C'était du surnaturel. Ce matin, ils s'étaient levés avec à l'esprit rien d'autre que l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre, et ce soir, ils allaient se coucher, Abel allait se coucher avec la fortune d'un père qu'il n'avait jamais rencontré, pas une seule fois. Lily, elle se fichait bien de l'argent. Elle a grandi dans une famille aisée, n'a jamais eu particulièrement d'aspiration à devenir riche. Tout ce qui comptait, là, tout de suite, c'était Abel. Abel, rien qu'Abel. Et lorsque celui-ci l'attrapa presque avec brusquerie pour la coller contre la rambarde de l'étage, plaquant ses lèvres sur les siennes, Lily eut un bref sursaut de surprise avant d'enrouler ses bras autour de sa nuque pour répondre à son baiser. Elle en manquait d'air, et il y transparaissait une détresse bouleversante. Et à cet instant plus que jamais, Lily comprit combien Abel avait besoin d'elle. Autant qu'elle avait besoin de lui. Elle s'accrocha plus fort à lui, serra son corps contre le sien, à l'embrasser jusqu'à ce qu'ils soient contraints de se séparer, à bout de souffle. Sa supplique lui brisa le coeur. Et Lily, sans réfléchir, elle revient l'embrasser en se serrant contre lui, prend délicatement sa lèvre inférieure entre les siennes, sans quitter son regard. Bouche contre bouche, leurs souffles s'effleurent, quand enfin elle répond : « Jamais Abel. Je ne te laisserai jamais. » Et la certitude qui perce dans sa voix sonne comme une promesse. Une promesse d'éternité.

De retour dans le bureau du notaire, Lily s'efface à nouveau. Elle reste là, et se contente de fusiller du regard quiconque observe son petit ami avec méchanceté. Avaient-ils seulement idée du parcours d'Abel, de sa vie jusque maintenant ? Des différences qu'il y aurait eu, si son père avait été présent ? Ils n'avaient aucun droit de le juger. Aucun droit de le regarder. Elle serra la main d'Abel dans la sienne, avant de reporter son attention sur le notaire, qui avoua au brun qu'il était à l'abri financièrement pour plusieurs générations. Et automatiquement, Lily porte un regard surpris à Abel, quand elle assimile le sens de ses mots. Sa descendance. Ses enfants, donc. Leurs enfants, puisque Lily elle ne voyait Abel avec personne d'autre qu'elle. Immédiatement, la brune s'empourpre, et baisse les yeux. Elle laisse le soin à Abel de signer ces papiers, trépignant sur place, jusqu'à ce qu'il se redresse pour quitter les lieux. A peine arrivée dehors, Lily laisse échapper un long soupir soulagé. Jamais elle n'aurait cru que l'ambiance puisse être si lourde dans ce genre de situation. Abel, lui, était toujours sous le choc de la nouvelle. Elle vint se placer face à lui, pour passer une main dans ses cheveux indisciplinés. « Tu es riche, chéri. » Il était le fils renié, le fils abandonné, celui qui méritait cette forme de rédemption de la part de son père absent. Avec un sourire doux, elle relâcha les boucles d'Abel, et plaça une main sur sa joue, doucement. « Qu'est-ce que tu comptes faire ? » Placer l'argent ? Payer ses études en intégralité ? Que se passait-il dans la tête d'un Abel Silverstein riche ? « Il aura fait au moins un geste correct, même s'il aura fallu attendre sa mort pour qu'il se rende compte de son erreur... » Qu'elle dit finalement en venant reprendre sa main, avec douceur.

Abel enlaça sa petite-amie avec une passion débordante. Sans elle, il aurait sûrement frappé tout le monde dans cet endroit du Diable. Avec elle, il avait pu se contenir, prendre sur lui, chose qui n’était pas aisé chez lui, vu son passif bagarreur. Il accueillait ses mains et ses lèvres avec entrain, restant là, sur le trottoir, comme dans un film, un vent léger qui faisaient danser leurs cheveux. C’était romantique et à la fois, très effrayant. Il fronça les sourcils quand elle insista sur le tu pour dire qu’il était riche, car il ne voyait pas les choses comme ça. Pour lui, Lily était sa moitié, elle aurait la moitié de tout de ce qui lui appartient, c’était normal. Il l’embrassa sur le bout du nez, et lui souriait. « J’ai ma petite idée de ce que je vais en faire. » Il eut un sourire en coin, cachottier et secret parce qu’il ne voulait pas révéler ses desseins tout de suite, car rien n’était sûr. « Je ne sais pas comment je dois le prendre son geste. Comme s’il essayait de se racheter une conduite, mais comme il est mort, ça n’a plus d’importance. » Il n’allait pas parler de son sentiment bouleversé d’avoir vu sûrement son oncle avec la même tête que lui, les mêmes yeux, les mêmes boucles. C’était trop perturbant de savoir qu’il avait une famille quelque part. Avait-il seulement eu connaissance de son existence ? A ce moment-là, tout le monde, même sa mère, sortit de l’immeuble. Une femme d’une cinquantaine d’année s’approcha d’Abel, sans un sourire, très froide. « Vous ne méritez pas cet argent jeune homme, vous n’êtes rien pour lui. » Et elle tendait le bâton pour se faire battre. Tout le monde regardait cette folle, qui devait avoir dans la soixante d’année, une femme tiré à quatre épingles, petite de taille et avec un brushing qui frôlait le ridicule. « Vous me voyez ravi que cet homme est tiré un coup sans capote en allant aux putes. » Elle parut choqué, désespérée. « Ah, pardon ? Vous êtes sa femme ? Depuis combien de temps ? J’ai 22 ans, ma vieille. Votre mari vous trompait avec des prostituées. » Elle alla mettre une gifle à Abel en levant la main en l’air quand Lily réagit bien avant lui. Il n’eut pas le temps de reculer qu’elle était déjà entre lui et cette folle. Jamais il n’avait vu Lily autant hausser le ton, s’énerver, et surtout, prendre la défense corps et âme d’Abel. Et il l’aimait encore plus pour ça.

