Juché sur sa monture, Aelesia observe le paysage qui s’étend autour d’elle, les verts pâturages de la contrée de Carcasart sont pour l’heure encore paisibles, le soleil n’est pas encore couché, ils ont encore un peu de temps devant eux. Pour autant, malgré l’apparente tranquillité, la brise légère qui balaye les cheveux bruns de la chevalière lui apporte par moment les relents de la mort et de la pourriture, vite effacée par la fragrance plus douce de la nature. Le monde lui semble comme une plaie ouverte qui s’infecte un peu plus chaque jour, qui sait à quoi vont ressembler les beaux paysages de Carcasart d’ici quelques mois… Il est impératif que l’ordre de Choesis, déesse de la lumière, ramène rapidement la paix et le calme dans le monde, l’idée même qu’ils puissent en venir à échouer lui est aussi intolérable. Pour l’heure, cependant, la jeune femme se doit de mettre la jeune prêtresse qu’elle protège en lieu sûr, et cela, avant la nuit, car il semble que les créatures ténébreuses semant le chaos et la discorde ne sortent que lorsque la lune devient maîtresse du ciel. La prochaine auberge n’est plus très loin, mais la chevalière préfère se hâter, car il vaut toujours mieux prévenir que guérir. D’un simple hochement de la tête, elle fait signe à la petite délégation de reprendre la route, la pause est terminée.

Finalement et après encore plusieurs heures de route, ils arrivent en vue d'un petit village qui semble avoir connu des jours meilleurs. En effet, des barricades ont l’air d'avoir été érigées à la hâte et il suffit de voir le sol, couvert de traces de sang séchées, pour comprendre que les habitants de ce hameau ont été attaqués et qu’ils n’étaient pas franchement prêts. Heureusement pour eux, Aelesia et ses hommes sont rompus au combat et commencent à avoir une certaine expérience des attaques de ses monstruosités. En échange d’un abri pour la prêtresse, la chevalière et quelques-uns des combattants qui l'accompagnent prêteront leurs lames pour défendre le petit village.    

— Quelle tragédie, souffle Cecily en observant des habitants brûler des corps, des gens qu’ils ont indéniablement connus. J'espère qu’une fois à la capitale, nous en saurons plus et pourrons faire quelque chose.

La tristesse dans le regard de Cecily est vite remplacée par une détermination sans faille, elle sait que les prêtres et les prêtresses de l’ordre de Choesis seront un atout majeur dans cette lutte. Quoi de mieux que la lumière contre les ténèbres

— Je suis sûr que l’empereur Gervese saura écouter les conseils des hiérophantes impériaux et aura déjà engagé des actions pour contrer ce fléau. Cela prendra certainement du temps, d’autant plus si le monde est touché, mais nous vaincrons, j’en suis persuadée !

Ceci étant dit, Aelesia demanda dors et déjà à la jeune prêtresse de se mettre à l’abri dans l’auberge, une partie des hommes de la chevalière resteront avec Cecily, quand les autres défendront le village cette nuit. Et comme ils ont encore un peu de temps avant que le soleil ne se couche, la jeune femme décide d’aider les villageois à fortifier le hameau, cela évitera peut-être qu’il y aura plus de morts…

Assis au comptoir de l'auberge, Sonur,  dans un calme absolu, sirotait son verre sans même prêter attention a l'agitation régnant tout autour. Le village avait essuyé une attaque la nuit précédente, et une nouvelle allait certainement avoir lieu le soir même. Le jeune homme estimait que son repos était mérité. Après tout, rien ne pouvait leur assurer que cette nuit, les morts n'auraient pas le dessus.

Ce misérable petit hameau ne serait pas le premier a succomber a l'attaque de ces êtres putréfiés. Tant de village étaient déjà tombés... Alors quitte a mourir, autant prendre le temps de profiter un peu de la vie.

Cependant, ce fut avec surprise qu'il vit entrer une jeune femme dans l'auberge. Visiblement, elle n'était pas des environs. Elle n'avait pas l'apparence habituelle des paysannes, encore moins leur démarche. Ses vêtements rutilants pour ces lieux éveillait sa curiosité.

Était-ce une déplacée de l'invasion ? Une victime ayant tout perdu dans son village et fuyant les morts ? Sonur en doutait. Les déplacés n'avait pas cette attitude. Et puis, elle ne dégageait pas l'odeur habituelle de la terreur ou du traumatisme. Plutôt une flagrance plus douce, de la tristesse peut-être ? Mais aussi de la détermination.

Il remarqua qu'elle était également accompagné d'hommes en armes. Cela confirmait que ce n'était pas n'importe qui... Une escorte ? En ces temps où chaque guerrier était un atout irremplaçable. Que pouvait elle être ?

