Lorsqu’Ethan demande à Tyler s’ils veulent se réhabiliter, car c’est ainsi que le jeune homme comprend la chose, il cligne des yeux un instant puis tourne le regard vers Léo qui, lui, lève les siens au ciel, l’air de dire de ne pas faire attention. Son jumeau et Lydia vivent dans un autre monde où tout semble pouvoir être acheté et réglé en un claquement de doigts. C’est comme s’ils n’avaient aucune idée de la réalité de la vie de la classe moyenne et des gens de la rue...

Le chef de gang ne sait pas s’il doit rire ou non. Léo répond donc pour lui, en soupirant.

”Ce n’est pas si simple...”

Il a envie d’ajouter qu’ils devraient arrêter de se mêler de la vie des autres sans rien savoir, qu’ils voient où ça les a menés jusqu’ici, mais il se mord la langue pour retenir ses paroles, sachant très bien que ça blesserait son frère. Et puis, le fait de penser à Lydia lui pince le cœur. Même s’il sent la colère et la lassitude le gagner, il s’efforce de rester calme. La douleur et la fatigue aident un peu en l’assommant...

Lorsqu’Ethan s’adresse de nouveau à Tyler en précisant que, s’il est de la famille de Léo, il est également de la sienne, le jeune homme sourit de nouveau.

”Merci, mon pote. Et t’inquiète, les folles, je gère.”

Léo laisse échapper un petit rire avant de tousser, mais il n’a pas le temps de dire qu’il n’y a personne comme Lydia que ses parents entrent dans la chambre. Le garçon ferme les yeux, il n’en peut plus, il a envie de dormir, de pleurer, de hurler, d’un câlin... il a mal et il se sent mal... et il y a trop de monde, trop d’agitation, trop d’émotions, trop de tout...

Il n’écoute pas l’échange qui se déroule juste à côté de lui. Tyler regarde les parents de Lydia sans rien comprendre à ce qui se passe. Lorsqu’ils ressortent aussi soudainement qu’ils sont rentrés, le jeune homme à la bouche entre ouverte et tourne un regard hagard sur Ethan lorsque ce dernier l’interpelle.  

”Quoi ? Je...”

Il se tourne vers Léo, en quête de réponses à il ne sait même pas quelles questions, mais le garçon a toujours les yeux fermés et les traits crispés. Tyler reporte alors son attention sur Ethan, l’air plus sérieux.

”J'crois qu’il a surtout besoin d’être seul là... et si on allait essayer de te trouver un truc à manger ? Si j’dois prendre un nouveau membre sous mon aile, j’préfère apprendre à le connaitre avant.”

Il sourit et lui fait un clin d’œil pour lui signifier qu’il rigole. Léo ne laisserait jamais son jumeau rentrer dans le gang, c’est bien trop dangereux. Ethan n’a pas tort quand il dit qu’ils peuvent y passer. C’est déjà arrivé et ça arrivera encore. Mais on ne sort pas des jeunes de la rue comme ça... Il ne suffit pas de les faire bosser ou quoi. Encore faudrait-il réussir à la garder en place plus d’une heure d’affiler...

Tyler passer un bras autour des épaules du jumeau et l’emmène vers la porte.

”Ils t’ont pas loupé en tout cas, tu fais peur à voir mon gars...”

Perdus dans ses pensées, Léo n’a toujours rouvert les yeux. Les larmes sont retenues par ses paupières closes et il tient son drap de matelas serrés dans son poing sous la couverture. Ils veulent bien faire, tous, mais ici seul Tyler peut vraiment le comprendre. Il est content et soulagé que son chef soit là, mais il sait aussi que ça ne va pas faciliter les choses pour autant avec son frère et Lydia... si la rousse s’en sort...

Ethan lève les yeux au ciel. Il fait une petite moue plus douce vers son frère. Il l’observe une longue seconde avant de rire.

- Toi tu oublies toujours qui est Lydia Martin, n’est-ce pas ?

Et il fait un sourire ironique. Vraiment, comme si Lydia pourrait laisser Léo continuer ses conneries… Et si pour que Léo arrête, il faut qu’elle embauche et mette au pas une garnison de méchant monsieur venu d’un gang New-yorkais… il n’y absolument aucun moyen pour qu’elle ne le fasse pas… enfin, si elle sort de cette putain d’opération qui commence à prendre trop de temps. Parler de Lydia le stresse plus que ce qu’il n’ose l’avouer. Quand Tyler pense pouvoir gérer une folle, Ethan lâche un rire malgré lui.

- Tu ne connais pas Lydia Martin, répète-t-il.

Tyler le ramène vers lui et ils partent pour laisser Léo dormir tranquillement. Cependant, Ethan tient à bien lui expliquer que ça arrivera. Son gang et lui, ils peuvent sortir de là, avec l’aide de rien que deux familles super influentes et beaucoup d’amis qui sont autour de lui. Ethan ne ment jamais, il n’abuse jamais, il ne cherche pas à cacher la vérité. Mais il est aussi optimiste, et sa sincérité, comme toutes les autres émotions, se lisent sur son visage.

