L’amour rend aveugle à ce qu’il paraît et pour le coup, t’as vraiment été aveugle. Tu avais tellement envie de trouver le moyen de retrouver ta seule famille que tu n’as pas été très prudent. C’est le moins que l’on puisse dire. Heidi t’as eu par surprise, elle a profité d’un moment où tu baisais ta garde pour t’avoir. Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. Tu aurais dû être plus prudent. Tu savais que cette gamine était instable. Complètement instable. Elle devait déjà l’être dans sa vie de terrestre, mais le vampirisme ne semble pas avoir arrangé ça. Maintenant, te voilà dans de beaux draps. Elle t’a eu par surprise. Tu pensais qu’elle s’était enfuie, mais elle t’attendait bien sagement et avant même que tu n’es le temps de dire quoique ce soit, tu te retrouves à moitié nu sur le toit d’un immeuble. Dans d’autres circonstances, ça aurait pu t’amuser. Non, dans aucune circonstance ça pourrait t’amuser, quand on y pense. Qu’est-ce que tu irais faire sur un toit de toute manière ? Surtout quand le soleil va se lever. T’es pas suicidaire.

Parce que le soleil se lève. Tu peux le sentir. Heidi n’en a pas fini avec toi, elle tient à te faire comprendre qu’elle est la plus maline. On se croirait dans ces films de superhéros où le méchant passe des heures à raconter au héros qu’il a capturé pourquoi il l’a fait et détaille son plan de long en large. Sauf que toi, t’as rien d’un héros et tu doutes qu’un acolyte en collant vienne te délivrer. Tu vas mourir là. Pour de bon, cette fois. Plus de troisième chance. T’as épuisé ton quota de vie. Dire que lorsque tu t’es transformé, tu rêvais de mourir au soleil. Du moins, tu rêvais de mourir tout court. Seulement, tu as fais la rencontre de Magnus et il t’a montré que la vie en valait la peine. Même pour un vampire. Tu as fini par t’y habituer. Par y prendre goût et maintenant, tout va s’achever. Heidi disparait de ta vue, t’abandonnant seul sur ce fichu toit. Tu tentes de tirer sur tes chaînes, pour te libérer. On est jamais mieux servi que par soi-même de toute façon. Impossible de les briser ou de les arracher. Tu grognes, alors que ton regard se tourne vers l’horizon. Le ciel a changé de couleur. Signe que le soleil ne va pas tarder à pointer le bout de son nez. Tu avais oublié à quel point l’aurore était belle. T’aurais aimé revoir ce spectacle dans d’autres circonstances, moins funestes. On ne peut pas toujours faire ce que l’on veut dans la vie. Alors, tu prends ton mal en patience. Tout ça sera bientôt terminé de toute façon. Les premiers rayons percent, colorant le sol sur lequel tu te trouves. Tu peux les voir avancer, pernicieux. Tu sers les dents, quand le premier te touche. La douleur est affreuse. Tu tentes de te reculer, de leur échapper, mais c’est peine perdue.  Bientôt, ils arrivent sur toi, la fin est proche. Tu ne seras bientôt plus qu’un tapis de poussière. Tu ne peux t’empêcher de crier sous la douleur.

Tu avances dans le dédale de rue qu'est cette immense ville. Tu déambules dans les rues. Tu fais durer le moment où tu devras prendre la prochaine intersection pour rejoindre cet autre homme. L'on ne peut pas véritablement dire que vos relations soient des plus simples, néanmoins, tu as besoin de son aide. Tu as besoin de lui pour découvrir où se cache le vampire ayant mordu un terrestre innocent. Tu as besoin de son aide, bien plus que tu n'aimes le dire, bien plus que tu ne voudrais l'admettre. Pourtant, tu vas bien devoir mettre ton égo dans un mouchoir et t'asseoir dessus durant quelques minutes : d'autres sont en danger et tu ne souhaites pas qu'il continue de causer du tord à d'autres personnes. Tu pousses alors un soupir et prends le virage, quand un cri déchire le ciel. Instinctivement, tu lèves la tête. Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, tu te retrouves sur le toit de l'immeuble. C'est une vision d'horreur que tu découvres. Tu en as un haut-le-cœur, bien que tu ne pensais plus ça possible après que des litres de sang est franchi tes lèvres pour apaiser ta soif. Tu te précipites vers la silhouette d'un homme que tu ne connais que trop bien. « Raphaël ! » lui hurles-tu, comme si cela pouvait l'aider d'une manière quelconque. Tu te précipites sur lui et le défais de ses liens aussi rapidement que possible, tentant, avec ton propre corps, de l'abriter au mieux du moindre rayon de soleil. Peu efficace. Sans hésiter, tu l'attires à l'intérieur du bâtiment. A l'ombre. Dans l'obscurité et l'humidité.

