Il y a quelque chose entre Sasha et moi. Quelque chose que je ne m'explique pas. Une sorte de connexion entre nous, entre nos magies.

A chaque fois que je touche la main de Sacha ou qu’elle-même me touche il se passe quelque chose, un tiraillement au creux de mon ventre, une sorte de chaleur, ou un tressaillement de sa part.

Sacha ne cesse de dire « c'est impossible », elle rougit lorsqu'elle frôle ma main. Ses réactions sont bizarres

Lorsqu'elle me détaille pendant un long moment en silence, je donnerais cher pour pouvoir lire dans ses pensées. Qu'est-ce qu'elle cherche aussi intensément sur mon visage ? Essaye-t-elle de son côté aussi de lire en moi ?

Pourtant au bout d'un moment elle revient à la plaisanterie en me disant de prendre la plante avec moi lorsque je partirai. Mais je la sens nerveuse et j'ai du mal à rire dans cette situation, surtout lorsqu'elle me dit qu'il y a autre chose en moi. Je me demande vraiment ce qu'elle veut dire par là.

Alors, lorsqu'elle me demande si ma magie a eu des dysfonctionnements ces derniers temps je me raidis. Qu'est-ce qu'elle cherche ? Et ce qu'elle n'a pas confiance en moi ? Est ce qu'elle me soupçonne de quelque chose ?

Elle me prend la main, effleure mon poignet du bout des doigts et je la sens frissonner.

Quelque chose en moi la… dérange. Ou lui fait peur ? Je ne sais pas interpréter ses réactions, tandis que, de mon côté, son contact me fait ressentir quelque chose de chaud dans le ventre.

Elle brise le contact, et plonge son regard dans le mien tandis qu’elle attend de moi des révélations sur ma magie.

Bizarrement, je ne ressens pas le besoin de m’échapper à son regard scrutateur. Je me perds dans ses yeux, et ce contact visuel me rassure, me fait me sentir bien. Je n’ai rien à lui cacher, je lui ai déjà parlé de mon grand-père. J’aurais peut-être dû être plus prudente, mais ce qui est fait est fait. Je lui réponds donc sans baisser les yeux :

- J’ai eu un souci que je ne sais pas expliquer, ce matin. J’ai… causé des brulures quand des petites flammes sont apparues entre mes mains. C’est pour ça que je portais des gants en arrivant.

Je ne veux pas qu’elle ait peur de moi, je commence à peine à lui faire confiance moi-même.

- Mais à part ça, je n’ai jamais eu de problèmes de ce genre auparavant.

Je sens un besoin inexplicable de sentir de nouveau un contact entre nous et je lève lentement la main pour effleurer son bras. Mais je me ravise au dernier moment, ce geste est sans doute inapproprié, on se connait à peine.

- Pourquoi est tu tellement certaine que c’est moi qui cause toutes ces choses bizarres ? Peut être est ce ta magie qui subit un… disfonctionnement ?

Je suis un peu gênée de lui dire ça, mais elle ne m’a pas épargné quelques minutes plus tôt. Alors j’essaye de répondre à sa pique, dites avec humour.

- J’y penserais, promis. Je ne voudrais pas te remercier pour ton hospitalité en mettant le feu a tes meubles. D’ailleurs, je devrais peut être remettre des gants.  

Je fronce les sourcils quand Lenaëlle me parle de brûlures qu'elle aurait provoqué le matin même sans le vouloir. Chez un mage de feu, cela ne m'aurait guère étonné. Il nous arrive parfois de perdre le contrôle de nos pouvoirs, nous les mages, même juste brièvement. Même si j'ai horreur de l'admettre, il est régulier que je décoiffe par mégarde ceux qui me surprennent.

Mais qu'une mage de terre soit capable de déclencher ainsi des brûlures…

"- Des flammes ? Tu en es sûre ?"

Elle semble guère se soucier de ce phénomène. Ou peut-être masque-t-elle très bien l'inquiétude qu'elle éprouve à ce sujet.

Lorsqu'elle me demande si je suis certaine qu'elle est à l'origine de ces phénomènes, je ne peux m'empêcher de sourire. Mais celui-ci disparait presque immédiatement de mes lèvres.

En temps normal, j'aurais balayé ces accusations d'un revers de la main. Cela fait des années que je travaille ici, des années à accroître la maitrise de ma magie. M'accuser de perdre autant le contrôle de cette dernière… Surtout que je suis parfaitement incapable de causer de tels phénomènes.

Mais le doute m'assaille. Je ne sais quoi lui répondre.

Ma plaisanterie au sujet de ne pas brûler par mégarde mon appartement sembler tomber à l'eau. Ou du moins, je suis bien trop préoccupée pour relever l'humour dans ses propos.

"-Au point où on en est…", je marmonne en me dirigeant vers ma table basse, sur laquelle j'ai posé les carnets de mon maître d'apprentissage un peu plus tôt, au-dessus du bazar organisé que j'ai l'habitude de laisser trainer dessus.

