– Ma jolie, Ma belle… Par tous les saints, appelez-moi Elizabeth ou miss Swann, mais gardez vos mots doux pour votre mère, crachais-je en arrachant quelques rires aux hommes qui se trouvaient près de nous. En attendant, votre navire est encore sous vos pieds, capitaine.

Comment pouvait-il prendre le temps de m'interroger alors que nous étions poursuivis et loin de nous trouver à l'abri ? Craignant qu'il préfère son rhum à moi, je décidais de ne pas lui répondre, détournant tout bonnement le regard pour mettre un terme à cette conversation. Après tout, rien ne me garantissait qu'il ne me jetterait pas par-dessus bord pour garder ses bouteilles…

– Dites, notre ligne de flottaison est basse, n'est-ce pas ? On pourrait essayer de les semer sur les hauts fonds, non ? hasardais-je en haussant les sourcils. Nous sommes plus légers maintenant… Nous le serions d'autant plus si vous acceptiez de jeter ces caisses[b], dis-je en désignant les-dites caisses entassées sous le mât principal. [b] Vous voulez les semer, oui ou non?

– Ils ont hissé le pavillon noir, capitaine !
– Ils ont sortis les canons !

Mon regard se posa sur ce brin de femme et son arrogance dans un pareil moment...

Bien loin de me fâcher, je trouvis sa façon de me répondre très amusante. Ce qui ne m'empêcha pas de jeter un regard noir aux matelots qui avaient osés rire !

"Ce n'est pas le moment de rire bande d'idiots ! Dépêchez vous plutôt de jeter toutes les caisses non essentielle par dessus bord !"

Je souhaitais continuer mon interrogatoire afin d'en savoir plus sur la jeune demoiselle Swann...Mais elle détourna le regard...

"Je vois...Vous ne souhaitez donc pas en dire plus ?"

Je fis quelques pas en avant pour m'éloigner d'elle lorsqu'elle repris la parole...Pour une idée loin d'être mauvaise...A l'exception qu'elle souhaitait que l'on se débarrasse également du précieux elixir !

"Oui elle est basse en effet..."

Il restait cependant vrai que ce bon vieux Barbossa gagnait sur nous...Si il fallait agir, c'était a ce moment précis...

"Capitaine ! Elle a raison ! C'est notre seule chance !"

Prononça Gibbs, comme pour appuyer la proposition de la fille du gouverneur...Devais-je m'y résigner ? Sans doute oui...

"Très bien, jetez TOUTES les caisses ! Et rapidement !"

Je pris cependant soin de m'en conserver une et de la cacher dans un coin du pont... Qu'elle échappe a ce terrible destin...

"Ils nous rattrapent !"

Malgré tous nos efforts, le Black Pearl se rapprochait de plus en plus... Après tout, ce n'étais pas le navire le plus rapide des océans pour rien...

Celle qui tiens la barre regarde l'invitée d'honneur du navire...Et elle n'est pas très heureuse...

"C'était une bonne idée... Jusqu'à maintenant ! Qu'est ce qu'on fait ?"

Je prend le contrôle du gouvernail...

"Du calme les enfants ! Je suis le capitaine Jack Sparrow !"

Je fais une pause...

"Je ne les laisserez pas nous rattraper avec mon propre navire ! Enfin, leur navire qui est mon navire... Bref ! Jetez l'ancre a tribord !"

Le silence se fit soudainement a bord du navire...

"Ça peut marcher ! On peut les surprendre en jetant l'ancre ainsi ! Ils ne s'attendent certainement pas à ça !"

Exactement Gibbs ! L'ancre jeté a tribord, le navire opére un virage a 90°, positionnant ainsi l'entièreté de nos canons face navire de nos poursuivants.

"Les boulets et la poudre ont été jetés a l'eau capitaine !"

"Débrouillez vous ! Mettez y ce que vous y trouvez ! Clous ou verre pilés peu importe ! Nous allons nous battre !"

Je dégaine mon sabre, prêt a croiser le fer avec mon équipage de mutins...

"Mademoiselle Swann ! Ne restez pas dans nos pattes je vous prie ! Il serait dommageable que vous vous retrouviez blessée !"

Les premières bordées se firent entendre, avant que l'adversaire ne nous abordent avec une rare férocité !

Le combat s'engagea dans un crissement d'armes et de coups de feu, emplissant l'air d'une exceptionnelle odeur de poudre !

