Je franchis le seuil de la serre avec une légèreté presque surnaturelle, mes pieds effleurant à peine le sol pavé. L’air est différent, plus doux, chargé d’une magie subtile et palpable. Autour de moi, les plantes s’étirent et se courbent au rythme d’une brise légère qui caresse les allées. Les vignes grimpantes, les fougères géantes et les fleurs multicolores dansent doucement, comme au son d’une mélodie invisible.

Je m’arrête un instant, fermant les yeux pour m’imprégner des sensations qui m’envahissent. Le feu, l’eau, l’air, la terre… tout est là, vibrant autour de moi, dans une harmonie que je n’ai jamais connue. Les éléments semblent se mêler et se répondre, invisibles mais omniprésents. Je peux presque les sentir, les effleurer, comme si chaque atome de mon corps s’accordait à cette danse magique.

Un filet de brume s’élève soudain, flottant autour de mes pieds, presque en réponse à mes pensées. Je tends la main, et le nuage d’eau semble suivre mon geste, dessinant une spirale douce. Un sourire naît sur mes lèvres. Tout cela paraît si naturel, si évident, comme si j’étais née pour ça. Je ferme les yeux, savourant cette sensation de pouvoir.

Soudain, un cri perçant retentit :  « Lenaëlle ! »  

La voix de la bibliothécaire, brise la sérénité de la serre, et un frisson me parcourt. Je me retourne, surprise, pour la voir debout de l’autre côté de la vitrine, l’air paniqué.  

« Sasha ? » murmuré-je, déconcertée. « Pourquoi tu cris comme ça »  

Elle secoue la tête avec force, ses yeux écarquillés comme si elle percevait quelque chose d’invisible pour moi.  « Lenaëlle, sors d’ici tout de suite ! »  

Je me referme sur moi-même, confuse. La serre m’enveloppe toujours, m’appelle. L’air frais caresse mon visage, les plantes s’étirent vers moi, et la brume danse encore à mes pieds. Tout est parfait, tout est… en harmonie. Pourquoi Sasha s’inquiète-t-elle autant ?  

« Tu dois sortir d’ici ! » insiste-t-elle, son regard terrifié balayant les feuillages autour de moi.  

Mais je ne l’écoute plus. Je me laisse emporter par la danse des éléments autour de moi. La brise se fait plus forte, soulevant mes cheveux, et le sol sous mes pieds semble se soulever légèrement, comme pour m’inviter à avancer. Les fleurs oscillent, les racines se tendent vers moi, comme des mains ouvertes prêtes à m’accueillir.  

Je me tourne vers Sasha, un sourire léger sur les lèvres. Le vent tourbillonne autour de moi, projetant une pluie de pétales. Les éléments semblent s’aligner en moi, résonnant comme une symphonie invisible au plus profond de mon âme. J’étends les mains devant moi, ressentant une force nouvelle, inédite.  

« Il n’y a rien à craindre. »  

Mes mots s’échappent, empreints d’une conviction que je ne comprends pas entièrement. Mais Sasha, le teint livide, entre dans la serre sur mes talons, comme si elle percevait un danger que je n’ai pas encore discerné.  

Je baisse les yeux. Les racines s’enroulent lentement autour de mes chevilles, comme des chaînes invisibles. Un frisson me parcourt. Pour la première fois, je sens que la serre, cette danse magique, a une face obscure, insidieuse.  

Clignant des yeux, je reviens à la réalité et observe Sasha avec une pointe d’hésitation. Son regard planté dans le mien, elle reste immobile un long moment, sa respiration lourde, comme si elle avait couru sur une longue distance. Je ne comprends pas ce qui lui prend.  

Soudain, elle me tire avec force, nous entraînant hors de la serre avec une énergie incroyable. Je perds l’équilibre et tombe contre elle sans trouver où me rattraper. Elle me crie dessus, furieuse, affirmant que j’aurais pu mourir. Pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi bien et en phase avec moi-même que dans cet endroit.  

« Je ne comprends pas ce que tu me veux. D’accord, tu m’avais dit de ne rien toucher, mais cet endroit est fait pour ça, non ? Pour enseigner la magie des éléments aux jeunes mages ? »  

Je me relève rapidement. Sasha a l’air tellement secouée que j’en ai presque pitié. Je me reprends et secoue la tête pour chasser les sensations de bien-être qui collent encore à ma peau depuis mon escapade dans la serre, avant de demander :  

« Tu as réussi à joindre quelqu’un ? On va venir réparer la porte dans la journée ? »  

La réaction de Lenaëlle n'est pas du tout celle à laquelle je m'étais attendue. Elle me dévisage comme si j'étais complètement folle d'oser l'interrompre. Elle me demande pourquoi je crie comme ça, et ce alors que je suis là, paniquée, à essayer de la faire sortir.