Je sais exactement ce que je recherche, et je ne mets guère de temps à trouver l'information en question.
Les pages sont un peu jaunies, et l'écriture de mon maître d'apprentissage est illisible par endroit. Mais le diagramme qui se dessine sur cette double page ne m'est pas inconnu. Je sais précisément comment le réaliser.

Ce n'est clairement pas le moment, ni l'endroit, pour ce genre de rituel, mais Lenaëlle m'a mis le doute. Et je sais pertinemment que je ne parviendrai pas à trouver le sommeil sans cette petite vérification d'usage.

Je balaye la pièce du regard.

"-Je n'ai vraiment pas envie de cramer le parquet", je murmure en réfléchissant à voix haute.

Ni la table basse, à vrai dire. Même si elle est antique et franchement usée, j'y tiens tout de même beaucoup.

Allons-y pour la table de la cuisine. Ce ne sera pas la première fois. Et puis, la magie à l'extérieur est encore probablement trop instable pour que je tente quoique ce soit.

"-Je tiens à préciser que ce que je m'apprête à faire est en théorie interdit", j'annonce à Lenaëlle en retirant tout ce qui pouvait encore se trouver sur cette table. "Mais personne ne viendra vérifier. Et je l'ai déjà fait plusieurs fois. Donc j'apprécierais que tu évites d'en parler à qui que ce soit."

Je lui souris d'un air que j'espère rassurant, puis je tire la nappe qui recouvrait jusqu'alors le bois de la table. Ce dernier est cramé à plusieurs endroits, séquelles de quelques expériences ou rituels que j'ai pu effectuer ici par le passé.

En pratique, le rituel n'est pas bien compliqué. Surtout pour moi qui l'ai pratiqué plusieurs fois. L'objectif est simple : déterminer le type de magie qui régit un organisme, vivant ou non. Je l'ai déjà plusieurs fois utilisé en prélevant quelques poussières d'un vieil ouvrage. Presque jamais sur moi.

"- Ce n'est pas dangereux", je lui précise en allant chercher un couteau de cuisine. "Juste un peu… volatile. Donc évite de t'approcher."

Je trace aisément le cercle de magie à même le bois, et l'orne ensuite des symboles exacts que je recopie depuis le carnet de mon maître.

Puis je marmonne le début de l'incantation à mi-voix. Je connais le rythme de cette dernière, et je me laisse porter par la magie dans ces mots, qui se transforme peu à peu en strophes chantantes au fur et à mesure que la magie se met à tourbillonner autour de moi.

Quand le cercle brille soudainement d'une vive lumière blanche, je n'hésite qu'une poignée de seconde avant de m'entailler la paume de la main.

Quelques gouttes tombent, assez pour que le cercle clignote plusieurs fois.
Jusque là, tout est normal.

Je recule d'un pas lorsqu'un symbole se dessine juste au-dessus de la table. Un simple triangle qui pointe vers le haut, barré d'un trait horizontal.

Je pousse un souffle de soulagement. Le symbole de l'air. Tout va bien, Sasha. Tout va parfaitement bien. Tout est normal.

Mais alors que je me retourne vers Lenaëlle pour lui demander d'avancer à son tour, je sens sa magie qui interagit soudainement avec la mienne.

"- Quoi ? Non non non ! C'est quoi ce bazar ?"

Une vibration résonne dans l'air, alors que le rituel prend une toute autre forme.

Le glyphe donne à présent l'impression de tournoyer sur lui-même, comme s'il était pris d'une frénésie soudaine. Il se mélange, change de forme. Il passe de l'air à la terre, sans réellement parvenir à se fixer sur un signe en particulier. L'air et la terre, deux signes opposés. Je sais déjà que je n'aurais pas dû me lancer là-dedans alors que la magie de Lenaëlle était encore autant mêlée à la mienne.
Mais quelque chose de plus singulier encore se passe alors. Je vois brièvement le feu et l'eau se mêler à cette danse. Les symboles se mélangent, pour ne plus en former qu'un.

Puis soudainement, une lumière aveuglante, et un souffle de magie qui me déséquilibre. Je m'étale au sol, entraînant Lenaëlle dans ma chute.

Sasha a l’air sceptique quand je lui parle des brulures que j’ai causées ce matin. Mais ensuite, son regard se voile, elle se met à marmonner des phrases incompréhensibles sur le fait de bruler son mobilier, se plonge dans un vieux carnet plein de gribouillis qui ne sont pas sans me rappeler les carnets de mon grand-père, puis elle se dirige vers la table de sa cuisine.

J’ai l’impression d’halluciner lorsqu’elle m’annonce tranquillement que ce qu’elle va faire est interdit et me demande donc d’en garder le secret. Je n’ai pas le temps d’essayer de la dissuader de faire ce qu’elle compte faire qu’elle se lance dans un rituel de magie pratique.

La voix de Sasha qui marmonne l’incantation me plonge dans un drôle de flou, le rythme chantant semblant me bercer.  Le rêve se transforme en cauchemar quand je vois Sasha s’entailler la paume de la main et laisser quelques goutes de sang couler a même la table en bois sur le cercle magique.

