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LE TEMPS D'UN RP

« Mon ivresse à ta fièvre, nos souffles féaux » — ft. Rein

Basalte
Messages : 34
Date d'inscription : 07/03/2020
Crédits : Basalte

Univers fétiche : /
Préférence de jeu : Les deux
Valise
Basalte
Sam 21 Sep - 3:57

Katherine E.
Attenborough

J'ai 27 ans et je vis principalement à Londres, dans le quartier Mayfair, Angleterre. Dans la vie, je suis à la tête d'une entreprise dans l'industrie métallurgique depuis la mort de mon père, je possède plusieurs usines et je m'en sors très bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis célibataire mais il va me falloir trouver un époux, et il s'agit bien plus d'un devoir que d'une réelle envie.

Informations supplémentaires ici.
« Mon ivresse à ta fièvre, nos souffles féaux » — ft. Rein Arabesque

« Voilà ce qui arrive lorsque on met une elle buterait peu si subtilement sur le mot, quand sa pensée irait plus vite que sa langue que trop habituée encore à cingler de réprimandes femme au pouvoir... Avec tout le respect que je vous dois lady Katherine, feu votre père n'aurait pas- » le ton sec et sévère de la vieille servante fauché en son milieu par tout le tranchant de la jeunesse.

« Avec tout le respect que vous me devez Hortense », l'interromprait la jeune femme d'une voix calme et plus haute que la sienne, autoritaire dans toute la souplesse que lui conférait sa prosodie particulièrement étudiée, « Vous laisserez à mon seul soin de gérer les affaires qui sont les miennes, et ce comme bon me semble ; je n'ai pas souvenance que vos attributions s'étendent à ces domaines-là, ni même que votre position ne vous permette de remettre en question mes décisions, sauf à dire, peut-être, que mon père vous ait prise pour épouse dans le plus grand secret ? » prononcerait-elle, ses traits se mouvant de subtiles, délicates & limpides expressions en leur temps, marquant ses mots d'un non verbal aussi précis qu'acéré, et concluant d'un sourcil haussé quiet comme pouvait l'être un fauve alangui. Son regard, lui, rivé sur elle tout du long.

Miss Doyle froncerait notablement les sourcils d'une vexation & d'un agacement clairs. C'était là un sujet particulièrement sensible et la source de bien des railleries lorsque la baronne n'était encore qu'une jeune fille ; fondées et si faciles. Comme une plaie que l'on asticoterait encore et encore. Elle bouillonnerait intérieurement.

Tant qu'elle en écorcherait les convenances à l'angle de son arcade hérissée, à défier du regard celle qui désormais était la maîtresse des lieux et à se mordre la langue pour ne pas rétorquer. Le pli qu'elle avait entre ses deux yeux noirs, ridé, fatigué par les années, surmontant un nez fier et étroit, avait d'aussi loin que Katherine s'en souvienne toujours été le même – toujours aussi rigide et mauvais. Seule la ligne de sa chevelure, en tout temps tirée et coiffée d'un chignon sobre, avait perdu de son éclat de jais à la faveur d'un gris terne,  délavée par les années de services et les épreuves imposées par la jeune blonde d'alors, de bonne guerre. Un sillon creusé des années durant à épuiser la pauvre femme, et des rides presque comme des cicatrices de guerre. Elle y avait toujours trouvé une certaine satisfaction, d'ailleurs, quand la sévérité de la rombière se brisait à son tempérament indomptable, et que l'épiderme laiteux de cette Irlandaise pure souche se chauffait d'un carmin au goût de victoire, quand aux lèvres de la juvénile dame de fer en devenir, magnifiquement, se peignait une moue glorieuse. Mais si la malice naturelle de la blonde était de notoriété commune, son penchant pour l'insolence, le manque de respect manifeste qu'elle s'évertuait à entretenir & à toujours plus affiner –à perfectionner– quant à lui n'avait jamais relevé de la malfaisance. Cela avait souvent même été le contraire.

Non – leurs inimitiés n'avaient jamais, au fond, été dues au mauvais sang de Katherine, l'eut-elle entendu à maintes reprises, martelé à son insolente résistance, lorsque cela ne faisait pas l'objet de complaintes auprès du beau maître son père, au détour d'une tentative désespérée de la servante de se hisser au rang de pauvre victime... A défaut de pouvoir s'abaisser à celui d'horizontale opportuniste. Mais bel et bien de celle qui, trop longtemps, avait attiré sur elle les facéties de la jeune femme, et forgé au feu réprouvant l'injustice qui brûlait en elle une farouche combattivité. A certains égards l'aristocrate l'en remerciait. Elle y avait affûté ses armes, sa finesse. Perfectionné son audace et découvert les limites des limites, comme d'un doigté de maître l'on pousserait avec patience et attention les goupilles d'un cadenas jusqu'à atteindre la perfection ; un subtil équilibre entre bellicisme relevant de l'Agôn & courtoisie toute vipérine, qui à bien des égards pouvait ouvrir des portes. N'était-ce pas de ça que les affaires et le monde de l'aristocratie étaient faits ? Des traîtres, des opportunistes ; qui comme le disait Shakespeare en son temps, drapaient la vile nudité de leur scélératesse sous quelque vieux haillons volés à l'évangile, et passaient pour Saints à l'heure où ils jouaient au Diable. Ceux-là portant leur titre comme égide, et dont l'honneur bafoué pouvait se montrer fort tranchant, se devait d'être manipulés avec précaution et travaillés à la lumière d'une certaine forme de prudence.

Katherine observerait un silence, tant à dessein de laisser la servante réfléchir que d'y faire peser tout le poids de son autorité nouvelle et absolue, reprenant lorsque Miss Doyle s'apprêterait à rétorquer, sans égard pour le fond de sa pensée. Elle n'en avait cure, car déjà bien que trop soupé de ses mots bien trop amers et dans la finalité que trop émoussés désormais. Trop pour que son esprit ne trouve encore quelque plaisance à jouter, elle qui vivait pour les bons mots, l'intellect, le défi, et vibrait que son esprit se confronte à ce qui était digne de lui. La blonde n'éprouvait pas même l'envie de la tourmenter en réponse à des décennies de mépris & de jalousie qu'Hortense nourrissait à son égard. Quel intérêt y avait-il à cela ? Elle ne lui tenait pas rigueur du traitement qu'elle avait reçu, pas plus qu'elle ne portait de jugement particulièrement défavorable à son encontre. Il lui fallait, simplement, tourner la page. Son règne commençait, le deuil comme voile et les enseignements d'acier de son père comme les châsses d'une couronne. Et elle les sertirait, une à une, sur le chemin de sa gloire, en laissant son passé derrière elle. Il n'y avait plus aucun filet de sûreté. Seulement elle et son ambition libérées.

Et par tout ce qui était sacré, que c'en était délicieusement grisant...

« Vous allez apporter ceci à Miss Hawthorn, voulez-vous ? », désignant de son minois pivotant en direction de la table un petit paquet de papier brun, noué de simples ficelles, sur lequel reposait une enveloppe – tout deux scellés à la cire rouge & frappés du sceau de sa famille. « Suite à quoi vous rentrerez chez vous. »

L'étonnement pourrait se lire aux traits de la servante, dont les sourcils se relâcheraient immédiatement dans une sorte d'incompréhension qui irait jusqu'à casser la tension de ses épaules, qui s'affaisseraient comme un poids ralenti dans sa chute par un ressort. Katherine poursuivrait

« J'ai pris soin de rédiger une lettre de recommandation à l'égard de vos nombreuses années de bons & loyaux services, et vous ferai verser l'équivalent de deux semaines de salaire afin que vous puissiez confortablement retomber sur vos pattes. »

L'expression de la vieille Irlandaise se préciserait soudainement à la réalisation, mais Mademoiselle Attenborough la couperait à nouveau

« Je vous libère de vos obligations à compter de la bonne réception pour l'orphelinat de ce colis. De grâce, ne versons pas dans le conflit stérile. Vous saviez que ce jour arriverait depuis longtemps. Tout a déjà été dit. Vous pouvez disposer. »

Et à Miss Doyle d'obéir, récupérant le petit paquet sous son bras ainsi que l'enveloppe avant de disparaître sans un mot ni même un geste. Le regard courroucé, bafoué, mais pourtant résigné. Il s'agissait d'un mal pour un bien. Elle qui n'était jamais parvenu à faire plier la jolie blonde dans ses plus jeunes années se serait condamnée à de furieux retour de bâton, dans une guerre qu'elle n'aurait pu gagner désormais. Et, si elle ne l'admettrait sûrement pas de sitôt, écrasée par son propre égo, elle remercierait le temps venu & son propre deuil passé son ancienne maîtresse.