Ils passent un peu de temps avec Tyler, se fait disputer sur le fait de manger ce qu’il ne doit pas, puis Ethan laisse le chef de gang qui ne le sera plus bien longtemps dans la chambre de son jumeau. Il se met dans la chambre qui sera celle de sa meilleure amie, une fois qu’elle sera revenue. Il est vraiment temps qu’elle revienne.


Elle se réveille. Ses yeux s’ouvrent et un grognement sourd et distinct s’échappe de ses lèvres. Elle aimerait jurer aussi, mais quelque chose l’empêche de parler. Ou plutôt, elle a un gros truc dans la bouche qui lui garde les lèvres ouvertes mais sa langue se trouve sur le côté. On s’agite autour d’elle. Bon Dieu qu’elle déteste les hôpitaux. Après son premier réveil, elle se rendort. Elle ne sait pas qu’une nuit est en train de passer.


Elle se réveille plusieurs fois. La tête en compote. La première chose qu’elle remarque est la lumière aveuglante, à chaque fois. Quelqu’un a du remarquer le regard assassin qu’elle faisait à l’ampoule, car la sixième fois où elle se réveille, la lumière est éteinte. Il y a quelqu’un à côté d’elle ? Elle tourne la tête. Ethan dors dans une position improbable. Elle remarque ne plus avoir de tuyau dans la gorge. Alors, elle fait ce qu’elle sait faire de mieux. Il est le matin, très tôt. Il est le matin, et elle se doute que ce n’est pas l’heure des visites. Elle glisse, attrape une chemise ce qui donne l’impression qu’elle est nue, même si les bandages la recouvre presque. Elle se déplace en silence, non pas comme l’espèce de pachyderme qu’elle possède comme ami. Elle trouve la salle où dort Léo… et tout comme Ethan un peu plus tôt, elle se glisse dans ses bras. Elle s’approche de lui et se colle à lui. Elle met sa main sur son cœur, et elle se rendort ainsi. Elle n’aurait pas du bouger, elle est fatiguée, elle a l’impression de tomber à nouveau dans l’inconscience.

C'est elle Lydia Martin.

Ethan rit. Il prend encore les choses à la légère. Lydia a beau être impressionnante, elle reste humaine, preuve en est de sa situation actuelle...

Heureusement que Tyler est là car sinon Léo aurait probablement encore explosé, même s’il n’en a pas vraiment la force...

Le chef de gang et le jumeau passent un peu de temps en ensemble, laissant le garçon se reposer. Lorsque Tyler revient dans la chambre, Léo dort. Son ami est mis dehors à la fin des heures de visites, et la nuit passe sans que le garçon ne se réveille malgré les passages réguliers des infirmières pour vérifier ses constantes. Il est probablement plus évanoui qu’endormi, à ce niveau-là...

Ce n’est que lorsqu’il sent une présence contre lui qu’il sort de l’inconscience. Sa première réaction est de retenir un grognement de douleur et une violente envie de vomir alors que son estomac semble avoir été passé à la moulinette. Le lit de son frère est vide, et il s’attend à de nouveau le trouver avec lui lorsqu’il baisse les yeux. Sauf que ce n’est pas Ethan qui dort dans ses bras, mais Lydia. Elle a une mine affreuse, et elle ne semble pas paisible du tout... mais elle respire, elle est en vie. Le soulagement envahit Léo pour rapidement laisser place à la colère. Une colère sourde envers la rousse pour avoir risqué sa vie en voulant encore se mêler d’histoires qui ne la regarde pas et la dépasse, quoi qu’elle en dise, et envers lui-même pour avoir mis son frère et son amie en danger.  

Le souffle court, il appuie sur le bouton d’appel accroché à son lit. Lorsque l’infirmière arrive, elle ne peut retenir une exclamation de surprise.  

”Mais ce n’est pas possible ! On va finir par vous menotter à vos lits, si vous continuez ainsi ! Et ce n’est pas une menace en l’air !”

Léo a envie de lui dire qu’il n’y est pour rien, mais il n’a pas la force de discuter. L’infirmière appelle des collègues puis vient vérifier que Lydia va bien avant de prendre la chaise roulante laissée là pour Léo. Elles s’y mettent à trois pour sortir la rousse du lit et l’asseoir sur la chaise. Elle se réveille à peine lorsqu’on la bouge, grommelant vaguement.

”Vous avez assez joué avec vos vies, les jeunes ! Mes collègues n’ont pas passés des heures au bloc pour que cette jeune fille vienne tout gâcher en faisant n’importe quoi !”

”C’est à elle qu’il faut dire ça...”

Lui, il veut juste être tranquille et au calme, sans plus de drama. Il veut pouvoir souffrir en paix et sans s’inquiéter pour l’idiote qui lui sert d’amie et le crétin qui lui sert de jumeau. Dès qu’il ira un peu mieux, il compte bien les engueuler tous les deux. Y en a marre de leurs conneries.  