J'ai envie de lui dire que je crie si je veux, d'abord. Après tout, c'est moi la bibliothécaire. Et ensuite, comment peut-elle rester parfaitement calme alors que, selon toute vraisemblance, elle devrait être en train de perdre peu à peu le contrôle de sa magie ?

A vrai dire, j'admets volontiers ne pas avoir les détails exacts de ce qui pourrait arriver à un imprudent qui risquerait d'entrer dans cet espace. Et je ne suis pas certaine d'avoir réellement envie de le découvrir. Physiquement parlant, je veux dire. Pourtant c'est bel et bien ce à quoi je me risque en décidant finalement d'aller la sortir de là moi-même.

La réaction de Lenaëlle, et surtout son absence de panique totale, m'inquiète particulièrement. Elle s'est probablement cognée quelque part, ce n'est pas possible autrement. Ou peut-être que toute cette magie pure lui est montée à la tête.

Dans tous les cas, lorsque je parviens à enfin la sortir de cet espace clos, je comprends bien qu'elle ne réalise pas du tout le danger duquel je viens de la tirer.

"- Pour enseigner la magie ?" je répète avec incrédulité. "Ce truc contient la magie pure et simple, sans filtre, sans aucune protection ! Jamais je ne laisserais un jeune mage rentrer là-dedans. Il se ferait brûler en quelques secondes à peine !"

Je soupire profondément, tentant de retrouver mon calme.
Et Lenaëlle en profite pour se relever, me permettant à mon tour de me redresser.

Je me sens nauséeuse. Cela faisait des années que je n'étais pas rentrée dans ces vitrines. Et encore, la fois précédente cela n'avait été que quelques minutes, le temps de réparer un dysfonctionnement, et seulement alors que la magie à l'intérieur avait été diminuée de moitié.
Je dois pourtant admettre que je suis en bien meilleur état que la fois dernière.

Étrange.

Il doit vraiment y avoir un truc qui fonctionne mal dans toute cette histoire.

"- Comment es-tu encore en vie ?" je ne peux m'empêcher de demander à Lenaëlle. "Comment peux-tu être…"

Je ponctue ma phrase de signes de la main qui ne veulent pas dire grand-chose. Mais je suis à court de mots, et surtout à court d'explications.

Je referme la porte de la vitrine en un claquement. Et je note avec malaise que les végétaux, l'eau, le feu, et la terre, se plaquent tous contre la paroi, comme s'ils cherchaient à atteindre Lenaëlle.

"- Ne me refais plus peur comme ça", je bafouille ensuite.

Je ne suis pas devenue bibliothécaire pour faire frôler la mort à mes clients. Ce n'est pas mon domaine d'activité. Et puis la paperasse que représente la mort d'un individu ici est conséquente.
Et à vrai dire, Lenaëlle est une personne attachante. Je n'aimerais pas qu'il lui arrive quelque chose par ma faute.

Quand elle me demande si j'ai réussi à joindre quelqu'un, je pousse un profond soupir.

"- Dans la journée, ça m'étonnerait. Ils sont occupés sur une histoire de grimoires explosifs à Budapest ou je ne sais où. Visiblement c'est plus urgent que nous. Il va falloir qu'on se débrouille toutes seules."

Je soupire à nouveau.

"- Des grimoires explosifs… Probablement une mauvaise blague, ou quelque chose comme ça", je marmonne.

Je tente de sourire, mais j'imagine bien que ça ne rassure pas du tout mon invitée.

"- Je suis vraiment désolée. Je vais faire tout mon possible pour que tu puisses sortir d'ici rapidement."

Sasha s'agite comme si le ciel venait de lui tomber sur la tête. Je n’ai jamais vu quelqu’un réagir aussi violemment à quelque chose d’aussi… apaisant. Sérieusement, c’était un havre de paix, cette serre. La magie y coulait naturellement, vibrante, accueillante. Elle semblait m’embrasser plutôt que me repousser.

Et là, je me retrouve face à une bibliothécaire hystérique qui crie comme si j’allais exploser.

— "Pour enseigner la magie ?" répète-t-elle, l’air abasourdi. "Ce truc contient la magie pure et simple, sans filtre, sans aucune protection ! Jamais je ne laisserais un jeune mage rentrer là-dedans. Il se ferait brûler en quelques secondes à peine !"

Je l’écoute, incrédule. Brûler ? Rien ne brûlait là-dedans. Ce n’est pas moi qui ai perdu la tête. Si quelqu’un panique ici, c’est elle. Pourtant, quand je me redresse et vois son teint pâle, ses mains légèrement tremblantes, je n’arrive pas à lui en vouloir totalement. Quelque chose semble la ronger.

Mais pourquoi m’en avoir tirée ? L’espace d’un instant, je me demande si sa nervosité n’a pas une autre source. Elle semble presque... gênée, comme si ma présence la troublait d’une manière qu’elle n’arrive pas à gérer. Quand elle murmure, presque timidement, « Ne me refais plus peur comme ça », un éclat de doute s’immisce en moi. Peut-être que je me fais des idées. Peut-être pas. Je décide de laisser ça de côté pour l’instant. Ce qui m’inquiète davantage, c’est ce qu’elle m’apprend ensuite.