5 maitrois jours plus tard
« Mon ivresse à ta fièvre, nos souffles féaux » — ft. Rein Arabesque

Le printemps était juvénile mais déjà les maisonnées s'activaient. Aux balcons des habitations, les bonnes secouaient les tapis, ouvraient les fenêtres pour aérer & laisser l'air pur rentrer, alors qu'elles procédaient au changement des draps et à chasser la vilaine poussière qui réalistiquement n'avait pas le temps de se former. Le pollen ferait peut-être davantage de victimes, quand les premières fleurs viendraient à éclore, et que Katherine se régalerait du parfum des mimosas, une tasse de thé non loin. Mayfair était idéalement situé pour cela. A l'Ouest du centre-ville, le quartier bénéficiait d'un immense parc tout comme d'air particulièrement frais ; soufflant en direction des quartiers Est dévolus aux ouvriers et à l'industrie, où les cheminées au charbon tournaient à plein régime toute la journée durant. Crachant de hauts panaches de fumée qui salissaient, à grands renforts d'un peu à la suite d'un peu, les façades blanches d'une couche de suie épaisse. Le smog se tenant entre les ruelles comme les treize doigts patients de la Fatalité, où les poumons comme les espoirs des moins fortunés que les moins fortunés devaient être bien sombres. Les travailleurs, eux, s'ils ne vivaient dans le faste, étaient au coeur de cette révolution industrielle en marche ; ils étaient les rouages de cette mécanique au nom de progrès, d'évolution, de futur. Ils étaient les bâtisseurs de l'Angleterre, dans l'ingratitude, souvent, des plus hautes sphères.

La différence entre Mayfair & Bermondsey était claire – et la baronne en était consciente. Elle réprouvait au fond d'elle-même que certains puissent jouir du confort quand d'autres étaient voués de par leur seule naissance à la peine & l'épuisement. Katherine n'irait pas jusqu'à vouloir être déchue de son piédestal, dépossédée de ses privilèges, en aucun cas ; mais elle ne pouvait pas non plus détourner le regard de la misère lorsque entre ses mains siégeait le pouvoir. Chacun faisait avec ce qui lui était donné, et elle, oh elle était de ces forgeronnes aux talents protéiformes maniés d'une volonté de fer.

Mais toute dame se devait d'avoir ses supports, quelle qu'en était la nature. Il lui fallait pouvoir se reposer sur des bases solides. Et à présent que Miss Doyle n'était plus à son service, il lui fallait trouver une remplaçante ; quelqu'un de jeune & de vif, à l'esprit affûté et capable d'apprendre. Quelqu'un qui comprenait les tourments des classes les plus pauvres et pourrait demeurer à son côté dans chaque moment du quotidien. Un bras droit.

Elle avait donc prit le pas de faire paraître dans le journal de Londres une annonce d'offre d'emploi. Son nom transcenderait le papier, le déchirerait presque, tant les nouvelles allaient vite. La mort de lord Henry Attenborough avait gagné les quartiers ainsi que les châteaux comme une trainée de poudre, de Buckingham et ses aristocrates à la basse-ville noircie par le charbon et l'oubli. Elle trouverait la perle rare.


« Recherche femme de chambre, de 20 à 30 ans, sachant lire écrire et parler à minima une langue étrangère de préférence, vive d'esprit et capable d'une grande adaptation. Curiosité et détermination sont essentielles. S'adresser à Lady Katherine Attenborough, 105 Park Lane, Londres. Toute candidature sera étudiée avec la plus sincère attention. »


« Mon ivresse à ta fièvre, nos souffles féaux » — ft. Rein Arabesque
Rein
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Rein
Dim 22 Sep - 14:12

Ae-Ri Han
J'ai 27 ans et je vis à Londres, Angleterre. Dans la vie, je suis une domestique et je m'en sors moyen. Sinon, grâce à ma chance, je suis célibataire et je le vis plutôt bien, car il s'agit du dernier de mes soucis.

- Elle est originaire de Busan, une ville portuaire de Corée
- Encouragée par sa famille, elle est montée à bord d'un bateau à destination de l'Angleterre dans l'espoir d'un avenir meilleur
- Elle est restée des années au service de la même famille, avant qu'on ne la renvoie injustement suite à un malentendu
- Elle maîtrise un anglais quelque peu imparfait - qu'elle s'est forcée à apprendre en autodidacte, en plus du coréen, sa langue maternelle
- Ses talents de cuisinière ne sont plus à prouver
- Elle adore lire, car la littérature lui permet d'échapper à la dure réalité de son quotidien

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C'est tout juste âgé de 16 ans, qu'Ae-Ri, originaire de Busan - une ville portuaire de Corée, fut contrainte de quitter le domicile familial. La guerre, la famine et la pression sociale l'avaient entraîné dans les filets d'un marchand britannique, qui promettait un avenir meilleur à ceux qui étaient prêts à embarquer pour l'Occident. À l'époque, les navires anglais sillonnaient les mers, reliant l'Europe à l'Asie, et Ae-Ri, encouragée par sa famille appauvrie, était bien décidée à saisir cette chance qui s'offrait à elle.

Ce jour-là, le port bourdonnait de vie. Les cris des marchands, le clapotis des vagues contre les coques des bateaux et les larmes d'adieu de familles séparées emplissaient l'air iodé. Pour Ae-Ri, c'était la promesse d'un avenir inconnu, loin des siens. Elle monta à bord du bateau, loin de se douter de l'épreuve que ce voyage représenterait, et sa vie bascula à jamais.

Le navire, imposant et menaçant, était rempli de marchandises, de marins rugueux et de quelques passagers. Dans un coin sombre de la cale, Ae-Ri et d'autres futures servantes asiatiques furent entassées dans des conditions insalubres. L'air était lourd d'humidité, d'odeurs de poisson, de bois pourri et de sueur. Les cabines étaient exiguës, contrastant avec les espaces ouverts des collines coréennes. Rapidement, Ae-Ri se sentit étouffée par cette atmosphère oppressante.

Les premiers jours en mer furent durs, mais pas encore les plus éprouvants. Ae-Ri luttait contre le mal de mer, ses repas frugaux se réduisant souvent à du pain sec et de l'eau. Les vagues, clémentes, permettaient au bateau de glisser sur une mer relativement calme, bien qu'inconfortablement secoué par moments. Chaque nuit, les vagues frappaient la coque dans un bruit sourd et constant qui tenait Ae-Ri éveillée.

Puis, après quelques semaines à voguer sur l'eau, les choses empirèrent. Un terrible orage s'abattit sur le navire alors qu'ils traversaient la mer de Chine. Les marins criaient des ordres en anglais, une langue incompréhensible pour Ae-Ri, tandis que les voiles battaient furieusement sous le vent. Les vagues gigantesques déferlaient sur le pont, et même à l'abri dans la cale, Ae-Ri pouvait sentir la puissance implacable de l'océan. Elle se cramponnait à son maigre sac, le cœur battant, priant les dieux de la mer pour qu'ils l'épargnent. Le navire tanguait tellement que plusieurs des jeunes femmes à bord se mirent à pleurer, convaincues que leur fin était proche.