Ils partirent tous les deux en direction de la voiture après avoir salué la mère d’Abel et il grimpa du côté passager. Il alluma la radio mais ne la mit qu’en fond. « Je dois rencontrer tes parents. » Et il annonça ça comme ça, de but en blanc, sans ménagement et sans explication. Il creusait son idée du mieux qu’il put, mais s’il ne rencontrait pas ses beaux-parents, il risquait de ne pas mener son projet à bien. « Je te laisse nous amener à eux ? Gardons cette journée mouvementée ! » Et il rit en mettant sa ceinture.

De toute évidence, Abel avait une idée derrière la tête quand à ce qu'il pouvait bien faire de cette fortune nouvellement acquise. Lily fronça les sourcils, sans parvenir à réprimer un petit sourire quand il vint embrasser le bout de son nez. « Et je suppose que ça veut dire que tu ne veux rien me dire ? » Elle rit et revint lui voler un baiser fugace, rapide, avant de redescendre de la pointe de ses pieds, écoutant le brun. Avec un sourire pincé, elle hoche la tête, Lily, et soupire. « Je suppose que c'est ça. Après tout, on ne sait rien de lui. » Qui était-il ? Son caractère, son passé, son enfance ? Tout ce qu'ils avaient, c'était ce chèque, et une pierre tombale, Lily doutant qu'un jour Abel puisse chercher à connaître sa famille du côté paternel. C'est le moment que choisirent les personnes présentes chez le notaire pour sortir, dont une femme assez âgée, froide, et dont l'animosité transparaissait presque autour d'elle, comme une aura alors qu'elle s'approchait d'Abel. Immédiatement, Lily se tendit, mais ne dit rien. De quel droit lui adressait-elle la parole de manière si véhémente ? Que savait-elle, pour s'en prendre ainsi à lui ? Elle savait qu'Abel avait largement la répartie pour se défendre, ce qu'il fit à sa façon, tout dans la provocation et l'impétuosité. Lily, elle ne quittait pas la femme du regard. L'épouse de son père, donc, dont le visage rougissait s'empourprait sous la colère provoquée par les paroles d'Abel. Quand elle leva la main, ce fut plus fort qu'elle. Il fallait qu'elle s'en mêle. Et sans laisser le temps de réagir, Lily se dressa entre cette inconnue et son petit ami, interceptant son geste en attrapant son poignet en l'air. « Excusez moi mais qui êtes vous pour oser lui lever la main dessus ? » La froideur qui se dégageait de sa voix aurait presque pu la surprendre elle-même, si elle n'était pas totalement aveuglée par la colère. « Le seul à blâmer ici, c'est votre mari et ses erreurs, puisse-t-il reposer en paix. A moins que ça ne soit vous. Après tout, si je ne m'abuse, votre époux et vous n'avez eu aucune descendance. » Elle pâlit. Mais sans lui laisser le temps de dire un mot de plus, Lily ajouta en relâchant son poignet, manquant de faire tomber la vieille dans son élan « S'il avait besoin d'aller voir une prostituée, c'est que vous ne le satisfaisiez pas. Vous ruminerez là dessus une fois rentrée chez vous. En attendant, je vous prie de nous laisser si vous ne voulez pas que je porte plainte pour vous prendre un peu plus d'argent. » Elle avait articulé chaque mot de façon à bien se faire comprendre, si bien que sans un mot, sans un regard vers Abel, la femme de son père disparut dans la masse familiale qui s'en allait déjà.

