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LE TEMPS D'UN RP

"Ecoutez monde blanc, la salve de nos morts" | Houmous

Houmous
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Houmous
Sam 30 Jan - 8:26
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Damian Edwins
J'ai 22 ans et je vis à Fresno, USA. Dans la vie, je suis serveur et je m'en sors difficilement.

- J'ai quitté Montréal et ma famille à mes 19 ans.
- J'ai travaillé en tant que serveur à plusieurs endroits des US.


James :copyright: SuppieChan


Musique:

Comme toujours, je mis un pied devant l’autre face à cette situation improbable. Comment une créature pareille pouvait-elle bien exister ? Je n’en avais eu qu’un aspect en tête mais j’avais pu comprendre à quel point j’étais en danger sans le moindre doute. Depuis quand la transformation en mort-vivant pouvait permettre de fusionner des cadavres entre eux ? D’abord : est-ce que ces cadavres avaient réellement fusionné ou quelque chose du style ? Comment pouvait cet amalgame être en train de me poursuivre avec sa démarche lourde et imposante comme un seul éléphantiasis ? Je ne pris pas le temps de tenter un nouveau regard ou de mieux comprendre, persuadé d’être pétrifié si j’arrivais à enfin saisir ce à quoi je faisais face… ou plutôt à quoi je tournais le dos… Mais même sans avoir besoin de jeter un œil, je me rendais bien compte que la créature me talonnait ! L’idée d’être absorbé par cette immense chose remplissait mon corps d’adrénaline en compressant violemment mes reins. C’en était un peu douloureux à vrai dire mais à ce niveau de peur, la douleur était plus une information qu’un véritable ressenti.

Lorsque je vis au loin mon groupe en train de discuter autour de la voiture avec les yeux rivés sur plusieurs directions différentes, je ne pus m’empêcher de me dire qu’ils avaient dû trouver des choses intéressantes. L’agglomérat infâme qui me poursuivait devait avoir drainé toute la population de marcheurs des alentours et ils avaient dû avoir le champ libre pour explorer sans trop de soucis les bâtiments principaux de la base. L’espoir qu’ils aient mis la main sur une sulfateuse d’hélicoptère ou un lance-flamme lourd tenait plus de la rêverie d’enfant que de la prédiction éclairée mais je n’attendais pas mieux que ça en cet instant qui pourrait sonner mon glas, si près du but. Une patte commença à apparaitre dans mon champ de vision périphérique, me permettant de comprendre que mon poursuivant m’avait certainement assez rattrapé pour m’enjamber ou prendre son élan pour me capturer dans ses chairs. Je commis l’erreur de regarder la patte qui s’était posée à côté de moi plutôt que celle qui s’apprêtait à s’abattre sur moi et eus une vision plus terrible encore que tout ce que j’aurais pu imaginer, même à ce niveau de notre aventure. Un homme, ou devrais-je dire un demi-homme, tout fondu sur son côté gauche, tendait le bras droit dans ma direction pour me saisir, poussant un gémissement plaintif. L’image me fit comprendre qu’il n’était peut-être même pas l’un d’entre eux et que la souffrance de faire partie de ce « tout » devait être abominable. Je ralentis dans ma course sans m’en rendre compte et m’arrêtais presque, ce qui fut salutaire. L’autre patte de la créature informe s’abattit à peine un mètre ou deux devant moi, pénétrant sans mal dans le bitume.

Voir cet amas d’âmes en peine être soulevé du sol, soupirant des désirs d’être libéré acheva de me faire comprendre qu’on ne pouvait vaincre ou fuir cette chose. Je fis donc un signe de main à mes compagnons et particulièrement à Lucile et Tom qui me regardaient médusés. Ils étaient ma véritable famille et ce que je voulais plus que tout protéger. C’était pour eux que je fis ce qui allait suivre. Je tournais les talons une nouvelle fois et passais tant bien que mal entre les corps incarnés désincarnés pour arriver de l’autre côté de mon adversaire. Une fois cela fait, je pris quelques mètres d’écart en agitant les bras et en hurlant, pourtant à bout de souffle.

