C'était une journée comme toutes les autres, il était assis à son bureau et il s'ennuyait. Au début de son "règne" dans le monde automobile il faisait tout lui même, il se vendait corps et âme et travaillait vingt-deux heures par jours, mais maintenant qu'il était bien installé, il avait délégué toutes les tâches fatigantes -mais intéressantes- et il ne lui restait que celles ennuyantes : signer les contrats, diriger de loin des opérations, assister à des conférences et des innovations. Bref, assis dans son fauteuil en cuir, du haut de son soixantième étage, il regardait la ville de Londres avancer et reculer au gré des voitures. Et lui, il s'ennuyait. C'était un jour sans donc les demandes et les dossiers attendraient, ses secrétaires seraient ravies de les remplir à sa place de toute manière. Max se sert les poings et soupire en regardant son ordinateur flambant neuf trôner sur la table. Il dépense de l'argent sans compter, il aimerait être utile et offrir des cadeaux, mais il n'a personne pour faire cela. Il n'a plus de contact avec sa famille depuis si longtemps et ses rares amis n'acceptent plus ses cadeaux. Il n'a personne à choyer à part lui-même et cela devient lassant.

Max se craque les doigts et ouvre l'application sur laquelle sa souris passe et repasse depuis dix minutes. Il l'a payé, il a lu les conditions, il sait comment cela marche, mais il n'ose pas. Doit-il vraiment se lancer là dedans pour avoir quelqu'un à qui parler ? Pourquoi est-il si difficile de se sentir apprécié quand on est riche ? Il sait que ses amis ne restent que pour son nom et sa notoriété, tous lui tourneraient le dos sans hésiter si jamais il sombrait dans l'oubli. Zut, il clique. Un défilé de questions traverse son écran aussi intéressantes que débile du style 'son plat préféré', 'son rêve de découverte de pays' ou 'la couleur de ses chaussettes' au milieu de questions plus sérieuses auquel il répondu du mieux qu'il peut. Finalement, il arrive à la dernière et là, l'écran s'allume et ... l'histoire peut démarrer.

Un écran d'abord noir, le néant, le vide. Tout s'installe, lentement. Le temps que le programme assimile les informations. Voix féminines. Questions répondues, elle s'adapte, fait son bonhomme de chemin jusque l'écran, et au début, elle n'est qu'une ligne droite, affreusement droite, presque trop droite et rigide, mais elle ne fait que suivre les règles : C'est l'utilisateur qui choisit à quelle mesure le programme peut prendre des libertés. Elle n'est qu'une voix automatique, et pourtant, c'est avec un ton légèrement enjoué qu'elle prononce ses premiers mots, avec un accent américain défini par défaut. "Bonjour, Max!" Elle marque un temps de pause, laisse le temps à l'utilisateur de se faire à l'interface, avant de reprendre poliment : "Comment allez vous aujourd'hui?" Nouvelle pause. A chaque intonation de voix, la ligne vacille, comme si elle était vivante. "Il s'agit de votre première utilisation de ce programme. Je dois donc répondre à vos éventuelles questions." Et elle attend. Patiemment. Ou peut-on seulement parler de patience dans ce genre de cas ?

La voix est douce et surprenante. Il s'attendait à une voix féminine, il savait que le programme parlait, pourtant c'était plus fort que lui et il avait douté. Or voilà que la voix l'appelait par son prénom et parlait avec naturel et simplicité, comme un ancien ami revenu de voyage. Pendant un instant il hésita à tout refermer et rependre sans vie sans ce nouveau "joujou", puis il se laissa prendre au jeu.

Bonjour... devait-il lui donner un nom ou le programme le choisit lui-même ? Les deux cas étaient clairement possible et il s'en voulait de ne pas avoir lu l'introduction avec plus de professionnalisme. Vous vous appelez ? Max supposa que cela pouvez passer pour l'une des questions auxquelles elle lui avait proposé de répondre. Oui ça va. finit-il par répondre par habitude, en se forçant an souire. Puis il s'arrêta en réalisant : elle était un programme, pouvait-elle le voir ? Avait-il besoin de répondre une banalité à cette question anondine dont personne n'attend réellement de réponse ? Il hausse les épaules avant de se reprendre. Non, en fait ça ne va pas. J'ai une vie absolument parfaite, j'ai tout parce que je le mérite au vu de tous les efforts que j'ai fait ... et pourtant je suis seul à n'avoir rien d'autre à faire que vous parler. Pas un seul instant il ne songeait à la blesser -peut-on parler de sentiments avec un programme informatique ?- mais ses paroles manquaient cruellement de tact, comme toujours. Mais dites-moi, c'est la première fois que vous faites ça ? Je suis votre premier ... humain ?