Je retiens de justesse un cri, et fait un pas vers la bibliothécaire pour l’empêcher de se blesser d’avantage, malgré ses recommandations de ne pas m’approcher lors de son rituel.

Je ne sais pas si c’est ce qui impacte sur la suite des événements, mais les choses semblent prendre une tournure que Sasha n’avait pas envisagée. Une lumière éblouissante apparait, immédiatement suivie d’un souffle de magie tellement puissant que Sasha est propulsée en arrière et me rentre dedans alors que je me tiens trop près d’elle. Nous tombons toute les deux à même le sol.

La chute me coupe le souffle et je reste une longue minute sans bouger, essayant de reprendre ma respiration, et quand enfin j’y parviens, je croise le regard de Sasha fixé sur moi. Je soutiens son regard un moment encore, en prenant une profonde inspiration, avant de me rendre compte que je suis à moitié allongée sur elle, l’empêchant de se relever.

Je rougis violemment, et m’empresse de me relever afin de lui permettre d’en faire de même.
Je tousse, me détourne, remet de l’ordre dans ma tenue quelque peu chiffonnée le temps de reprendre contenance, puis je m’excuse :

- Désolée, j’étais bien trop proche derrière toi, tu m’avais prévenue. Mais j’ai été surprise, et puis…

Je cherche mes mots. Je ne veux pas l’accuser de faire des choses illégales, mais j’aimerais bien savoir ce que c’était que ça.

- C’était quoi ça ? Quand tu dis que c’est interdit « en théorie », qu’est-ce que ça veut dire exactement ?

Si je dois être arrêtée, je tiens au moins à savoir pourquoi.

- Et… ça servait à quoi cette incantation ?  

Décidément, aujourd'hui il n'y a pas grand chose qui me réussit. Et ça faisait longtemps que je n'avais pas eu un rituel qui s'était aussi mal terminé.
Ça sent le cramé derrière moi, et j'en déduis vite que ma table a sans aucun doute acquise une nouvelle trace noire. Une de plus.
Plus les années passent, et plus je comprends mon maître d'apprentissage lorsque ce dernier m'avait conseillé d'acheter une table solide traitée avec des sorts anti feu. Une fois de plus, elle a bien joué son rôle.

Le sol est dur sous mon dos. Et je suis suffisamment sonnée par le choc pour ne pas bouger durant de longues secondes. Assez longues pour lentement réaliser que je ne suis pas tombée toute seule.

Je cligne des yeux et je sens mes joues chauffer. Lenaëlle m'est tombée dessus. Son visage n'est qu'à quelques centimètres du miens. Et je ne sais pas du tout comment réagir.

Mais à vrai dire, son visage prend de jolies couleurs tandis qu'elle se relève en s'excusant.

"- Ce n'est pas de ta faute", je soupire en me relevant à mon tour.

Que le sol est bas, et qu'est-ce que j'ai mal au dos.
Ma main saigne encore un peu, et je l'essuie distraitement sur le t-shirt à manches longues que j'ai enfilé en sortant de la douche. Cette petite séance de magie n'aurait rien fait pour améliorer ma santé physique. Ma brûlure à la main de ce matin se rappelle à mon bon souvenir.

Je grimace.

"- Plus de magie pour aujourd'hui", je marmonne.

Autant aller directement me coucher, et attendre de voir venir le lendemain.
Sauf que ma petite démonstration n'est pas passée inaperçue.

Lenaëlle me fixe à présent avec un regard beaucoup trop suspicieux, comme si elle avait décidé qu'en réalité je n'étais qu'une affreuse délinquante.

"- Interdit, interdit. C'est une manière de voir les choses. Disons que ça n'est pas franchement autorisé. En théorie.".

J'essaie de meubler un peu le silence alors que je réfléchis à toute vitesse.

Je retourne vers ma table et constate effectivement que le revêtement de surface porte une trace de brûlure de plus. Quelques flammèches dansent encore à la surface, et je les efface en versant jetant dessus un peu d'eau.

Puis je m'appuie contre la table pour à nouveau face faire à mon invitée du soir.

"- C'est interdit", je soupire enfin. "Ca l'a été il y a longtemps."

Autant commencer par-là, après tout.

"- Ça fait partie des petits rituels qui ont été volontairement oubliés avec le temps. Mon maître d'apprentissage me l'a enseigné, comme de nombreux autres qui doivent en théorie ne jamais être utilisés."

Voilà la vérité, mais tout en gardant pour moi la nature exacte des autres rituels en question.

"- Celui sert uniquement à déterminer la magie d'une personne. Dans mon cas, le symbole qui s'est affiché est bien celui lié à l'air. Des variantes permettent également de déterminer la puissance magique d'un individu. Tu imagines bien ce que ça a pu donner dans les mains de certaines personnes."

Je n'ai guère envie de m'épandre plus sur le sujet. J'ai lu certains récits d'époque, cela m'a suffit pour me faire une certaine idée des mauvais côtés de ces rituels. Surtout qu'ils ont tendance à pomper sérieusement dans la magie de celui ou celle qui le réalise.