— "Ils sont occupés sur une histoire de grimoires explosifs à Budapest ou je ne sais où. Visiblement c'est plus urgent que nous. Il va falloir qu'on se débrouille toutes seules."

Je la fixe, abasourdie.

— Quoi ? Alors on va rester enfermées ici jusqu’à ce qu’ils daignent venir ?!

Son soupir m’achève. Bien sûr. Pourquoi est-ce que je m’attendais à autre chose ?Je jette un coup d’œil autour de nous, tentant de ne pas céder à la panique.

— Je... je suis désolée, Sasha. Je ne voulais pas m’imposer comme ça. Vraiment. Si j’avais su qu’on allait être coincées ici, j’aurais… enfin, je n’aurais pas…

Je m’arrête, me rendant compte que je suis en train de bafouiller. Génial, Lenaëlle. Très classe.

Je reprends doucement, essayant de ne pas alarmer davantage ma pauvre hôte :

— Et les vivres ? Tu en as assez pour deux personnes ? Parce que, je peux… je veux dire, je peux manger très peu si besoin.

Enfin, je dis ça, mais il ne faudrait pas non plus que ça dure.
Elle lève les yeux vers moi, et son expression me fait regretter immédiatement mes paroles. Elle semble à la fois embarrassée et agacée.

— Pardon. J’essaie juste de… de ne pas compliquer les choses.

Un silence s’installe, lourd. Je prends une inspiration pour chasser ma gêne et tenter de me rendre utile.

— Écoute, si on est coincées ici, autant mettre ce temps à profit. Je dois vraiment découvrir pourquoi l'adresse de cette bibliothèque se trouvait dans les affaires de mon grand-père. Je vais essayer de faire des recherches, même si je ne sais pas par ou commencer. Tu aurais une idée?

Ses sourcils se froncent légèrement, mais elle ne me repousse pas immédiatement.

— Et puis, je peux t’aider à ranger ou à organiser quoi que ce soit. Je sais bien que je ne suis qu’une intruse ici, mais je peux faire plus que rester dans un coin à attendre.

Je lui lance un sourire qui se veut encourageant.

— D’ailleurs, je range plutôt bien. C’est presque une seconde nature, tu sais.

Tu parles. Mes amis exploseraient de rire s'ils m'entendaient. J’essaie seulement d’alléger l’ambiance. Mais au fond, je ne sais pas si je suis réellement utile ou si j’essaie juste de détourner son attention. Une chose est sûre : il va falloir qu’on apprenne à cohabiter encore au moins une journée, et j'aimerais bien éviter qu'on la passe dans les nerfs.

C'est bon, Lenaëlle me prend pour une folle. Ou alors s'est-elle vraiment cognée la tête. Elle reste parfaitement calme malgré mes explications empressées sur ce qui aurait pu lui arriver dans cette vitrine.

Enfin, elle reste calme jusqu'à ce que je lui annonce qu'elle risque de passer les prochains jours, voire les prochaines semaines, en ma compagnie.
Je ne sais pas trop comment je dois le prendre.

"- Malheureusement ce n'est pas comme si je pouvais vraiment leur demander de se presser. Mine de rien, la situation semble relativement stable."

J'ajoute un "Pour l'instant, du moins" à mi-voix juste pour moi. Je ne sais pas quelle divinité je dois prier pour que tout se passe bien, mais je suis soudainement motivée à devenir pieuse juste pour m'assurer que nous nous en tirions toutes les deux sans problème majeur. Mais je ne suis pas certaine quelqu'un soit prêt à m'écouter.

"- Ce n'est vraiment pas de ta faute, tu sais ?" je rétorque en haussant les épaules quand elle se confond en excuses. "Ce serait plutôt à moi de m'excuser. Je suis censée être capable de me débrouiller face à ce genre d'incident."
Même si c'est bien la première fois que ce genre de chose m'arrive.

Quand Lenaëlle mentionne la nourriture, je me sens coupable de ne pas avoir mentionné ce sujet. Quelle piètre hôtesse je fais !

"- On ne mourra pas de faim, si c'est ça qui t'inquiète. Il y a un cellier, sous la bibliothèque. Une réserve en cas d'urgence. Normalement on devrait pouvoir y accéder. Je ne pense pas que la magie soit détraquée au point d'avoir condamné l'accès."

Quoique, ça reste à vérifier. Je perds mon sourire. Je n'ai guère envie de penser à ce qui pourrait mal tourner.

"- Et puis j'ai quelques boites de conserve dans mes placards."

Juste de quoi tenir deux ou trois jours. Le cellier reste notre meilleure option. En espérant pouvoir y accéder.

