Assis sur un tabouret autour d’une table dans un bar de la ville, où mon amie m’a traîné pour écouter le groupe de musique de notre université, j’avale d’une traite le shooter de Tequila que je me suis commandé. Je grimace à cause du goût tout en bougeant au rythme de la musique. Globalement, le groupe est vraiment génial. Les membres sont doués et ont une bonne prestance sur scène.
Maisie me tapote le bras, mais elle tombe de côté en gloussant. Je la rattrape de justesse. Je crois qu’elle est complètement ivre.
« T’as vu comment le chanteur est trooop sexy », fait-elle en renversant presque son verre d’alcool, car elle gigote trop les mains expressivement.
Je roule les yeux en riant.
« Mais oui, c’est justement la raison pour laquelle j’ai dû t’accompagner ici. »
Elle hausse les épaules d’un air faussement innocent, mais son sourire la trahit. Je lance un regard vers la scène. Le chanteur n’est pas mal, c’est bien vrai. Comme le guitariste et le bassiste, en fait. Néanmoins, le batteur est clairement le plus canon. Ça ne fait aucun doute, il est chaud bouillant ce mec.
Des bras s’enroulent autour de mon cou ce qui m’extrait de mes pensées. Penchant la tête vers l’arrière, je vois au-dessus, le visage de Patton. Ma fréquentation non sérieuse, comme il repart bientôt en Italie. Il a pris une année sabbatique pour voyager en Angleterre. Je l’ai rencontré grâce à Maisie, puisque c’est son cousin. Il est plutôt gentil et divertissant.
Je lui souris doucement tandis qu’il dépose un baiser fugace sur mes lèvres. Je ramène mon attention sur le groupe qui termine sa chanson. Maisie crie en soulevant son verre pour les acclamer. Son comportement me gêne un peu, mais je n’ose pas l’arrêter puisqu’elle semble hyper heureuse de paraître complètement timbrée.
Je décide plutôt de me lever de mon tabouret.
« Je vais te chercher un truc à boire, je reviens », dis-je à Patton en caressant son bras.
Il hoche la tête et prend place autour de la table. Quant à moi, à travers les gens présents, je file vers le comptoir.

Ce soir s’annonçait pour être épique, le bar dans lequel nous allions jouer était plein à craquer. C’était une soirée agréable avec beaucoup d’ambiance, on pouvait voir les gens danser et crier en harmonie avec la musique que nous produisions. Des soirées comme ont les aiment. Alors que je frappe la dernière note de la dernière chanson de notre concert, j’aperçois le nouvel élève de l’université, ouais je sais, il y a pas mal de monde et c’est un peu étrange que je l’ai reconnu et remarqué, mais c’était parce qu’il me faisait ressentir des choses que je n’aimais pas. Quand je l’ai vue la première fois, j’ai tout de suite remarqué ses lèvres pulpeuses et son style branché, ce n’est pas ce que les mecs sont supposé observer chez un autre gars, d’ailleurs, je devrais même pas observer un autre gars c’est tout simplement dégueux. C’était quelque chose que je détestais chez-moi, cette envie immonde de toucher un gars comme je devrais en avoir envie avec une fille, mais bon. Jamais je n’oserais faire une chose pareil.

En rangeant mes baguettes en même temps que les filles hystériques nous acclamaient, je repose mon regard sur l’asiatique. Il était avec une fille qui avait l’air un peu trop fanatique de notre groupe et avec un gars plutôt banal. Enfin, c’était ce que je croyais avant de les voir s’embrasser. N’étant pas certain d’avoir bien vue, je plisse les yeux pour finalement en avoir la confirmation quand le nouveau s’éloigne en caressant le bras du gars toujours installé à la table. Non mais ils se prennent pour qui ces deux tapettes, à venir se fricoter dans un lieu public comme ça, ils devraient avoir honte.

Je sors de scène et me dirige vers le bar, j’avais besoin d’un verre, au fond de moi je ne savais pas si c’était pour noyer ma haine ou bien ma jalousie devant ce couple si fier et sans gêne. En m’approchant du comptoir, je commande une bière et un shooter de vodka au barman qui me l’offre prétextant que c’était offert par la maison. Après avoir avalé le shooter, je tourne la tête vers l’asiatique qui se trouve juste à côté de moi, bon ça y est, il me suit ou quoi? Sans vraiment réfléchir, je décide de retourner vers l’arrière-scène, mais en prenant bien soin de rentrer dans le nouveau en me levant du petit tabouret du bar. « Pousse-toi, faggot », grognais-je sans prendre le temps de me retourner. En passant près de la table où le couple s’était embrassé, j’échappe volontairement ma bière sur le pantalon du garçon qui portait malheureusement un jean blanc. Prétextant un accident, je lui souris en coin avant de poursuivre ma route jusqu’à la salle où les autres membres du groupe étaient posés pour discuter.