- Hey, ugly motherfucker ! Come after me if you want me, alright ?

Voyant que la masse devait être plus focalisée sur le groupe des miens que sur mes cris essoufflés, je pris mon pistolet et vidais mon chargeur dans sa direction pour achever de lui arracher toute son attention. Quand toute la masse d’yeux se tournèrent tournés dans ma direction, je pris mon souffle profondément et me mis à fuir autant que je pouvais, abandonnant de suite mon pistolet. Je m’engageais dans une lutte de temps, une lutte de survie et une lutte pacifique mais risquée. Je savais bien que quoi que je fasse, je ne pourrais vaincre cette horreur mais ce que je pouvais faire, c’était lui voler mes compagnons d’infortune. Pour cela, j’étais prêt à tout risquer et à me donner entièrement. Dans un premier temps, cela signifiait me défoncer en courant autant que possible. C’était déjà en soit un exploit pour mon corps de fumeur passionné et de jeune pas si actif que ça. Mais j’avais mon secret pour résister à tout ça un peu plus longtemps et leur offrir une véritable chance de survie. Je n’avais plus cessé d’avoir mal à tous mes muscles depuis que j’étais sorti de la caserne où j’avais perdu virtuellement un bras. J’avais forcé tout du long et avais déjà appris à accueillir la douleur lorsque cela s’avérait nécessaire. Cet instant de grâce où je ferais mon dernier coup d’éclat ne faisait pas exception. J’avais le sentiment d’être une figurine de bois articulée par des élastiques craquelés et usés et qu’à tout instant, je pourrais tomber comme un fétu de paille. C’était déjà un miracle qu’avec autant d’acide lactique dans le corps j’arrivais encore à courir à une telle vitesse mais je me rendais bien compte que soit la brûlure dans mes poumons, soit mes jambes me trahiraient sous peu…

A peine quelques minutes et plusieurs centaines de mètres plus loin, je commençai à tituber, perdant ma posture de course graduellement. Malgré tout, je maintins le rythme coûte que coûte, sans faillir. Je commençai à avoir le sentiment que mes jambes n’étaient que deux gros cylindres de métal inflexible et difficiles à mouvoir, un peu comme si je courrais dans l’eau. A ce propos, d’ailleurs, j’arrivais non loin du port d’où j’étais parti initialement pour fuir le monstre. Ce ne fut pas mon corps qui causa ma chute mais bien le terrain car je me tordis la cheville dans un éclat de béton projeté par la lourde démarche de l’ennemi lorsqu’il avait focalisé ses forces pour lancer sa poursuite. Je me rétamais mollement, si près du port, si près du but. Je ne pus rien faire d’autre que de rouler et d’essayer de me relever sur une jambe qui elle aussi me failli. J’étais ridicule, je n’avais pu courir que quelques centaines de mètres avant de tomber à sa merci. J’aurais aimé pouvoir au moins l’écarter un petit peu plus que ça mais j’étais content d’avoir pu attirer son attention loin d’eux. Je pris dans ma poche une grenade que j’avais trouvé plus tôt et la dégoupillait. Quitte à mourir, autant le faire dans un feu d’artifice, me dis-je comme en guise d’épitaphe.

La créature prenait son élan pour m’achever et s’assurer que je ne lui causerais plus de soucis mais c’est à ce moment qu’un tir lointain résonna. Un long sifflement se fit entendre et je vis une partie de la patte brandie partir en morceaux dans une explosion de plusieurs cadavres violente. La masse protéiforme commença à fondre et libérer les corps retenu prisonniers. Ils avaient été comme digérés d’une partie de leur matière et ce qui en restait serait le carburant de futurs cauchemars. Une partie informe de la masse commença à ramper mollement dans la direction de la structure principale alors qu’un nouveau tir venait exploser une partie du torse. Celui-ci se réorganisa rapidement, récupérant la matière perdue et s’élançant dans un bâtiment pour s’y dissimuler. Je restais terrifié, allongé dans un vaste trou béant dans la chaussée, une grenade dégoupillée mais pas activée fermement serrée dans la main.

