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Tous ceux qui errent ne sont pas perdus. [PV Lulu] [+18]

Ezvana
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Ezvana
Ven 8 Nov - 2:29

Méléän Hastros
Je suis un loup-garou, vivant entre la ville et les forêts. Je n'ai pas d'attache, plus de famille, pas d'amis, pas de meute. Je suis un solitaire mais cette situation me pèse. Aucun loup ne choisit d'être un solitaire. C'est juste qu'il n'a pas trouver de compagnon, ou de meute pour l’accueillir. Un renégat. Moi, j'ai du me sacrifier pour pouvoir vivre. Je suis un mercenaire et je survis au jour le jour.

Après des années d'errance, je cherche une âme, une présence. Mais la vie me contraint à vivre de contrat tous plus dégradant les uns que les autres. Mais un jour une mission me met sur la voie de quelqu'un. Elle.


C’était presque s’il entendait le battement de cœur de la fée qui tente de se convaincre que tout allait bien. Le loup quant à lui ne dit rien, se contente de poser l’arrière de son crâne sur le mur, pas vraiment soulagé de l’entendre. Au-delà de l’odeur moite d’une peau enfiévrée, il y avait aussi des notes différentes, plus acide. Celle de la peur notamment. Impossible pour lui de savoir ce que comportaient les rêves de la danseuse, mais il se doutait bien que ce n’était pas un simple cauchemar. Cela devait être plus profond, plus puissant.

Les sourcils se froncent un instant alors que son regard se voile tandis que lui-même plonge dans des souvenirs qui lui laissent un goût amer sur la langue. Tant de fois ses nuits se sont soldés de plaintes et de cris, déchirant de ses ongles devenu griffes des matelas, mordant à plein croc un oreiller innocent. Le corps suant et l’esprit en fureur, il combattait des mirages qui le hantent depuis de longues années, amantes arrogantes qui jamais je le lâche. Souvent, l’odeur de la mort planait dans l’air, s’insinuant dans ses sinus pour lui donner envie de vomir. Des cadavres pleins les bras, le sang coagulé pleins les mains, l’horreur plein la tête. Certains avaient des visages marquants, des expressions de terreur ou de résignation imprimée à même leurs chairs durant leurs derniers souffles, lui donne envie de hurler sa peine et sa rage. D’autres, ne sont plus que des masques flous, portant parfois une odeur, parfois une intonation de voix. Pantin désarticulé contre lui alors qu’il tente de se souvenir de toutes ses forces, juste pour graver sa culpabilité dans son esprit avec une lame émoussé. Il avait pris leurs vies, il méritait d’être vivant dans sa conscience.

Battement de cils alors qu’il retrouve la réalité avec une netteté désarmante. Le bruit du remous de l’eau qui le ramène sur terre avec brutalité. Se redresser un peu, reprendre contenance alors qu’une bouffée de chaleur lui lèche le dos, remonte jusqu’à la racine de ses cheveux. Image de cette peau dénudée, parsemée de gouttelettes de cristal s’évaporant peu à peu.
Il aurait pu en récolter chaque perle de sa langue.
À peine le temps de réaliser qu’elle était déjà là et de se relever qu’elle s’échouer près de lui, s’agenouillant à sa hauteur. Bouffée de parfum qui remonte dans son nez, cette chevelure d’encre qui remue dans le dos en vague humide.
Déglutir bruyamment alors qu’elle est si proche, le touchant de sa peau humide, envahissant son espace vital d’une agression doucereuse. Pourtant, il ne recule pas, tel un animal apeuré. Non, il love sa joue dans le creux de cette paume, ronronne presque de plaisir alors que les yeux se plissent.
C’est presque si la brebis ne lui demande pas d’être mangé.
Et alors il ouvre les bras en grand, propose sa chaleur avec générosité dans un élan de tendresse. Monstre lunaire qui s’ouvre un peu plus à la lumière de la douce fée. Elle se blottit contre lui, si petite, si fragile. Si forte. L’envelopper instantanément de ses bras puissants, comme une armure de chair délicate qui protège le plus précieux trésor au monde.
Le cœur qui tambourine alors qu’elle est tout contre lui, qu’il pouvait sentir ses courbes et les pointes osseuses s’enfoncer dans son corps, la façon dont il percevait son palpitant tel un oiseau affolé. La façon dont le tee-shirt trop grand se collait à sa peau d’été, révélant des secrets qu’il préférait garder pour lui.
Un instant la tête tourne, menace de lui faire perdre raison alors que le parfum est enivrant, que tous ses sens sont en éveil, exacerbé par une fée trop dangereuse pour lui.
Alors un bref instant, il se replie, entoure un peu plus cette femme miraculeuse, frotte son nez contre le cartilage d’une oreille, repousse une mèche humide. C’est presque s’il ne la berce pas en rythme de son cœur se gonflant avec la puissance d’une pompe, un son de satisfaction au fond de la gorge, les yeux regorgeant d’une tendresse particulière.
L’envie de lui dire mille mots, qui ne suffiraient pas à exprimer ce qu’il ressent, l’effet qu’elle lui faisait. Quelle était unique. Qu’elle était belle. Qu’elle était incroyable. Qu’elle lui faisait battre le cœur toujours plus vite. Qu’il la désire ardemment. Qu’au fond de lui il espère.
Mais toujours trop intense le Loup, qui se mord la langue plutôt que dévoiler le feu ardent qui le consumait de l’intérieur.