Le calme revint après plusieurs jours de tempête, mais les ravages étaient visibles. De nombreux tonneaux de provisions avaient été perdus par-dessus bord, et les marins étaient épuisés, tout comme les passagers. L'eau douce venait à manquer, et, bientôt, les réserves alimentaires s'épuisèrent. Des rations minimes furent attribuées, laissant Ae-Ri et ses compagnes affamées avec de maigres bouillons et du pain moisi qui diminuaient leurs forces au fur et à mesure que les jours passaient.

La traversée du détroit de Malacca fut tout aussi difficile. Sous une chaleur écrasante, le navire devenait un véritable enfer. Le soleil tropical faisait bouillir les planches du pont, et, dans la cale, l'air devenait irrespirable. Ae-Ri, à bout de forces, ne pouvait même pas dormir la nuit tant la chaleur était oppressante. Des marins tombèrent malades, et une épidémie de fièvre commença à se répandre parmi les passagers. Chaque jour, la jeune fille craignait de tomber malade à son tour, observant en  silence ceux qui, affaiblis par la maladie, étaient jetés à la mer.

Lorsqu'ils atteignirent enfin l'océan Indien, Ae-Ri avait perdu toute notion du temps. Les semaines s'étaient transformées en une éternité de souffrance, ponctuée par des moments de terreur et de désespoir. Ses mains, autrefois douces, étaient désormais couvertes de cloques et son visage était marqué par les épreuves. Elle se raccrochait à l'espoir que, quelque part au-delà de cet horizon infini, une nouvelle vie l'attendait.

Finalement, après des mois de calvaire, le navire approcha des côtes anglaises. Mais à l'approche des rivages, le froid mordant du climat anglais se fit ressentir. Ae-Ri, habituée aux hivers doux de Corée, ne put supporter le choc brutal des vents glaciaux. Elle n'avait que peu de vêtements pour se protéger du froid et le manque de nourriture avait affaibli son corps. Elle grelotta sans cesse, les lèvres cyanosées.

Quand, enfin, elle posa le pied à terre... Le sol britannique lui sembla étranger et inhospitalier. Londres se dressait devant elle, grise et immense. Un labyrinthe de ruelles et de bâtiments en pierre où l'agitation contrastait avec les collines paisibles de sa Corée natale. Ae-Ri n'eut pas le temps de se remettre de ses épreuves, car à peine débarquée, elle fut conduite avec les autres servantes vers une agence de placement où son destin allait être scellé. Le voyage n'était que le début de ses souffrances. À cet instant, elle comprit que sa nouvelle vie en Angleterre serait aussi impitoyable que l'océan qu'elle venait de traverser.

Bien qu'Ae-Ri ne comprenne rien à la langue et aux coutumes locales, ses traits exotiques et sa grande modestie attiraient l'attention de cette société anglaise fascinée par l'Orient. Engagée comme servante dans un manoir bourgeois, Ae-Ri se retrouva au service de Lady Cuthbert, une veuve fortunée et austère. La maison de Lady Cuthbert était une vaste demeure à l'architecture victorienne, ornée de tapisseries sombres et de lustres imposants. Chaque coin semblait imprégné de l'histoire anglaise, une histoire dont Ae-Ri ignorait tout.

Son travail était exténuant. Du lever du soleil à la tombée de la nuit, elle récurait les sols, préparait les repas, et entretenait les lourdes robes de sa Lady. Elle devait apprendre rapidement, sans jamais se plaindre, car les maîtres anglais n'avaient que peu de tolérance pour les erreurs. Cependant, elle parvint à se lier d’amitié avec d’autres domestiques, en particulier avec Daisy, la cuisinière, qui lui apprit quelques mots d’anglais et l’aida à mieux comprendre les habitudes locales. Grâce à Daisy, Ae-Ri put naviguer dans ce monde dans lequel tout lui était étranger, mais la nostalgie de la Corée la rongeait. Les souvenirs de son enfance lui revenaient souvent en mémoire, particulièrement lorsqu’elle travaillait dans le jardin. Elle se rappelait des champs de riz et des montagnes qui entouraient son village. Parfois, elle pleurait en silence, lorsque personne ne la regardait, le souvenir de sa famille lui pesant lourdement sur le cœur.

Malgré sa situation difficile, Ae-Ri fit preuve d’une grande résilience. Elle apprit à lire et à écrire en anglais grâce aux journaux abandonnés par sa maitresse. Ces moments de lecture, tard dans la nuit, la transportaient dans un autre monde, loin de son travail harassant. Elle rêvait secrètement de retourner un jour dans son pays, mais elle savait qu'elle était maintenant piégée dans un contrat qui ne lui laissait guère d’espoir.

Avec les années, Ae-Ri devint une domestique respectée au sein de la maisonnée. Cependant, elle ne put jamais complètement oublier ses racines. Chaque fois qu’elle regardait par la fenêtre les jardins anglais ordonnés, elle imaginait les paysages sauvages et indomptés de la Corée. Sa vie, bien que marquée par la servitude, devint un pont entre deux mondes si éloignés : la Corée ancestrale et l’Angleterre impériale. Lady Cuthbert, d’abord méfiante à l’égard de cette jeune fille venue de si loin, finit par la traiter avec une certaine bienveillance. Même si elle restait une étrangère, Ae-Ri avait réussi à trouver sa place dans cette société victorienne stricte et rigide - du moins, le croyait-elle.

Un hiver particulièrement rude s'abattit sur Londres, et l'immense demeure de Lady Cuthbert semblait encore plus froide et inhospitalière que d'habitude. Le manoir était en effervescence, car un grand dîner devait avoir lieu en l'honneur d'invités prestigieux : des membres de la haute société londonienne, mais aussi un dignitaire coréen en visite, Sir Kim, venu négocier des accords commerciaux avec l’Empire britannique. C’était une occasion rare pour Ae-Ri d’apercevoir un compatriote, bien que de très loin.

Durant les jours précédant cet événement, l'atmosphère devint encore plus pesante pour la domestique. Lady Cuthbert, stressée par les préparatifs, exigeait la perfection. Les employés de maison s'affairaient jour et nuit pour que chaque détail soit impeccable. Ae-Ri, quant à elle, travaillait sans relâche, plus nerveuse que d'habitude, car elle espérait pouvoir rendre hommage à son pays natal en secret, en s'assurant que tout soit parfait pour cet invité de marque coréen.

Cependant, le jour du dîner, un événement inattendu vint bouleverser la vie d'Ae-Ri. Alors qu'elle aidait à la préparation du service, une précieuse théière de porcelaine chinoise, héritée de plusieurs générations, fut accidentellement renversée et brisée en mille morceaux. Cette théière, un objet d'une grande valeur sentimentale et matérielle, était considérée comme un symbole du statut de la famille.

Malheureusement pour Ae-Ri, qui était présente au moment des faits, elle tenta de rattraper un plateau déséquilibré par un autre domestique, à qui la théière échappa des mains. Lady Cuthbert, en proie à une grande anxiété, accourut à la scène du drame et, voyant les éclats de porcelaine brisée aux pieds d'Ae-Ri, entra dans une colère noire. L'indignation de la maîtresse ne se limitait pas à la valeur de l’objet, mais aussi à la réputation de la maison. En cette soirée à laquelle l’élite anglaise et un dignitaire étranger étaient réunis, une erreur aussi "inacceptable" ne pouvait être tolérée. Lady Cuthbert accusa Ae-Ri d'avoir non seulement causé la perte d'une pièce inestimable, mais aussi d’avoir terni l’image de sa maison devant des invités de haut rang. Bien qu'Ae-Ri tentât d'expliquer le malheureux accident, sa maîtrise limitée de l'anglais la trahit, et personne ne prit le temps de la défendre. Lady Cuthbert, furieuse et sous la pression sociale, prit une décision irrévocable : Ae-Ri devait quitter la maison immédiatement. Ce renvoi fut d'autant plus douloureux qu'Ae-Ri n'eut même pas l'occasion de voir Sir Kim, cet homme qui représentait un lien avec son pays d'origine. Elle fut chassée dans le froid glacial de Londres, seule, face à la honte et à l'injustice de la situation qui la dévoraient, sans emploi ni soutien.

