– Ça va, oui, répondis-je à Max tout en cherchant mon souffle.

Je l'entends ensuite fondre sur Will pour le menacer. Le colosse, nullement impressionné, hausse négligemment les épaules tout en souriant.

– Je peux comprendre que tu aies eu peur pour elle, mais tout était sous contrôle. N'est-ce pas Lya.
– Roh, mais ferme-la, espèce de maboule.
–Oh ciel ! Elle parle !

Jen passe derrière lui pour flatter son crâne d'une claque franchement bien venue. Je sais bien qu'il a fait ça pour m'aider, mais quand même… J'attrape la main que Max me tend et j'acquiesce ses propos. J'ai bien besoin d'une douche, ça c'est un fait. Je suis frigorifiée et j'empeste la vase…

– C'est bon, je m'occuperai de son pied. Jusqu'à preuve du contraire, je suis le seul à être diplômé ici. En tout cas, pour ce qui concerne les bobos.
– C'est bon, mon pied va bien… Fouttez-moi la paix, tous les deux, grogné-je en les désignant du doigts.

Jen vient alors me soutenir et m'accompagne à la "salle de bain". Elle m'aide même à me laver avant de me ramener à la cabine.

– Je vais voir si je peux te préparer une boisson chaude, ça va te faire du bien.
– Merci, je me laisse tomber sur ma couche et m'entoure de ma couverture.

Après qu’elle m’ait confirmé aller bien, je passais un savon au crétin costaud, qui évidemment n’en avait rien à faire, mais cela faisait du bien quand même !
J’adhère à la claque que lui assène Jen après qu’il se soit moqué de Lya une fois de plus alors qu’il assure que tout était sous contrôle.

Ignorant dorénavant Will, je me concentre sur la jeune femme qui prend ma main pour se relever tandis que je lui dis qu’elle va devoir se doucher et que je vais regarder son pied. Cependant, à peine est-elle debout que l’autre détraqué revient à la charge, annonçant être le seul réellement habilité ici à s’occuper des blessures. Je n’ai même pas le temps de riposter que Lya nous engueule tous les deux avant de s’en aller avec Jen.
Une fois les filles hors de vue, alors que j’observe les fantômes de leurs silhouettes, je desserre les lèvres.

C’est drôle, tu ne t’es pas porté volontaire pour me soigner après que je t’ai sauvé les miches ! T’as fais une école spécialisée en bobologie féminine, c’est ça ? Lançais-je, acerbe, avant de remonter à la timonerie sans lui laisser le loisir de riposter.
Je relance alors les moteurs et enclenche le pilote automatique avant de quitter le poste et de verrouiller la porte. J’ignore royalement Will qui traine encore sur le pont et me dirige vers la cuisine. Je prépare un vrai café chaud lorsque Jen arrive. M’informant qu’elle vient préparer une boisson pour Lya, je lui montre la cafetière à l’ancienne qui fume et elle me sourit avant de monter sur le pont finir de s’occuper du linge, probablement.

Je toque à la porte de la cabine de la jeune femme avant d’entrer, deux tasses à la main, refermant derrière moi.

Tiens ! Un café chaud ! Dis-je en souriant, posant les tasses sur la tablette à côté de la couchette. Je m’installe alors au pied du lit, tirant légèrement la couverture pour dégager son pied en attelle.

Voyons-ça ! Lançais-je doucement en saisissant son attelle.

Je me sens mieux à présent. Le froid ne me mord plus les os et je suis même sur le point de m'endormir lorsque l'on toque à ma porte. Persuadée qu'il s'agit de Jen, je suis particulièrement surprise de voir Max entrer, deux tasses fumantes en main. Il a l'air de bonne humeur… Ce que je trouve plutôt étrange. Après tout, il me semble pourtant l'avoir envoyé balader, un peu plus tôt… Pourtant, il est là, souriant et prêt à ausculter mon pied comme si de rien était.

– Je t'ai dis que c'était pas la peine, grogné-je en s'asseyant, l'empêchant ainsi d'accéder à mon pied. Arrête un peu de jouer les gentils chevalier en armure, c'est plus la peine.

Je ne peux m'empêcher d'être méchante avec lui. J'ai beau dire que je ne lui en veux pas, c'est totalement faux. Je le sais parfaitement… J'ai largement eu le temps d'y penser. Sauf que maintenant, quand je regarde ses mains, je les imagine se poser sur Jen. Son sourire me rappelle forcément les baisers qu'ils ont échangés… Sans parler de sa voix que j'avais entendu gémir derrière la porte ce soir-là. Je suis totalement incapable de ne pas y songer, à chaque fois que je le vois… C'est épuisant.