Jo'
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Jo'
Ven 5 Fév - 10:00
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Lucile
Tarnier

J'ai 19 ans et je vis à Amiens, France. Dans la vie, je suis assistante vétérinaire et je m'en sors bien.

_ Je vis toujours chez mes parents.
_ Mon frère, Tom, a 11 ans.


Ellie :copyright: Ilya Kuvshinov

Nous le voyons qui s'élève. Derrière Dam' émerge de la courbe de la plage une chose énorme, difforme, composite. A mesure qu'elle se dévoile à nos yeux dans le dos de notre ami qui paraît minuscule en comparaison, un choc sourd coule en nous depuis notre tête jusqu'à nos tendons d'Achille, nos coeurs pulsent dans nos tempes et l'adrénaline engourdit nos doigts. Une plainte commune s'élève dans l'horizon que la chose tranche par sa monstruosité, cacophonie mêlée de hurlement, de gémissements, de pleurs et râles goulus qui ronflent dans le vent et nous pique dans l'effroi. Vision d'horreur, au sens propre.

De ce ciel bizarre et livide,
Tourmenté comme ton destin,
Quels pensers dans ton âme vide ?

Carter me donne un coup de coude pour que nous réagissions alors que Damian, réalisant qu'il nous l'amène, fait un demi tour et sprinte dans la direction opposée. La chose se mets à la suivre, soulevant le sol sous ses membres arachnides, dans une nouvelle complainte.

"I'm getting the boat, we're getting the fuck out of here !"

Carter traverse le port à large foulées - quand à moi, hors de question que je laisse Damian endosser seul le risque. Sans chercher à comprendre comment une telle créature peut exister, ni tout à fait ce qu'elle est, j'enfourne Tom dans la voiture à l'arrière et passe au siège conducteur. De maigres restes de conduite accompagnée se soulèvent par la pression qui bat mon échine et j'enclenche les vitesses, pied au plancher : le tout terrain patine sur le sol trempé puis s'élance d'une fougue qui colle Tom au fond du siège dans l'accélération. Avec approximation dans ma conduite, je tâche de rattraper la chose qui se laisse repérer de loin mais ne se détourne jamais de Damian, la chair fraîche plus évidente à repérer à l'air libre que dans une boîte mécanique à toute vitesse.

Insatiablement avide
De l'obscur et de l'incertain,
Je ne geindrai pas comme Ovide
Chassé du paradis latin.

Alors qu'ils s'élancent dans une ligne droite, je gagne de la distance sur eux et m'en approche enfin, lorsque soudain j'entraperçois Dam' chuter en pâture à la créature dans un cratère de béton soulevé par son pas. Incapable d'aller plus vite, mes dents grincent sur mon impuissance, et j'imagine déjà une des parties de ce charnier animé se refermer sur mon ami pour en faire un des leurs. Je klaxonne, mais rien n'y fait, la bête enfermée dans son immédiateté n'est soucieuse que d'absorber ce jeune homme vigoureux quoique blessé qui s'offre à elle. Tom à l'arrière serre sa ceinture et clos ses yeux durement, plissant tout son visage d'une angoisse terrifiée - par cette chose que nul humain ne devrait avoir à rencontrer, par ma conduite ahurie, et par le destin qui se referme sur notre ami.

Cieux déchirés comme des grèves,
En vous se mire mon orgueil,
Vos vastes nuages en deuil

C'est alors qu'un coup de feu vient percuter un morceau du tas humain qui s'en détache avec violence et vole en son extérieur, maintenant inanimé. Impossible de comprendre comment ce composite est tout à la fois doté d'un système général, alors que chaque partie est autonome. Je ne questionne pas quelle Providence nous envoie ce tireur et percute avec la voiture la créature dans une de ses jambes, courbant le pare-buffle avec douleur de crissement de tôle, et me rue dehors. Je me faufile sous le corps à en perdre haleine pour rejoindre Dam' juste devant et un bras perdu m'arrache une touffe de cheveux au passage qui ne m'arrête pas. Alors que la bête tourne et se retourne pour comprendre d'où vient la menace (la balle à sa gauche, ou la voiture derrière elle), j'atteins notre comparse et dans une bouffée d'adrénaline qui me confère une force ignorée le soulève vigoureusement.