Faites ce que je dis, pas ce que je fais...

Lydia râle quand on la déplace, elle n’apprécie pas quitter sa bouillote humaine. Sa main se ferme sur la peau de l’homme mais on arrive à la faire partir tout de même. Ethan se réveille quand on la ramène, et qu’une infirmière l’attrape de force pour le ramener dans son lit, à lui. Il se retrouve à côté de Léo qui dort… et il tombe dans les bras de Morphée avec une telle force qu’il n’est pas sûr de pouvoir se réveiller un jour. Il est mort de fatigue. Et l’inquiétude a réussi à le déserté à peine. Le lendemain, il dort toujours, en ronflant à peine, quand sa mère arrive dans la chambre. Catherine s’approche d’Ethan et remonte les mèches qui lui barre le visage. Elle est douce et son visage tiré de fatigue ne peut mentir. Elle s’approche de Léo, aussi. Elle s’approche de la même manière et repousse une mèche de cheveux.

- Léo…, mon fils, Je suis tellement désoléesouffle-t-elle alors que sa voix s’enraille.
- Il s’est réveillé hier, mais je crois qu’il a besoin de dormir un peu plus avec un jumeau comme Ethan à ses bottes.
- Madame Martin, s’étonne Catherine en prenant le café offert.
- Vous saviez que ma famille a promis de réhabilité un gang de New-york ? Il semblerait qu’il y a du travail. Vous êtes prêtes à nous aider ?
- Comment va Lydia ? s’enquit Catherine sans chercher plus d’information.
- Elle s’est réveillé dans la nuit pour s’enfuir dans le lit de votre fils. Elle est réveillé là à nouveau et elle explique par le menu tout ce qu’on va devoir faire pour aider votre second fils.

La mère de Lydia évite de préciser ce qu’elle a appris… sur le fait que ce cher Léo a couché avec sa fille sans sortir avec elle. Ce qui n’est pas normal selon l’avis de leur père qui pense que sa princesse mérite que l’on se mette à genoux pour toucher sa main. Elle arrive à faire partir la mère d’Ethan. Une journée complète passe sans qu’aucun ne sorte de leur sommeil. Catherine s’inquiète mais les médecins expliquent qu’au-delà des blessures, ils sont épuisés psychologiquement. C’est enfin là que la jeune femme peut se réveiller et demander à voir Ethan et Léo. Elle se fait transférer par chaise roulante et elle râle comme un putois, mais accepte. Heureusement, Malia apparaît pour les voir et elle se trouve avec une alliée pour l’amener voir les garçons. Une fois à l’intérieur, on entend très clairement un homme râler.

- Pourquoi vous me mettez toujours du fromage qui commence à parler ? râle-t-il.

Lydia et Malia rentrèrent pile au moment où Ethan croise les bras alors que Léo dort encore, mais pas pour très longtemps.

- Mange ton fromage, l'imbécile, c'est pour tes os ! tonne Lydia en s'approchant du garçon avec Malia rougissante à ses côtés.

La jeune femme proteste quand on essaie de la bouger, elle essaie de s’accrocher à Léo mais celui-ci détache doucement ses mains de lui. Elle n’est pas partie depuis deux minutes qu’il resombre dans le sommeil avec l’impression qu’il n’aura plus jamais d’énergie...

Il ignore combien de temps passe sans qu’il ne sorte du sommeil, à part de vague retour à une semi-conscience qui lui donne l’impression de rêver que d’être éveiller. Il entend des voix, parfois, sans pour autant réussir à les identifier. Il est bien dans ses ténèbres, il n’y ressent presque pas la douleur, ou la culpabilité. Malheureusement pour lui, le monde, ou une tempête rousse, à décider qu’il était temps pour lui de faire face à la réalité. Il est réveillé en sursaut par la douce voix tonitruante de Lydia qui engueule son frère. Il grimace sous le coup du mouvement brusque et tourne un regard encore un peu flou vers le trio : Ethan qui boude son plateau repas, Malia, gênée, et Lydia dans un fauteuil roulant semblant avoir retrouvé toute sa vigueur. Le garçon laisse enfonce sa tête dans l’oreiller en soupirant.

”J’ai faim...”

Cette pensée prend le pas sur tout ce qu’il voudrait dire à son jumeau et sa meilleure amie. Depuis quand n’a-t-il plus “ressentit” la faim ? Ou plutôt l’envie de manger ? Malgré son estomac rafistolé, son esprit en vrac et les perfusions, son coma suivit d’un sommeil prolongé semblent avoir enfin fait comprendre à son corps qu’il est nécessaire de se nourrir un minimum...

Léo tourne à nouveau la tête vers les trois, son regard se fixant sur Lydia.

”Content de voir que tu vas bien... Mais si tu nous refais un coup pareil c’est moi qui t’achèverais, compris ?”

Son ton est... cinglant... malgré la faiblesse de sa voix enrouée. Il ne compte pas en rester là, mais pour pouvoir donner du poids à ses paroles, il va devoir en reprendre un peu lui-même...