En repartant vers la voiture, Lily était encore passablement énervée. La mère d'Abel l'avait légèrement apaisée en la remerciant d'avoir pris le parti de son fils, mais pour elle, c'était normal. Ce qui n'était pas normal, c'était plutôt qu'on ose s'attaquer à un garçon qui n'avait rien demandé à personne, et surtout pas à ce que son père soit un type qui ne l'ai pas assumé. Elle jouait du bout des ongles sur le tableau de bord, et mis le contact au moment où Abel prit la parole. Pour demander à aller voir ses parents. A elle. « Pardon ? » Qu'elle demande d'une voix incertaine en tournant les yeux vers lui, réalisant alors que oui, elle avait très bien compris. Sourcils froncés, elle démarra, ajoutant l'anxiété à la colère qu'elle éprouvait. « Tu sais que mes parents ne sont pas fans de toi... » murmure-t-elle avec la boule au ventre, redoutant plus que jamais un face à face entre son père, sa mère et Abel. Il lui fallu une quinzaine de minutes pour rejoindre la demeure familiale. Ses parents étaient là, elle voyait la voiture. Une fois garée, elle sortit de la voiture avant d'aller face à Abel. « Je sais pas ce que tu as en tête, mais je suis avec toi, ok ? Toujours avec toi. » Et elle craignait d'avoir à se mettre ses parents à dos aujourd'hui, mais dans sa tête à Lily, les choses étaient claires : c'était Abel avant le reste du monde. Alors, sa petite main venant chercher celle du brun, elle se dirigea vers l'entrée pour sonner. Et se retrouver face à sa mère, visiblement très surprise, et qui semblait déjà les avoir vus depuis la fenêtre. « Lily. » La brune s'étonna du ton étonamment... Soulagé de sa mère, qui l'observait de la tête aux pieds, plus qu'Abel, bizarrement. « Tu as meilleure mine ma chérie. » dit-elle en s'avançant pour prendre sa fille dans ses bras. Après une étreinte maladroite, la brune se recule pour reprendre la main d'Abel. « C'est parce que je suis heureuse, maman. Je te présente officiellement Abel. Mon petit ami. » Et elle insista bien sur les derniers mots pour faire comprendre à sa mère que cet homme dont elle lui parlait depuis un an, il était toujours là, dans son coeur, dans sa vie. De retour auprès d'elle, pour ne plus jamais partir.

Sa petite-amie était la personne la plus incroyable du monde. D’une voix absolument adorable elle était devenue un ours, à prendre la défense d’Abel. Il était quand même resté abasourdi par sa véhémence et sa ferveur. Elle avait dit des choses, peut-être plus piquantes que ce qu’Abel avait sorti, mais au moins, c’était dit. Dans la voiture, Lily rappelait à Abel l’amour conséquent que lui portait ses parents. Une part de lui aurait souhaité que ces derniers l’acceptent, et acceptent sa relation avec Abel, parce qu’il n’aspirait qu’à la rendre heureuse, cette petite femme qu’il aimait tant. Ils arrivèrent alors devant la demeure familiale de Lily, et Abel tenta de se coiffer, en passant une main dans ses cheveux. Il voulait faire bonne figure, surtout qu’il allait leur dire quelque chose qui ne leur plairait pas. Abel descendit de la voiture avec le cœur qui battait la chamade et il s’approcha de Lily. La baraque. Quelle baraque mon dieu ! Dans ces rêves les plus fous… Non. Il pouvait se l’offrir maintenant, vu qu’il était le riche héritier du grand Clark Evergreen. Quand Lily ouvrit la porte, il essaya de sourire comme une personne très à l’aise mais ça ressemblait plus à une grimace qu’autre chose. Il attendit que Lily le présente, mais il la connaissait déjà, sa mère. Cette femme qui l’avait regardé de la tête au pied pendant des jours et des jours, alors qu’il pleurait pour revoir Lily. Il lui tendit la main. « Bonjour, officiellement alors. Abel Silverstein. » Il lui serra la main proprement, fermement.

Il n’était plus à l’aise. Il voulait laisser Lily retrouver ses parents pendant un instant avant de s’imposer pour leur parler de ce qu’il avait en tête, d’autant plus que ça risquerait de créer une ambiance un peu mauvaise. Il prenait son mal en patience et il passait sa langue entre ses lèvres. Il tenait la main de Lily, fermement, il avait peur, il ne savait pas si ça allait passer, et en plus, Lily n’était au courant de rien non plus.

La porte de la grande maison de ses parents était à peine ouverte, que déjà Lily sentait la tension des deux côtés. Abel s'efforçait de paraître détendu, mais Lily n'était pas dupe, d'autant plus qu'elle savait très bien l'opinion de ses parents vis à vis du brun. Sa mère s'était légèrement adoucie au cours de l'année pendant laquelle Abel était dans le coma. Lily, elle n'avait pas cherché à cacher ce qu'elle faisait à l'hôpital. Et elle avait fini par piquer une crise magistrale devant sa mère, lui intimant de ne plus jamais lui dire quoi faire. Si jamais elle voulait voir Abel tous les jours, elle le ferait. Si elle voulait l'aimer, elle le faisait, et rien ni personne ne pourrait l'en empêcher. Peut-être pensait-elle qu'il ne sortirait jamais de son coma, mais il était bien là, debout, aux côtés de Lily. Celle-ci caressa le dos de la main d'Abel du bout du pouce, tandis que sa mère se décalait d'un pas pour leur permettre de rentrer et de rejoindre le salon. Habituée des lieux, Lily ota ses chaussures dans l'entrée après les avoir essuyées, et s'avança jusqu'au salon, où se trouvait son père, installé dans le canapé avec un café dans la main. « Papa. » La surprise qui se lit dans les traits du père Abernathy était plus douce. Voilà longtemps que Lily n'était pas venue spontanément chez eux. A vraie dire, ils avaient bien compris que depuis des mois, tout ce dont leur fille avait besoin c'était de solitude et de tranquillité pour ne pas faire de burn out. Immédiatement, son père reposa alors son café pour venir enlacer sa fille, passant une main sur l'arrière de son crâne pour embrasser son front. « Ma puce. Tu n'es pas en cours ? » Elle secoue la tête avec un air gêné. « Non... J'avais besoin d'une pause. J'en avais vraiment besoin papa. » Par réflexe, elle essayait de se justifier. Elle connaissait l'importance des études pour ses parents, et quand bien même Lily avait terminé sa licence l'année dernière, elle avait entamé des études supérieures, plus par manque d'envie de travailler qu'autre chose. Elle n'en avait juste pas le courage. Elle s'attendait à une réprimande de son père, mais celui ci vint porter une main à sa joue doucement, prenant son visage dans sa grande main. « Je te crois Lily. Tu as l'air d'aller... Mieux. Tu as repris du poids, non ? » Elle rougit légèrement en jetant un oeil vers Abel. Elle ne s'était pas rendu compte du souci qu'elle avait donné à ses parents. Lily, elle avait maigri pendant un an. Beaucoup trop maigri. Elle manquait de sommeil, faisait des crises d'hystérie à la moindre contrariété. Ses parents étaient désemparés, et elle ne s'en était même pas rendu compte. Elle se contente alors de hocher la tête en mordant sa lèvre inférieure, et de faire signe à Abel de venir s'installer à ses côtés, sur le canapé.