Dans un marais de sang ; bientôt, spectres hideux,
Des morts au teint bleuâtre en sortent deux à deux,
Et, se penchant vers moi, m'apprennent les mystères
Que le trépas révèle aux pâles feudataires

Tractant Dam' par l'un de ses bras sur mes épaules, nous profitons d'un nouveau tir sur la bête, en plein dans un morceau ventral qui la fait couiner, pour regagner le véhicule. Nous entrons par la même porte, lui se hisse dans le siège passager, moi prête à conduire, et je piétine sur la pédale pour une marche arrière tonitruante. Confuse, percluse de douleurs, la bête nous prend pour son adversaire aux balles perdues et se lance à notre poursuite. Le monstre nous suit et, marche arrière moins efficace, tente de s'abattre sur nous, nous forçant à changer de fusil d'épaule. Je sors de la voiture comptant sur Damian pour s'en extraire également, mais alors que j'ouvre la portière arrière pour y arracher Tom, une patte déforme le véhicule sans effort qui ploie sur les jambes de mon frère alors en train de sortir. Il hurle la douleur de ses membres écrasés dans la ferraille alors que la bête est toujours au-dessus de nos têtes. Prise d'une panique suraiguë pour le sortir de là, je tente de le tirer par les bras sans égards pour sa souffrance insupportable qui l'évanouit. Mes pieds patinent sur le macadam noyé et je ne parviens pas, aveuglément, à l'extirper de son mouroir en l'état. Je suis prise d'un feu d'angoisse qui saisit ma raison, mon estomac, ma nuque, ma gorge et toujours, bêtement, je tire sur les bras de Tom dans l'espoir vain de l'arracher à la tôle, ou à ses jambes, pour le voir survivre. La bête, empâtée par toutes ces identités qui se disputent en elle et la tirent à l'Est comme à l'Ouest, perd son équilibre sur le 4x4 et s'écroule sur elle-même. Les corps se déversent sans se dénouer à la verticale, et achèvent l'écrasement de mon petit frère dont seuls restent les poignets pris dans mes mains.

Tom est mort.
Tom est mort.
"Tom !!!"

Je n'ai plus rien su. Je n'ai plus rien vu. Je n'ai plus rien entendu. Un sifflet strident entre mes oreilles qui me prive de mon propre hurlement. Devant mes yeux, ad vitam aeternam, l'image de ces tout petits poignets inertes entre mes doigts. J'ai continué à tirer dessus comme si j'aurais pu encore espérer l'extraire. Mais la bête l'a déjà emporté. Il est l'un des leurs, mort, quand elle se relèvera, il pendra sans vie parmi les autres corps défunts, morts-vivants ou agonisants. Je ne réalise pas qui, quoi, comment. On me tire vigoureusement pour m'éloigner du mausolée tout-terrain, une implosion depuis la voiture - la grenade de Damian ? - soulève la bête et la sépare, enflamme la tôle, il semble, en vient à bout. Une déflagration incroyable à peine maintenue par l'épaisseur organique de la créature allongée dessus. Tom perdu à tout jamais dans ce véhicule dans lequel je l'avais moi-même fais monter.

De son empire ; alors, étrange enchantement,
Ce qui fut moi s'envole, et passe lentement
À travers un brouillard couvrant les flèches grêles
D'une église gothique aux moresques dentelles.