Je prends le temps de réfléchir à tout ça. Trop longtemps, visiblement, car Lenaëlle se confond à nouveau en excuses et se lance ensuite dans une tirade au sujet de ce qu'elle pourrait faire pendant que nous sommes coincées ici. Quand elle me parle de faire des recherches, je fronce les sourcils. Là, on est plutôt dans quelque chose que je peux faire. Plusieurs ouvrages me viennent à l'esprit.

"- Peut-être…", je murmure.

Puis quand elle me propose de m'aider à ranger…

"- Ca ne serait pas de refus", je souris.
Il faut dire que c'est un peu le bazar.

J'hausse un sourcil quand elle se vante d'avoir le sens du rangement comme seconde nature. En général, quand quelqu'un dit ça, c'est plutôt l'inverse.

"- Je crois que comprendre ce qui est arrivé à ton grand-père est plus important. Suis-moi. J'ai quelques livres pour toi."

Je lui fais signe de me suivre, et l'entraine dans les rayonnages. Certains sont en piteux état, avec tous les livres qui sont tombés sur le sol.
Je grimace malgré moi. Ça va me prendre un temps fou pour ranger tout ça. Mais je verrai ça plus tard.

Je sais exactement ce que je cherche. Je pioche deux ouvrages. L'un sur l'histoire de cette bibliothèque. Un autre au sujet de la généalogie et des grandes lignées de mages. Je ne suis pas certaine que ça pourra l'aider. Mais ce serait un bon début.

Et un peu plus loin, je ramasse un vieux grimoire parmi tant d'autres, qui jonchent les dalles au sol.

"- Magie et symboles", je lui annonce en lisant le titre de l'ouvrage. "Si quelque chose là-dedans te parle vis à vis des notes de ton grand-père ?"

Un quatrième livre attire mon regard. Un traité sur la nature de la magie. Je sais que ça fait des lustres qu'il est là, sans que personne ne l'ai lu. Je l'attrape sans vraiment réfléchir, et le pose dans le tas que Lenaëlle a déjà dans ses bras.

"- Il y a des tables un peu plus loin, si tu veux t'installer. N'hésite pas à m'appeler si tu as besoin d'autres ouvrages."

Les tables me paraissent en bon état. Aucun livre n'est tombé dessus, et je sais qu'elles ne se situent pas dans un secteur où la magie est très présente.

"-Tu pourras m'aider à ranger quand tu auras besoin d'une pause", j'ajoute en souriant.

Je me perds dans mes pensées tandis que Sasha me guide à travers les rayonnages en désordre. Elle semble tendue, mais je n’arrive pas à déterminer pourquoi. Est-ce la situation ? Est-ce moi ? Elle évite mon regard, mais il y a quelque chose dans sa façon de parler, une chaleur presque imperceptible dans sa voix, qui me perturbe.

Quand elle me tend un premier livre, je m’efforce de rester concentrée. L’histoire de la bibliothèque. Une bonne base, mais cela suffira-t-il ? Le suivant, Les grandes lignées de mages, m’intrigue davantage. Peut-être y trouverai-je des indices sur mon grand-père.

Je ressens une étrange énergie dans ses gestes, quelque chose d’à la fois précis et hésitant. Comme si elle mesurait soigneusement chacun de ses mouvements, comme si elle ne voulait pas trop s’approcher… ou peut-être trop.

Je secoue la tête pour chasser cette idée. Ce n’est pas le moment de me laisser distraire par des impressions.

Elle finit par me tendre un troisième ouvrage, Magie et symboles, et je ressens une pointe d’excitation. Peut-être que je devrais commencer par celui-ci. Enfin, un quatrième livre atterrit dans mes bras : un traité sur la nature de la magie. Je me retrouve avec une petite pile et un étrange mélange de gratitude et d’embarras.

Sasha m’indique une table non loin, visiblement en bon état. Je m’y installe, posant soigneusement les ouvrages devant moi. Elle retourne à ses occupations, me laissant seule face à ces pages pleines de promesses.

Je commence par Magie et symboles. Les premières pages parlent des connexions entre les éléments et la magie intrinsèque des êtres vivants. Rien qui me semble directement lié à mon grand-père, mais peut-être qu’une note ou un croquis éveillera ma mémoire. Je poursuis ma lecture, m’arrêtant parfois sur des schémas complexes, cherchant un parallèle avec les fragments de ses notes que j’ai encore en tête.

Mais malgré ma concentration, mon esprit vagabonde. Je ne peux m’empêcher de jeter un coup d’œil à Sasha de temps à autre. Elle semble absorbée par le rangement, mais son attitude reste étrange. Presque nerveuse. Je me demande si ma présence la dérange ou si c’est autre chose.

J’essaie de me recentrer sur les livres. Cette situation n’a rien d’ordinaire, et je devrais probablement me sentir mal à l’aise d’être coincée ici. Pourtant, je me surprends à trouver cette ambiance... apaisante ? Peut-être est-ce l’odeur des vieux grimoires, ou simplement le fait de ne pas être seule. Et en même temps, j'ai une envie bizarre de retourner dans les serres, dont la magie est beaucoup moins perceptible dans cette partie de la bibliothèque.