Les questions font battre ton cœur plus vite. Du moins, c'est ce qu'il ferait s'il était toujours capable de battre. Tes yeux traînent sur le corps du vampire qui te fait face. Tu ne peux rien faire pour apaiser les brûlures qu'il ressent. Tu ne sais pas quoi faire pour l'aider. Peut-être que Magnus pourrait le soigner ? Peut-être qu'il pourrait reconstruire son derme, et empêcher le feu de se propager sur son corps. Sa jambe est dans un sale état... Seulement, le faire sortir d'ici en plein jour, c'est le mener à une mort certaine. Il est bloqué ici. De plus, le laisser seul, c'est prendre le risque que Raphaël soit l'objet d'une nouvelle attaque. Ton esprit va trop vite. Tu fermes les yeux une seconde pour tenter de réfléchir calmement. Tentative veine. Mais si tu n'étais pas arrivé plus tôt, tu te dis que cela aurait pu être bien pire. Ce n'est pas un homme que tu serais venu sauver, mais des braises. « Tiens. » lui dis-tu, en tendant ta flasque de sang. « Un petit remontant. » Tu t'installes près de lui, le regardant droit dans les yeux. « Qui t'a fait ça ? Un membre du clan ? » Puis ton regard se perd sur les alentours. « Un loup ? Une fée ? Ou même un chasseur d'ombres ? » Une seconde de plus, et tu serais arrivé trop tard. Inquiet ? Certainement un peu.

La fin est là, tu peux presque la toucher du bout des doigts. Le pire dans tout ça, c'est que tu te dis que tu n'auras pas l'occasion de rejoindre les tiens. Tu doutes que les vampires soient admis au Paradis. Ton âme est damnée. Tu finiras simplement dans le néant. C'est triste à dire, mais tu finiras seul. Tu crois bien halluciner quand tu distingues une silhouette à travers les rayons qui te brûlent déjà l'épiderme. Tu sens les liens qui entravent tes poignets et tes chevilles se desserrer, mais tout ton corps semble en feu, désormais. T'as l'impression d'être sur le point de partir en cendre au moindre coup de vent. C'est peut-être le cas. Tu ne reconnais pas tout de suite celui qui t'extirpe de ce mauvais pas - doux euphémisme. La morsure du soleil cesse brutalement, alors qu'une porte claque derrière toi. Tu ne réalises pas vraiment ce qui t'arrives. Ton cerveau semble s'être éteint. Tu n'arrives pas à réfléchir correctement. On ne peut pas vraiment t'en vouloir, après ce que tu viens de vivre. Les vampires guérissent plus rapidement, en temps normal. Sauf quand les blessures sont dû aux UV ou à quelques objets saints. C'est un peu la kryptonite vampirique. T'as presque l'impression que les rayons du soleil continuent de grignoter doucement ta peau. Rien de bien agréable, en soit.