Si sa mère semblait encore légèrement tendue vis à vis de la situation, soit son père était un excellent acteur, soit il semblait être bien plus en paix vis à vis d'Abel. Il lanca simplement une oeillade curieuse vers le brun alors qu'il s'approchait d'eux deux. « Abel, c'est ça ? » Lily laisse Abel se présenter auprès de son père, non sans les suivre du regard avec intérêt. Il semblait réellement... plus ouvert. Est-ce qu'il avait compris que sa santé allait mieux grâce à lui ? « Abel tenait à vous rencontrer officiellement. J'ai rencontré sa mère ce matin. » Expliqua-t-elle simplement, n'en sachant pas beaucoup plus sur les desseins de son petit ami. Son père se contenta de hocher la tête, et sa mère, de hausser les sourcils vis à vis de ces rencontres visiblement très "officielles". Elle était partie dans la cuisine chercher quelques verres accompagnés de plusieurs bouteilles. Dont quelques bouteilles d'alcool, du jus de fruit, de l'eau. « Abel. Que désirez vous boire ? » Demanda-t-elle aimablement, bien que Lily sache parfaitement ce qu'elle essayait de faire. Son père aussi l'avait remarqué d'ailleurs. Elle le testait. « Maman. » Le ton de Lily est presque menaçant, mais son père la coupe, ignorant son épouse pour demander avec curiosité : « Je suppose qu'il y a une raison à votre visite soudaine ? » Et sans trop savoir quoi répondre, Lily tourna les yeux vers Abel. Oui, c'est quoi cette raison ?

L’ambiance était étrange. Il sentait Lily mal à l’aise d’être dans cette maison mais ça devait être compte tenu de la situation. Abel laissait faire sa petite-amie, car il ne savait pas comment réagir face à ses parents. La réflexion de son père concernant le cours qu’elle loupait évidemment fit faire un sourire léger à Abel. S’ils savaient seulement le nombre de cours qu’elle avait loupé ces derniers jours… Mais il n’en fit rien, par respect. Il n’était pas là pour ça. Il était là pour autre chose évidemment. Quand Abel ôta ses chaussures aussi pour suivre le mouvement de Lily, ils allèrent tout deux s’asseoir sur un canapé relativement grand, et confortable. Son père lui rappelait qu’elle avait prit un peu de poids, et la main sur le tissu du fauteuil, Abel songeait à toutes les choses sales il aimerait lui faire, sur ce même endroit. Ca allait de pair avec le corps absolument pulpeux qu’elle avait découvert ces dernières semaines aux côtés d’Abel. Ces fous les mains qu’il avait envie d’accrocher sur ses hanches, et les fesses qu’il voulait voir rebondir sur sa… puis il reprit connaissance, le visage rougi par l’excitation, espérant que son corps ne parlait pas pour ses pensées. Lily le regardait, et Abel voyait bien qu’elle était rassuré par ses parents qui eux-mêmes se rassuraient en voyant l’état mélioratif de Lily. Il ne bougeait pas, attendant le moment propice pour parler, et il laissait le temps à sa moitié de reprendre de l’énergie auprès de ses parents. C’était beau à voir, des parents aimants. Abel ne connaissait pas ça, c’était une situation étrangère pour lui, alors il était heureux que Lily n’ait jamais manqué de rien avec eux.