Les grandes lignées de mages me prend un peu plus de temps. Je feuillette les chapitres sur les familles célèbres, mais les noms ne me disent rien. J’ai besoin d’approfondir ; il y a trop de ramifications et de références à des événements que je ne connais pas. Mon grand-père est-il mentionné, d’une manière ou d’une autre ? Peut-être sous un pseudonyme ou dans une anecdote oubliée ?

Un soupir m’échappe. Ces recherches risquent de prendre des heures. Je ne me suis jamais intéressée a l'histoire de la magie et commencer dans ces conditions n'est pas idéal.

Et puis il y a Sasha. Toujours dans mon champ de vision, un peu plus loin. Sa présence est presque palpable, comme un poids léger que je n’arrive pas à ignorer. Quelque chose en elle me trouble, mais je serais bien incapable de dire quoi. Une part de moi veut briser ce silence entre nous, une autre hésite.

Je pousse les ouvrages pour me masser les tempes, essayant de me concentrer à nouveau.« Allez, Lenaëlle. Garde ton calme. Ce n’est qu’une bibliothèque. Ce n’est qu’une bibliothécaire. Rien de plus.»

Mais au fond de moi, je sens qu'il y a quelque chose de plus. Je m’efforce de rester concentrée sur les ouvrages, bien que mon esprit dérive encore. "Magie et symboles" commence enfin à livrer quelques secrets. Je tombe sur un croquis qui m’arrête net. Mon cœur s’accélère : ce motif précis, un cercle complexe entouré de runes et d’entrelacs… Je suis sûre de l’avoir déjà vu quelque part.

Je ferme les yeux, essayant de me souvenir. Oui, c’était dans les notes de mon grand-père, griffonnées au crayon sur un vieux cahier qu’il ne quittait jamais. Une vague de nostalgie me traverse. J’ai amené ce cahier avec moi, bien qu’il me soit à moitié illisible, comme un lien qui me rattache à lui et pourrait m'aider à découvrir ce qui lui est arrivé.

Je fouille rapidement dans mon sac, le cœur battant. Mes doigts frôlent enfin la couverture usée, et je l’ouvre avec précipitation. Les pages craquent légèrement sous la pression, vieilles mais robustes. Je feuillette frénétiquement jusqu’à trouver le symbole en question. Là, juste devant moi ! Identique à celui du livre, ou presque.

Sous le dessin, un paragraphe entier est écrit dans une langue que je ne reconnais pas. Les mots semblent danser sous mes yeux, formant une structure étrange, presque vivante. Mon grand-père avait-il découvert quelque chose ? Était-ce important ? Une énergie nouvelle monte en moi, un mélange d’excitation et de détermination.

Je ne peux pas ignorer ça. Je me lève brusquement, le cahier serré contre ma poitrine, et me dirige vers Sasha. Elle est penchée sur un rayonnage, visiblement absorbée par sa tâche. Je m’arrête à quelques pas, soudain hésitante. Dois-je vraiment la déranger ?

Je prends une profonde inspiration et avance, posant doucement ma main sur son bras.

« Sasha… »

Elle se fige légèrement, levant les yeux vers moi, et je retire ma main aussi vite que si je m’étais brûlée. Pourtant, ce bref contact m’a laissé un étrange frisson, une chaleur diffuse qui me trouble profondément.

Depuis que j'ai ressenti le poids de la bibliothèque quand Sasha m'a tenu les mains, j'ai peur de renouveler l'expérience. Pourtant, là, je ne suis pas sûre que ça ne soit que ça.

Je tends le cahier à Sasha, essayant de cacher mon trouble derrière mon enthousiasme.

« Regarde ça ! Ce symbole est dans ton livre, et ici, dans les notes de mon grand-père. Est-ce que tu sais ce qu’il représente ? Et… » Je m’interromps, hésitant un instant. « Tu crois que tu pourrais lire ça ? »

Je lui montre le paragraphe étrange, espérant qu’elle puisse m’éclairer. Mon excitation est difficile à contenir, mais une part de moi reste distraite.

Ce frisson, ce contact… Est ce qu'il s'agit de magie?

Je laisse Lenaëlle à ses recherches. Je sais que pour l'instant elle peut se débrouiller sans moi. Et puis, à vrai dire je préfère m'atteler seule à l'évaluation de l'étendue des dégâts. Et au premier coup d'œil, ce n'est guère joli.

Je commence à rassembler les livres qui jonchent le sol, laissant ma magie venir à leur rencontre avant même de les toucher. Certains, parfaitement inoffensifs, se laissent ramasser sans problème. D'autres résistent un peu, comme si les enchantements qui les animent étaient vexés d'avoir été traités ainsi. Mais je présume surtout que la déstabilisation de la magie de la bibliothèque a eu un effet négatif sur la stabilité des enchantements centenaires qui sommeillent entre les pages de certains des plus vieux grimoires.