Après des semaines passées à arpenter les rues, Ae-Ri commença à perdre espoir. Ses maigres économies fondaient comme neige au soleil, et chaque maison dans laquelle elle postulait pour un emploi de servante la rejetait sans ménagement. Son accent étranger, son teint blafard et son incapacité à parler un anglais parfait la rendaient invisible aux yeux de la bonne société victorienne. À chaque refus, elle sentait un peu plus le poids de son isolement.

Un jour de printemps, alors qu’elle traînait dans une ruelle étroite non loin de Covent Garden, ses pieds fatigués la menèrent devant une agence de placement où les journaux du jour étaient affichés en vitrine. Un groupe de femmes se pressait déjà devant, espérant trouver une opportunité. Ae-Ri, hésitante, se fraya un chemin parmi elles. Elle se mit à lire les petites annonces, scrutant les mots qu’elle pouvait reconnaître.

C’est là qu’elle tomba sur une annonce qui attira son attention, soigneusement écrite sur une feuille épaisse et ornée d'une calligraphie soignée :

Recherche femme de chambre, de 20 à 30 ans, sachant lire écrire et parler à minima une langue étrangère de préférence, vive d'esprit et capable d'une grande adaptation. Curiosité et détermination sont essentielles. S'adresser à Lady Katherine Attenborough, 105 Park Lane, Londres. Toute candidature sera étudiée avec la plus sincère attention.

Ae-Ri resta figée devant l’annonce, ses yeux parcourant les mots encore et encore. Une langue étrangère ? Elle en connaissait une… mais son anglais était encore imparfait. Cependant, le reste de l’annonce semblait étrange : une femme de chambre, habituellement, n'avait pas besoin de telles compétences. Pourquoi une dame anglaise cherchait-elle quelqu’un capable de parler une autre langue ? Curiosité et détermination... Ces qualités résonnaient avec ce qu’elle ressentait au plus profond d’elle-même. Malgré toutes ses peurs, elle était toujours debout, prête à se battre pour une vie meilleure.

Park Lane. Le nom lui évoquait quelque chose. Les rumeurs circulaient parmi les domestiques que cette avenue était réservée aux plus riches familles de Londres. Y aller lui paraissait intimidant, presque irréaliste. Elle serra le petit bout de papier qu’elle avait arraché avec soin du tableau, essayant de se convaincre que cette annonce était faite pour elle.

Pendant deux jours, elle hésita. Ses doutes la rongeaient : et si elle n’était pas assez qualifiée ? Et si son accent la trahissait encore une fois ? Elle s’entraînait en murmurant des phrases en anglais, répétant les formules de politesse, imaginant toutes sortes de scénarios.

Le troisième jour, n’ayant plus rien à perdre, elle se décida. Ses vêtements étaient usés, mais elle fit de son mieux pour les rendre présentables. Elle traversa la ville à pied, ses pas nerveux la guidant jusqu'à Park Lane. Là, elle découvrit un tout autre monde. Les bâtiments étaient grands, majestueux, les rues impeccablement propres, et chaque fenêtre semblait briller sous le faible soleil londonien. Ae-Ri se sentit encore plus petite face à ces demeures imposantes.

Mais elle n'avait pas fait tout ce chemin pour reculer maintenant.

Devant la maison au numéro 105, un imposant manoir avec une grande porte en bois sculpté, elle respira profondément. Elle frappa timidement à la porte, ses mains tremblantes. Quelques instants plus tard, un majordome à l’air strict ouvrit, son regard scrutant Ae-Ri de haut en bas.

"Que puis-je faire pour vous ?" Demanda le majordome d'une voix froide. Ae-Ri, tentant de maîtriser son anxiété, montra l’annonce qu’elle tenait serrée dans sa main. "Je suis ici pour l’annonce..." Dit-elle, sa voix vacillant légèrement sous l’effet de la nervosité. Le majordome fronça les sourcils en voyant l’apparence modeste de Ae-Ri, mais, contre toute attente, il lui fit signe d’entrer. "Attendez ici. Lady Attenborough décidera si elle souhaite vous rencontrer." Précisa-t-il tout de même avant de disparaître dans les couloirs sombres de la maison.

Ae-Ri resta debout dans le hall, entourée de meubles somptueux et de portraits aux regards perçants. Elle se sentait comme une intruse dans un monde auquel elle ne croyait pas appartenir. Mais quelque chose au fond d’elle continuait à la pousser, à lui rappeler qu’elle avait survécu à bien pire pour être ici.

Quelques minutes plus tard, le majordome revint, un sourire énigmatique sur le visage. "Suivez-moi. Lady Katherine va vous recevoir." Ae-Ri suivit l'homme à travers des couloirs richement décorés jusqu'à un petit salon où une femme élégamment habillée, au regard pénétrant, était assise près d'une fenêtre. Lady Katherine Attenborough tourna la tête vers Ae-Ri, qui s'inclina respectueusement, tandis que ses yeux perçants fixaient la coréenne avec une curiosité non dissimulée.

Seule devant la maîtresse de maison, Ae-Ri était partagée entre une peur paralysante et une curiosité presque instinctive. Assise sur cette chaise aux coussins brodés, elle sentait son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine. C’était la première fois qu’elle se trouvait face à une dame de la haute société anglaise. La pièce dans laquelle elle se trouvait, avec ses tapis épais, ses rideaux de velours et ses portraits imposants, lui semblait étrangère et intimidante. Tout ici suintait le luxe et l’autorité.

La peur, bien sûr, dominait ses pensées. Elle savait que son avenir se jouait à cet instant, dans ce salon opulent. Sa voix pouvait la trahir à tout moment, et la moindre erreur risquait de ruiner sa seule chance. Elle se demandait si Lady Katherine, avec ses manières parfaites et son regard perçant, verrait au-delà de ses origines modestes et de son apparence exotique. Chaque mouvement de Lady Katherine, chaque regard pesait sur Ae-Ri, la forçant à maîtriser son corps pour éviter de trembler. Son passé, ses erreurs, ses échecs lui revenaient en mémoire. Que pensera Lady Katherine lorsqu'elle apprendra que son anglais était imparfait ? Car elle l'apprendrait forcément, c'était une certitude.

L’humilité imprégnait également son attitude. Ae-Ri, habituée à la soumission et au service, savait que sa survie dépendait de sa capacité à s’adapter, à ne jamais défier l’autorité. Ses mains, posées avec précaution sur ses genoux, racontaient une histoire de labeur et de sacrifices. Elle se sentait si petite, si effacée devant cette femme dont la posture dégageait une force tranquille et une assurance indéniable. Elle baissait les yeux, évitant de regarder Lady Katherine trop directement, un geste instinctif qui montrait son respect, mais aussi sa crainte de mal faire.

Mais au-delà de la peur et de l’humilité, la curiosité commençait à poindre dans son esprit. Lady Katherine n’était pas comme les autres dames anglaises qu’elle avait pu apercevoir depuis son arrivée à Londres. Il y avait quelque chose de différent dans son regard. Ses yeux, bien que scrutateurs, dégageaient une certaine bienveillance des plus sincères. Cela intriguait Ae-Ri. Pourquoi Lady Katherine avait-elle spécifiquement demandé dans son annonce une servante parlant une langue étrangère, capable d’adaptation ? Il y avait un mystère autour de cette femme, et Ae-Ri, contre toute attente, ressentait le besoin de comprendre.

En plus de la curiosité, une étincelle d'espoir vacillait au fond d’elle. C'était peut-être sa seule chance de transformer sa vie, de sortir de la misère dans laquelle elle était plongée depuis son arrivée en Angleterre. Elle se raccrochait à cet espoir comme à une bouée, se rappelant chaque jour pénible de son voyage, chaque refus des maisons où elle avait cherché du travail. Lady Katherine représentait une opportunité qu'elle ne pouvait laisser filer. Son esprit oscillait entre l’envie de tout donner et la peur de ne pas être à la hauteur.