Abel fut surpris par le fait que son père se tourne vers lui. Il lui sourit chaleureusement et il lui tendit la main. « Enchanté, monsieur Abernathy. Abel Silverstein, c’est ça. » Il desserra sa poigne et se rendit compte de l’amour qu’il portait à sa fille, cet homme était quelqu’un de très ouvert, et il voyait potentiellement le bonheur qui rayonnait autour de sa fille. C’était ce qu’Abel se disait pour se convaincre que tout se passerait bien. La mère de Lily lui proposa un verre. Et deux choix s’offraient à lui. Soit il jouait la provocation en demandant un alcool fort, comme un cognac, soit une bière, soit il tentait de garder ce rôle de petit-ami idéal en demandant de l’eau. Choix deux. « De l’eau, merci, madame Abernathy. » Elle hocha la tête pour venir lui servir un verre. Elle ne laissait rien transparaître, mais c’est Lily qui la reprit au vol. Elle devait connaître ses intentions. Abel prit une inspiration quand Abernathy senior mère demanda la raison de la visite, et Lily n’aidait en rien en annonçant clairement qu’elle n’en savait rien aussi. Par où commencer ? Il n’avait pas peur, loin de là. Avec ou sans leur accord, il mènerait à bien ce projet, mais pour Lily, si elle avait l’aval de ses parents, elle serait plus à même de quitter officiellement tout ce à quoi elle pense aspirer. Il se redressa légèrement et prit une posture un peu plus homme, pas forcément imposante, mais qui offrait le respect. Il planta son regard dans le celui de la mère et du père de Lily, à tour de rôle. « Je sais très bien que je ne suis pas le genre d’homme avec qui vous souhaitez voir votre fille. J’ai tout fait de travers au départ, mais depuis, je tente de me rattraper. Je l’aime, mon dieu que je l’aime, elle m’a sauvé la vie. Littéralement. Et elle l’a fait quand elle était dans le coma. Vous m’avez bien vu, constamment à vouloir entrer dans sa chambre, chercher son contact. » Il prit une légère inspiration et but une gorgée d’eau. « Je suis tombé fou amoureux de fille, alors que je ne le voulais pas, à la base. C’est venu comme ça, d’un coup, sans prévenir. Et elle fait de moi un homme meilleur, elle a une force de caractère que je n’ai pas et que je n’aurais jamais. » Il se tourna vers Lily, la regardant maintenant elle. « Lily, je t’aime. Je ne vais pas étaler tous les sentiments que j’ai pour toi, je ne sais pas le faire, mais je te demande juste de me faire confiance. » Il se retourna vers ses parents. « Je ne vous demande pas votre accord. Je demande juste votre bénédiction... » Sa mère commença à s’agiter. Abel se mit à rire légèrement. « Je ne compte pas vous demander la main de Lily, ne vous inquiétez pas… enfin… pas maintenant. » Et il fit un sourire moqueur à sa mère. « Un jour, Lily m’a dit que ce qu’elle rêvait par dessus tout, c’était de voyager. De faire le tour du monde. J’ai ridiculement hérité d’une somme d’argent suffisamment conséquente pour permettre ce voyage et pour mettre votre fille à l’abri toute sa vie. Je ne compte pas l’entretenir, c’est elle qui sait très bien le faire. » Il rit à nouveau en serrant sa main et en passant une main dans ses boucles pour illustrer son geste. « Je veux que vous donniez votre bénédiction pour qu’elle arrête ses études et qu’elle parte avec moi. Je ne sais pas combien de temps ce voyage prendra, mais je sais qu’il rendra votre fille comblée. Je peux la rendre heureuse. Je le sais. Je veux juste que ces parents acceptent tout ça, parce que ça serait rajouter cette pierre à l’édifice qu’elle se construit à mes côtés. » Et il souffla, comme laisser échapper tout le stress qu’il accumulait. Il passait sa langue entre ses lèvres et vida son verre d’eau complètement. Puis il attendait.

Lily, elle est bien obligée d'admettre qu'elle ne sait pas pourquoi aujourd'hui précisément, Abel a voulu venir ici. Elle aurait pensé que cette histoire de notaire lui suffirait pour la journée. Qu'ils allaient rentrer dans leur petite chambre, peut-être se recoucher, pour récupérer leur sommeil, ou simplement... se câliner sous les draps. Ou... Bref. Tout sauf finir dans le manoir Abernathy, dans la banlieue uppée de San Francisco, devant une mère dubitative et un père visiblement curieux. Lily fut ravie de voir qu'Abel ne provoquait pas sa mère : s'il avait pris de l'alcool, elle l'aurait probablement éternellement pris en grippe. Elle suit du regard sa mère qui s'est installée avec un café dans le fauteuil. Abel se redressa, et à l'inverse, Lily sembla se tasser dans le fauteuil, comme si elle cherchait à y disparaître. Et Abel prit la parole devant une Lily... Pétrifiée. Lily qui regardait tour à tour les trois protagonistes d'une pièce à laquelle elle avait l'impression d'assister. L'amant, et les parents de l'héroïne. Mais ça n'a rien d'un film ou d'une pièce de théâtre. C'est bien Abel, son Abel qui déclame son amour pour elle devant ses parents. Elle tend la main pour venir prendre la sienne, les larmes aux yeux, au moment exact où Abel reporte son attention dans sa direction. Elle sait. Bien sûr qu'elle sait combien il l'aime. Parce qu'elle l'aime tout autant. Elle l'aime si fort qu'elle se sentirait prête à braver vents et marées à ses côtés. A braver ses parents. Quand il continue de parler à ses parents, sa mère semble s'étouffer avec son café presque en même temps que Lily se fige avec son verre de jus de pomme. Est-ce qu'il venait clairement d'insinuer qu'il voulait un jour l'épouser ? Elle rougit jusqu'aux oreilles, et passe sa langue entre ses lèvres sèches, incapable de boire son jus de pomme. Puis il en vient aux faits. Voyager. Voilà ce qu'il a pensé directement à faire avec son argent : réaliser le rêve de Lily. Et cette dernière le fixe avec une telle émotion dans le regard, qu'elle se fait violence pour ne pas se suspendre dans ses bras et l'embrasser plus fort encore que chez le notaire. « Abel.. » Elle tente de parler, mais Abel n'a pas fini. Voilà ce qu'il est donc venu faire ici. Il voulait que ses parents l'autorisent à emmener Lily autour du monde. A arrêter ses études. A la rendre heureuse, tel qu'il le fait à sa façon. Quand le silence retomba, Lily sentit une larme rouler sur sa joue. Et ce fut sa mère qui brisa le silence en première.