Je vacille, mais je fais de mon mieux pour masquer ce malaise.

Je croise les bras sur ma poitrine, puis grimace en me rappelant de ma blessure à la main.

Je peste à mi-voix et m'essuie à nouveau sur une de mes manches.

"- Un peu brutal, mais efficace. Mais ça n'explique pas ce qu'il s'est produit quand tu as… Quand tu t'es approchée. Il n'y avait pas que la magie de terre, qui est apparue. Il y avait l'eau, et le feu."

Je soupire.

"- Il faudrait recommencer le rituel, une fois pour ta magie, et une fois pour la manière. Mais j'ai déjà une main en sang, et je crois que nous en avons déjà assez fait pour aujourd'hui."

Surtout la blessure n'a toujours pas fini de saigner.

"- Je dois avoir des bandages dans la salle de bain", je bafouille.

J'ai vraiment la tête qui tourne.

La bibliothécaire m’offre une longue explication sur le rituel qu’elle vient de réaliser. Je comprends mieux de quoi il s’agit, et le pourquoi de l’interdit. Je frissonne en imaginant ce que des personnes mal intentionnées pourraient faire de ce genre de démonstration.

Je suis d’autant plus étonnée que le maître d’apprentissage de Sasha lui aie appris ce genre de choses. Je ne saisis pas bien son utilité pour une bibliothécaire.

Je n’ose pas lui faire part de mon malaise par rapport à ce fait, et encore moins face à sa témérité à l’utiliser. Et tout ça pour quoi ? Déterminer laquelle de nous deux est responsable des phénomènes que nous avons remarqué toute la soirée ? Ça me parait puéril. Et l’enjeu, bien trop dangereux.

Je suis donc choquée quand Sasha m’annonce dans un soupir qu’il faudrait recommencer pour déterminer quelle est ma magie et quelle est la sienne. Mais elle est folle ou quoi ? Il n’est pas question de recommencer une expérience aussi dangereuse dans un endroit aussi petit, surtout compte tenu du fait que nous somme enfermées !! Si les choses tournaient vraiment mal, on risquerait de cramer dans un endroit clos, il n’en est pas question !

Heureusement, elle se ravise en disant qu’on en a déjà assez fait pour aujourd’hui. Sur ce coup là je suis d’accord. J’aimerais aller me coucher, moi aussi, mais je n’ose pas le lui dire. Déjà que je m’impose chez elle.

Je m’approche de nouveau quand elle mentionne sa main en sang et des bandages dans la salle de bain. Sa voix est moins ferme que précédemment et je remarque à quel point elle semble épuisée. Elle tient à peine sur ses jambes, et je suppose que l’utilisation de ce rituel n’est pas étrangère à sa faiblesse croissante.
Je m’empresse de tirer une chaise vers elle et l’aide à s’asseoir.

- Attends ne bouge pas, je vais aller te chercher les bandages.

Je me précipite vers la salle de bain, en priant pour trouver rapidement ce que je cherche, pour ne pas la laisser seule trop longtemps, j’ai peur qu’elle tombe tellement elle parait fragile.

- Tu sais me dire où ils sont rangés ? je cris.

Si je demande ça, c’est plus pour qu’elle me réponde et pour m’assurer qu’elle ne s’est pas évanouie. Parce que je n’ai pas vraiment besoin de sa réponse : la salle de bain, contrairement aux autres pièces, est rangée comme une pharmacie, et je trouve ce que je cherche en quelques minutes à peine, après avoir ouvert quelques tiroirs.

Je m’empare également d’un flacon de désinfectant, de quelques compresses de gaze stériles, qui me laissent à penser que ce n’est pas la première que la jeune femme a ce genre de plaie, et je la rejoins dans le salon.

- Fais voir ta main, je lui demande en ouvrant le désinfectant.

Je prends une compresse que j’imbibe de produit, et la lui passe délicatement sur la paume blessée. Elle tressaille légèrement et je ne sais pas si c’est parce que c’est froid ou parce que ça pique.

- Je suis désolée. Je vais te mettre le bandage, ça ira mieux ensuite.

Je remarque qu’elle est en train de regarder la petite bouteille que je tiens dans la main, et je jette un œil pour voir ce qui l’intéresse tant. Le produit fait des bulles dans la bouteille. Comme s’il réagissait à mes pensées. Ou aux siennes ?

Je m’empresse de la refermer et de la déposer sur la table, avant de bander la main de la jeune femme.

- Je… ne comprends pas ce qu’il se passe. Mais comme tu disais, on en a assez fait pour aujourd’hui. Tu es blessée, je pense que tu devrais te reposer. On en reparlera demain ?

Je m’inquiète pour elle, réellement. Mais je ne suis pas non plus pressée de l’entendre me mettre sur le dos tous les évènements de la journée.

- Tu veux que je t’aide à rejoindre ton lit ?  