Enfin, il y avait la détermination. Malgré sa peur et ses doutes, Ae-Ri se sentait forte intérieurement. Elle avait traversé des océans, survécu à des tempêtes et avait tout sacrifié pour être là, en cet instant précis. Elle serra discrètement les poings sous la table, se rappelant à elle-même qu’elle avait survécu à bien pire. Peu importe ce que Lady Katherine demanderait, elle s’adapterait, elle apprendrait, et elle prouverait sa valeur.

Lorsque Lady Katherine parla d’une voix assurée, Ae-Ri releva les yeux. Pour la première fois, elle croisa réellement le regard de cette femme qui pourrait changer son destin. Et à cet instant, au-delà de la peur et de l’incertitude, Ae-Ri sentit qu’elle devait tout tenter. Un mélange de peur et d’espoir faisait vibrer son âme, mais elle se promit qu’elle ne laisserait pas la peur l’emporter.
Basalte
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Valise
Basalte
Lun 23 Sep - 18:40

Katherine E.
Attenborough

J'ai 27 ans et je vis principalement à Londres, dans le quartier Mayfair, Angleterre. Dans la vie, je suis à la tête d'une entreprise dans l'industrie métallurgique depuis la mort de mon père, je possède plusieurs usines et je m'en sors très bien. Sinon, grâce à ma chance, je suis célibataire mais il va me falloir trouver un époux, et il s'agit bien plus d'un devoir que d'une réelle envie.

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« Mon ivresse à ta fièvre, nos souffles féaux » — ft. Rein Arabesque

Tandis qu'elle serpentait dans les rues, entre les passants aux vêtures impeccables et d'un chic notable, à la pointe du raffinement, elle avait pu sentir les regards désapprobateurs peser sur elle. Le jugement frappant ses fines épaules comme autant d'horions légitimes. Car qui était-elle, et d'où venait-elle pour oser arpenter ces riches avenues ? Il n'était pas habituel que des classes si éloignées l'une de l'autre se mélangent, se côtoient en des lieux faits par et pensés pour la haute société – où les boulangeries se paraient de somptueuses devantures au plein de la gloire victorienne, et où les kiosques répartis aux quatre coins de cette partie de la ville se voulaient eux-même garant d'un certain standing ; pour ne pas mentionner les ateliers d'artisans, tailleurs & autres cordonniers réputés. D'un certain apparat. Elle avait pu y lire le mépris des dames et la convoitise des hommes. La curiosité de tous. Il était fréquent, de même, qu'elle puisse voir des voitures passer, entendre le ronronnement grave de leurs moteurs & sentir le fumet si caractéristique du charbon. Elle qui n'était pas d'ici avait pu se sentir plus étrangère encore qu'elle ne l'avait jamais été parmi toutes ces personnes étant nées dans le faste & la quiétude. Sa place n'était pas ici et elle n'avait aucune chance de réussir, et tout était fait pour le lui rappeler.

Tout, sauf ce bout de papier froissé, épais, aux filigranes d'or & inscrit à l'élégance d'une main sûre de quelques mots. Quelques mots seulement qui pouvaient tout changer.


A l'intérieur, le brouhaha de la ville était étouffé par l'atmosphère autrement plus feutrée, l'épaisse, massive et élégante porte se refermant derrière elle réduisant au silence les conversations des passants aussitôt, et avec eux les piaillements des oiseaux & les quelques rares vrombissements de moteurs. Les murs, plus épais encore, ciselés, taillés, décorés, ajoutant à cette idée de force et de solidité inébranlable et conférant au lieu une certaine aura de tranquillité. Un havre imprenable, qui séparait là encore ses habitants du reste de la société. Il flottait dans l'air quelques agréables fragrances, entre les fleurs sauvages assemblées en de nombreux bouquets colorés et agencés d'une esthétique pensée. Étudiée, à dessein de souligner le sauvage et l'indompté au coeur de l'ordonné, jouant des contrastes tant des couleurs que de tout le reste, car l'art était une composition. Le beau, le plaisant étaient faits de détails. Et par-dessus ces odeurs fraîches, la Coréenne pouvait discerner le fumet appétissant de la viande en train de rôtir, des légumes mijotant tranquillement et des épices variées qui conféraient à l'ensemble quelque allure d'oeuvre d'art là encore. Lui donnant déjà à imaginer les cuisines. Les lourdes cuisinières en fonte recouvertes de décorations aussi somptueuses que ne l'étaient celles aux mur, et aux éléments cuivrés étincelants. L'atmosphère un peu épaisse où la vapeur & les saveurs flottaient dans l'air, d'une impesanteur exquise, dans le crépitement de la nourriture saisissant et des casseroles maniées de mains de maîtres, le métal claquant dans des sons mats. Peut-être s'imaginerait-elle même s'y glisser en sentant dans ses mains la texture d'un torchon blanc qu'elle jetterait à son épaule, ses mailles peut-être même plus douces que les vêtements qu'elle avait jamais eu.

Autant de merveilles à éveiller les sens que de promesses de confort.

Le majordome la guidera calmement à l'étage, ensuite de quoi, sans grands regards ni considération ; toquant trois petits coups à la lourde porte de la pièce devant laquelle ils s'arrêtèrent, et qu'il ouvrira ensuite de façon à laisser la jeune femme y entrer.

Lady Katherine se présentait là. Assise près de la fenêtre, le port droit et élégant, ses jambes étaient croisées dans une sorte de décontraction ne mettant que plus en exergue encore l'aura d'assurance & de pouvoir qu'elle dégageait ; ajoutant à son apparence comme son attitude soignée un éclat supplémentaire. Un feu maîtrisé, témoin fervent de la jeunesse qui était la sienne et un éclat poli de son caractère affirmé qu'Ae-Ri ne pouvait que deviner plus impétueux encore au fort de son coeur. A son côté, une petite table richement décorée couverte d'une nappe brodée, sur laquelle avait été élégamment repoussé sur le côté une tasse vide dans sa soucoupe, la petite cuillère d'argent déposée dans celle-là comme il était de convenance. Plus loin une petite pile de document s'entassait. Des lettres, cachetées ou non, semblant ouvertes ou non. Mais aussi un encrier & et une plume magnifique d'un blanc crème aux reflets presque opalins, fine et subtile, la pointe se terminant d'une courbe volubile & gracieuse là où le corps d'écriture, fait d'or, était gravé de quelques délicates arabesques et autre poinçons, dont les plus notables étaient une couronne centrée sur la partie la plus épaisse et entourée d'un soleil aux branches ondulées, et une abeille sur la partie la plus fine destinée de l'embout, juste au-dessus de l'oeil & de la fente. Les rideaux d'un somptueux vermeil, ouverts, laissaient filtrer au travers des carreaux une lumière allant s'épaississant à mesure que l'après-midi progressait, découpant timidement l'atmosphère intime de l'étude et se reflétant sur les dorures, tout comme elle faisait flamboyer, presque, la chevelure de la blonde d'une aura presque angélique. Et en dépit de son angoisse, de sa peur et de son appréhension, Ae-Ri pourrait sentir tout le calme du manoir. Sa sérénité. La maîtresse des lieux en étant le symbole, respirant la force tranquille et l'apaisement ; un aplomb qui lui permettait de faire face aux choses de la vie d'un front égal et de vaincre, sans concessions.

Ce qu'elle voulait, lady Katherine le faisait sien.

Le majordome ferma la porte derrière elle, lors, et retourna à ses occupations.