Ce qui reste de la bête, morceaux de corps épars qui ne répondent plus tous, est hors d'état de nuire. L'infamie sera achevée par les bombardements cette nuit. La nuit tombe. La nuit est tombée sur le monde, sur les lois naturelles, sur moi, grands dieux, elle est tombée si lourdement sur ma tête que je me suis sentie partie. Évanouie. J'ai poursuivi dans mon inconscience ce cauchemar - la chose avec toutes ses langues, toutes ses mains, tous ses yeux. Il se termine ainsi : il s'empare du bébé qui bruit et le mets à mort. Il le remplit avec sa langue, et l'écartèle avec ses mains. Mais dans cette suite du cauchemar, je ne suis pas sereine. Je suis dévastée. L'odeur d'iode monte et toute cette noyade me file la nausée.

"C'était bien à la piscine avec papa ?"

Je m'éveille sur le ponton d'un bateau militaire modeste enveloppée dans une couverture de survie. Il fait jour. Je tangue, dehors, dedans.


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"Le plus clair de mon temps, je le passe à l'obscurcir" - Boris Vian
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Houmous
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Houmous
Sam 6 Fév - 22:31
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Epilogue


Musique:

Depuis que je suis arrivé dans ce grand hall, je ne peux m’empêcher de ressentir un certain malaise. Mes yeux se baladent et se posent sur tout et n’importe quoi à la fois. La silhouette de notre planète bleue dessinée à même l’acier, les passages rapides d’hommes en costume complet ou encore la marche inlassable de la trotteuse sur l’horloge constituent des morceaux de choix. Cela fait quelques temps déjà que je patiente, me demandant si je vais étouffer car le nœud de ma cravate est trop serré. Je suis d’ailleurs un sujet d’intérêt visiblement car on me jette des coups d’œil mal dissimulés et que j’entends des chuchotements dans des langues que je ne comprends pas. Je dois avouer que malgré le déguisement d’homme public qu’on m’a fait adopter, je ne me sens vraiment pas à ma place.

La personne qui s’occupe de nous depuis qu’on est partis de Banoï revient s’asseoir à côté de moi sur le banc étrangement inconfortable sur lequel je suis assis, mis au banc de cette société que je ne maitrise pas. Il m’a ramené une bouteille d’eau et me la tend avec un sourire auquel je réponds par de simples remerciements. Je bois rapidement ma bouteille sans même réaliser que cela est peut-être mal vu car peu distingué. Peu m’importe finalement, je finis ma bouteille au même rythme. La privation m’a étrangement marqué au fer rouge car malgré le fait qu’elle fut courte, elle fut surtout intense. Mon accompagnant ne m’en tient pas rigueur et ne me fait pas de remarque particulière sur le sujet. Il me parle depuis un moment déjà mais je n’arrive pas à l’écouter. Je pense qu’il me fait des recommandations sur comment me comporter face à l’assemblée que je vais rencontrer mais cela fait un moment que je ne le suis plus. Mes pensées vagabondent et vont et viennent encore et encore. Les images de tout ce que j’ai vécu et les visages de ceux que l’île a gardés ne me quittent plus depuis des jours. En particulier, le petit Tom m’apparait chaque nuit en rêve… Il semble triste souvent de ne pas pouvoir voir sa grande sœur et me dit de m’occuper d’elle vu qu’il ne pourra pas grandir pour le faire. Barry et Mike marchent aussi vers l’horizon en discutant comme à leur habitude, comme de leur vivant.

Peu après, on me fait signe que je suis appelé à venir témoigner devant la communauté internationale. Je me lève alors et commence à avancer en direction de la grande et fameuse salle des débats de l’Organisation des Nations Unies. Une fois derrière le pupitre, je me rends compte d’à quel point tout ceci est impressionnant. Des dizaines de représentants de pays divers, tous identifiés par un petit drapeau et un code à trois lettres, me regardent avec intensité. Je me rends compte du sérieux de la situation et perds un peu mes moyens. En essayant d’enfiler l’oreillette qui me permettra de recevoir les traductions des questions qui me seront posées, il m’échappe des mains et je me baisse pour le ramasser. Je prends probablement plus de temps que je ne m’en rends compte à me relever car je vois des sourcils se hausser à mon égard. Si seulement Lucile était avec moi, j’aurais moins de mal à faire face à tout ça, me dis-je. Malheureusement, elle n’est pas ressortie de sa chambre depuis qu’on est arrivés sur la frégate des Nations Unies. J’enfile l’oreillette après avoir soufflé dessus pour me débarrasser des poussières que j’ai récoltées en cours de route. Voyant mon trouble, le diplomate qui représente le Canada me fait un léger sourire et un clin d’œil. Dès que je suis équipé, le dirigeant des débats me demande si je suis prêt. Je hoche de la tête simplement, un peu ramolli par le stress de ce que je pressens être une véritable épreuve. On me fait également jurer sur l’honneur de ne dire que la vérité en réponse à toutes les questions qui me seront posées.

