"- C’est pas vrai !"

Elle pousse un soupir comme la machine à café crachote difficilement, sans remplir d’or noir les tasses qu’elle a glissé juste en dessous. Forcément. C’est toujours quand le café est bondé et que les clients vont s’impatienter que ce genre de choses doit se produire. Alejandra retire les tasses propres en soupirant et entreprend de démonter la machine précautionneusement pour voir ce qui cloche, une nouvelle fois. Ce n’est pas la première fois que ça arrive, c’est même de plus en plus fréquent, ces derniers temps.

"- Il va vraiment falloir que Frankie consente à changer la machine ou faire venir quelqu’un, c’est déjà la troisième fois en deux semaines." dit-elle pour son collègue.
"- La quatrième, elle a fait le coup ‘vec Cayden mardi soir."
"- Su-per." souffle-t-elle d’un ton qui trahit que ça ne l’est pas du tout tandis que l’homme encaisse en souriant deux clientes qui libèrent leur table. "Il faut vraiment qu’il se décide maintenant, on passe bientôt plus de temps à la dépanner qu’à l’utiliser." dit-elle, les mains dans la machine en jetant un coup d’oeil à sa table de clients, qui doivent se demander comment un bête café noir peut prendre tant de temps.

Il s’écoule cinq minutes, sans qu’elle ne parvienne à résoudre le souci. À table, les clients s’impatientent. Elle pince les lèvres l’une contre l’autre en redoublant d’ardeur dans la machine, alors, quand la porte d'entrée se met à teinter. Le bruit qui envahit l’espace annonce l’arrivée d’un groupe. Jetant un regard par-dessus son épaule, Alejandra soupire en levant les yeux au ciel comme elle identifie sans mal les jeunes qui viennent d’entrer. La bande de Brittany, Shirley, Ryan, Preston… Le genre de personne qu’elle n’aime jamais vraiment apercevoir, en somme.

"- Evidemment…" souffle-t-elle en terminant de remonter la machine, son collègue lui adressant un sourire désolé en même temps qu’il emballe des pancakes dans une petite boite en carton et la tend à deux demoiselles qui avalent déjà leurs milkshake. "Souhaite moi bonne chance."

La machine fonctionne. Rapidement, elle remplit deux tasses et rejoint les clients qui attendaient, s’excusant pour le retard. Heureusement, confier qu’il y a eu un problème de machine semble leur convenir et s’ils pensent peut-être encore qu’elle est une empotée, ils n’ont pas l’indélicatesse de le lui dire, la remerciant avant de reprendre leur conversation.

Se dirigeant vers la table envahie par la bande de populaires, elle pince les lèvres à mesure qu’elle approche, sortant son pad pour prendre leur commande, se présentant devant eux en s’attendant déjà à entendre leurs brimades. Pas comme si elle n’avait pas l’habitude.

"- Bonjour, bienvenue chez Frankie’s dinner, le dinner du bonheur." répète-t-elle avec son sourire le plus convainquant, alors qu’elle-même trouve cette phrase - obligatoire - parfaitement stupide. "Vous savez déjà ce que vous voulez ?"