Ce n'est que quand tu relèves les yeux que tu reconnais la personne qui t'a amené à l'intérieure. Simon. Alors là, ça te laisse sans voix. De toutes les personnes que tu connais, Simon est bien la dernière personne que tu aurais imaginé venir sauver tes fesses. Tu aurais même pu croire qu'il aurait été de ceux à te laisser rôtir sur ce toit. Apparemment, tu t'es trompé. Tu ne sais pas encore quoi en penser. Il te tend un truc et si dans d'autres circonstances, tu te serais méfié, là tu l'attrapes et la descend presque immédiatement. Le sang fait son effet dès l'instant où tu l'avales. T'en avais bien besoin. Le ventre vide et blessé, tu ne donnais pas cher de ta peau. Tu l'entends te parler, mais tu l'écoutes que d'une oreille. Tu hoches négativement la tête quand il veut savoir si c'est quelqu'un de ton clan qui a fait ça. Non, Heidi ne fait pas partie de ton clan et après ce qu'elle vient de te faire, elle n'en fera jamais partie. Cette gamine est totalement tarée. Tu ne sais pas de quoi elle est encore capable. Tu hoches une nouvelle fois la tête de droite à gauche, quand il t'énumères les autres espèces du monde obscur. Rien de tout ça. C'est bel et bien un autre vampire qui a voulu te laisser rôtir sur ce fichu toit. « Vampire » que tu réponds simplement. Tu ne te sens pas la force d'en dire plus. Le sang t'a aidé à aller un peu mieux, mais tu ne pètes pas la forme pour autant. Ta jambe te fait un mal de chien et t'as l'impression que chaque parcelle de ton corps est entrain de fondre. Tu as déjà été en meilleur forme. Tu essayes de te redresser, sans trop savoir pourquoi. Tu ne risques pas d'aller bien loin en pleine journée. « Qu'est-ce que tu fais-là ? » que tu lâches après quelques secondes. Non, parce que tu n'arrives pas à croire qu'il soit celui qui t'a aidé. C'est louche. Il n'aurait pas osé faire équipe avec Heidi, si ? Une sorte de torture psychologique ou quelque chose comme ça.

Ton esprit peine à trouver une réponse aux questions qu’il invoque. Il installe un cercle vicieux, fait de vides et de pièces manquantes à un puzzle trop grand pour un seul homme. Sa jambe guérirait-elle d’elle-même ou fallait-il faire appel à quelqu’un d’autre ? Le sang serait-il suffisant pour le remettre sur pied ? Tu n’as jamais vu le vampire dans un état pareil. Et te savoir incapable de faire quoique ce soit pour apaiser ses maux te serre l’estomac. À la lumière du jour, tu ne peux certainement pas le faire sortir de cet immeuble sans qu’il ne brûle et ne finisse en cendres. Cette simple idée te fait frémir du bout de tes orteils jusqu’au sommet de ton crâne. Tu le regardes vider la flasque de sang en prenant place à ses côtés, à même le sol glacial. « Vampire. » tu répètes, pensif. Mais lequel ? Tu t’apprêtes à lui poser la question quand tu croises son regard : il n’a pas la force – l’envie – de te répondre. Tu devras te contenter de ce que tu as pour le moment. Un soupir s’échappe de ta bouche avant même que tu n’aies pu constater sa présence. Une pointe de soulagement malgré les séquelles certaines que gardera Raphaël. « Tu veux que j’appelle Magnus ? » demandes-tu en sortant ton smartphone de la poche arrière de ton pantalon. L’inquiétude se lit clairement sur ton visage. Tu en oublies la raison de ta venue ici. Tu en oublies ce qu’il a pu se passer entre vous. Seul son rétablissement t’importe. « Une autre poche de sang ? J’en ai deux autres dans mon sac, si tu veux. Frais de ce matin. Je suis passé en chercher avant qu’ils ne les mettent dans les frigos. Du sang jeune. » Parler t’aide. Tu parles trop quand tu es nerveux, ou lorsque quelque chose te tourmente.

Sa question – mais surtout son ton – te fait l’effet d’une douche froide et te ramène à ton état initial. « Je voulais te demander un service. J’ai besoin de ton aide. » Tu marques une pause le temps de lire l’expression figée sur son visage, avant de poursuivre. « Un vampire se nourrit d’humains et les laisse pour morts partout dans la ville. Je me disais que tu aurais peut-être des renseignements à me donner. » Tu te racles la gorge. « Et maintenant, je me dis que ce qu’il t’ait arrivé et le coupable que je cherche ne sont peut-être qu’une seule et unique personne. Tu as vu qui t’as attaché ? » Tu doutes qu’un homme tel que lui ait pu rater une information aussi capitale. Néanmoins, tu ignores s’il acceptera de t’offrir son identité sur un plateau d’argent. Sans doute préférera-t-il faire la peau de l’individu plutôt que de laisser faire quelqu’un d’autre. Quelqu’un d’autre comme toi. « J’ai vraiment envie de t’aider. Je. Je sais que tu ne me fais pas confiance et que tu me hais depuis que je suis. Depuis que je peux… Enfin bref. Mais. Il faut que tu me dises qui t’as fait ça. S’il te plaît. » supplies-tu finalement.