Et lorsque la Coréenne entra, que la baronne releva le regard sur elle, prête à l'inviter à venir s'asseoir, son coeur s'emballa crescendo à sa plus grande stupeur. Elle demeura figée un instant sans rien n'en montrer, si ce n'était peut-être ses lèvres qui s'entrouvrirent subtilement et ses yeux s'étrécissant à cette image qui avait happé ses iris & lui donnait des vertiges. Engourdie et si légère, sa poitrine et son estomac piqués d'une adrénaline aussi subite qu'inattendue ; d'autant d'électricité que de plumes la chatouillant, de papillons aussi désarmants qu'étrangement bien trop agréables. Elle respirait toujours de cette divine assurance qui était la sienne, d'un calme parfait que son menton toujours porté là où il se devait de demeurer, ni trop bas pour le statut qui était le sien, ni trop haut à dessein de ne pas écorcher la bienséance, couronnait de certitude. Katherine ne put détourner son regard de la jeune femme dès lors qu'elle eut franchi le seuil de l'étude. Moins encore que la Coréenne n'osait la regarder dans les yeux, lui offrant de l'observer encore sous toutes les coutures dans une impudeur de velours, pour aussi longtemps qu'elle l'eut voulu – et elle le voulu quelques longues secondes s'étirant. Instaurant et faisant plus prégnante encore par son silence l'assurance pour Ae-Ri de son plein contrôle de ce qui se déroulait ici, dans sa demeure, selon son envie.

Ses traits si fins d'un Orient aussi divin que lointain, en un instant, l'obsédaient désormais invariablement.

Son regard en particulier, dont l'extrême humilité & la docilité ne faisaient que davantage ressortir toute la douceur & l'infini délicatesse, quand l'attitude fuyante de celui-là se mêlait pourtant à son port droit et respectueux –plus encore et d'une manière bien différente des Européens– et soulignait, suggérait une nature qui pour la baronne était excessivement attirante. Car malgré sa naissance et son rang social, la modestie & l'obéissance qui s'en accompagnait, il y avait par-dessus tout une profonde dignité. Un trait culturel qui à son sens leur était propre. Être capables de marier ces deux aspects pourtant à bien des égards contraires l'un à l'autre dans ces dimensions là. Les Asiatiques connaissaient le véritable sens du sacrifice, de l'honneur et de la fierté, d'une façon à laquelle l'Occident ne pouvait que rêver ; que romancer et admirer. Et leur forme, amandes touchées – créées par la grâce, aux paupières ajoutant à la beauté qui était la sienne dans le tableau vivant qu'elle était... Chaque détail, que chaque inspiration, chaque seconde d'existence ne faisait que magnifier. La finesse de son nez, de sa peau si pâle qu'elle en semblait presque surnaturelle, même pour la Britannique qu'elle était. Mais encore de ses lèvres au rose si vivant & si chaleureux, et elle en gageait à la douceur des fruits les plus mûrs de l'été. Et quid de sa stature, de sa silhouette ; de la noirceur de sa chevelure si raide, qui comme de l'encre conférait aux contours de son fin & féminin visage quelque fond aqueux le mettant plus encore en relief. Elle l'invitera finalement à prendre place d'un délicat et maîtrisé geste de la main, paume ouverte à son endroit. Ses doigts, tout aussi délicats, à l'apparence si tendres, révélaient tout comme ses gestes toute la dualité de son être. Rassurants d'un côté, quand dans leur suprême féminité, les ongles soignés, ornant une finesse qui n'avait jamais eu à manier autre chose que la plume, ils suggéraient l'infinie douceur d'une femme au plein de sa jeunesse & de sa force. Dominants, de l'autre, quand l'assurance parfaite du plus petit de ses gestes se mariait aux bagues & autre chevalière qu'elle arborait, et commandait comme on respire, sans heurt ni violence aucune, sans sursaut de voix nécessaire, d'une autorité incontestée. De la fine joaillerie ; entrelacs d'argent dont les bras comme autant de vignes enchâssaient des saphirs avec tout autour de plus petits diamants, qui courait & habillait la majeure partie de son index d'un rappel de son statut. Une autre bague similaire à l'annulaire droit, moins longue et plus arrondie. Et sa chevalière, qu'elle arborait à l'auriculaire gauche. Le chaton ciselé d'une magnifique petite abeille ainsi que des lettres « A. A. P. », quand l'anneau le serait lui d'ornements aussi minutieux qu'époustouflants de détails.

Lady Katherine prendra un instant pour elle-même, incertaine de si elle le dévouerait à sa contemplation silencieuse ou à la reprise de ses moyens. Elle fermera à nouveau ses lèvres que trop longtemps restées, subtilement, entrouvertes, et retrouvera de sa tenue alors qu'elle s'adressera enfin à elle. La voix emplie de cette même sérénité dont elle rayonnait, de cette même chaleur et de celles pour lesquelles l'on s'arrêtait pour les écouter. Sa diction se voulait claire et étudiée, marquée d'un accent de la haute société Londonienne dont la prosodie même respirait la confiance en elle, l'assurance sans faille et le pouvoir, tout comme la force de caractère et l'indomptabilité. Son visage nommé des même faveurs – le regard droit, acquis dans toute son attention, pénétrant & désarmant. La baronne observant la Coréenne comme si elle la voyait réellement et cherchait le contact, ce qui paradoxalement pouvait sans doute faire se sentir acculée Ae-Ri, elle que l'on avait toujours vue comme la bonne à tout faire, un ombre faisant partie du décor mais dont l'existence était aux yeux de ses maîtres bien vaine. Car pour Katherine, déjà, elle était un joyau.

Un joyau qu'elle caressait de sa convoitise, et pour qui l'intérêt n'irait que grandissant.

« Ainsi, vous vous présentez pour l'annonce. » commença-t-elle, avant que son coeur ne s'emballe à nouveau et que son expression ne se fasse que plus intense encore, pour faire face et contrebalancer ce qui se jouait en elle alors qu'enfin elle croisait le regard d'Ae-Ri. Son élégant corset rendant la tâche plus ardue encore tandis qu'elle sentait ses joues se réchauffer, et à nouveau son ventre être conquis de faveurs déroutantes. Ses jambes, elles, joliment croisées sous la table et couvertes d'une somptueuse robe en soi, brodée d'or sur fond de guède, comme absentes. Elle continuera

« Je suis heureuse de l'attention que vous lui avez porté, et vous avez toute la mienne. Vous n'avez pas rencontré trop de difficultés sur le chemin ? » assorti d'un sourire courtois mais par-dessus tout sincère, car la Coréenne pouvait le voir lui grimper jusqu'au coin de yeux, lesquels demeuraient entièrement dévoués. Ses lèvres en particulier peut-être, le regard de lady Katherine oscillant délicatement entre celles-là et ses captivants yeux noirs. Elle ne cherchait pas particulièrement à le cacher néanmoins, pas plus qu'elle manquait aux convenances. S'offrant de la scruter dans le privilège qui était le sien, et parfois effleurant seulement peut-être la limite de ce qui était convenable.

Sa main gauche reposant paisiblement sur la table, comme alanguie. Son pouce viendra parfois distraitement caresser l'index, comme un exutoire aussi discret qu'involontaire aux émotions qui la parcouraient, et notamment la hâte d'entendre sa voix, son timbre, pour la première fois – mais encore d'en apprécier le mouvement de ses lèvres. Car Katherine était une esthète...

« Parlez-moi de vous et des raisons qui vous ont menées à être ici aujourd'hui, à commencer par votre nom. Comment vous appelez-vous, mademoiselle ? »

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Rein
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Sam 19 Oct - 17:25

Ae-Ri Han
J'ai 27 ans et je vis à Londres, Angleterre. Dans la vie, je suis une domestique et je m'en sors moyen. Sinon, grâce à ma chance, je suis célibataire et je le vis plutôt bien, car il s'agit du dernier de mes soucis.