Malheureusement le combat fut a notre désavantage...Et notre sort ne fût que celui de prisonnier...

Désormais dans les fers je peut revoir Barbossa...Le bougre n'a pas changé...Ni sa façon de faire par ailleurs...

Déçu de n'avoir pas trouvé en son ancienne captive le moyen de lever sa malédiction, et de me revoir en vie, il décide de nous condamner tous deux au supplice de la planche...

Plus grandiose signe du destin encore ! Je reconnais l'ile où il m'avait abandonné la première fois...

Jetés a la mer, nous arrivons sur la plage...En fait a y regarder...Rien de ce que j'avais prévu dans mon plan n'a fonctionné comme cela aurais dû...

"Et bien...Nous voilà coincés ici tous les deux mademoiselle Swann..."

Je m'asseois sur le sable fin de la plage, observant mon navire partir tandis qu'ils font exploser celui que j'avais emprunté a la couronne...

Comment vais-je donc sortir de là ? Chaque chose en son temps...

"Au moins la compagnie est meilleure que la dernière fois..."

Dis-je, me relevant, me mettant en cherche de la cache des contrebandier de l'île, regorgeant de rhum...

À dire vrai, j'ai toujours pensé que le supplice de la planche avait pour but premier d'exécuter le supplicié… J'imaginais que des requins se trouvaient toujours sous le bateau, attendant patiemment que le malheureux ne soit jeté à l'eau pour être dévoré.

Néanmoins, lorsque ce fut à mon tour de me retrouver sur cette fameuse planche, je ne remarquais aucun prédateur marin… L'on me laissa d'ailleurs les mains libres avant de m'indiquer une île.

– Si j'étais vous, je veillerai tout de même à nager très vite, murmura Barbossa à mon oreille.

L'instant d'après, je fus jetée à l'eau sans le moindre ménagement… Ne sachant que faire d'autre, je nageais vers le fameux îlot, sitôt suivie par Sparrow qui dû subir le même sort que moi. Lorsque nous arrivâmes sur la plage, le Pearl lança un canon moqueur sur le brick qui se mit à sombrer misérablement.

Nous étions coincés… Pire, j'étais coincée avec lui !

Je l'observe tandis qu'il se relève en se dirigeant à grand pas vers une destination inconnue…

– Attendez, où allez-vous ? lui demandais-je tout en lui emboîtant le pas. Vous connaissez cette île, non ? Il paraît même que vous vous en êtes échappé, vous ne pourriez pas le refaire ?

En tout cas, c'était ce que sa légende racontait, même si je ne voyais pas comment un homme seul sans le moindre outils pouvait espérer quitter cet endroit.

Je m'arrête soudainement et fait un volte face impromptu, me retrouvant nez a nez avec ma compagne d'infortune...

Si je connais cette île...Si je m'en suis déjà échappé ? Si je peux le refaire ? Quelle blague formidable...

"Mademoiselle Swann !"

Je l'observe longuement dans les yeux... Tellement de pensées traverse mon esprit...Je me dis que si je n'aurai pas eu la malencontreuse idée de la sauver quelques heures plus tôt, je serai déjà a naviguer sur mon navire sur l'océan !

Déjà que ma bonne action de Port Royal avait failli me coûter la tête...Et désormais ce nouveau sauvetage risquait de nouveau d'avoir raison de moi... Le bien ne me réussissait clairement pas...

"Ça fait déjà deux fois que je vous sauve ! Et deux fois que je finis dans l'embarras par votre faute..."

Je me retourne, lui tournant le dos...

"Je crois sincèrement, Elizabeth, que vous me portez pas bonheur... Pire, vous me portez la poisse !"

Je fais encore quelques pas en avant, toquant sur les troncs des arbres, en cherchant un creux, afin de repérer la précieuse cache des contrebandiers...La trouvant, je l'ouvre, dévoilant ainsi son contenu...Des litres et des litres d'alcool en tout genre...

"Méfiez vous des légendes ma jolie ! La dernière fois, je me suis échappé de cette île en négociant mon sauvetage avec les contrebandiers a qui appartenait cette cache ! C'est tout ! Il n'y a aucun moyen de partir d'ici..."

Je saisis quelques bouteilles, celles qui le paraissent les plus consommables...

"Cependant il semblerait qu'ils aient fermés boutique depuis bien longtemps...Ils risquent pas de revenir..."

Je me rapproche d'elle, les bouteilles a la main.