« C'est hors de question. » Le bruit de sa tasse qui claque contre le verre de la table basse arrache un sursaut à Lily, qui détache son regard d'Abel pour observer sa mère. « C'est de la folie pure et dure. Venir ici pour nous demander si vous pouvez emmener notre fille au bout du monde ? Et puis quoi encore ? » Décidément, l'étroitesse d'esprit de sa mère n'avait pas bougé d'un pouce. Peut-être était-elle juste trop protectrice, mais sa façon de le montrer blessait Lily. Ce que son père sembla remarquer, puisqu'il coupa son épouse d'un geste de la main. « Olivia. » Presque aussitôt, celle-ci cessa de parler, et tourna vers lui un regard furibond, montrant sa claire désapprobation vis à vis de tout ça. Lily se contenta alors de serrer les doigts d'Abel autour des siens. Forts. Très forts. Elle tremblait. « Je croyais qu'on était d'accord, Brad. Tu étais même prêt à envoyer Lily... » - « Je sais très bien où je voulais envoyer notre fille. » Le visage de la concernée se décomposa. Où ? Où est-ce qu'il comptait envoyer Lily ? De quoi ses parents ont-ils parlé dans son dos ? « Peut-être que j'ai tort. Peut-être que ce dont elle a besoin, c 'est de voir le monde, et non pas d'être enfermée, que ce soit dans un hôpital ou une université. » Le calme avec lequel son père posait chacun de ses mots choquait totalement Lily. Et elle comprit : son père voulait la mettre en institut pour traîter sa dépression. Il voulait l'enfermer, et à cette pensée, la brune serra plus fort encore la main d'Abel dans la sienne. « Papa...? » Elle le regarde avec ses prunelles brunes miroitant ses larmes. Dans la quête d'une réponse. D'un soutien. De ce dont elle a besoin depuis un an : un parent de son côté, avec elle, qui comprenne son amour. « Lily. » Son père tendit la main, et doucement, la jeune fille fit glisser sa main hors de celles de son petit ami, pour glisser ses deux paumes entre celles de Brad Abernathy. « Je veux que tu me regarde dans les yeux, et que tu me dises que ça, ça te rendra heureuse. Qu'avec ce garçon... Avec Abel... » Il pose les yeux sur l'intéressé, avant de le reporter vers sa fille « ... tu trouveras cette étincelle que tu es censée avoir dans les yeux. Que tu seras à ta place. » Et elle comprend, Lily. Elle comprend que son père, il cède. Qu'il veut donner une chance à Abel. Qu'il veut donner une chance à son couple, à cette vie qu'elle choisit. Et si son père l'accepte... Sa mère devient impuissante. D'ailleurs, celle-ci se lève en ramassant son plateau, et s'évade vers la cuisine. « Ma place elle est avec lui, papa. » Et toute la conviction qu'elle mettait dans ses paroles faisant trembler légèrement sa voix. « Je l'aime plus que tout. Et s'il le faut, si j'en ai envie, je reprendrais mes études plus tard, mais je... c'est ce que je veux papa. Je veux partir avec lui. » C'est ce qu'elle veut si fort qu'elle en est étourdie, Lily. Alors seulement, son père relâcha ses mains, et se redressa. « Dans ce cas, voyagez. C'est aussi ce que je voulais faire, à ton âge. Mais j'ai préféré miser sur ma réussite, et sacrifier mes rêves. Je ne suis pas égoïste au point de te dire de faire la même chose. » Il marque un silence, et regarde vers la cuisine, d'où ne sort plus aucun son. « Je m'occuperai de ta mère. Reviens dans la semaine. D'ici là, j'espère qu'elle se sera calmée. » Terminant son jus de pomme d'une traite, Lily tourne enfin la tête vers Abel. Son père s'est évaporé vers la cuisine, sûrement pour parler à sa mère. Et le regard brillant, elle lui demande, incrédule : « Tu es sûr...? » De vouloir faire ça ? De l'emmener voyager ? De tout quitter, leurs études, leurs amis, leur vie ici, pour une durée indéterminée ?