- Elle est originaire de Busan, une ville portuaire de Corée
- Encouragée par sa famille, elle est montée à bord d'un bateau à destination de l'Angleterre dans l'espoir d'un avenir meilleur
- Elle est restée des années au service de la même famille, avant qu'on ne la renvoie injustement suite à un malentendu
- Elle maîtrise un anglais quelque peu imparfait - qu'elle s'est forcée à apprendre en autodidacte, en plus du coréen, sa langue maternelle
- Ses talents de cuisinière ne sont plus à prouver
- Elle adore lire, car la littérature lui permet d'échapper à la dure réalité de son quotidien

« Mon ivresse à ta fièvre, nos souffles féaux » — ft. Rein Cf81e3fe34933ad80b7f041bc2b62d07ceb7fdf7

Ae-Ri s'était toujours laissée dire que Lady Cuthbert était l'une des femmes les plus influentes de Londres, et il était évident qu'une simple domestique n'aurait jamais osé la contredire, mais maintenant qu'elle avait franchi le seuil de la demeure de Lady Katherine Attenborough... Ae-Ri réalisait à quel point elle avait pu être naïve. Guidée à l'étage par un majordome aux manières si impeccables qu'il aurait fait pâlir de jalousie la plupart des plus hauts employés des autres maisonnées, Ae-Ri n'avait pu réfréner des regards curieux et, telle une enfant se languissant devant la vitrine d'un magasin de poupées luxueux, ses yeux brillèrent d'une sincère admiration.

Le hall d'entrée, espace presque central de toute demeure digne de ce nom - puisque conçu pour faire bonne impression aux visiteurs, était spacieux et haut de plafond. Si beaucoup de maisons arboraient un sol en marbre en damier noir et blanc, Lady Attenborough, elle, avait fait le choix de motifs plus artistiques et complexes. Un grand tapis persan, richement coloré, couvrait une partie du sol, contrastant avec le marbre et rehaussant l'atmosphère luxueuse qui se dégageait de l'habitat. L'escalier, pièce maîtresse du hall, avait été fabriqué en acajou, et ses balustres avaient toutes été sculptées à la main. La rampe vernie glissait sous la pulpe des doigts. Chaque marche, large, imposante et invitant à gravir l'escalier avec prestance, était recouverte d'un épais tapis bordé de laiton pour le maintenir en place. Un mélange d'odeur subtil flottait dans l'air. Ae-Ri pouvait y déceler des bouquets de fleurs fraîchement coupées, mais aussi des sachets de lavande et des brûle-parfums, rendant l'espace d'autant plus accueillant pour les invités.

Mais Ae-Ri le savait : elle n'était pas une invitée.

Son avenir était en jeu.

Aussi, lorsque le majordome s'arrête devant une double porte en bois massif qu'il se permit d'ouvrir après avoir soigneusement frappé contre, la domestique essuya discrètement la moiteur de ses paumes contre le tissu habilement rapiécé de sa robe. L'entrebâillement de la porte laissa filtrer quelques rayons de soleil, lesquels vinrent effleurer la peau diaphane d'Ae-Ri. Cette dernière releva légèrement le menton afin d'ajuster sa posture, les muscles de ses épaules tendues par le stress se délièrent et elle redressa le dos, les pieds profondément ancrés dans le sol et le regard fixé en contrebas en signe de respect. Lady Cuthbert détestait que ses employés la regardent s'ils n'y étaient pas invités – Ae-Ri s'imagina que cela était également le cas pour Lady Attenborough.

Les premiers pas au sein de l'office sont timides, peu assurés. Ils trahissent l'incertitude, le doute, la peur du rejet et la crainte de l'échec. Ae-Ri repense aux rues glaciales dans lesquelles il lui est déjà arrivé de dormir quand ses employeurs — après Lady Cuthbert — n'étaient pas en mesure de l'héberger. Elle peut presque sentir la faim qui lui tord les entrailles et l'empêche de dormir. Les bruits de pas pressés, les rires alcoolisés, les grognements inquiétants, les cris... Si Lady Katherine refuse de la prendre à l'essai et qu'elle doit y retourner... Un frisson descend le long de sa colonne vertébrale et ses mains tremblent légèrement. Elle les crispe contre son tablier, caressant la fabrique rugueuse avec discrétion pour se calmer. Combien de temps parviendra-t-elle à survivre à elle seule dehors sans qu'il ne lui arrive aucun mal ? Ae-Ri avait parfaitement conscience de ce qui attendait la plupart des femmes dans la rue. Elle savait ce que les hommes étaient en droit d'attendre d'elle en échange d'un peu d'argent, mais elle s'y refusait. Son honneur n'était pas à vendre. Jamais elle ne s'abaisserait à de telles pratiques pour gagner son pain. Elle préférait mourir plutôt que d'y avoir recours, car il lui serait insupportable de vivre dans la honte et le déshonneur.

Ainsi, perdue dans le tumulte tortueux de ses pensées ô combien angoissantes, Ae-Ri est à mille lieues de s'imaginer le vif intérêt que sa personne éveille en Lady Katherine. Elle n'a pas encore osé lever un regard vers elle. Elle ne sait pas si elle en a le droit. Alors, elle refuse de prendre la liberté et le temps d'observer la jeune Lady. Sa curiosité l'y pousserait presque, mais elle a trop de respect pour l'étiquette pour oser un simple coup d'œil. Ainsi, elle attend, le dos droit, l'air docile. Elle attend un signe, un mot ou une invitation à s'asseoir.

Elle s'attend à tout sauf à ce silence assourdissant.

Elle reste muette, mais la nuance rosée qui fleurit sur ses joues de porcelaine trahie un sentiment de gêne grandissant. Pourquoi Lady Katherine ne parle-t-elle pas ? S'attendait-elle à quelqu'un d'autre ? Est-elle déçue par la personne qui se présente devant elle ? Ae-Ri se demande, l'espace d'un instant, si le fait qu'elle soit asiatique joue en sa défaveur. L'annonce parlait d'une femme capable de parler une autre langue que l'anglais, mais peut-être devait-elle être britannique ? La Coréenne se mord la lèvre. L'angoisse lui tord les tripes. Elle tremble face à l'échec cuisant qui lui ouvre les bras, terrifiée, mais Katherine, souveraine, reprend ses droits sur la situation.

Il lui suffit de quelques mots. Quelques mots, et la jeune femme parvient à arracher Ae-Ri à ses divagations. La chaleur qui se dégage de cette voix, de ce ton si calme et posé, suffit à chasser le brouillard voilant son esprit. À quand remonte la dernière fois où on lui a parlé avec autant d'égard et de bienveillance ? Elle ne saurait le dire. Ce retour à la réalité, brut, la fait ciller. Elle ne sait pas pourquoi, mais cette douceur surprenante la désarme. Elle la décontenance. Elle la ramène loin, très loin en arrière, à des temps plus heureux où la coréenne se sentait encore pleinement en sécurité. Ou plutôt... Non, il la ramène là où Ae-Ri se sentait encore à sa place. Ce n'est pas logique, pourtant. Comment une Britannique, étrangère aux us et coutumes locales et n'ayant sûrement jamais mis les pieds en Corée de toute sa vie, peut-elle rappeler à Ae-Ri son pays d'origine avec autant de force ? Un battement de cil, et cette voix aux airs mélodieux la transporte ailleurs. Une seconde suffit. Le temps ralentit. Il s'allonge, avant de s'arrêter. La maison dans laquelle tenait toute sa famille se dessine : dans la cuisine, sa mère et sa grand-mère paternelle préparent le repas. Ses frères accomplissent leurs corvées avec leur père, tandis que sa petite sœur est toujours flanquée dans ses jupes. Quelques secondes de plus auraient suffi à Ae-Ri pour que son esprit lui joue un tour des plus cruels. Un peu plus, et elle aurait pu presque sentir les effluves de ces repas familiaux qu'elle aimait tant... Mais le temps, immuable, reprend son cours.

Un soubresaut imperceptible arrache Ae-Ri à ses rêveries, et ses paupières, embués de larmes, en chassent les dernières bribes. La jeune femme cille. Elle remonte une main fébrile sur son visage et s'essuie le coin de l'œil à l'aide de la manche de sa robe, et alors que son regard ingénu rencontre finalement celui de Lady Katherine, sa gorge se serre. Sa respiration, régulière jusqu'alors, se retrouve comme prise au piège. La beauté de la jeune Lady lui coupe littéralement le souffle, et il lui faut bien quelques secondes pour avoir le réflexe de respirer à nouveau. Elle sent son cœur qui palpite dans sa poitrine, comme un petit oiseau déployant ses ailes pour la toute première fois. Ses prunelles d'un bleu perçant, qui suffiraient à elles seules à faire ployer l'échine des plus hauts monarques, semblent la mettre à nu. Et l'espace d'un instant, plus aucune hiérarchie ne les régit. Non, il n'y a plus que deux femmes seules, comme hypnotisées l'une par l'autre.