Veuillez donner votre nom et expliquer à ces aimables messieurs la raison de votre présence, jeune homme.

Bonjour, je m’appelle Damian Edwins. Je suis canadien et j’ai 22 ans. Je suis ici parce que j’ai travaillé pendant l’été dans un hôtel de Banoï ces derniers jours et que j’ai vécu l’épidémie de l’intérieur.

Merci. Vous dites que vous avez vécu l’épidémie mais pouvez-vous nous décrire comment ça s’est passé ? Ce que vous avez vu ?

… Vous voulez vraiment que je raconte ce genre de choses ?
finis-je par demander, un peu gêné. Très bien… Je travaillais dans un hôtel de luxe avec de nombreux touristes qui venaient d’un peu partout dans le monde. J’étais de surveillance à l’une des piscines de l’hôtel quand j’ai commencé à voir des choses étranges. Il y a eu des enragés qui se sont attaqués à d’autres touristes en les mordant violemment. Les gens s’entretuaient et j’ai pris la fuite pour survivre. C’était l’enfer et ce n’était que le début. A l’hôtel, je me suis retrouvé dans une chambre et j’ai commencé à essayer de fuir cette folie avec une jeune femme et son petit frère. Nous avons passé des heures à courir un peu partout et nous avons dû fuir des soldats en uniforme qui ont essayé de nous arrêter et de nous exécuter sommairement. Je ne sais pas grand-chose, j’ai entendu des histoires comme quoi il y aurait eu une expérience qui aurait échappé au contrôle de l’armée et que ça aurait été la cause de l’épidémie mais je ne peux pas le certifier. En tous cas, des militaires ont essayés de nous tuer et on a pris la fuite dans la jungle. Je me suis retrouvé à me procurer un uniforme pour passer inaperçu et éviter de me faire abattre par des soldats. J’ai rencontré plusieurs mercenaires qui avaient vécu les événements de près et s’étaient enfuis des laboratoires secrets de l’armée. Nous avons rejoint d’autres survivants et beaucoup sont morts lors d’une autre attaque de l’armée. Avec leur aide et malgré la mort d’une grande partie de notre groupe, nous avons réussi à atteindre un port et nous enfuir avec des véhicules maritimes jusqu’à rejoindre l’un des navires des Nations Unies. Ils nous ont porté secours et apparemment nous sommes parmi les rares survivants de l’épidémie.

Est-ce qu’on peut réellement dire que vous avez vu des cadavres se relever et se comporter de manière agressive envers d’autres personnes saines ?

Oui.

En ce qui concerne les militaires, c’était des militaires en uniforme de l’armée de Papouasie Nouvelle-Guinée ? Pouvez-vous nous les décrire ?

Je les identifie formellement. Ils portaient des uniformes verts kaki avec des tâches plus ou moins claires et un peu de marron pour rappeler les couleurs de la jungle. C’était des hommes qui portaient des fusils d’assaut et souvent des locaux. Ils portaient des bérets bleu foncés avec une épingle dorée sur le côté. Ils ont eu différents ordres au cours du temps. Au début, ils devaient capturer les civils et après ils ont eu l’ordre de les abattre. J’ai trouvé des fosses communes où les gens avaient été exécutés…

Il y a une vague d’indignation dans la salle. Plusieurs personnes se lèvent et commencent à fustiger dans leurs langages respectifs. Je regarde tout ça sans savoir quoi faire… J’aurais aimé qu’ils aient cette énergie pendant qu’on était en train d’en chier dans la jungle avec des militaires qui nous chassaient et nous tiraient comme des lapins. Refaire le monde après tout ça me parait bien facile.