C’était ça dont il rêvait. Rendre heureuse Lily. Il avait envie de sa vie bien rangée car ça voudrait dire qu’il avait accompli là où ses parents avaient échoué, mais il voulait profiter du monde entier, il voulait chaque seconde avec Lily pour lui montrer qu’elle était exceptionnelle. Et puis… il avait envie de voyager lui aussi. Mais la mère de Lily ne le voyait pas sur ce ton. « Je... » Il n’eut pas le temps d’en placer une, qu’elle refusa catégoriquement. Comme si Abel était un monstre et qu’il allait enfoncer Lily au fin fond des enfers. Mais oui, oui, c’était ça. Il avait envie d’emmener leur fille au bout du monde, à travers les forêts de Sibérie et la hauteur de la muraille de Chine, à travers les safaris d’Afrique du Sud et les vieilles bâtisses de Paris, dans les montagnes et les nuages, sur la mer et dans les airs. Il avait envie de lui montrer que tout était possible. Il ne disait rien. Sa colère lui passait légèrement au dessus même s’il était irrité par son refus, plus pour Lily. Il n’avait pas besoin de son accord, mais c’était quelque chose, il le savait, auquel elle tenait.

Etrangement, il reconnut en Brad Abernathy un père capable, un homme qui comprenait les désirs de sa fille, un père qu’il n’aurait jamais. Mais au moins, il savait que Lily pouvait compter sur lui pour le soutenir. Il se promit de le remercier avant de partir, car la tornade qui était en train de dévaliser la cuisine était en train de tout raser sur son passage, mais c’était plutôt risible. Le frisé regardait le père et la fille se partageait un moment intime et il fut un instant mal à l’aise d’être le témoin d’une scène aussi pudique et personnelle. Il ne se mêlait pas, jusqu’à ce que le paternel se lève et se dirige vers la cuisine, essayant de tempérer son épouse. Ils se retrouvèrent seuls. Lily se tourna vers Abel, les yeux pleins de larmes, surprise. Il prit ses mains, et les embrassa à plusieurs reprises, pour venir reporter son attention sur sa belle qui s’inquiétait. « Comme je ne l’ai jamais été. » Il ne la lâchait pas du regard, il voulait qu’elle se noie dans ses yeux pour qu’elle comprenne l’ampleur de l’intensité de son amour. Il serrait un peu plus ses mains. « Lily, si j’avais plus d’argent, je te l’offrirais le monde... » Il se pencha en avant pour venir déposer un baiser tendre sur ses lèvres, Abel penché en avant au dessus de Lily, dans une position suggestive s’ils ne les écoutaient pas parler. Abel passa une main sur la joue de son amour et lui caressa la pommette de son pouce. « Je nous laisse un mois pour partir. Et on organise rien, on improvise, on choisit une destination au dernier moment, on dort à même la pleine lune s’il le faut -quoique j’aurais les moyens qu’on dorme dans les plus hôtels- mais je veux qu’on fasse les choses comme on les sent, comme on fonctionne depuis un an et demi. Que ça soit naturel, sans précipitation et que ça vienne du fond de nos tripes. » Il reprit légèrement sa respiration en décalant légèrement ses lèvres vers son oreille, penché sur Lily. Il alla dans le creux de ses tympans, dans un souffle, un murmure pour n’être entendu que de son amoureuse. « Et à défaut de pouvoir te faire des cochonneries sur ce canapé, je pourrais te faire l’amour sur tous les continents de la planète. » Et un sourire apparut sur son visage quand il se recula pour reprendre sa position initiale, l’air de rien, comme s’il avait dit une banalité.

Et à mesure que son père s'éloignait pour aller dans la cuisine, Lily se détendait... Du moins, une part de sa tension s'évaporait, pour qu'elle puisse reporter l'entièreté de son attention sur son petit ami, avec une lueur à la fois émue et surprise dans le regard. Et elle avait besoin de lui demander, Lily. De lui demander s'il était bien sûr de vouloir faire un tel sacrifice, celui de changer radicalement de vie. Lui, elle. Le monde, et rien d'autre. Et lorsque Abel affirme sa certitude tout en embrassant ses mains avec douceur, la brune se fait violence pour ne pas fondre en larmes, estimant qu'elle a bien trop pleuré ces derniers jours. « C'est totalement fou... » Elle murmure avec incrédulité, mais le sourire qui plane sur ses lèvres parle pour elle. Lily, elle est heureuse. Elle est heureuse, amoureuse, et elle n'a pas besoin du monde, elle n'a besoin que de lui. Quand il se penche vers elle pour l'embrasser, elle l'attrape par les épaules pour approfondir leur échange, chercher ses lèvres langoureusement, se fichant bien du fait que son père puisse débarquer à n'importe quel moment. A tous les coups, il lui faudrait un moment pour tempérer sa mère. Quand ils se séparent l'un de l'autre, elle ferme les yeux avec un sourire tendre, au contact de son pouce qui balaie sa joue. Un mois. Dans un mois, ils seraient dans une destination inconnue, à faire Dieu sait quoi. Elle hausse les sourcils, le coeur battant devant ce flot d'informations. Et tout du long, elle hoche la tête, Lily. Parce que cette spontanéité, ces imprévus, c'est ce qu'elle aime le plus chez lui. « Tout ce que tu veux... Ca me va, tant qu'on est ensemble. » Beaucoup les prendraient pour des fous. Il y a une semaine, ils n'avaient jamais passé ne serait-ce qu'une journée ensemble sans se disputer. Du moins, aux yeux de tous. Et voilà qu'ils allaient tout plaquer pour voyager rien que tous les deux. Bon sang qu'elle l'aime. Elle l'aime comme une folle. Puis Abel se penche vers son oreille, le temps de quelques mots supplémentaires, et le regard de Lily s'agrandit. Le feu lui monte aux joues, et malgré elle... Malgré elle, la brune elle serre les jambes en s'empourprant plus fort encore, le poussant alors qu'il est déjà en train de se redresser. « Putain, Abel, chez mes parents ! » Qu'elle râle en chuchotant, se remettant de ses émotions - et des pensées salaces qu'il venait de lui implanter - alors que Brad Abernathy revenait dans le salon d'un air visiblement gêné. « Je vous aurait bien invité à rester manger, mais je crois qu'avec ta mère... C'est une mauvaise idée. Pour l'instant. » Et le pour l'instant employé par son père donna le petit espoir à Lily qu'un jour, sa mère accepte l'amour de sa vie. Lorsque son père se dirigea vers Abel, elle resta plantée là, sans trop savoir quoi dire. Et finalement, Brad tendit la main vers Abel, avec quelques mots seulement : « Prends soin de ma fille. »