Je me brûle presque à plusieurs reprises, mais je serre les dents et fait de mon mieux pour masquer mon inconfort. Je ne suis pas seule. Et je sens le regard de Lenaëlle posé sur moi de temps à autre, m'observant avec une curiosité que je ne parviens pas à définir.

Je me sens maladroite, raide. J'ignore si cela est lié au stress, ou au simple fait d'être observée ainsi. Mais je fais de mon mieux pour ignorer cette sensation. Et le pansement autour de ma main m'handicape plus que je ne l'aimerais.

Je reste sur mes gardes, prête à intervenir si besoin. J'ai vraiment peur de tomber sur un dysfonctionnement bien plus grave, qui nécessiterait une intervention d'urgence. Surtout avec ma magie qui me joue des tours. J'ai bien malgré moi fait apparaitre plusieurs fois des petites lianes qui sont venues s'enrouler autour de certains rayonnages. Comme si elles avaient décidé d'élire domicile en ce lieu précis. Et je suis bien incapable de les faire disparaître.

Au bout d'une petite demi-heure, je parviens tout de même à déblayer une partie de la rangée dans laquelle je me trouve. Les livres sont rassemblés en piles au sol, selon leur niveau de dangerosité, et je prends le temps d'analyser les enchantements qui peuplent les rayonnages, en corrigeant quelques uns qui menaçaient de se défaire.

Je sursaute quand une main se pose sur mon avant-bras.

"- Oh !"

Lenaëlle.

Si sa magie n'avait pas plané à la périphérie de mon esprit, j'aurais presque pu oublier qu'elle était là, si concentrée que j'étais sur l'enchantement que j'étais en train de réparer.

La magie fuse soudainement, amplifiée par ce contact qui se brise pourtant quand Lenaëlle retire précipitamment sa main.

J'ouvre la bouche pour m'excuser, mais je ne parviens qu'à faire jaillir  un souffle de magie entre nous, me décoiffant d'un coup.

Bien, Sasha, très bien. Perte de contrôle de tes pouvoirs. Ce n'est vraiment pas le moment.

Heureusement, Lenaëlle n'a pas l'air de s'en rendre compte. Ou peut-être est-elle habituée, maintenant. Elle me tend un cahier, recouvert d'une écriture serrée aux symboles étranges. Et puis il y a un motif qui ne m'est pas étranger, mais que je n'arrive pas à replacer précisément.

"-Heu..."

Je crois que ça va au delà de mes compétences.

"- J'ai déjà vu ce motif. Il y a longtemps. Mais le rituel est archaïque, et… Et il ne ressemblait pas exactement à ça."

J'essaie de rassembler mes souvenirs à ce sujet. Mon mentor m'avait montré ça au tout début de mon apprentissage.

"- Un truc vaguement lié aux vitrines qui contiennent les quatre éléments…"

Mais de là à me souvenir précisément de ce machin...

"- La langue m'est inconnue", j'admets ensuite en fronçant les sourcils. "Mais on devrait pouvoir déchiffrer ça avec un livre. Juste… Laisse moi stabiliser ça…"

La proximité de Lenaëlle rend les choses beaucoup plus délicates. Je sens sa magie d'une manière beaucoup plus prononcée. Et elle interagit beaucoup trop facilement avec la mienne, au point que je ne sais plus exactement où j'en suis. C'est gênant. Mais la sensation est tout de même particulièrement agréable.

Après de longues secondes de cafouillage, j'arrive tout de même à ponctuer l'enchantement en cours de réparation avec un flash de magie qui m'envoie comme une décharge.

Je jure à mi-voix.

Et je soupire en notant la fleur qui vient d'apparaître sur le rayonnage en face de moi.

Je l'attrape pour l'examiner. Elle a une jolie couleur bleue, avec du jaune au centre.

Décidément...

"- Encore une réaction entre nos deux magies", je remarque. Je préfère sourire plutôt que pester face à cette énigme décidément bien encombrante.

"Tiens, c'est pour toi."

Je place la fleur dans sa main libre. Lenaëlle saura sûrement beaucoup mieux l'apprécier que moi.

"- Et suis moi. C'est tout au fond de la bibliothèque. Il n'y a pas vraiment grand monde qui aime encore aller fouiller dans les dictionnaires et les vieilleries. Je ne sais pas sur quoi travaillait ton grand-père, exactement, mais j'adorerais en discuter avec lui. Il aurait sûrement plein de choses à m'apprendre."

Les dalles font place par endroits à un plancher qui craque tandis que nous avançons. Ici, la magie est plus ancienne. Peut-être plus volatile par endroit. Et je fais de mon mieux pour ne pas m'attarder sur cette sensation d'électricité statique qui plane dans l'air. Ici, je ressens plus que jamais la magie de Lenaëlle qui se mêle sans effort avec la mienne.