"Je crains que nous allons finir notre existence ici, Elizabeth ! Donc, si vous voulez enfin répondre a mes questions je crois que c'est le bon moment !"

Je fais quelques pas en direction de la plage et m'asseois au sol, buvant quelques gorgées de rhum...Il est encore bien conservé !

"On a tellement de temps devant nous ! Je vous écoute ! Comment avez vous eu ce médaillon ? Pourquoi Barbossa vous a t'il enlevé ?"

Je bois de nouveau quelques gorgées !

"Oh et puis laissez tomber ! Cela n'a plus aucune importance de toute façon..."

Mon regard se fixe sur l'horizon au loin...

– Par ma faute ? m'offusquais-je vivement tandis qu'il affirmait, purement et simplement, que je lui portais malheur.

Certes, je ne pouvais pas réellement le contredire… Après tout, il avait raison, même si ce n'était pas vraiment quelque chose que j'avais envie d'entendre. Ce n'est pourtant pas plaisant de savoir que notre seule présence puisse causer du tort à quelqu'un, et je n'étais pas vraiment d'humeur à encaisser pareilles inepties… Pas après tout ce que je venais de vivre.

La suite de ses propos ne me rassurait guère, même si je m'étais plus ou moins doutée que sa fuite ne pouvait être aussi fabuleuse que ce que j'avais entendu.

– Vous avez négocié votre sauvetage ? répétais-je quelque peu ahuri parce que je venais d'entendre… Plus particulièrement en réalisant – toujours selon ses dires – que nous n'aurions probablement pas cette chance. Mais… Je suis la fille du gouverneur. On doit forcément me rechercher et…

Et encore fallait-il pouvoir nous voir… Il y avait encore beaucoup de rhum dans cette cachette. De l'alcool… Un liquide qui pouvait s'enflammer assez facilement et puis… Cette île n'était pas si isolée que ça alors, avec un peu de chance… Me voilà plongée en pleine réflexion.

Néanmoins, le voyant s'agripper ces fichues bouteilles comme si sa vie en dépendait, je décidais de ne rien lui dire. Après tout, s'il y avait bien un caisse dont il refusait de se séparer sur son fichu navire, c'était bien celle contenant cette boisson répugnante.

De nouveau, il insista pour savoir ce que Barbossa avait après moi… Avant de se raviser. Lassée par son tempérament aussi volatile et changeant, je me contentais de lever les yeux au ciel avant de m'asseoir.

– Il a cru que j'étais la fille de l'un de ses anciens hommes, dis-je en saisissant l'une des bouteilles pour boire à mon tour. Et s'il est venu à penser une telle chose c'est parce que … J'ai commis une erreur stupide.

Je lui expliquais donc tout ce qu'il voulait savoir, de la "découverte" du fameux médaillon à mon mensonge en passant par la malédiction dont été victimes chaque membre de cet équipage.

– Cette histoire de malédiction est vraie… Je les ai vu… C'était horrible, je bus une nouvelle gorgée de rhum dans l'espoir de faire disparaître les images de ces corps décharnés oeuvrant sur ce navire de malheur. Ils ne vivent plus vraiment, mais ne peuvent pas mourir non plus. Seule la lune peut révéler ce qu'ils sont vraiment. Voilà, vous savez tout…

Je jette un rapide coup d'œil en sa direction tandis qu'elle vient s'asseoir non loin de moi... Elle se décidais donc enfin a parler ? Il était temps, depuis que je lui demandai, sans succès !

J'ouvris tout grand les oreilles, elle allait enfin se décider a répondre a mes questions... C'était la première étape dans l'établissement d'un plan... Recueillir des informations !

La fille d'un ancien membre d'équipage...Turner ? C'était le nom de Bill le bottier, il me semblait bien... Et ce Turner sur lequel elle avait récupéré ce médaillon... Son fils ? Sûrement... Voilà donc ce que Barbossa désirait... Le sang d'un Turner... Pour lever la malédiction certainement...

Je l'observe boire quelques gorgées de rhum avant d'en faire autant. Cela commence a me monter a la tête ! Parfait, ça me rend les idées plus claires pour réfléchir !

Une malédiction ! Oui c'est bien ce qu'affirmait toutes les rumeurs courant sur eux... Mais avoir plus de détails est une bonne chose... Car avec une telle malédiction sur le dos, comme le dit la fille du gouverneur, ils ne peuvent pas mourir... Se lancer dans un combat frontal serait donc du suicide !

"Intéressant ! Très intéressant !"