Mes explications un peu vaseuses n'ont pas l'air de convaincre Lenaëlle. Ou peut-être suis-je juste complètement à côté de mes pompes. Les évènements de la journée m'ont épuisé. Et maintenant voilà que je me mets à perdre du sang inutilement.

Je ne proteste pas quand elle me force à m'assoir sur une chaise.

Et j'acquiesce lorsqu'elle m'annonce partir à la recherche de bandages.

Elle disparaît dans la pièce attenante. Et je mets peut-être quelques secondes de trop pour répondre à sa question lorsqu'elle me demande où sont rangés les bandages en question.

"-Tu devrais les trouver dans l'armoire. En haut. Je crois."

Je ne suis pas certaine que ma voix porte suffisamment.

Mais au moins, Lenaëlle revient avec ce qu'elle cherchait.

J'essaie de lui sourire. En espérant que ça passe pour autre chose qu'une grimace. Je sens ma magie bouillir dans mes veines lorsque Lenaëlle me prend la main.

Je frissonne. Et elle s'excuse aussitôt.

"- Ce n'est pas de ta faute. C'est moi qui ai voulu prendre un raccourci idiot. Mon Maître d'apprentissage m'aurait passé un sacré savon."

Je pourrais presque l'entendre me hurler dessus depuis l'au-delà.
Mais autre chose me déconcentre. La bouteille de désinfectant que Lenaëlle tient dans sa main présente un phénomène étrange. On dirait que le liquide bout. Encore un truc que je n'arriverai pas à expliquer aujourd'hui.

Lenaëlle remet le bouchon, et les bulles se calment. Étrange.

Je la laisse me bander la main, honteuse de ne pas pouvoir en faire plus, et je la remercie du bout des lèvres.

"-Je pense que tu as raison. Autant que cette journée se termine. Je crois que je n'arriverai à rien de bon, aujourd'hui."

Je la laisse terminer le bandage.

"- Tu te débrouilles bien. Tu as de l'expérience dans ce domaine ?" je plaisante.

Je me lève, je titube un peu, et je me raccroche à la table.

"-Tout va bien ! " j'affirme d'un ton que j'espère assez assuré. "Juste... Quelques petits effets secondaires du rituel. Trois fois rien. Un peu de magie en moins, la fatigue. Ça ira mieux demain."

Je lui souris.

"-Ne t'inquiète pas, je ne te laisserai pas te débrouiller toute seule, enfermée dans cette bibliothèque", je plaisante. "Je serai sur pieds demain."

Je parviens à me trainer jusque dans la chambre. Arrivée sur place, je retire mon t-shirt à manches longues plein de sang et j'en enfile un propre. Je galère d'ailleurs un peu avec mon bandage. En espérant que je n'ai pas à le garder des jours durant.

"- Tu viens ?" je crie à l'attention de Lenaëlle. "Ou tu préfères dormir dans le fauteuil ? Je peux te donner des couvertures si tu veux ?"

Je retourne jusqu'à la porte de la chambre, que j'avais laissé entrouverte.

"- Je ne mords pas", je lui assure. "Et avec un peu de chance je ne me viderai pas de mon sang cette nuit", j'ajoute en plaisantant. "Ma proposition tient toujours. Mon lit est assez grand. Et je peux te passer un oreiller et une couverture. Parait il que j'ai tendance à m'enrouler dans la couverture du lit quand il n'y en a qu'une seule."

Je retourne dans la chambre sans attendre de réponse, et je fouille dans mes placards pour en sortir une couverture et un oreiller à lui prêter.

"- Tiens, c'est pour toi", dis-je en lui tendant mon chargement.

Puis je m'installe sur mon côté du lit. Ou plutôt, je m'y affale sans aucune classe. La fatigue prend le dessus, et la position allongée semble être celle que j'arrive à tenir le mieux.

"- Merci pour le pansement", je marmonne en ramenant ma couverture sur moi.

Sasha mentionne une fois de plus son maitre d’apprentissage. Elle devait vraiment lui être très attachée. Je me demande ce qu’il est devenu mais je pense que le moment est très mal choisi pour lui poser ce genre de questions. Mais surtout je me demande de quel apprentissage il s’agit. Il n’y a pas tant de choses que ça à savoir pour être bibliothécaire à ma connaissance.

En tout cas, j’espère qu’elle n’a pas trop de rituel de ce genre dans sa panoplie de sorts en tout genre, et qu’elle aura plus de réussite pour nous ouvrir les portes coincées demain.
Mais pour le moment la jeune femme semble vraiment épuisée, ce qui se confirme quand je la vois se trainer avec difficultés jusqu’à sa chambre.

Elle tente de me rassurer bien sûr, répétant que tout ira mieux le lendemain. Je la suis de loin, mais n’entre pas dans sa chambre, attendant de voir si elle a besoin de mon aide.
Apparemment elle a assez de force pour se changer, parce qu’elle porte un tee-shirt propre quand elle passe la tête par l’entrebâillement de sa porte, m’invitant a entrer.

