- Merci m’man.

Que tu dis, une jambe sur ton fauteuil alors que ta mère referme la porte pour retourner dans votre petite maison perdue. Tu attrapes l’assiette qu’elle t’avait posée sur le bord de la table pour commencer à grignoter machinalement tout en tapotant sur ton clavier, regardant sur ton double écran le suivi de tes dépenses, achats, la bourse, les programmes d’envois de sms frauduleux… Oui oui, vous avez bien lu. Sms frauduleux. Tu le sais, ce n’est pas non plus une bonne idée, mais c’est toujours un peu d’argent facile en complément de ce que tu fais. Puis, il te faut des sous pour sortir de ce trou perdu, quand même.

Mais bon. Tu te lèves un peu pour éviter d’avoir mal aux jambes, allumant la musique pour danser sur un fond d’électro endiablé sans aucun sens, au risque de déranger les voisins. Ou alors ils ont l’habitude et demanderont juste à ta mère de te demander d’augmenter le son. Qui sait. Trente ans que tu traînes ta carcasse aussi. Trente ans que tu n’as jamais su quoi faire de ta vie à part traîner sur le net à la recherche d’argent facile pour avoir ce que tu veux, sans trop bosser, te fatiguer. Pas pour faute d’avoir essayé hein ?

Mais bon, même la poste ne voulait pas de toi, alors bon. Au moins, tu sais conduire, c’est déjà pas mal. T’es un peu un parasite, tu le sais, mais tu t’en contentes, récupérant parfois un peu de sous d’une vieille qui répond à un de tes sms par peur et t’envoie ses coordonnées bancaires et hop. Un peu de sous dans la poche pour les factures. Au moins, ce n'est pas trop traçable, c’est pas non plus un million de livres que tu envoies dans un compte perdu au Caraïbes. Si seulement…

Mais ça... Tu t’arrêtes en entendant ton téléphone et retournes à ton ordinateur, vérifiant ainsi ce que tu avais reçu. Oui oui, tu avais dédoublé ton téléphone sur l’ordi pour ne pas perdre de temps. Tu bug en lisant le sms. Tu pouffes et réponds.

De Cooper à Numéro inconnu

Ah ouais, pas mal ça comme approche. Les gens tombent vraiment d’dans ?

Je m’étais levé avec le son de la construction dehors. Ma tête vrillait et j’avais l’estomac dans les talons. Une autre soirée à boire comme un trou pour oublier ma misère. Pour essayer d’être aussi cool que mon cousin Kurt et sa bande d’amis de LA. J’essayais d’impressionner une belle blonde au nichon comme des pastèques avec ma tolérance. Malheureusement, ça n’avait pas marché les Américaines étaient immunisées contre mon charme. Puis, mon cousin s’était éclipsé avec sa bande pour aller à un after et avait probablement oublié de me le dire et de me texter l’adresse. C’était chic. Je pouvais comprendre qu’ils aient été impressionnés par mon sex-appeal. Je provoquais souvent cet effet chez les gens. J’étais rentré complètement bourré et j’avais dormi à côté de la cuvette. Un petit vendredi quoi. J’étais chanceux, j’avais un bel appart en coloc avec un mec qui était absent la moitié du temps. Le jour j’étais commis dans un dépanneur et de nuit j’étais un party animal. J’avais une carrière dans la musique aussi sur le banc de touche, pour le moment mon but dans la vie c’était de me caser et de faire du fric. Je voulais faire assez de magots pour déménager à Londres et faire mes débuts de pop star. Pour cela j’avais des moyens très créatifs l’un deux étant de soutirer de l’argent à de vieilles personnes. Je n’avais pas vraiment de remords, ils avaient qu’à pas êtres vieux et cons s’ils voulaient garder leur argent. Mon truc c’était de texter un numéro au hasard dans la région. Je m’étais donc levé et avais écrit un petit message :

Emmett à Numéro inconnu :

– BONJOUR, JE SUIS UNE MILLIONNAIRE QUI S’EST FAIT EXILER DE SON PAYS ET J’AI 300 000 LIVRES À DONNER À N’IMPORTE QUI. VOUS ÊTES LA PERSONNE CHOISIE. J’AI SEULEMENT BESOIN DE VOTRE NUMÉRO D’ASSURANCE SOCIALE ET DE VOTRE NIP POUR VOUS TRANSFÉRER LES FONDS.

Satisfait, je me dirigeai de nouveau vers la salle de bain. J’avais besoin d’une douche je m’étais gerbé dessus et ça dégoulinait sur le sol. Puis j’avais entendu le ping familier d’un gros poisson qui mordait à l’hameçon et oubliant toute pensée concernant mon hygiène je m’étais jeté sur mon appareil mobile. J’avais haussé les sourcils complètement pris au dépourvu par la réponse. COMMENT ÇA SI ÇA MARCHAIT VRAIMENT !? C’était une histoire incroyable ! J’avais mis beaucoup de temps à développer cette idée et mon alter ego Samanta femme exilée et millionnaire.