Je m'arrête devant le rayonnage qui traite des traductions et autres langages obscurs utilisés pour les enchantements de tous types.

"- Nous y sommes", je soupire. "Je crois que notre seule solution est de feuilleter chaque ouvrage pour voir quelle langue peut correspondre à celle dans le carnet de ton grand-père, si ça te va ?"

Je caresse la tranche du premier grimoire qui me tombe sous la main. Des picotements me chatouillent les doigts.

Je jette un bref coup d'œil à Lenaëlle avec un sourire que j'espère rassurant. Cette fois, je ne vais pas la laisser chercher seule. Nous serons plus rapides à deux, et je pourrai lui venir en aide si elle tombe sur un livre un peu capricieux.

"- Si un livre te paraît bizarre ou si ta magie réagit sans prévenir, préviens-moi. Je reste avec toi."

Je lui tends un premier livre, et je sursaute quand nos mains s'effleurent et que la magie fuse à nouveau entre nous.

L’air dans cette partie de la bibliothèque semble plus dense, saturé d’une énergie ancienne qui palpite presque au rythme de mon propre souffle. L’odeur si particulière des livres anciens m’entoure, un mélange de papier jauni, d’encre vieillie, et de quelque chose d’indéfinissable, presque métallique, qui me fait penser à la magie elle-même.

Les mots de Sasha flottent encore dans mon esprit alors que je m’installe près d’elle, le cahier ouvert devant moi. Je ne peux m’empêcher de contempler la fleur qu’elle m’a tendue. Ses pétales d’un bleu profond semblent presque scintiller à la lumière tamisée de la bibliothèque, comme si elle-même portait un fragment de magie. Je la glisse délicatement entre deux pages du cahier, veillant à ne pas l’abîmer.
Je prends le livre qu’elle me tend et commence à le feuilleter. Les pages anciennes libèrent une odeur caractéristique, mélange de poussière et d’encre séchée. La texture granuleuse du papier me rassure étrangement, un contraste apaisant face à la complexité des symboles qui dansent sur les pages.

Pourtant, je ne peux ignorer cette sensation étrange, cette tension subtile qui flotte dans l’air. C’est presque comme si la magie elle-même s’amusait de notre proximité, un écho de cette décharge qui a jailli lorsque nos mains se sont effleurées. Mon cœur s’emballe à cette pensée.

Je me reconcentre sur les lignes d’écriture, cherchant minutieusement quelque chose qui puisse m’en apprendre davantage.

Après un long moment, je m’arrête sur une page détaillant une langue ancienne. Je la compare au texte du cahier, mes doigts suivant les lignes d’une écriture qu’il me semble vaguement reconnaître. Je me redresse, l’adrénaline courant dans mes veines.

L’écriture est fine et serrée, tracée avec une minutie qui me fascine autant qu’elle me déconcerte. Soudain, quelque chose attire mon regard. Le même symbole que celui que j’ai montré à Sasha tout a l’heure. Ou peut être pas tout à fait le même, j’ai un léger doute.

Mon cœur rate un battement. Je feuillette fébrilement le cahier de mon grand-père. La lumière tamisée semble vaciller légèrement alors que je tourne les pages, les traits réguliers de l’écriture de mon grand-père se révélant sous mes yeux. Enfin, je trouve ce que je cherchais : le même symbole. Ou presque.

Dans le cahier, le dessin est moins net, comme griffonné à la hâte, mais les détails essentiels sont identiques. Juste en dessous, un long paragraphe écrit dans une langue qui m’est totalement étrangère. L’encre semble presque briller faiblement, une lueur rougeâtre qui me fait cligner des yeux.

L’air autour de moi se réchauffe légèrement, et je prends une grande inspiration, essayant de calmer les battements accélérés de mon cœur. Je dois montrer ça à Sasha.

Je me lève avec précaution, tenant le grimoire dans une main et le cahier dans l’autre. À peine ai-je fait un pas qu’une chaleur soudaine envahit ma paume gauche, celle qui tient le grimoire. Je m’arrête, le regard baissé, et je vois avec horreur une faible flamme rougeâtre jaillir de la couverture du livre.
Avant que je puisse réagir, une chaleur plus intense se dégage, et le grimoire se met à trembler dans ma main. Je le lâche instinctivement, mais au lieu de tomber au sol, il flotte, sa couverture s’ouvrant brusquement. Des pages se mettent à tourner à une vitesse folle, émettant des bruits de froissement nerveux. Une flamme plus vive surgit de ses bords, montant en spirale comme une liane ardente.

Je recule, mais le grimoire semble s’approcher de moi, animé par une volonté propre. Une bouffée de chaleur éclate près de mon visage, et je sens mes joues brûler légèrement.

Je serre le cahier de mon grand-père contre ma poitrine, comme pour le protéger. Je ne peux pas appeler Sasha, pas avec ce danger immédiat. Il faut que je me débrouille.