Qu’il l’aimait, cette Lily, cette innocence et cette tendresse. Il aimait la voir réagir à ses mots, son rouge sur les pommettes qui ne cessait de grimper et qui faisait rire le garçon, légèrement. Il passait une main sur sa cuisse à lui pour se frotter les mains, sentant le sang affluer là où il ne devrait pas. Il pensait à sa mère, à son argent, à ses chaussettes sales, aux plateaux de bouffe de l’hôpital… Tout allait pour le mieux. Il avait réussi à calmer sa tension dans son jean. Il leva les yeux au ciel face à tant de pureté. Sans un bruit, monsieur Abernathy entra dans le salon avec surprise pour les congédier. S’il savait ce qu’il s’était dit quelques secondes plus tôt, il n’aurait jamais autorisé Abel à partir avec sa fille. Abel se mit debout, par respect. Il respectait cet homme qui aimait sa fille suffisamment pour la laisser partir réaliser ses rêves. Il lui ordonna de prendre soin de sa fille. « Je vous en fais la promesse. » Et les deux hommes scellèrent cette promesse dans une poignée de main ferme et contractuelle. Parce qu’Abel allait tenir cette promesse jusqu’à son dernier souffle. Même après sa mort, s’il avait l’occasion cette fois ci d’écrire des mails à Lily, il le ferait. Il l’aiderait dans tout ce qu’elle souhaite entreprendre. Brad les somma d’envoyer des photos de leurs destinations quand les deux jeunes gens s’éloignèrent vers la voiture de Lily.

En grimpant toujours côté passager, Abel s’installa confortablement au fond du siège. Il alluma la radio et mit les informations en fond, comme d’habitude. Il ôta ses pompes et ouvrit la fenêtre, pour chasser l’odeur de ses pieds qui puaient le mort. On ne changeait pas. Il se tourna vers Lily en appuyant son dos contre la portière gauche de la voiture. « Ca s’est mieux passé que ce que j’aurais cru ! » Il était content Abel, pas forcément le meilleur des scénarios, mais le plus pertinent. Il regardait Lily qui se mit à démarrer pour se diriger vers la résidence universitaire. Il l’observait sans gêne de profil. Ses traits fins, ses joues roses et son nez aquilin. Elle était l’incarnation d’une déesse et c’était avec lui qu’elle avait choisi de dormir le soir. Il était l’homme le plus chanceux de la Terre, et cette journée ne confirmait que tout ce qu’il voulait exploiter dans sa vie c’était sa capacité à l’aimer. « Je ne sais pas pour toi, mais cette journée m’a pompé toute mon énergie. On commande sushi, ou pizza ce soir ? » Il s’étirait les bras à travers la fenêtre de la voiture qui roulait tranquillement, l’air frais lui faisant un bien fou. Puis, il augmenta le son de la radio pour chantonner une musique qui passait. « Somebody said you got a new friend, does she love you better than I can ? » Une chanson magnifique de Calum Scott qui s’appelait Dancing on my own. Il murmurait les paroles, en tapotant sur le toit comme un piano qui jouait une douce mélodie. « J’en reviens pas d’avoir plus de fric que tous les gens de l’université… » Il se frottait le menton légèrement du bout des doigts. « Avant de partir, j’aimerais bien… aller voir Tom, si ça ne te dérange pas. Je passerais chez lui quelques jours avant de partir, c’est bon ? » Il voulait presque remercier son meilleur ami. Parce que sans sa connerie d’accident, il n’aurait jamais pu vivre cet amour avec Lily. Parce que même s’ils s’étaient embrassés avant l’accident, il n’était pas sûr que quelque chose se serait créé entre eux. Et il voulait aussi le pardonner.