Debout devant le bar comme je n’ai pas l’intention de m’éterniser, je paye le serveur qui dépose une bouteille de bière devant moi. Alors que j’allais prendre la bière, quelqu’un heurte violemment mon épaule. Je tourne ma tête pour distinguer qu’il s’agit du batteur du groupe qui venait de jouer. D’ailleurs, mec canon ne signifie pas mec sympa. Il me traite de faggot et me dit de me pousser comme si c’était moi qui avais été dans son chemin. Je reste estomaqué par ses propos et son attitude. Pour qui il se prend ? Je ne le connais même pas personnellement et il ne me connait pas non plus. Je le fixe tandis qu’il s’éloigne. Stupide homophobe. Je secoue la tête d’exaspération et j’attrape finalement la bière pour Patton. Faisant attention d’éviter la foule qui est éparpillée ici et là, je rejoins mes amis. Je constate que Maisie est accoudée sur la table en train de regarder d’une mine sérieuse la crise que Patton fait. Je dépose la bière et je fixe l’origine de sa colère. Son pantalon blanc est mouillé et tâché.
« Ce trou du cul, il l’a fait exprès », gueule-t-il.
Je l’observe sans piper un mot d’un air dubitatif.
« S’il croit s’en tirer comme ça ! »
Maisie laisse tomber sa tête sur la table. J’alterne mon attention entre elle et Patton qui part. Et merde ! Maisie ne mourra pas un petit cinq minutes seule au bar. Je talonne Patton. Je m’excuse alors que je percute accidentellement certaines personnes pour pouvoir arrêter Patton dans sa folie. Ça ne fera qu’aggraver la situation. Ça ne sert à rien de se bagarrer avec qui que ce soit. C’était probablement un mec trop bourré. Je fronce les sourcils lorsque je le vois pénétrer dans la salle arrière dédiée aux groupes qui montent sur scène dans le bar. Je n’ai pas le temps de dire ou faire quoi que ce soit, car Patton pousse brusquement le batteur qui se trouve être celui qui m’a insulté trois minutes plus tôt.
« Tu crois que je ne l’ai pas remarqué ton sourire fendant après m’avoir renversé ta merde dessus ? C’est quoi ton satané problème ? »
Je lance un regard vers celui qui a commencé tout ce fouillis, espérant qu’il ne va pas riposter. Je retourne mon attention vers Patton.
« Tu vas te faire sortir par les gardes, partons d’ici. Laisse tomber, c’est juste un pantalon, bon sang ! », tenté-je de le raisonner.
Toutefois, le regard que je reçois me fait pincer les lèvres. Il est clairement hargneux. Dû au stress, mes mains deviennent soudainement moites. Je n’ai pas envie que ça dégénère. Je glisse mes doigts dans mes cheveux. Contrairement à plusieurs mecs, je n’ai pas le sang chaud, moi.

J’étais entrain de discuter avec James, le guitariste alors que quelqu’un me pousse assez fortement. Rapidement, je me retourne pour y apercevoir l’asiatique et son petit ami complètement fou de rage. Il me cris qu’il savait que j’avais fais exprès pour son pantalon dans un anglais teinté d’un accent italien, il n’avait pas tord, mais il était tout de même bien courageux de venir me confronter ainsi dans ma salle devant mon groupe. Apparemment, le nouveau l’a compris puisqu’il essaya sans succès de calmer celui qui m’avait poussé.

Je n’allais certainement pas me laisser faire par ce pauvre taré. « Je savais que les tapettes étaient des mauviettes, mais de là à s’attaquer à quelqu’un qui a le dos tourné, c’est pire que se que je croyais », dis-je en riant de l’italien. Il n’avait pas choisi le bon moment ni la bonne personne pour venir faire son cinéma. Décidément, ces deux-là avaient comme but de gâcher ma soirée. J’approche de mon adversaire et je l’attrape par le collet, « Je vais être gentil, je vais te donner une chance, fou le camp de ma salle et je vais te laisser partir sans te casser la gueule » dis-je d’un ton arrogant avant de le lâcher en le repoussant. Sans attendre, je tourne la tête légèrement vers l’asiatique, « Ça vaut aussi pour toi l’asiat’ » lâchais-je en prenant une gorgée de bière.

En attendant de voir le choix que ferait l’italien, je recommence ma petite conversation avec James, « Donc, comme je disais, tu aurais dû voir ça, elle était pratiquement nue sur la scène, elle était carrément canon », dis-je de la façon la plus convaincante que je le pouvais.