Avez-vous quelque chose à ajouter concernant votre déposition ?

J’aimerais demander réparation à la Papouasie Nouvelle-Guinée. Mon amie qui est censée venir témoigner a tout perdu dans l’épidémie. Ses parents ont été infectés et sont morts au tout début du conflit. Son petit frère, un garçon d’à peine d’une dizaine d’année est mort dans les pires conditions alors qu’on allait enfin réussir à s’enfuir. J’ai eu plusieurs compagnons pour faire face à cette merde quand personne au monde ne bougeait le petit doigt pour nous sauver. Ils sont tous morts et toute la surface de l’île a été nucléarisée. Vous avez fait un bon job pour nettoyer l’île de toute preuve matérielle mais on ne balaye pas les souvenirs aussi facilement que ça. Je sais que vous n’avez pas la capacité de faire revenir à la vie tous ceux qui sont morts quand vous vous êtes amusés à jouer à Dieu et de toute manière, après ce que j’ai vécu, je ne le souhaiterais pas. Je voudrais cependant vous demander pourquoi ? Pourquoi est-ce que tout ceci est arrivé ? Pourquoi est-ce que je vais passer le reste de ma vie à prendre des antidépresseurs pour essayer de me reconstruire après cette expérience traumatisante ? Etait-ce pour avoir une super armée et devenir une grande puissance mondiale ? Etait-ce pour un projet agro-alimentaire ? Etait-ce pour faire revenir à la vie les morts ?

Je ressors de la pièce après quelques dizaines de minutes sans avoir reçu de réponse satisfaisante. Je ressors cependant avec le sourire car j’ai réussi à faire ce que j’avais à faire sous les feux des caméras. Mon discours et mes propos marqueront certainement une grande partie de la communauté internationale. J’aurais mes réponses un jour ou l’autre et le sachant, je peux continuer ma lutte. L’avenir n’est pas radieux et je ne me fais plus de faux espoirs mais j’ai acquis un vrai but avec tout ça. Je ressors grandi de cette conférence et de cette île.

Jo'
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Mar 9 Fév - 9:12
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Lucile
Tarnier

J'ai 21 ans et je vis à Amiens, France. Dans la vie, je suis assistante vétérinaire et je m'en sors bien.

_ J'ai hérité de la maison de mes parents.
_ Mon frère, Tom, est décédé.


Ellie :copyright: Ilya Kuvshinov

Spoiler:

Près de 2 ans plus tard.

Je me cale au fond du siège, elle déblatère de l'autre côté du bureau, je rive mes yeux sur cette heure qui tarde à avancer. Le temps et la durée n'ont rien à voir.

"Mademoiselle Tarnier, vous avez vécu quelque chose d'innommable à Banoi, ce qui vous arrive est tout à fait normal, c'est même une réaction commune à un traumatisme. Vous avez tout perdu et vous cherchez à tout prix à faire du sens, c'est naturel."

Sous ce ton mielleux, je sais déjà ce qu'elle s'apprête à dire, comme depuis deux ans.

"Peut-être même subissez-vous en réalité une amnésie traumatique, ce ne serait pas étonnant. Dans ce vide et cette incompréhension, votre cerveau élabore ce qui lui semble le mieux expliquer ce qu'il se rappelle avoir vécu."

Et allons-y : courte pause sous mon silence patient, elle fait mine de chercher ses mots, et elle embraye.

"Mademoiselle Tarnier, Lucile, je ne vous veux aucun mal, je ne cherche pas à vous reprocher quoi que ce soit. Convenez-en avec moi : des morts qui se réveillent ? Les autorités internationales auraient agi, ça aurait tout de même fait du bruit. Cette idée est sûrement ce qui vous conforte le mieux dans votre vécu, mais tant que vous n'admettez pas de la remettre en question, nous ne pourrons pas travailler sur votre guérison."