Elle fouille dans son armoire et me tend un oreiller et une couverture, avant de s’affaler sur son lit, épuisée. Je remarque qu’effectivement son lit est assez grand, et qu’elle a pris soin de me laisser suffisamment de place. Pour autant, je ne me sens pas à l’aise de venir m’installer à côté d’elle. Je reste quelques instants à la regarder, tandis qu’elle ferme les yeux et inspire profondément.

- Je crois que je vais dormir sur ton fauteuil, tu as besoin de te reposer et je ne voudrais pas te déranger. Ne t’inquiète pas pour moi, ça devrait aller avec la couverture, et puis ce n’est que pour une nuit.

J’espère que je vais réussir à m’endormir comme ça, parce qu’en général, j’aime bien mon confort. Mais bon, c’est juste une nuit. Et elle est déjà bien entamée.

J’éteins la lumière de la chambre de Sasha et retourne au salon pour m’installer comme je peux. Son fauteuil n’est pas super confortable, et je dois garder mes longues jambes un peu pliées pour ne pas les cogner contre la table.

Après avoir tenter plusieurs positions, déplacé le fauteuil, puis les chaises, je décide de me résigner. Et puis, j’ai déjà fait suffisamment de bruit et Sasha a besoin de repos.

Je me blottis dans la couverture, et je ferme les yeux. Mais les bruits ambiants m’empêchent de m’endormir aussitôt. Le tic-tac d’une montre murale, un cliquetis d’un objet que je ne détermine pas, des bruits normaux, courants, mais qui ne me sont pas familiers.

​A un moment donné, il me semble que Sasha m'appelle et je vais dans sa chambre vérifier si elle a besoin d'aide, mais elle est en train de dormir. Je retourne au salon pour essayer de me rendormir. Mais la même impression de l'entendre reviens, et je sens comme des picotements dans les doigts en m' approchant de nouveau de sa chambre.
Je crois que ce n'est pas elle, mais sa magie qui m'appelle, un peu comme si nos magies se reconnaissaient et essayaient de se rejoindre. Ou alors, j'hallucine tout simplement. C'est le plus probable et je ferais mieux de dormir.

Ce n’est qu’une nuit, elle est déjà bien entamée, mais elle risque d’être assez longue pour moi.

Epuisée, je ne me souviens pas m'endormir. Et je ne réalise qu'au milieu de la nuit que Lenaëlle n'est pas venue me rejoindre. Sa magie est présente, dans la pièce, dans mes veines, accessible juste au bout de mes doigts.
Mais ne je suis pas assez alerte pour chercher une réponse à ce phénomène.
Je connais cette sensation. Celle d'un épuisement magique qui se mêle à un épuisement physique bien réel.

J'oscille entre deux mondes. Celui de mes rêves, peuplés de formes indistinctes et d'images que je ne parviens pas à analyser. Et un autre, bien présent. Ce petit monde constitué de ce matelas un peu affaissé, de ces draps qui portent mon odeur, et d'une magie ambiante qui n'est pas tout à fait la mienne, mais pas tout à fait celle de Lenaëlle. Comme si nos deux pouvoirs s'étaient mêlés l'un à l'autre.

La sensation n'est pas désagréable. Et je me surprends même à chercher à tâtons dans un demi sommeil la sensation de ces particules qui donnent l'impression de flotter dans l'air autour de moi. Cette quête est futile, et ne finit que par m'assoiffer un peu plus. Ce n'est pas ainsi que je parviendrai à me reposer.

Plusieurs fois, j'ai la sensation de pas qui se rapprochent, puis qui s'éloignent. Et le lien que je sens dans ma magie semble vibrer un peu plus, pour finalement se calmer.

Lorsque mon réveil sonne le lendemain matin, je grogne dans mon oreiller avec frustration. Quelle nuit compliquée !

A tâtons, je pose une main sur le lit, à côté de moi. Mais je ne trouve que des draps froissés. Lenaëlle n'a décidément pas dormi ici.

Je me redresse, fronçant les sourcils, puis éteint le réveil d'un geste agacé. Un souffle de magie m'échappe à ce geste, envoyant l'engin voler contre le mur. Heureusement je parviens à l'arrêter au dernier moment.

Je l'attrape au vol, et le repose sur la table de chevet. Un détail m'interpelle. Une minuscule graine est présent sur cette dernière. Une petite graine qui germe déjà.
La question n'est pas trop ce qu'elle fait à cet endroit. Contrairement à l'idée générale, il m'arrive de sortir de la bibliothèque. Parfois. Et c'est assez facile de ramener par mégarde des éléments de l'extérieur.
Mais comment a-t-elle pu trouver les conditions idéales pour germer en cet endroit ?

"- Encore quelque chose d'étrange", je marmonne pour moi-même.

Je caresse un instant l'idée d'une grasse matinée, mais je sais que c'est impossible. Je ne suis pas seule. Et accessoirement, j'ai toute une bibliothèque à réparer.