Dès que le batteur ouvre la bouche, c’est pour balancer des insultes provocatrices à Patton. De plus, il semble qu’il se trouve bien marrant ce beau parleur. Je me crispe lorsqu’il empoigne le collet de Patton. Il lui lance un avertissement et l’invite à foutre le camp de la loge. Il m’interpelle pour me faire comprendre que l’avertissement me concerne aussi. Pourtant, je n’ai rien fait. Je ne lui ai pas adressé la parole et je n’ai rien tenté pour qu’on veuille m’abattre d’une foudre.
Le batteur nous tourne le dos pour continuer sa conversation à propos d’une fille tandis que Patton serre le poing prêt à se battre. Je soupire bruyamment. J’ai bu quelques shooters et il se fait tard. Ma patience est légèrement plus limité qu’à l’habitude.
« Vous savez quoi, faites ce que vous voulez. Moi, je retourne auprès de Maisie qui se meurt sur la table. Je ne veux même pas savoir qui pisse le plus loin. »
Je tourne le dos à tous ceux présents puis je me dirige vers la sortie. Je relâche une partie de mon stress quand je constate que mon amie est toujours là où je l’ai abandonné. Arrivé près d'elle, je lui caresse les cheveux.
« Allons-y. Je vais te ramener chez toi », lui dis-je.
Je glisse son bras autour de mon cou pour l’aider à se redresser. Cette dernière grogne, mais se laisse porter. Soudainement, le poids devient plus léger. Je remarque Patton qui l’a soulevé de l’autre côté. Je lui souris gentiment, soulagé et heureux qu’il ait préféré partir plutôt que de se battre avec l’homophobe.

Quelques jours plus tard


Comme à mon habitude, j’étais arrivé un peu plus tôt que l’heure du début des cours afin de pouvoir me pratiquer un peu à la batterie. Si je voulais être le meilleur, je devais jouer souvent et longtemps. J’avais comme routine de passer me prendre un petit café au restaurant de l’université et je me diriger vers la salle de musique dans mon département. Juste à côté, il y avait le coin de la santé animale et de l’autre la médecine générale, je n’avais jamais vraiment compris pourquoi ils nous avait mis entre ces deux départements, mais bon.

Je termine ma pratique d’une heure avec ma chanson préféré de notre groupe en faisant un petit clin d’œil au petit groupe de filles qui m’observait par la fenêtre de la porte de la salle. Je range mes partitions et replace le local avant de sortir dans le corridor. D’une main, je barre la porte et de l’autre je fais tournoyer entre mes doigts ma baguette de batterie comme j’ai souvent tendance à faire. Alors que je retire ma main de la pognée, quelque chose me fonce dedans, l’impact de la collision me fait tomber par terre. Étonné et un peu sonné, je cherche autour de moi pour essayer de comprendre ce qui venait de se passer jusqu’à ce que mon regard tombe sur ma baguette complètement cassée en deux, f*ck c’était ma paire favorite. Je lève mon regard emplis de feu vers la personne qui se tient devant moi, évidemment c’était sûr que ça allait être le sale gay. Je prends quelques respirations pour ne pas simplement lui arracher la tête, je passe ma main dans mes cheveux et me relève rapidement. « T’es yeux sont tellement petit que tu m’as pas vue ou quoi ? T’as vue ce que t’a fais ? F*ck ! », grognais-je en ramassant les deux morceaux de baguette par terre. Au final, j'étais fâché pour ma baguette, mais je l'étais encore plus de retomber sur l'asiatique, j'avais beau avoir passé un commentaire sur son ethnie, j'étais loin de le penser, c'était simplement plus fort que moi, combattre l'amour par la haine était le meilleur moyen selon moi. Avec la colère d'avoir perdu ma baguette préférée, mais aussi celle d'avoir encore cette envie pour le nouveau, je frappe dans le casier à ma droite.