Je ne dis rien, je serre les mâchoires pour ne pas exploser. Il est l'heure, enfin - elle me gratifie d'un sourire en peine, me serre la main moitement, convient d'un rendez-vous pour la semaine prochaine. Même jour, même heure, même endroit ... et je le sais déjà, même discours. Dehors, l'air gelé et sec m'accueille avec rudesse, chantonne en ville un disque de chants de Noël passé et repassé, clignotent quelques vitrines savamment décorées. Je déteste les fêtes mais c'est la période que je préfère : la plus différente de Banoi. Il fait froid. Le vent est une gifle. De la neige, ou temps sec, pas de pluie. J'allume une cigarette - je fume, maintenant. Mes pas absents me ramènent chez moi.

J'ai plus ou moins hérité de la maison de mes parents. Plus ou moins parce que toutes les démarches de cession sont si longues, et le notaire si paresseux, que la chose n'est pas encore actée. J'aurais pu tout aussi bien vivre à la rue, ça m'aurait été égal, mais je voulais la maison pour la chambre de Tom. Toutes ses affaires, intactes, comme s'il était encore là. Parfois je dors dans son lit, et je vois en rêve ses bras dépasser de la créature qui l'avala il y a deux ans. Le sommeil n'a plus jamais été le même. Au travail, on me renvoie parfois chez moi parce que je suis inapte. Si j'avais quelque part où me recueillir ce serait plus simple - mais les corps sont dissous à tout jamais.

Je rentre, jette les clefs sur la table de la cuisine où s'amoncèlent déjà des courriers, des feuillets de pub, des traces rondes de bouteilles que je descends les soirs plus difficiles, et dont les cadavres vomissent d'un cabas en plastique. Peut-être qu'en fait, ce n'est pas tant le notaire que moi qui suis paresseuse. Je lance la bouilloire qui grésille son tartre, me prépare un café lyophilisé, trop fort, du genre qui troue la parois stomacale, fume encore. Plus une vaisselle propre, alors je ne mange rien. Le canapé m'embrasse tranquillement dans le salon où rien ne bouge, le chauffage reste éteint et je garde mon manteau et mes chaussures. Allongée, je ronge mes ongles jaunis de nicotine. Et si j'avais tout inventé, effectivement ? Je m'empare de mon portable, j'hésite un long moment. Je me rappelle encore son numéro, du moins celui que nous nous partagions lorsque nous étions séparés sur l'île. Je sais que c'est encore le sien parce qu'il a tenté de prendre contact.

J'ignore quelle heure il est chez lui, j'ignore exactement où il est en ce moment même. S'il a encore voyagé, ou non. Nerveuse, j'appelle. Une boule ferme coule au fond de mon estomac qui brûle son anxiété. Répondeur, bip sonore, mes yeux s'enflamment, j'aurais préféré qu'il réponde, ou peut-être préféré-je qu'il ne réponde pas justement. Un long moment de silence alors que je me rassemble. Enfin, je parle.

"Hi Dam' ..."

Je me redresse pour m'asseoir.

"It's Lucile, I ... I'm sorry I didn't answer your calls and texts. It's weird to reach you now, after a few years. I guess I tried to forget everything but it wasn't very effective."

Je ris doucement.

"I hope you're doing well. Things are weird here : they make me go to a therapist, but all she does is telling me I made everything up. Like, how could I even imagine that stuff that chased us before we ran away ? That's bullshit. On the news, they're saying it's a 'natural catastrophe', like a tornado - no one speaks about people dying and coming back to life."

Une colère en moi. Puis un sourire dans la voix encore.

"Anyway. I had to get a nose job to fix my face after the hit I took from Carter !"

Je ris à nouveau. Il me fait bon de lui reparler, comme une couverture doublée sur mon âme frissonnante.

"I didn't thank you for all that you did. I kind of miss the time we had in the jungle, when there were the three of us : it felt home."

Je pense à Tom avec douleur.

"I hope you can sleep."


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