Je me lève, je m'habille de vêtements confortables. Le bandage à ma main ne m'aide guère dans ma tâche. Mine de rien, j'ai encore mal. A se demander ce qui a bien pu me passer par la tête hier soir. Ce rituel était une mauvaise idée. Un raccourci dangereux. Et, je ne peux le nier, une volonté orgueilleuse de frimer un peu, comme si au fond de moi j'avais besoin d'épater Lenaëlle. Ce qui est ridicule.

Lorsque j'entrouvre la porte de la chambre, je ne suis pas surprise de trouver Lenaëlle affalée dans mon fauteuil. Elle l'a déplacé, et je souris malgré moi. En général je n'aime pas trop qu'on touche à mes affaires. Mais là je veux bien faire une exception.

Sa couverture a glissé au sol. Lenaëlle a les yeux fermés et semble assoupie.

Je tente de ne pas faire trop de bruit tandis que je mets de l'eau à chauffer pour faire un thé. Et du café pour Lenaëlle.
Je fouille dans mes placards et je trouve du café tout au fond.

Je sors ensuite deux mugs. Avec ma main blessée, j'ai du mal à les manipuler. Le premier heurte la table en un bruit sourd, et je jure à mi-voix. Je crois que pour la discrétion, c'est raté.

Dans ma précipitation, j'échappe le deuxième. Ma magie se déclenche par réflexe pour le rattraper.

Le mug flotte bien dans l'air, à quelques centimètres de la table encore noircie par la magie d'hier soir. Mais il y a quelque chose qui n'est pas normal. Des lianes s'enroulent autour de ce mug, le maintenant dans une étreinte solide.

Et moi je suis là, le souffle court, à observer sans un mot ce phénomène étrange.

Je finis par avancer une main, effleurant une minuscule liane du bout des doigts.

Un cri de surprise m'échappe quand une fleur se forme soudainement contre mon index, troublant ma concentration.

Le mug finit sa course contre la table, se brisant en plusieurs morceaux.

Je suis réveillée en sursaut par un bruit de verre brisé.

J’ouvre les yeux pour remarquer ma couverture, qui a dû glisser au sol au cours de la nuit, se plaçant devant moi comme un bouclier, vraisemblablement soulevée par une magie de l’air.

Je l’écarte légèrement pour chercher la cause de ce bruit qui m’a sorti de mon sommeil, et découvre Sasha dans la cuisine, des morceaux de verre entremêlés de lianes à ses pieds. Elle a dû casser un pot de plantes ou quelque chose comme ça.

Je grogne de fatigue en me frottant les yeux, avant de me lever et de m’étirer, les muscles endoloris par la position inconfortable dans laquelle j’ai passé la nuit.

- B’jour.

Je salue Sasha d’une voix encore pâteuse, tout en me remémorant les évènements de la veille. Je voudrais bien dormir plus longtemps, mais il y a tellement de choses que je dois faire que je ne peux pas me le permettre.

Il faut que je puisse sortir de cette bibliothèque et que je trouve le moyen de retrouver mon grand-père. Je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre, j’espère encore trouver des renseignements dans la bibliothèque ou de l’aide auprès de Sasha.

Sasha, qui de son côté s’affaire déjà à ramasser les débris de son mug et à remettre de l’ordre dans sa cuisine. Je me demande ce qui lui a pris de faire tomber ce mug. Est-elle du genre maladroite ou est-ce sa blessure de la veille qui la rend malhabile ce matin ?  

Je me sens honteuse de tout le bazar que j’ai mis dans sa maison et dans sa vie depuis que je suis arrivée hier. Je me dépêche de remettre le fauteuil à sa place, puis je vais me rincer le visage dans la salle de bain pour me rafraichir les idées.

Une odeur de café me parvient de la cuisine, aidant mes sens à se réveiller encore plus efficacement et un sourire me monte aux lèvres. Sasha s’est souvenue que je préférais le café. Et je ne sais pas pourquoi, mais ce simple fait suffit à me rendre heureuse ce matin.

Je la rejoins après m’être démêlé les cheveux, afin de ne pas ressembler à un épouvantail. Inutile de lui faire peur de bon matin, j’ai vraiment besoin d’elle aujourd’hui.

- Salut, désolée, j’ai besoin de quelques minutes le matin pour me remettre les idées en place. La prochaine fois, inutile de casser quelque chose pour me réveiller, secoue moi l’épaule ça devrait suffire.

Je plaisante, mais je ne sais pas si elle va bien le prendre, et je ne voudrais pas qu’elle se vexe, alors j’ajoute rapidement :

- Comment tu te sens ce matin ? Ta blessure à la main te fait moins mal ? Hier soir tu étais vraiment épuisée, tu avais trop forcé sur ta magie, c’est ça ? ça t’était déjà arrivé ?

Je pose trop de questions. Et je ne sais même pas si elle est du matin. Je devrais la laisser souffler un peu. Et la remercier.

- D’ailleurs merci pour le bouclier-couverture, c’était original.

Et ce n’était pas moi, ça au moins c’est clair. En revanche je ne m’explique pas les lianes et la fleur qui se trouvent à présent dans la pelle avec les débris de sa tasse. Je ne me souviens pas avoir fait pousser cette fleur hier soir.