Oh, ce port de tête gracile, gage d'une grande maîtrise de soi et de dignité, est aussi envoûtant qu'intimidant. Ae-Ri le sait : lady Katherine ne doit avoir aucun mal à se faire obéir. Elle est celle qui commande, celle qui guide, celle qui tient les rennes. La lumière du phare qui éclaire dans la nuit. La reine des abeilles. La déesse à qui l'on prête allégeance tant sa beauté suffit à subjuguer l'Homme. Ce regard qui la détaille, lui aussi, lui fait dresser les fins cheveux à l'arrière de sa nuque. Le soleil danse sur la peau de Katherine. Il joue de ses rayons, confère des reflets d'or à ses cheveux d'un blond chatoyant. Il habille la pièce de milliers d'éclats scintillants, se reflétant sur les bijoux de la baronne pour habiller l'office de ses couleurs. Ae-Ri sent sa poitrine qui se serre. C'est délicieux, mais aussi douloureux, sans qu'elle sache pourquoi. Ce monde-là, il lui est interdit. Il est et restera inatteignable. S'il est possible de l'effleurer du bout des doigts, Ae-Ri sait que tout cela ne restera qu'une douce chimère. Un rêve éveillé, mais rien de plus. La réalité était tout autre, et à ne pas oublier.

Aussi, Ae-Ri, dont les épaules s'étaient légèrement affaissées tant la beauté de Katherine l'avait envoûtée, redressera le menton. Elle esquissera une révérence soignée pour la jeune femme et se laissera guider par cette main qui l'invite à s'asseoir. Les mots lui manquent, tout comme l'air qui semble avoir un mal de chien à retrouver le chemin jusqu'à ses poumons. Et pourtant, elle s'assoit. La domestique l'observe dans un silence presque religieux. Elle, la maîtresse de maison aux lèvres si captivantes qu'il lui faut toute sa concentration pour ne pas lui demander de se répéter. Chose difficile face au rouge ensorceleur qui farde cette bouche bien trop attirante.

Un hochement de tête, docile, fit glisser ses cheveux d'ébène le long de son épaule droite tandis qu'ils descendent en cascade sur sa poitrine pour échouer jusqu'à ses hanches. Ils lui enveloppent le visage, soulignent l'innocence de son regard. "Je..." commence-t-elle avant de s'éclaircir la gorge et de déglutir. Elle secoue la tête doucement, faisant danser des mèches de cheveux autour de sa mâchoire. "Non, milady. Les instructions de votre annonce sont si limpides qu'il faudrait être sot pour ne pas trouver son chemin jusqu'à votre demeure." De la flatterie, certes, mais sincère. Sa voix, douce, chantante, tremble quelque peu. Un tic, celui de s'humidifier les lèvres et de les mordiller, refait surface alors qu'elle ajoute. "Je n'ai rencontré aucune difficulté pour vous trouver." Elle brûla d'envie de lui dire qu'elle avait l'impression d'être exactement là où elle devait être, devant elle, mais l'étiquette le lui interdisait.

Le regard de la baronne, quelque peu insolent, oscille de façon ostentatoire entre sa bouche et ses prunelles de jais. Comment ne pas le remarquer ? Comment ne pas trembler quand une femme aussi belle vous caresse ainsi du regard ? Cette intensité désarmante la pousse à fuir. Son regard diverge. Il descend sur le corps de la baronne tandis qu'elle lisse une mèche de ses cheveux noirs d'ivoire pour calmer la tension qui embrase son être. Et c'est une mauvaise idée. Une très mauvaise idée, car le corsage de Katherine, élégant, enveloppe et rehausse une poitrine irrésistible. Un appel aux baisers, une incitation aux faveurs interdites... Oh, non. La panique la gagne quelque peu tandis qu'elle se hâte de retrouver le regard si intense de Katherine, qui n'en reste pas moins envoûtant que le reste de sa personne. Il lui faut retrouver son calme, nom de Dieu ! Alors, la coréenne maltraite sa lèvre inférieure de ses dents tout en joignant les mains sur ses cuisses. Elle redresse le dos et expire pour calmer le tourbillon d'émotions qui l'assiège. Elle incline la tête en gage de respect et pose les mains sur sa poitrine. Sous la pulpe de ses doigts, elle peut sentir le rythme frénétique avec lequel bat son cœur.

"Je m'appelle Ae-Ri, milady. Ae-Ri Han." Elle semble hésiter, mais son nom est l'occasion parfaite de prouver à la baronne qu'elle répond parfaitement aux critères de son annonce. "Si vous me le permettez..." Alors, la domestique se redresse sur ses deux jambes, faisant fi de la sensation de coton qui les rend si légères. Ses doigts se saisissent d'une plume, la plus simple qu'elle puisse trouver, et la trempe dans l'élégant encrier qui trône sur le bureau de la baronne. Doucement, au creux de sa paume immaculée, Ae-Ri y inscrit son propre nom : 한애리. Elle sourit d'un sourire qui trahit toute sa nostalgie. Voilà longtemps qu'elle n'avait pas eu le plaisir de lire du coréen.

Mais cette mélancolie devra attendre. Ce n'était pas le moment de se perdre dans des souvenirs. Pas encore. Alors, la coréenne s'empresse de réduire la distance qui la sépare de Katherine. Elle s'approche, l'air timide, mais résolu, et s'agenouille devant elle, la main offerte à son regard inquisiteur. Ses doigts glissent sur sa peau, détaillant chaque caractère. "Mon nom a pour signification l'amour, l'obtention de ce que l'on désire..." Une nuance rosée naît sur ses joues tandis qu'elle plonge son regard dans celui de la jeune femme. "Il peut également se lire comme le mérite ou tout ce qui apporte un bien, un plaisir ou un profit. Un atout." Précise-t-elle après avoir retracé chaque caractère contre sa paume.

Elle reste à genoux devant elle, assise sur ses talons, les genoux pliés et posés au sol, symbole de respect et de formalité dans son pays. Elle n'a pas mal, au contraire, elle se sent plus à l'aise ainsi puisqu'habituée à cette position depuis sa plus tendre enfance. "Je suis originaire de Corée, dans une ville portuaire que l'on appelle Busan, milady." L'accent maladroit laisse place, une seconde, à toute la pluralité de sa langue maternelle en prononçant ce simple mot. "Mais pour soulager ma famille financièrement, j'ai quitté mon pays à seize ans pour prendre le large, à bord d'un bateau, et venir travailler en Angleterre." Les phrases sont courtes, étudiées, car Ae-Ri s'est entraînée à les répéter un nombre incalculable de fois avant cet entretien. Elle s'entête à lisser son accent, réflexe acquis chez Lady Cuthbert. Quelques intonations britanniques sont en effet présentes, mais cela reste très sommaire. "Peu après mon arrivée, j'ai travaillé pour Lady Cuthbert, dans le quartier de Covent Garden. Je suis restée à son service dix ans, jusqu'à ce qu'elle me congédie, l'année dernière." Quel intérêt y avait-il à mentir à une femme aussi influente que Lady Katherine ? Aucun, Ae-Ri le savait. De plus, le mensonge ne faisait pas partie de sa ligne de conduite. Katherine n'aurait, de toute façon, aucun mal à apprendre la vérité en se renseignant — si ce n'était pas déjà fait. "Une pièce inestimable de la collection personnelle de Madame a été brisée après avoir échappé à ma vigilance. Elle m'a donc remercié pour mes années de bons et loyaux services." L'anxiété lui fait mordre sa lèvre, encore une fois. Ce n'était pas elle qui avait lâché la théière, mais à quoi bon tenter de l'expliquer ? "Voilà les raisons qui me poussent à me tenir devant vous, ce jour, Lady Attenborough."
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