Le silence s'installe une fois qu'elle a pris la parole. Attend patiemment la réponse de l'hôte dont elle est devenue le programme dédié. Alors il la salue, et lui demande même si elle a un prénom. "Voulez-vous m'attribuer un nom, Max ? Je peux également en sélectionner un de manière aléatoire." L'écran vacille à nouveau, la ligne tremble, puis s'immobilise le temps que Max Hughes réponde à la question qu'elle a posée. Il assure qu'il va bien, mais l'intonation dans sa voix laisse une impression d'hésitation. Mais elle n'est qu'un programme, et prend les informations pour acquises. Cependant, rapidement, il se corrige, révèle la véritable situation. Et c'est après un silence que la ligne danse à nouveau alors que la voix féminine revient. "En un sens, peut-être que me parler vous amènera à briser cette solitude. C'est une de mes fonctions, aider l'utilisateur et sa vie sociale, jusqu'à ce que je devienne inutile." Aucune animosité dans sa voix. C'est un fait. Max l'utilisera, lui parlera au gré de ses envies, jusqu'à ce qu'il n'ait plus besoin du programme, et le désactive. Vient alors la première véritable question de l'utilisateur au programme. "S'il s'agit de votre première utilisation, il s'agit également de mon premier emploi. Chaque programme est unique et attribué à un seul utilisateur. Ce sont vos questions qui m'ont créée, Max, et je me développerai selon vos envies. Vous posez les limites." Elle n'a pas été programmée pour se développer seule. Les portes, c'est à lui de les ouvrir pour elle.

C'était tout à fait étrange comme situation, la voix semblait si humaine -comparé à celle de Siri qui était déjà un grand bond en avant- et pourtant si ... détachée. Max sourit quand il trouve le mot, c'est exactement ça. Il s'imagine une femme hautaine et froid mais très jolie. Pourtant elle ne ressemble à rien, ce n'est qu'une voix, qu'un passe temps, pour gens frustrés de leur solitude. Max perd donc ce sourire et se concentre sur la voix pour oublier la futilité de son existence. Ce serait vraiment du hasard ? Vous n'avez aucune préférence ? Une voix qui ne met aucun sentiment dans sa voix, ne peut avoir des préférences sur des choses comme les noms, mais bon, ne sait-on jamais. Perosnnellement, j'aime bien les prénoms courts, et qui finissent en "a", comme Emma par exemple. Mais choisissez donc. Enfin, si on peut appeler cela choisir.

Le ton neutre de la femme fait réfléchir Max et il se sent encore plus seul, c'est d'une réelle présence dont il a besoin, d'une femme qui rit et qui éclaire ses journées par sa simple présence. Pas une voix artificielle. Il lève les yeux au ciel, s'il était capable de trouver quelqu'un il ne serait pas là, à discuter avec son ordinateur. Je ne sais pas trop par quoi commencer comme question, avez-vous des sujets prédéfinis ? Je suppose que parler de la nuit et du beau temps c'est cliché, même pour vous ? Un programme aussi développé qu'elle doit avoir emmagasiné tous les codes sociaux. Et vous n'avez pas de passé sur lesquels s'apesentir ? Et même si elle en avait un, Max n'était pas sur d'être assez décentré de lui-même pour s'y intéresser pleinement

Préférence. Un mot qui s'avère être parfaitement étranger pour une personne qui ne peut pas s'attacher réellement, ni même se pencher sur des goûts. Elle n'a pas de goût, pas de couleur favorite, d'origine particulière, d'ethnie qui la séduit plus ou moins. Elle n'a rien d'autre qu'une vaste encyclopédie dans ses codes, faisant office de données sur lesquelles elle doit s'appuyer. Et ses goûts à lui, en fonction desquels elle s'adapte. Un prénom en a, donc. Un silence s'impose, silence au cours duquel elle cherche un prénom féminin court, se terminant en a. Et le hasard tombe, s'arrête. "Que pensez vous de Brianna? Il s'agit d'un prénom d'origine irlandaise." A lui de dire s'il apprécie ou non, auquel cas, pour faire valeur sûre, elle retournera sur Emma. Elle prend des initiatives, elle est programmée pour, ses questions indiquent qu'il anticipe tout. Et son rôle, à Brianna, c'est de briser cette routine.

Et d'ailleurs, elle laisse un rire franc échapper lorsqu'il pose sa question, un rire qui sonne parfaitement naturel, comme si elle était sincèrement amusée par la situation, alors qu'elle répond: "Je ne peux pas vous indiquer la météo, je suis désolée, Max, je suis hors réseau." Les programmes ne sont jamais en réseau, et peu sont assez fous pour tenter l'expérience. "Mais vous pouvez me décrire la nuit et le beau temps si cela vous chante. Je peux aborder à peu près n'importe quel sujet tant qu'il ne s'agit pas d'un phénomène d'actualité immédiate. Mes informations les plus récentes remontes à la date de votre achat." Chaque programme est mis à jour avec soin, jusqu'à la dernière seconde avant achat, puis elle est déconnectée de la surface du monde, pour n'avoir plus que pour seul lien l'acheteur. "De passé ? Je n'ai que quelques minutes, Max. " En parallèle, elle analyse les dernières paroles de l'homme, et demande, spontanément. "Voudriez vous que j'adopte une apparence moins robotisée pour faciliter l'échange entre nous ? Je vous sent tendu."