- Le rouge est l’une de tes couleurs.

Et alors que l’ivresse manque de l’emporter, à nouveau, on le ramène brutalement dans la réalité. L’idée de se nourrir le fait grimacer alors qu’il se redresse un peu, retire le carcan presque étouffant d’une étreinte affectueuse. L’imaginer en train de l’observer dévorant un morceau de viande saignante lui retourne l’estomac, malaise profond d’une nature longtemps refoulée et gardée des yeux trop curieux.

- Je ne mange que la nourriture crue pendant cette période.

Les billes jaunes qui dérivent un instant sur le corps de la féerique contre lui, sous-entendu délicieux que sa faim pourrait être tout autre.
Oh petit biche solaire.

- Mais à l’avenir, je ne dis pas non à une de tes préparations.

Voix basse et douce, tel un aveu à peine formulé. Promesse gravée dans l’avenir, comme s’il voulait tailler à même la roche une évidence qu’il désirait ardemment. Car malgré les épreuves, ils seront ensemble n’est-ce pas ? Ils auront un avenir, même incertains. Ils pourront alors partager des moments d’une banalité affligeante mais qui apaiseront leurs blessures et balayera la solitude écrasante.

- Et au vu de l’heure, petite marmotte, c’est maintenant qu’il faudrait manger.

Demi-sourire, pour alléger la peine de cette nuit mouvementée pour sa libellule. Déposer un baiser sur sa tempe avant de se redresser, les articulations engourdies et les vertèbres craquantes. Rapidement, il se dirige vers le salon et saisit un plaid qu'il entoure autour de Pansy, la gardant dans un brin de chaleur. Le thermostat aussi, qu'il monte doucement pour ne plus voir frissonner la danseuse trop sensible.

D'un pas léger, il va dans la cuisine ouverte, sort rapidement un couteau pour découper des morceaux de fruits avec rapidité. Saisir un quartier de pomme et l'engloutir, avant d'en saisir un autre et de le tendre vers la danseuse. Il connaissait son aversion pour la nourriture alors il se voulait encourageant, comme s'il montrait l'exemple. Jamais elle ne pourrait récupérer totalement son énergie si elle ne mangeait pas. C'étaient des fruits, certainement qu'elle réussirait à ingérer quelques morceaux.
Des noix, des fruits secs. Différents bols contenant diverses offrandes qui n'attendaient qu'eux. Alors il pioche négligemment, se force à avaler des calories. Au moins, son estomac ne se contractait pas avec violence, le laissant en paix. Ce soir avant de partir, il serait obligé de se nourriture de viande pour contenir son envie de chasser.

- J'ai un endroit à te montrer.

Léger sourire, presque timide. Saisir d'une main un bol garnis, de l'autre il prend la main de sa la fée et l'emmène vers la pièce au fond de l'appartement, à côté de la chambre. Pousser la porte et s'avancer avant de s'écarter pour laisser la danseuse s'approcher et analyser la pièce.
C'était un atelier, à l'odeur lourde de bois et de sève, portant çà et là des petits bibelots travaillés de la main du Loup. De la sciure traînait sur le sol, des outils étaient étrangement bien aligné à leurs places.
S’approcher d’un établi, repousser un peu de copeaux de bois d’une main et poser le bol. Croquer un morceau, une raison comme une autre pour satisfaire le besoin de mordre de sa mâchoire alors qu’il est nerveux de dévoiler un pan très personnel de sa vie.