Fleur qui se tortille dans ma direction quand je m’approche de Sasha.

- Tu t’es mise à apprécier les plantes on dirait. Tu veux que je t’aide à la rempoter?  

Lenaëlle est réveillée. Par ma faute. Je voulais la laisser dormir un peu plus longtemps, ne serait-ce que pour me faire pardonner de ne pas avoir pu l'aider hier.

Etrangement, je perçois le moment exact où elle ouvre les yeux, sans avoir nécessairement besoin de la regarder. Juste dans sa magie qui surgit soudainement.  

Je suis penchée sur la table, en train de nettoyer mes bêtises.
Mes mains tremblent. Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé.

Me suis-je trompée, et Lenaëlle était-elle réveillé bien avant que je n'approche les mugs de la table ? A-t-elle été celle qui a fait poussé ces lianes ? A-t-elle... Est-ce que tout ceci est une vaste blague pour elle ?

Je lui jette un coup d'œil curieux, et je réponds à son bonjour du bout des lèvres.

Je laisse le ramasse poussières en bout de table pour le moment. Je ne sais pas trop s'il est judicieux de jeter son contenu maintenant. Il y a des choses pas nettes qui se trament ici. Et je n'ai guère envie que des plantes se mettent à pousser toutes seules dans ma poubelle.

Lenaëlle disparaît dans la salle de bain, et j'en profite pour sortir un autre mug. Je prépare un café pour elle, puis un thé pour moi.

Lorsqu'elle réapparait, j'ai disposé les deux mugs aux places que nous avions occupées la veille pour le diner. Et j'ai sorti un morceau de pain un peu dur et un pot de confiture. J'espère que ça suffira.

Le sourire qui étire mes lèvres lorsqu'elle me fait remarquer qu'il était inutile que je casse quelque chose pour la tirer du sommeil est empli d'une certaine perplexité.

"- Je suis désolée", je bafouille. "Je n'ai pas fait exprès."

Quand elle me demande si ça va mieux, je grimace.

"-J'ai été vraiment bête, hier", je déclare en désignant ma main blessée. "Je n'ai pas vérifié le pansement, mais la plaie semble s'être refermée. Encore merci pour ça."

Cette fois mon sourire est un peu plus franc.

"- Et oui, épuisement magique. Ce n'est pas la première fois."

Je n'ai pas vraiment envie d'expliquer mes erreurs du passé.

"- Aujourd'hui ça va beaucoup mieux. Même si ma magie semble...instable ?"

Lorsqu'elle mentionne un bouclier-couverture, je fronce les sourcils.

"-De quoi tu parles ? Ta couverture était par terre quand je me suis levée. Je n'ai pas osé y toucher. Je ne voulais pas te réveiller. Tu avais l'air épuisée."

Elle a toujours l'air fatiguée, d'ailleurs. Mais ça, je me garde bien de lui mentionner. J'imagine bien que je ne dois pas avoir meilleure mine.

Elle s'approche de moi, et je sens la magie qui fuse entre nous. Ce n'est pas désagréable. Bien au contraire.

La fleur dans le ramasse-poussière gigote vers Lenaëlle.

Je rosis. J'ai l'impression désagréable que ce n'est pas Lenaëlle qui est à l'origine de ce mouvement. Sauf que ça ne peut être qu'elle. C'est impossible que ma magie se mette à faire de telles prouesses. Je n'ai jamais été douée avec les plantes, après tout.

"- La rempoter ?" je répète quand Lenaëlle me le propose. "Ce bidule a englouti mon mug préféré", je m'offusque.

Et deux fleurs de plus se mettent à pousser au geste rageur que je fais en direction de cette plante.

"- Et ça, qu'est-ce que c'est ? Pourquoi ça pousse tout seul ?" je pointe du doigt la plante, maintenant ornée de deux fleurs, en plus de celle qui est venue à présent se placer dans la main de Lenaëlle. "C'est toi qui fais tout ça ?"

Ma magie tourbillonne autour de nous, et quelques lianes de plus s'ajoutent dans le ramasse-poussière. La plante a maintenant de belles racines.

Je me pince l'arrêt du nez, tentant de retrouver mon calme.
Au bout de longues secondes, le tourbillon se calme. Et je peux respirer un peu mieux.

"- Je suis désolée", je marmonne d'un ton plus doux. "Ma magie fait n'importe quoi ce matin. Peut-être que j'ai fait un truc avec ta couverture, sans le vouloir. Probablement quand mon mug est tombé un peu plus tôt. Mais pour la plante, je suis certaine que ce n'est pas moi."

Je la dévisage avec un sourire amusé, malgré l'agacement que j'éprouve contre moi-même et mon incapacité manifeste à garder ma magie sous contrôle.

"- Tu dormais si bien que tu t'es mis à faire pousser une plante durant ton sommeil ?" je la taquine. "Je dois avoir un pot quelque part, si tu veux la garder."