Emmett à Numéro inconnu :

– JE NE COMPRENDS PAS CE QUE VOUS VOULEZ DIRE JE SUIS RÉELLEMENT UNE FEMME EXILÉE ET MILLIONNAIRE.

Persuadé de l’avoir convaincu j’avais fait un sourire triomphant. J’étais un véritable génie…

Tu essayes de relire à voix haute le message reçu en essayant de ne pas rigoler tout seul au milieu de ta chambre. Tu évites quand même de prendre à la lettre les majuscules. Manquerait plus que tu te mettes à hurler en rigolant, avertissant ta mère comme ça. Non, hors de question. Puis elle devait sûrement être en train de dormir dans le canapé devant ton téléfilm. Non, déjà qu’elle avait fait le repas, non. Hors de question de la déranger avec une connerie de débutant. Ou alors de quelqu’un qui pense avoir eu le coup du siècle. Tu ne démens pas que certains pourraient tomber dans le panneau, mais pas toi.

De Cooper à Numéro inconnu

Ouais ouais. Et moi, j’suis l’Roi d’Angleterre et j’ai des tickets de loterie gagnant à hauteur d’un million de livre… Bien sûr.

Que tu réponds en mangeant un peu avant de vérifier ta propre annonce. Pour le moment, rien. Mais cela ne devrait pas tarder. En attendant, tu peux jouer un peu avec celui-là. Ou celle-là, même si tu te doutes bien que les demoiselles soient peu nombreuses dans votre branche de métier. Tu gardes l’option d’un monsieur, peut-être même dans un pays étranger qui ne doit pas bien parler anglais ou alors assez bien pour tenter d’appâter des gens ailleurs. Tu réfléchis un peu à quoi répondre de nouveau avant de sourire un peu.

De Cooper à Numéro inconnu

Bon aller. J’suis gentil, j’te file mes trucs. Enjoy.

Tu appuies sur envoyer et ouvres le programme du cheval de Troie que tu avais infiltré dans le message pour le modifier un peu. Tu te frottes les mains en sachant qu’au moment où il rentrera tes informations, il tombera sur un site débile avec une belle fenêtre qui s’ouvrira sur une musique électronique des enfers avec un beau message :


Tu attends un peu avant d’envoyer un nouveau message.

De Cooper à Numéro inconnu

Tu as tout ce qu’il te faut ?

Je m’étais dévêtu en jetant mes vêtements sur le sol. J’aimais ma douche bien bouillante et si je ne sortais pas rouge comme un homard ça voulait dire que je n’étais pas encore propre. Ce que j’aimais par-dessus tout c’était testé mes vocalises dans la douche. J’aimais réchauffer ma voix avec l’écho de la salle de bains. Parfois, je fermais les yeux et j’imaginai une foule en délire qui m’applaudissait. Une fois bien cuit j’étais sorti et m’étais sécher avant de me diriger vers mon garde-robe pour m’habiller. Je décidai de m’affubler de mon tracksuit Adidas bleu poudre. Avec un peu de chance, il y aurait une poulette qui viendrait chercher un chips au dépanneur qui tomberait sur mon charme. Puis, j’avais jeté un coup d’œil à mon téléphone tandis que je cherchais la serpillière dans le placard à ménage. Ben merde, quel idiot. Il était tombé dans le piège. Je m’étais empressé d’entrer les informations seulement pour être redirigé vers un site bidon. Quel merdier ? Il y avait de la musique électronique et un virus. Malheureusement, pour lui j’avais un background en informatique et en deux trois mouvements j’avais désactivé son malware. Ce n’était pas drôle son truc. Pour qui il se prenait ?

Emmett à Numéro inconnu :

Va te faire foutre.

Puis, soudain, une image me vint en tête. Et si c’était une E-girl ? Le genre qu’on voyait sur TikTok avec la poitrine bien généreuse et les cosplays d’animes sexy. J’avais souri, elle ne pourrait pas résister à mon charme légendaire. J’étais un tombeur tous le monde le savait. C’était juste les filles d’Hertford qui étaient difficiles. Je nettoyais d’un coup de vadrouille les preuves de ma débauche d’hier puis j’avais saisi mon téléphone.

Emmett à Numéro inconnu :

– Qu’est-ce que tu portes, ma jolie ?

Ah ouais le rizz était hors de ce monde. Il était déjà l’heure de me rendre au boulot. Je n’en avais pas envie, mais il fallait bien faire de l’argent si je voulais me rendre jusqu’à Londres. Dommage que je ne pouvais pas payer les chèques avec ma bogossitude parce que je serais millionnaire. J’avais fermé l’appartement à clé avant de me rendre au boulot. Heureusement, c’était l’autre bord de la rue. Je m’étais installé devant la caisse en attendant patiemment une réponse.