Je me plonge dans mes pensées retournant toutes ces informations dans mon esprit... Première étape ? Fuir de cette île ! Deuxième ? Récupérer mon navire ! Troisième ? En finir avec Barbossa...

Mais en réalité la deuxième et la troisième ne font qu'un... Et la première est irréalisables...

Et puis, la jeune femme, de son propre aveu n'es pas ce qu'ils recherchent, alors je n'ai plus aucune monnaie d'échange a troquer en pour de mon navire...

"Et bien je suis satisfait d'en savoir un peu plus ! Malheureusement je crains que ce soit inutile de toute façon... On est décidément coincés ici pour de bon..."

J'arrive déjà à moitié de la première bouteille...

"J'imagine que vous n'aviez pas prévu de mourir sur une île sauvage au beau milieu de l'océan ? Quelle chance pas vrai ?"

Je m'allonge sur le sable chaud...

"Moi non plus... Si j'ai pris la mer, c'est pour la liberté... Leur navire, cet équipage... Avant c'était moi leur capitaine... Il y'a quelques années de cela, mon second, Barbossa a fomenté une mutinerie a mon égard et m'ont abandonné sur cette île..."

Je fais une pause, ne sachant même pas moi même pourquoi j'expose tout cela... Le rhum assurément, délie les langues...

"Voilà pourquoi je désirais tant récupérer mon navire ! Le Black Pearl ! Un navire n'est pas qu'un bateau ! C'est la liberté !"

Je pose mon regard sur elle, inquisiteur et perçant.

"Et vous ? N'avez vous jamais ressenti l'appel de la liberté ?"

– Vous êtes bien négatif, je trouve, dis-je en le regardant s'allonger sur le sable, prouvant ainsi qu'il baissait déjà les bras. Non, je n'ai pas prévu de mourir ici… Et encore moins de rester coincée avec vous.

Je ne pus retenir un soupir tandis que mon regard se porta vers l'horizon… Vers le néant de l'océan. Je l'écoutais me parler de la mutinerie de Barbossa et de son précédent abandon sur ce même îlot minuscule…

– Vous deviez être un capitaine des plus déplorables pour que votre équipage puisse en venir à vous faire subir un tel traitement… affirmais-je avant de boire une nouvelle gorgée de cette immonde boisson ambrée. Je crains fort, capitaine, que vous ayez à redéfinir votre notion du mot "Liberté".

Il pouvait bien arborer ses tatouages d'oiseaux en plein vol, il ne savait toujours pas ce que "liberté" voulait dire… Surtout en passant de prison en prison, changeant simplement la forme de ces dernières. Mais ce n'était certainement pas les pires.

– C'est tout de même une chose bien plus complexe qu'un tas de planches, de cordages et de toiles. La véritable liberté se place bien au-delà de tout ça… Et elle commence par notre propre esprit, dis-je en tapotant ma tempe pour illustrer mes propos.

Néanmoins, je me demandais si cet homme-là ne l'avait pas perdu, l'esprit. À le voir, l'on pourrait même imaginer qu'il avait passé beaucoup trop de temps au soleil… Probablement à boire du rhum, son seul intérêt, ou presque.

– A mes yeux, vous faites partie de ces éternels prisonniers qui courent sans cesses derrière une image… un simple mirage. Votre prison, vous vous l'êtes façonné vous même, à grand coup d'obsession pour ce foutu rafiot !

"Je ne suis pas négatif Elizabeth... Je suis simplement réaliste. Ça vous ferait du bien aussi a vous de cous confronter a cette terrible réalité..."

Dis-je, un grand sourire sur le visage. Je me demandais ce qui lui était le plus insupportable, le spectre d'une mort prochaine ou ma compagnie ?

"Moi un capitaine déplorable ?"

Déclarais-je, me redressant soudainement, arrivant ainsi en position assise sur le sable chaud, le soleil de plomb caressant mon visage.

"Non, je suis le meilleur capitaine de tous les Caraïbes... Si Barbossa a fomenté cette mutinerie ce n'est pas pour autant pour mes agissements que pour son propre amour de l'or..."

J'haussais un sourcil quand elle déclara que je devais revoir ma vision de la liberté... Était-ce ma vision qui était tronquée ? Ou la sienne ?

"Elizabeth, ma douce Elizabeth. Un navire c'est bien plus que des cordages et des voiles ! Je n'ai pas nié que la liberté était en quelques sorte intérieure... Dans l'esprit... Et que dire de l'esprit d'un navire ? De celui de l'océan ?"