« Qu’est-ce que tu fais ? Mais tiens le chien correctement ou sinon… »
« Aïe ! »
… tu vas te faire mordre. Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase que mon binôme de mon cours de santé animale se fait pincer les doigts par le chihuahua qui nous serre de cobaye pour pratiquer la prise de sang. Sara relâche son emprise sur l’animal qui profite de l’ouverture de la porte, lorsqu’un élève entre dans la pièce, pour s’enfuir.
« Vite », ordonné-je à la fille incompétente.
Je précède Sara et je pousse la porte. Je cours derrière le chien qui cavale dans le couloir. Il accélère davantage la cadence quand il constate que je tente de l’attraper. Penché vers l'avant, bras tendu, comme un idiot avec l’espoir de capturer ce chien, je prononce son nom comme s’il allait mieux écouter ainsi. Malheureusement, je ne regarde pas du tout devant moi, car je suis trop concentré sur mon objectif. Je percute donc brutalement une personne. Nous tombons par terre ensemble. Je remarque Sara qui me jette un coup d’œil, mais elle décide de poursuivre le chien. Pivotant mon attention vers la personne dans laquelle j’ai foncé, mon cœur s’arrête quand je constate qu’il s’agit de l’homophobe du bar. Mon regard se pose sur sa baguette cassée. Je pince les lèvres devant ce résultat désastreux, mais bien plus devant la colère qui peint son visage. Après s’être relevé de sa chute, il me crache une phrase voilée de raciste pour m’insulter, car j’ai brisé sa baguette. Se penchant, il ramasse les bouts de bois. Je décide de me redresser également et je secoue mes jeans qui ont dû bouffer la poussière du sol. Je sursaute au moment où il abat son poing contre un casier. Mon cœur bondit dans ma poitrine, et l’idée d'être frappé me fait déblatérer.
« Je suis désolé pour tes baguettes. Je peux t’en racheter des nouvelles, mais avec mes p’tits yeux, faudrait pas que je confonde les baguettes de batteries avec les baguettes pour manger », rétorqué-je, esquissant un sourire angoissé.
Je glisse une main derrière mon crâne dans ma chevelure face à la blague complètement nulle que je viens de faire sortir de ma bouche. Je gigote sur place, étant mal à l’aise vis-à-vis la situation et étant un peu effrayé qu’il s’énerve davantage, je lève mon regard inquiet vers le brun qui est en rogne.

Un peu déconcentré par la perte de ma baguette, j’entend d’une oreille le fait que le nouveau se proposait afin d’en acheter de nouvelles en faisant lui aussi un commentaire un peu douteux sur ses petits yeux. J’imagine que c’était le stress, évidemment j’aurais bien pu le frapper au lieu du casier. Au moins, ce n’était pas l’argent qui me manquait et je n’avais pas envie d’avoir de cadeau de la part d’un gay, non mais j’aurais l’air de quoi si j’acceptais son offre? Je suis pas son petit ami, ça ferait baisser ma réputation en plus. « Nah, j’veux pas de ton offre » répondais-je en jetant les morceaux de bois dans la poubelle tout près.

J’allais pour partir lorsque j’aperçois le reste des membres du band qui s’approchent, ils allaient penser quoi que je laisse l’asiatique s’en tirer avec rien ? Je ne pouvais pas risquer ma couverture d’hétérosexuel dur et arrogant simplement parce que je n’arrivais pas à blesser le nouveau. Je décide donc de le menacer en le plaquant contre le même casier que j’avais frappé, « Tu me pousse vraiment à bout tu sais, avec moi il n’y a rarement de deuxième chance et après le bar, celle-ci était la deuxième. Je te conseille de ne pas t’arranger pour connaître la troisième, si tu ne veux pas finir en dumpling » lâchais-je en lui donnant un coup de ma baguette restante sur la tête, assez fort pour pincer, mais pas assez pour le blesser. En soupirant, je jogge doucement vers mes amis afin de m’éloigner de l’asiatique. J’avais assez fait le con comme ça, j’avais beau vouloir garder mon secret, j’avais tout de même de la difficulté à lui faire du mal. Faut dire qu’avec son visage doux et son attitude calme, il ne donnait pas envie de s’en prendre à lui. Je lève les yeux au ciel, il n’aurait pas pu être plus arrogant ou au moins plus agressif, ça aurait été plus facile pour moi de le martyriser ainsi…

« Ça va Nash ? T’as l’air partie mec », me dit James qui me fait sortir de mon monologue intérieur. Je sens mon cœur battre rapidement alors que je cherche une façon de m’en sortir sans devoir avouer le fond de mes pensées, « Oh ouais t’inquiète, j’ai simplement le trac pour notre cours d’espagnol de demain. Je vais aller prendre l’air un peu », dis-je en détournant le regard tout en passant ma main dans mes cheveux, super ça l’air tellement crédible Nash. Sans attendre qu’il me réponde, je prends les escaliers pour monter au cinquième étage. La porte menant au toit est bien cachée, mais une fille me l’avait déjà montré lorsque nous cherchions une place tranquille pour s’amuser un peu. Je pousse la porte pour me retrouver à l’extérieur, une petite brise agréable vient me souffler sur le visage. Même si les journées étaient encore chaude, la nuit se faisait fraîche en ce début d’automne. Je me déplace vers le bord du toit pour m’installer les pieds dans le vide, je ferme les yeux et prends une grande inspiration. Quel bordel, pensais-je en pensant au nouveau.