L'angoisse. T'as l'impression de faire n'importe quoi depuis quelque temps. Le pire, c'est que tu t'en rends compte, mais que tu ne sembles pas décider à faire quoique ce soit pour changer la donne. A croire que t'aimes te mettre dans de sales draps. Pourtant, au début, tu as fais tout ça pour une bonne cause. Tu veux simplement trouver un moyen de retrouver un peu la vie que tu n'as jamais eu l'occasion de vivre. Le soleil te manque. Ta famille aussi. Tu voulais juste pouvoir les retrouver. Tout ça pour te retrouver pris au piège sur un toit. Le soleil, tu l'as retrouvé. Ca a même faillit t'être fatal. On peut dire que tu as bien gérer ton coup. Boulet que tu es. En parlant de boulet, il a fallut que ce soit Simon qui vienne te sauver la mise. Forcément. Le karma ne semble pas en avoir terminé avec toi.

Le sang t'aide à y voir un peu plus clair. La douleur reste bien présente. Ce n'est pas pour rien que les gens de ton espèce le fuit comme la peste. Simon parle trop. Il veut des explications, mais tu n'as pas envie de les lui donner. Tu lâches l'espèce de cette folle qui t'a enfermé sur le toit. Tu hoches négativement la tête quand le nom de Magnus est prononcé. « Il n'a pas besoin d'être mêlé à ça » tu sais bien que c'est certainement la chose la plus sensée à faire, mais tu ne veux pas que le sorcier soit mêlé à cette histoire. Tu ne sais pas vraiment comment tout ça va finir. Puis, il risque de ne pas bien apprécier tes petites manigances. Non, le mieux c'est de le garder le plus loin possible de toi.

Un rire sans joie passe tes lèvres, quand tu l'entends te dire qu'il avait besoin que tu lui rendes service. Forcément. C'est toujours pour les mêmes raisons qu'il se rapproche de toi. C'est un opportuniste. « Bien sûr... » que tu souffles plus pour toi-même qu'autre chose. Non seulement il a besoin de ton aide, mais en plus de ça, il vient te parler de vampire qui ne respectent pas les Accords. Rien de bien agréable à entendre. Tu ne serais pas étonné qu'Heidi soit derrière tout ça. Cette folle ne semble vouloir reculer devant rien pour atteindre son but. « Ne fais pas comme si tu étais concerné » tu comprends bien qu'il est là pour avoir ses réponses. Les faux-semblant, très peu pour toi, aujourd'hui. « Je suppose que t'es là pour ta petite rouquine, n'est-ce pas ? C'est elle qui t'envoie jouer les éclaireurs. » la douleur te rend hargneux, plus qu'à ton habitude. Puis, tu n'aimes pas trop être en situation de faiblesse comme ça. Surtout pas face à Simon. Ca t'enrage. « Qu'est-ce qui te fais croire que je connais ton vampire renégat ? »

S’il y a bien une personne que tu ne pensais jamais rencontrer dans cet état, c’était bien ce vampire. Raphaël a toujours su t’apeurer, te rendre nerveux et te mettre en mauvais posture. Il a toujours su faire de toi ce qu’il voulait. Ce qui l’amuse. Ce qui t’angoisse. Pourtant, lorsque tu te trouvais à l’autre bout de la ville, le rencontrer semblait être une bonne idée. La meilleure que tu aies eu jusqu’à présent. Ton besoin de réponse t’a permis de lui sauver la vie - ce qu’il en reste. Vous n’êtes plus à proprement parler « vivant. » Cette simple pensée te donne des frissons. Ta propre mort t’écoeure. Ta condition te donne des hauts-le-coeur. L’accepter n’est pas si facile qu’on pourrait le penser. Pourtant, tu ne montres rien. Surtout pas à Clary et aux autres chasseurs d’ombres.