Je fis une petite pause, comme pour appuyer mes propos.

"Mais dites moi, selon vous, qu'est ce qui fait que des hommes prennent la mer tandis que d'autres reste a terre ?"

Je but quelques gorgées, a ce que l'on disait, quand il faisait chaud, il fallait s'hydrater. Et je n'y avais jamais manqué.

"Ce qui fait cela, cette différence, c'est l'esprit de liberté... Il faut voir comme vous êtes si malheureux a Port Royal... Vous même, que faîtes vous de votre vie ?"

Si je me suis façonné ma propre prison, elle aussi... Tout le monde se façonne sa prison... Du plus petit valet au plus grand gouverneur... Si je cours après des mirages, elle tout autant... Mais de tout cela, que reste t'il ?

"Dites moi donc, qu'aviez vous prévu pour votre avenir ? Des fiançailles ? Avec ce bon commodore que j'ai vu l'autre fois a Port Royal ? Une vie tranquille, où vous ne seriez que la figurante a son bras pour de longues cérémonies interminables ?"

Je rie franchement, était-ce là une plus belle prison ? Un plus beau mirage ?

"Cette prison ci est elle donc plus désirable ? Certes on ne risque pas sa vie dans votre vie ! Mais à ne pas risquer sa vie, on finit par la perdre pour de bon !"

Déclarais-je, me rapprochant doucement d'elle.

"Alors qu'être un pirate c'est réellement vivre, et même si la potence vient nous faucher, il ne reste pas les regrets de votre petite vie de bourgeoisie. Vous comprenez ?"

– Vous semblez confondre réalisme et fatalité, capitaine, affirmais-je en répondant à son sourire. La seule réalité est que, pour l'instant, nous sommes coincés ici… Mais nous sommes bien incapables de savoir avec certitude que demain nous réserve.

Je levais ma bouteille dans sa direction avant de boire. Il me fut bien impossible de comprendre comment un homme aussi excentrique pouvait être aussi… déprimant. L'instant d'après, Sparrow fut pris d'une certaine agitation. Visiblement, il n'appréciait guère mes petites remarques sur ses capacités à diriger un équipage.

– Oui, enfin… Pour l'heure, vous n'avez de capitaine que le chapeau. Vous n'avez plus ni navire, ni équipage…

Du monde des pirates, je ne savais rien en dehors de ce que j'avais pu lire dans mes livres. Je pensais même que ces derniers étaient dotés d'un certain sens de l'honneur puisqu'ils en étaient même venu à créer le "Code". Ils avaient fondé leur propre société, leurs propres lois qui se devaient de respecter… Ainsi, je pensais sincèrement que si une mutinerie devait avoir lieu, ce n'était que pour lutter contre un capitaine douteux, injuste voire même dangereux.

Il m'interrogea ensuite sur la liberté et les raisons qui pouvaient pousser certains hommes à prendre la mer tandis que d'autres restaient à terre.

– Il ne s'agit pas de liberté, mais de fuite… Fuir la réalité, sa famille, ses responsabilités ou que sais-je d'autre.

Mais je ne saurais dire si cette fuite elle-même ne représentait pas la Liberté. Peut-être, finalement…

Il me demanda alors de lui parler de mes projets d'avenir… Chose qui me fit recracher ma dernière gorgée de rhum.

– Capitaine, voyons… Je suis une femme, la fille du gouverneur… Mes projets d'avenir sont dictés par les autres, je n'ai aucunement le choix. Je suis née pour être exposée comme un vulgaire trophée, Sparrow. Pour ça et rien d'autre.

Je repensais alors aux paroles de Norrington au moment de sa "presque" demande en mariage. "Vous êtes une femme parfaite, Elizabeth." Je savais très bien pourquoi il pensait cela de moi. Je ne faisais pas de vagues, je ne parlais jamais trop fort, je me tenais droite, portait les robes choisies par mon père, même les plus dangereuses. Je représentais le parfait petit objet à exposer…

– Non, Sparrow, ma prison n'est certainement pas plus enviable qu'une autre. Peu importe sa forme, cela reste une prison. J'en ai parfaitement conscience, soupirais-je en souriant tandis qu'il se rapprochait… Et que je me penchais en arrière pour l'éviter.