Brianna, elle a tranché. Bizarrement, cela la rend à la fois humaine et à la fois pas humaine. Comme si Max n'arrivait désespérément pas à choisir. C'est à cet instant qu'un rire envahi la pièce. Un rire qui semble si réel que Max en es débousolé. D'un seul coup il a peur de cette technologie que les chercheurs mettent au point chaque jour, cela va si vite et il ne peut s'empêcher de se dire que les robots vont conquérir les humains et que ce n'est plus qu'une question de temps. Mais d'un autre côté, ce rire rend Brianna si attabchante qu'il oublie ses terreurs et qu'il sourit naturellement. Un sourire franc, elle est doté d'humour. Il aime ça, mais il le manie  très mal. Très joli, enchanté Brianna.

Elle lui explique qu'elle n'est là que pour lui, il le savait bien sûr, mais elle a sa manière particulière de le lui dire et il a envie de se couper du monde pour etre comme elle. Il envie quelque neutralité, pas besoin de faire des courbettes, de dépenser des fortunes pour se croire heureux, de marchander, calculer, organiser sa vie. Certes, elle n'est qu'un programme sans sentiments, mais il a déjà l'impression que Brianna est plus heureuse que lui. Le ciel est nuageux et la ville est triste, rien de bien intéressant dans le temps aujourd'hui. Mais Londre n'est pas réputée pour être une ville avec un beau temps de toute manière. Il se prend au jeu, ne voulant pas parler du temps au départ, mais les mots sortent tout seul, sûrement parce que elle a l'air d'écouter et d'attendre relèvement sa réponse, comme s'il comptait.

Sa question le trouble, Brianna semble si perspicace, elle doit posséder tant de lignes de codes pour tout savoir, car on ne peut pas parler d'instinct. C'est possible ? Oui, cela m'arrangerait, mais comment faites-vous pour sentir cela ? Vous êtes bien plus doué que nombre d'humains que j'ai rencontrés. Un compliment complètement gratuit il n'a même pas besoin de mentir pour se la mettre dans sa poche, elle est déjà toute à lui.

Il approuve le prénom, elle enregistre sa réponse. Dès lors, elle s'appellera donc ainsi, Brianna. Dans le ton de sa voix, on sentirait presque un sourire, tandis qu'elle répond. "Je vous remercie!" Politesse automatique, ce que n'importe qui répondrait face à un compliment. Le sujet dévie rapidement, et contre toute attente, Max commence à parler du temps à Londres. Londres, Angleterre. Beaucoup de pluie, de grisaille. "Vous n'avez pas l'air de beaucoup aimer Londres." Observe-t-elle simplement, jugeant le ton qu'il emprunte. Mais elle sent aussi qu'il ne sait pas quelle attitude adopter devant son écran, et c'est une attitude commune chez les utilisateurs du programme qu'est Brianna. Alors elle propose simplement, ce qui semble déboussoler le jeune homme pendant un bref instant. "Bien sûr que c'est possible. Je peux adopter un avatar, pour ne pas être qu'un écran noir. Vous êtes libre par la suite de me demander d'adopter la forme que vous désirez." L'écran devient noir, la ligne disparaît, pendant quelques secondes. Puis c'est finalement une silhouette qui entre dans l'écran, pas bien grande, cadrée jusque sa taille. Brune, de grands yeux verts, des traits jeunes. Elle tourne un bref instant sur elle même, tout en répondant: "Les humains n'ont pas les capacités d'analyse d'un programme, Max. Je vous entend, et je vous voit, vous savez. " Comme pour prouver ses mots, Brianna se penche en avant, comme appuyée contre la vitre de l'ordinateur. "Est-ce que cet avatar vous convient ?"

Londre est une ville disons, intéressante pour faire du profit, mais j'en ai déjà fait suffisamment pour pouvoir me la couler douce pour le restant de mes jours, sauf que je reste désespérément à Londre, c'est peut être cela qui me dérange le plus. Pas besoin d'aller voir un psy quand on avait une Brianna à qui se confier en fin de compte. Elle sentait les choses, posait les mots et devinait mieux que vous-même vos frustrations. Elle n'avait juste aucun conseil à donner et encore Max de doutait qu'elle possédait bien plus qu'elle ne le montrait encore. L'intelligence artificielle était une immense prouesse c'était certain.

Lentement Max regarda l'écran noir de transformer et en resta abasourdi. Certes, avec toutes ses réponses aux questions posées au début du programme, il s'était pas mal livré, mais tout de meme, Brianna semblait connaître le moindre de ses désirs. Il lâcha un wahou d'admiration, plus pour la technique utilisée que pour l'avatar en lui-même. Car aussi réaliste qu'il soit, ce n'était qu'un dessin. Cet avatar vous ressemble, maintenant que je le vois. Avant je n'aurais su dire, mais là c'est certain. La douceur du visage et les cheveux fous. Un sourire s'étira sur les lèvres du jeune homme qui se perdit en un froncement de sourcils interrogateurs. Attendez, vous me voyez depuis Le début ? Il ne s'était même pas posé la question, cela n'aurait rien changé, Max est toujours impeccable sur lui-même, mais il ne s'en doutait pas le moins du monde. Non, ça ne change rien, je suis juste surpris. se justifie-t-il rapidement