Naturellement et, comme je le pensais, elle ne m’accueille pas spécialement bien. Elle s’assoit pour me soustraire son pied, grognant qu’elle n’a pas besoin qu’on s’occupe de ce pied. Je reste immobile jusqu’à ce qu’elle me lance que je n’ai plus besoin de faire le gentil.

Je n’ai jamais joué Lya. Je veux juste vérifier que tu guéris bien… Dis-je doucement en l’observant. Je me rapproche alors pour saisir une nouvelle fois son pied, glissant cette fois le bout de mes doigts sur la peau de son mollet.

Je sais que tu m’en veux, mais je n’ai jamais agi envers toi par intérêt personnel ! Annonçais-je tranquillement en cherchant son regard. Alors, d’un geste assuré, mais sans brusquerie, je lui prenais en douceur le cou de ma main libre avant de poser mon front sur le sien, nos nez se pressant l’un contre l’autre. Finalement, je posais mes lèvres sur les siennes, presque comme quinze jours plus tôt, mais avec moins de fougue et plus de passion, plus de tendresse. Cette fois-ci, j’ai réfléchi une seconde avant de l’embrasser, contrairement à la première fois. Même après ces deux semaines de quasi-silence, l’intérêt que j’avais pour elle était intact.
Alors, je l’embrassais, mes doigts sur la peau de son mollet et de son cou, rappelant à mes phalanges le plaisir que c’était de la toucher, rappelant mon contact à sa peau.

"Je n'ai jamais joué", bien-sûr que si, je le sais très bien. Je ne te croirais plus, Max, quoique tu dises. C'est trop tard, c'est fichu.

Je le pense, très sincèrement… Pourtant, cette fois, quand il pose sa main sur ma jambe, je ne bouge plus… Je l'observe.

"Je n’ai jamais agi envers toi par intérêt personnel". Je ne peux m'empêcher de pouffer constatant qu'il ne concentré plus du tout mon pied. Non, c'est bien mon regard qu'il fixe avec intensité. Je peine à déglutir lorsqu'il se rapproche lentement pour saisir ma nuque afin de plaquer son front contre le mien… Il frôle ma patience, joue avec mes frontières personnelles avant de les franchir totalement en posant ses lèvres sur les miennes… Je réponds presque instinctivement à ce baiser, savourant le goût de ses lèvres, son parfum… Jusqu'à ce que l'image de Jen ne me revienne en mémoire.

– Arrête… dis-je en le repoussant doucement. Je ne peux pas me sortir ça de la tête. Je n'arrête pas d'y penser…

Je détourne le regard en soupirant tandis que dans ma tête, tout s'enchaîne.
"Est-ce qu'il fait ça parce que Jen ne veut plus de lui ?" "Est-ce qu'il l'a embrassé comme ça, elle aussi ?" Ainsi qu'une multitude d'autres questions plus personnelles encore … Le genre qui vous retournent le cerveau en moins de deux.

L’espace d’un bref instant, elle répond à mon baiser et je peux même sentir sa nuque se détendre. Cependant, aussi vite qu’elle y répond, elle se crispe et me repousse en douceur pour me demander d’arrêter, arguant qu’elle ne peut pas cesser de penser à ce que j’ai fait, probablement.

Elle tourne la tête en soupirant alors que de mon côté, je cogite à tombeau ouvert. Alors, ne lâchant pas sa nuque et, ramenant doucement mon autre main sur son épaule, je me décale, la serrant contre moi, ma main s’égarant sur sa nuque, entre ses cheveux. Son parfum me fait frissonner alors que j’ai la tête au-dessus de son épaule, le nez proche de son oreille.
Alors, sans un mot, je reviens sur ses lèvres. Porté par l’espoir d’une réconciliation qu’a fait naître cette brève réponse à mon premier baiser.

Je… Ne sais plus quoi faire en réalité. Je suis perdue, divisée. Mon cœur et ma tête explosent pour deux raisons totalement différentes . Je veux qu'il me relâche, qu'il s'en aille, qu'il me laisse et qu'il m'oublie… Et en même temps, je veux seulement qu'il me serre contre lui, qu'il me rassure, qu'il m'apaise. Je veux tout de lui… Mais je ne veux rien… Comment me dépêtrer de ces incertitudes qui se mélangent malicieusement à mes craintes beaucoup trop nombreuses pour être réellement comprises.

Juste un baiser… Juste ça … Je ne le laisserais pas aller plus loin dans tous les cas. Je ne suis pas prête à partager autre chose avec lui. Je lui offre mes lèvres et accepte les siennes, mais c'est tout… C'est déjà beaucoup pour moi, même s'il ne doit certainement pas s'en rendre compte. Ce baiser peut paraître terne en comparaison de ceux qu'il a échangés avec Jen, mais pour l'heure, je ne peux pas me permettre autre chose. Je le laisse durer quelques secondes… juste quelques petites secondes avant de le repousser une nouvelle fois. Mes gestes sont mesurés, je ne cherche pas à le rejeter, seulement à lui faire comprendre que j'ai besoin de plus de temps.