– Vous parlez de liberté mais à quel prix ? Vous pillez, tuez et volez sans cesses et je suis certaine que j'en oublie. Vous êtes des criminels et c'est bien pour cela que vous méritez la potence. Vous auriez pu choisir une toute autre existence, mais c'est celle-ci que vous avez préféré … Pourquoi ?

J'arrive clairement a sentir le vieux rhum à moitié frelaté m'embrumer l'esprit et les pensées... Il faut dire que la chaleur de ce soleil de plomb n'aide pas a garder la tête froide... Loin il s'en faut.

Que la jeune mademoiselle Swann cherche a nier l'évidence, cela est son problème. Après tout, chacun affronte le deuil a sa façon ! Et si nier était sa façon... Soit, qu'il en soit ainsi !

"Oh ! Demain peut bien nous réserver des surprises il est vrai ! Mais le destin c'est le destin ! Et nous étions fait pour mourir ensemble sur cette île ! Depuis notre première rencontre, nous ne faisons que frôler la mort ! Pas vrai ? C'est absolument indéniable !"

Visiblement elle ne me croyais pas quant aux raisons de la mutinerie de Barbossa... De capitaine je n'aurai plus que le chapeau ? Oubliait elle donc que si j'avais perdu mon équipage et mon navire, c'était de sa faute ? Et qui je n'avais pas parvenu a récupérer le Pearl, c'était également elle la coupable ?

"Si je n'ai pas récupéré le Pearl, perdu mon nouveau navire et équipage, et que je le retrouve de nouveau ici c'est surtout parce que je vous ai sauvé la vie ! Alors vous pourriez vous montrer moins méprisante !"

Je m'approche d'elle, ressentant bien qu'elle fait tout pour rester à l'écart. Suis-je donc si repoussant a ses yeux ?

"Vous pourriez faire preuve d'un peu plus de reconnaissance envers votre sauveur !"

Je décidai ensuite d'écouter ce qu'elle avait a me dire. Ces projets, sa vision du monde, de la vie, de la liberté... Elle en recracha du rhum... Ces sujets étaient donc si difficiles a aborder ? Où avais-je touché un point sensible ?

Elle trouvait normale de voir son existence dictée par d'autres ? Comment de telles pensées pouvait germer dans l'esprit de quelqu'un ? La vie de ces bourgeois était si triste... Même le plus pauvre des mendiants de Tortuga les surpassait ! Et de loin !

"De tout ce que vous me dites, je ne vois qu'une fautive ! Vous même ! Écoutez vous parler ! Qu'est-ce que la société a fait de vous ?"

Je poursuivis de plus belle ! De sa vie elle n'était que la seule responsable ! Et elle était libre de choisir la voie qu'elle désirait elle même tracer ! Il fallait être fou pour se laisser dicter sa destinée !

"Que nenni ! Sur les océans, il n'y a pas toutes vos âneries de règles et d'étiquettes !  Sur l'étendue de la mer, il n'y a que vous qui décidez de votre destin !"

Je termine ma bouteille, avant d'en ouvrir une nouvelle. Faisant le constat que j'avais visiblement une descente bien plus importante qu'elle... Fort heureusement, soit dit en passant. Le contraire eut été inquiétant !

"Sur un navire, vous n'avez pas a vous résigner a être un trophée ! Pourquoi ne pas décider de briser ses barreaux qui vous retiennent prisonnière ?"

Dis-je, tentant par une approche maladroite, une tentative de lui passer un bras autour du cou, a laquelle elle répondit par l'évitement...

"Si vos semblables nous condamne a la potence, ce n'est pas tant pour nos crime que pour une chose qu'il ne saurai nous pardonner ! Et vous savez laquelle ?"

Simple question rhétorique qui n'attend pas vraiment de réponse de sa part ! La réponse est très simple !

"Le fait que nous leur rappelions sans cesse ce qu'il ne peuvent atteindre ! Une véritable liberté ! Voilà ce qui pousse tous ces gens de la marine royale a nous pourchasser ! Bien plus que tous nos crimes !"

Je plonge mon regard dans le sien avant de poursuivre.

"Ils souhaiteraient faire disparaitre le témoignage que nous leur adressons ! Qu'il existe une autre vie que de rester esclave ! La même raison qui vous pousse a me haïr !"

Je fais une pause avant de lui susurrer a l'oreille...

"Je n'aurai pour vous qu'une question ! Si vous avez gardé ce médaillon a l'époque. N'est-ce pas parce qu'au fond les pirates vous fascinent ? Que je vous fascine ?"