L’air autour de moi semble vibrer alors que je fixe le grimoire flottant, ses pages tournant frénétiquement comme si une force invisible cherchait quelque chose en son sein. La chaleur qui s’en dégage est presque insupportable, mais je ne peux pas le laisser agir à sa guise. Je serre les dents, ancre mes pieds au sol et tends les mains vers lui, comme pour attraper un oiseau sauvage en plein vol.

— Calme-toi… murmurai-je, ma voix presque noyée dans le bruissement des pages.

La magie qui émane du grimoire est brute, ancienne, indomptée. Pourtant, quelque part dans ce chaos, j’aperçois une logique, une forme d’esprit à laquelle je peux me raccrocher. Je ferme les yeux un instant, puis j’impose ma volonté à la magie. C’est du moins l’impression que ça me donne. Elle lutte, brûlante et capricieuse, mais je tiens bon. Petit à petit, les pages ralentissent leur danse effrénée, comme un oiseau battant des ailes avant de se poser. La lumière vacillante qui entourait le grimoire s’atténue, et il retombe doucement sur la table, immobile, mais vibrant encore d’une énergie latente. Je reste figée un instant, ma main toujours tendue, mes doigts picotant sous l’effet résiduel de la magie.

Le calme revenu, un soupir m’échappe, mêlé de soulagement et d’épuisement.

Je reste figée un instant, reprenant mon souffle, puis j’examine la couverture. Les bords sont un peu noircis par les flammes, mais à part cela, il ne semble pas endommagé. Les pages intérieures sont intactes, bien que leur texture soit étrangement chaude au toucher. Rassurée, je prends le grimoire dans mes mains avec délicatesse. Pas question d’abimer ce livre qui est peut-être la clé de mes questionnements.

Et puis, je ne souhaite pas éveiller la colère de Sasha. Je me dis déjà que j’ai été bien imprudente à lutter seule face a la magie du grimoire, j’aurais pu être blessée ou mettre le feu a la bibliothèque si je n’avais pas réussi à maitriser le grimoire. Je sens que la jeune femme aurait raison d’être contrariée.

Je me dirige vers elle, le cahier de mon grand-père dans l’autre main. La magie dans l’air semble vibrer intensément à mesure que je m’approche, amplifiant cette sensation électrique qui me parcourt la peau. Un frisson, puissant et presque tangible, remonte le long de ma colonne vertébrale, s’entremêlant avec une chaleur étrange qui émane de l’atmosphère chargée. Ce mélange de tension et d'énergie brute m’envahit brièvement, comme une vague prête à se briser, avant de se dissiper lentement en une pulsation subtile. Je pose doucement une main sur son bras pour signaler ma présence. Lorsqu’elle se retourne, je dépose les deux livres sur la table devant nous, ouvrant le cahier à la page du symbole qui a attiré mon attention.

— Regarde… murmurai-je, montrant le dessin griffonné dans la marge du grimoire et celui dans le cahier. Ils sont presque identiques, mais celui du grimoire est plus élaboré, comme une version
achevée.

Alors que je commence à expliquer ma découverte, une énergie familière pulse à travers le grimoire. Les pages s’ouvrent brusquement, et une flamme rougeâtre jaillit, illuminant brièvement nos visages d’une lueur inquiétante. La chaleur intense fait vibrer l'air autour de nous, et mon cœur s’emballe un instant, saisi entre la peur et l’urgence. Je tends instinctivement ma main vers les flammes, cette fois prête à intervenir.

— Pas encore, dis-je fermement.

Je tends ma main au-dessus des flammes vacillantes. Elles semblent hésiter, comme une bête sauvage prise au piège. Je murmure quelques mots que je ne savais même pas connaître, des fragments d’incantations qui me viennent instinctivement. La flamme faiblit, s’adoucit, puis se replie sur elle-même avant de disparaître complètement. Le grimoire se referme avec un soupir, comme s’il admettait sa défaite.

Je laisse échapper un souffle tremblant et détourne les yeux vers Sasha, espérant ne pas paraître trop ébranlée. La magie me laisse une sensation de fourmillement dans les doigts, mais je me sens étrangement énergisée, comme si j’avais apprivoisé quelque chose d’à la fois dangereux et fascinant.

— Ce grimoire est… particulier, dis-je enfin. Je pense qu’il a été conçu pour protéger ce qu’il contient, non ? Peut-être même pour empêcher certaines personnes d’en découvrir les secrets, tu ne crois pas ?

Je parle sans doute plus que nécessaire, mais j’ai peur de me faire gronder par la bibliothécaire, et la poussée d’adrénaline redescend déjà, me laissant épuisée. Je n’ai pas les forces de discuter de ce qui vient de se passer, et mes mains me brulent légèrement.

— Ce texte… il semble important, mais je ne comprends pas un mot, je murmure à bout de force. Peut-être que ce grimoire contient des indices, ou une traduction. Mais il faudra être prudents. La magie qui s’y cache est… imprévisible, je finis en tentant un sourire de conciliation.