– Doucement, s'il te plaît, murmuré-je en me mordillant la lèvre inférieure, là où s'attarde encore sa chaleur. Je sais que c'est frustrant, mais laisse moi du temps…

Une fois de plus, elle répond à mon baiser tandis que je la serre contre moi. Cette fois, cependant, elle y répond plus longtemps et, surtout, semble accepter cette nouvelle tentative et non pas la subir, comme la précédente.
Alors, j’attrape ses lèvres avec tendresse, la pressant doucement contre moi, jouant sur sa nuque avec légèreté, appréciant ce baiser, mais également l’envie qu’elle a de le partager, comme une chose merveilleuse.

Lorsque, finalement, elle me repousse gentiment en se mordillant la lèvre, je me recule, quittant sa nuque en glissant sur sa joue, alors qu’elle me demande d’y aller doucement. Je lui souris tandis alors que j’ai toujours une main sur son épaule, me permettant de ne pas totalement rompre le contact tout en me permettant de m’éloigner pour lui laisser de l’air.

J’irai à ton rythme Lya… Répondis-je d’une voix tranquille. J’en envie de te prendre contre moi, mais j’irai à ton rythme… Concluais-je en caressant son cou d’un doigt avant de lâcher son épaule. J’indiquais les cafés de ce même doigt.

On peut peut-être commencer par regarder ce pied et boire ce café ici ensemble ? Proposais-je.

Même si les mots qu'il formule sont précisément ceux que je voulais entendre, je n'en reste pas moins méfiante. Je ne le crois plus, je doute… C'est une sensation fort désagréable et perturbante de douter de l'autre en permanence… Je ne suis plus en confiance et je trouve cela extrêmement triste… Je le regarde, sans rien dire… Mais que pourrais-je lui dire en réalité ?

Je le laisse ausculter ma jambe, je bois le café. Je suis dans l'attente de quelque chose sans savoir quoi. Des preuves, peut-être … Des réponses, sans doute. Il m'est impossible d'oublier la vitesse à laquelle il s'est détourné de moi la dernière fois. Il s'agit là d'un réel traumatisme qu'il est délicat de guérir…

– Tu as conscience, n'est-ce pas, que je n'ai plus du tout confiance en toi ? lui demandé-je tout en m'interrogeant sur son comportement si une nouvelle femme faisait son apparition, une brune, pour changer un peu.

– Que se passera-t-il si Jen te fait de nouveau des avances ? Si une autre fille embarque ? Je n'arrêterai probablement jamais de me le demander…

J'ai une piètre image de moi-même, ce n'est un secret pour personne. C'est déjà quelque chose difficile à supporter pour les autres quand on sait ce que cela implique… Il n'est certainement pas aisé de me rassurer sur ce fait. Peu importe les mots des autres, je ne les crois pas. Seuls les gestes comptent et peuvent tenir lieu de preuves…

Je retire l’attelle avec précaution pour la poser sur le lit avant de l’ausculter. La peau n’a pas de teinte particulière, il y a un léger œdème, mais rien qui me semble problématique. Les sensations sont bonnes lorsque je lui tire les orteils et tout me parait en ordre. Décidant de laisser son articulation respirer le temps du café, je pose son pied sur ma cuisse après avoir pris ma tasse et m’être adossé à la paroi, au fond du lit.

Oui, j’en ai conscience Lya. Répondis-je simplement à sa question, attendant de voir la suite. Rapidement après, elle posait une question qui en était une sans en être une vraiment. Par mon choix passé, je comprenais que jamais, elle n’aurait l’esprit tranquille. Elle aurait toujours la crainte qu’une autre femme, Jen ou une nouvelle passagère, ou encore une autre, un jour plus ou moins lointain, ne vienne me tenter. Elle aura toujours la crainte qu’une nouvelle fois, je cède.

Je pose doucement la main sur son tibia, observant mes doigts caresser sa peau avant de relever les yeux vers les siens.

Elles seront déçues ! Je suis là, dans cette cabine, assis sur ton lit, avec toi à partager un café et je ne veux pas tout refoutre en l’air. Alors, si tu veux me laisser une nouvelle chance, je ferai tout pour que tu n’ai pas à le regretter. Parce que je te trouve fantastique et que je veux me battre pour que tu puisses me croire. Dis-je tranquillement. Et cela prendra le temps que cela prendra, celui que tu jugeras nécessaire. Terminais-je en tenant plus fermement sa jambe, comme pour appuyer mes paroles.