Alors, tu te doutes que pour l’autre vampire, la situation doit être similaire. Magnus, lui, pourrait comprendre. Tu proposes de l’appeler, mais le brun refuse. « Il pourrait te venir en aide. T’apporter des soins. » dis-tu. Après tout, ce ne serait pas la première fois que le sorcier use de sa magie pour panser des blessures. « Ne sois pas borné. » En écoutant tes derniers mots, tu te rends compte que tu es peut-être aller trop loin. Un mouvement de recul t’éloigne. Tes yeux trouvent le chemin de tes chaussures délassées tandis que ta bouche continue de laisser passer des mots, puis des phrases sans que tu ne puisses les retenir. Un vrai moulin à parole. Tu aimerais tant te taire par moment, mais cela te semble impossible. Comme si tu étais victime d’un enchantement. A vérifier.

« Je sais qu’on est pas vraiment en bons termes. Mais j’ai besoin de tous les renseignements que tu pourrais me donner. Tu es le vampire le plus puissant de Brooklyn, tu dois bien être au courant de quelque chose ! Un vampire qui menace les Accords, les rumeurs s’ébruitent. » Tu baisses les bras que tu n’avais pas remarqué en mouvement à chacune des syllabes prononcées. C’est peine perdue. A quoi tu pensais ? Et voilà qu’il se faufile dans l’une des brèches de ton âme. Ou de ce qu’il en reste. « Clary n’a rien à voir avec ça. Et bien sûr que ça me concerne. Je te signale que ça concerne tous les vampires ! » Le manque de sang le rend donc si aveugle, si stupide ? Tu te rapproches. « Joue pas les abrutis, Raphaël. » tu commences, connaissant les risques que tu prends. « Peut-être que les shadowhunters gobent tes paroles, mais pas moi. Je sais très bien que le renégat et ton agresseur sont une seule et même personne. Qui est-ce ? » Il faut mettre un terme à tout ça. Au plus vite. Avec ou sans lui.

Tu n'as pas envie que qui que ce soit apprenne ce que tu as fait. Pourtant, tu sais que c'est inévitable. Simon est incapable de garder quoique ce soit pour lui. Il ne tardera pas à raconter cette histoire à ses petits amis chasseurs d'ombres et bientôt, on viendra te chercher pour en apprendre plus. On finira par découvrir que t'as enfreint les Accords. Tu vas prendre cher. Peut-être que tu le mérites. Tu ne peux que t'en prendre à toi-même. T'aurais dû être plus vigilent. Ou ne jamais avoir cette idée stupide. Tu refuses qu'il appelle Magnus. Tu ne veux pas que le sorcier apprenne ce que tu as fait, pas tout de suite. Dans l'état dans lequel tu te trouves, tu doutes de pouvoir supporter le jugement du sorcier. T'as envie de lui arracher la gorge, quand il t'ordonne d'arrêter de te borner. Non, mais il a du culot cet idiot. Tu te demandes comment il fait pour être encore en vie - enfin, mort vivant, vampire quoi. La liste des gens qu'il agace doit être aussi longue que ton bras. Il doit avoir une sacrée chance pour ne pas s'être déjà fait décapiter. T'en as bien envie, toi, parfois. Souvent même. Juste pour voir s'il continuerait à parler autant, si sa tête était séparée de son corps. Une sorte d'expérience.

Tu n'as pas envie d'admettre la vérité. T'es lâche, Raphaël. Tellement lâche que tu jouesune dernière carte. Tu détournes une nouvelle fois la conversation sur Clary. Tu sais qu'il est incapable de ne pas réagir quand tu parles d'elle. Avec un peu de chance, il se concentrera ailleurs. Vous n'êtes pas en très bon terme. C'est un euphémisme. Il n'a pas cessé de te poignarder dans le dos, dès que tu as essayé de lui venir en aide.  « Pas besoin de me lécher les bottes » que tu lâches séchement. Le vampire le plus puissant de Brooklyn quand ça l'arrange. Il est incapable de respecter un ordre que tu lui donne. On repassera pour le vampire le plus puissant.  « Ne me parle pas sur ce ton » que tu réponds, ton regard brillant d'une colère oublié sur le toit. Les fourmis dans tes membres semblent lointain. Tu ne peux pas le laisser te parler de la sorte. Tu grognes tout de même quand tu tentes de te relever. Ce n'est toujours pas la grande forme.  « Tout ça, c'est de ta faute! » les mots passent tes lèvres avec force et détermination. C'est peut-être ce qu'il te faut pour t'en sortir. Après tout, s'il n'avait pas transformé Heidi, tout ça ne serait jamais arrivé. Tu ne te serais pas retrouvé enfermé sur ce toit. Elle n'aurait pas eu l'idée de vider des humains au hasard. Oui, c'est de sa faute tout ce bordel. C'est toujours de sa faute de toute façon. Il a foutu un sacré bordel dans ta vie, depuis qu'il est mort.

