petite balade au fil de l'eau. La vue était superbe, l'on pouvait voir les immeubles illuminés au loin. Je pris plusieurs photos lors de nos différentes pauses, me retournant pour le prendre en photo à lui aussi ou faire d'autres selfies de nous. Cette soirée était magique. L'ambiance au fil de l'eau dans la pénombre, la vue... je me sentais bien, oubliant un peu moi aussi mes soucis.

Bien trop vite le tour prit fin. Je descendis de la barque, remerciant Nathan alors qu'il me tendait la main pour venir m'aider. Je mis pied à terre à ses côtés avec un sourire ravi.

- C'était magnifique, tu ne trouves pas?

J'enlevais mon gilet et rendit ma pagaie avant de retourner vers ma voiture.

- J'ai entendu parler d'une pizzeria à Little Italy, elle est là depuis les années 60 et n'a jamais changé sa recette depuis. Ca te tente?