Du bruit dehors le fit tout a coup sortir de ses pensées. Il termina son verre et se leva d'un bond, saisissant son arc posé sur le comptoir. La nuit approchait, et il était temps de prêter mains forte aux villageois pour la fortification du village.

Sonur jeta un dernier regard a la nouvelle venue qui l'intriguait tant avant de pousser la porte de l'auberge. Dehors, les derniers rayons du soleil commençait a mourir dans le feuillage de la forêt toute proche. Combien de ces saletés allaient surgir cette nuit ? L'odeur de la mort planait tout autour d'eux...

Soudain son regard se posa sur une jeune femme et un groupe de personnes affairés a bâtir une barricade. Ces gens n'étaient assurément pas d'ici non plus, il ne les avait pas vu la nuit passée. A leur apparence , ils semblaient faire parti du groupe de la jeune femme de l'auberge. Il se concentra et inspira longuement. Eux non plus, ne sentait pas la peur. A vrai dire, l'odeur qu'ils dégageaient était plutôt celle de soldats. Qui étaient ils et que faisaient tous ces gens dans ce village ?

Cependant, un cri horrible se fit entendre, ne laissant pas plus de place pour les réflexions inutiles.

Avoir a ses côtés des hommes en armes ne pouvait être qu'une bonne chose. Les villageois se battaient, certes, mais de manière peu assurée. Alors, avoir ainsi des renforts, ce n'était pas de refus.

"On a de la compagnie..."

Se contenta t'il seulement de prononcer en voyant quelques morts surgir , telles des ombres, de la forêt.

La course du temps est une chose qui n’avait jamais gênée Aelesia outre mesure, à dire vrai, la guerrière n’y avait jamais vraiment pensé, elle avait bien trop de choses à faire pour ça et quand son esprit était accaparé ce n’était surement par le temps qui passe. Non, elle avait toujours vécu sans se soucier du sablier invisible au-dessus de la tête de chacun, qui chaque jour laissaient tomber son grain de sable pour marquer le passage du temps. Cependant, aujourd’hui plus que jamais, la course du temps lui saute aux yeux, encore plus lorsqu’il s’agit de devoir construire autant de barricades que possible pour aider un pauvre petit village à repousser une invasion de créatures venues tout droit des ténèbres. La brune et ses hommes ont fait de leur mieux dans un temps imparti bien court, certains coins du village sont encore vulnérables, hélas ils n’ont plus le temps de faire plus, les derniers rayons du soleil viennent de s’éteindre laissant à une obscurité toujours plus croissante. Elle le sait, Cecily doit déjà être en train de prier Choesis de toutes ses tripes et de toute sa foi pour que le village soit protégé.

Un cri d’horreur se fit entendre, signe que l’invasion était en marche, la jeune femme fit donc signe à ses hommes de dispércer. Certains allaient renforcer les coins du village trop exposés, quand les autres iraient prêter mains fortes aux villageois pour combattre ces choses. Aelesia elle irait s'occuper de l’entrée, là où elle risque d’essuyer le plus gros des ennemis, mais alors qu’elle s’apprête à priver rapidement à son tour Choesis, un homme qu’elle n’avait pas remarqué jusque là prend la parole. Ce dernier fait remarquer qu’ils vont avoir de la compagnie. Vraiment ?! Comme si elle ne s’était pas rendu compte de ce fait.

— Vu que vous avez l’air plus malin que les autres, dit-elle avec un certain mépris. Mais que vous allez l’air plus en état que les autres de vous battre, vous allez défendre l’entrée du village avec moi.

Aelesia espère juste qu’il sait viser juste avec son arc et qu’il ne va pas lui planter une flèche dans le dos par inadvertance. Plus le temps de reculer maintenant, dégainant son épée, la brune s’avance d’un pas décidé, plus que prête à en découdre.

— Choesis, donne moi la force d’aider, donne moi le courage de vaincre, donne moi la foi de combattre le malin. Je marche dans ta lumière céleste. Je suis puissante. Je suis protégée. Je suis aimée. Merci de faire en sorte de défendre les plus faibles contre les ténèbres.
Je suis dans la lumière.
Je suis lumière.
Tout n’est que lumière.

Un bref éclat enveloppe brièvement l’épée de la guerrière, signe que sa déesse lui a répondu, ne reste plus qu’à pourfendre ces maudites créatures. Une fois à l’extérieur du village et à quelques pas de l’entrée, elle fait signe d’en fermer les portes, cela évitera que des monstres y entrent. Elle ne sait pas trop si l’inconnu l’a suivie, mais elle va vite découvrir et s' il s'avère qu’il a joué au lâche, si elle met la main dessus elle se chargera de lui. Pour l’heure Aelesia lève sa lame et terrasse la première créature qui vient à sa rencontre, suivie d’une autre et encore une autre… Le combat risque d’être long, mais Choesis est avec elle.