Jamais t’aurais pensé qu’il existe une plus grosse tête de mule que la petite rouquine que tu as comme meilleure amie depuis ta plus tendre enfance. C’était sans compter sur la découverte du monde obscur, bien évidemment. Raphael, de part sa rigidité et son regard glacial, était capable de faire devenir fou n’importe lequel de ses sbires. Encore aujourd’hui, il parvient à te terrifier, et ce, malgré son état pitoyable. Et ce, alors même que tu viens de lui sauver la vie. Tu lui proposes ton aide sans réfléchir, tu lui offres autant de sang que tu possèdes pour le remettre sur pied, sans même penser que ces poches de liquide rougeâtre pourrait être ta monnaie d’échange. T’es pas comme ça. Marchander la survie d’un autre être vivant, c’est pas ton truc. Tu ne sais même pas si c’est dans tes cordes. À la place, tu fais tout pour que le vampire se sente mieux. Qu’importe votre passé compliqué. C’est le moins que l’on puisse dire… Avec lui, tu as d’abord entretenu le rôle de chair fraîche, d’otage, puis de rival. Désormais, tu es l’objet de toutes ses convoitises pour un don que tu n’as jamais vraiment voulu, dans le fond. Une protection offerte en cadeau sur laquelle tu n’as pas la moindre emprise. Un cadeau empoisonné car tu crains chaque jour qui passe de faire du mal à quiconque t’approche. Être diurne ne t’a pas rendu la vie plus simple, contre toute attente. Faire partie de ce monde à chambouler ton existence toute entière sans même que tu ne puisses t’en apercevoir. Du jour au lendemain, tu es devenu un vampire. En un claquement de doigt. Toi, le terrestre suivant le cliché du gars entiché de sa meilleure amie qu’elle regarde à peine. C’était bien plus facile, autrefois…

Cependant, aujourd’hui, c’est bien une enquête que tu dois mener à son terme. Si tu parviens à mettre la main sur l’agresseur de Raphaël, tu es prêt à parier que tu mettras la main sur le vampire renégat. Il n’est pas envisageable que tu rates cette information capitale. « Te lécher les bottes ? Non, c’est pas ce que- » tu t’interromps. Lui faire entendre raison n’est pas donné à tout le monde et tu n’as pas l’intention de perdre du temps à ce sujet. « J’ai pas le temps de jouer ! Des vies sont en danger ! » Sourcils froncés et voix qui s’élèvent dans le bâtiment décrépi. Tu le regardes se relever, non sans mal. Les mots que tu redoutais sortent finalement de sa bouche. « Comment ça, c’est de ma faute ?! T’es complètement malade ! J’ai jamais… Oh. » Un sourire amer se dessine sur le coin de tes lèvres. Comment un homme mort tel que toi peut-il encore causer autant de tord que ça ? Tes épaules s’affaissent et ton regard s’éteint. Il ne sert plus à rien de te battre. Il ne te reste plus qu’une chose à faire. Assumer. Devenir l’appât et espérer survivre suffisamment longtemps pour mettre un terme aux agissements du renégat. Et s’il s’agit bien de ta faute, tu ne tarderas pas à apercevoir les traits familiers d’Heidi… Comment as-tu pu être si bête ? Peut-être que d’une certaine manière, ça rachètera tes fautes si tu parvenais à la mettre hors d’état de nuire. « Je te laisse tranquille. » lâches-tu, perdu dans tes pensées. « Il fait encore jour. Sors pas tout de suite. »