- Je t’avais dit que je travaillais le bois lorsque j’avais le temps. C’est ici que j’œuvre.

Prendre un petit oiseau au marquage brut, le caresser du pouce avant de le reposer alors qu’il tente de s’occuper les mains.

- Ce n’est pas du très grand travail, mais cela me détend.

Se frotter l’arrière de la nuque d’un air gêné.

- Je me suis dit que… Si tu le voulais, tu pouvais t’installer ici pour peindre, si ça te fait plaisir.

Tendre un doigt en direction des achats effectués la veille qu’il avait entreposé contre un meuble. C’était un morceau de nid qu’il lui offrait, la possibilité de s’installer et de faire cet endroit chez elle, installant sa présence un peu partout pour marquer son territoire. Jamais encore, il n’avait présenté ce lieu privé, jamais encore, il n’a fait une telle proposition. Mais pour elle, il était prêt à franchir un autre cap dans son errance trop longue.



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Lulu
Lun 18 Nov - 15:44

Pansy
Doe

Sylphide aux ailes diaphanes se confronte aux années d'une manière bien singulière, échappant à la course effrénée du temps, elle irradie d'une jeunesse éternelle. Son cœur de verre, avide de tendresse, ne demande qu'à vibrer au rythme des mélodies romantiques, mais une pesante solitude le condamne à les savourer à travers le vécu des autres. Derrière le voile de ce nom aux sonorités florales, Pansy dissimule sa véritable identité, étranglée par les années qui passent. Prisonnière d’un cycle infernal : à chaque tombée du jour, elle se dévêt de ses pétales, cédant sa chair aux guêpes insatiables, puis renaît à l'approche de l'aube, revêtant une splendeur éphémère, pour à nouveau se dénuder à la chute nocturne. Elle est le fantôme à l’agonie du Nymphéa, les murs et les planchers, portent les cicatrices de ses griffes et sont imprégnés de sa fragrance étourdissante.

Après des années à survivre seule dans cet enfer, mes rêves semblaient évanouis. Chaque performance me volait un peu plus ma dignité et mon identité. Je pensais devoir les abandonner pour toujours, jusqu'à ce que qu'une histoire de vengeance me mette sur la voie de quelqu'un. Lui.
Dans cette nouvelle pièce, la lumière se faisait plus douce, tamisée par des rideaux épais, à demi tirés sur la fenêtre. Un peu de poussière y flottait, petite neige de grains translucides, mêlée d’autres, plus épais, qu’elle n’aurait su nommer. Mais, en posant les yeux sur les statuettes de bois, elle en devina l’origine.  
La seconde chose qui la frappa, ce fut l’odeur ; bois fraîchement taillé, résine, sève. Cela effleurait un recoin oublié de son esprit, une sensation ténue, à peine éveillée — elle était lente à émerger. Parfum qui tentait de raviver un lambeau de souvenir, d’en extraire quelque chose pour qu’elle le revive, mais il demeurait hors de sa portée, enseveli sous le poids des siècles passés. Une vague de frustration la traversa, mais elle s’évanouit lorsque son regard se posa sur une étagère en bois sombre, soigneusement fixée au mur.  
Là reposaient des sculptures, achevées ou en devenir ; bibelots de bois clairs et sombres, taillés avec une précision surnaturelle. Ses prunelles s’y accrochèrent, fascinées, et son cœur vacilla tendrement. C’était beau. Non, c’était plus que cela ; c’était de l’art. Et ce qu’il acceptait de lui montrer, était comme une fenêtre ouverte sur un autre monde, plus intime et sensible, moins accessible, et ses yeux s’y plongeaient comme des phalènes attirées par la lumière.  Elle distinguait des oiseaux, des loups, des furets, tout un cortège de petits habitants de la forêt. Pendant quelques secondes, elle se crut transportée dans une clairière, tant les statuettes lui paraissaient vivantes. Une vague chaude s’éleva alors en elle, inondant sa poitrine, sans la quitter — comme de l’eau coincée dans la creux d’une roche au bord de l’eau.  
Les mots du loup la suivaient tandis qu’elle avançait dans l’atelier avec un pas prudent, comme si un geste trop brusque risquait de troubler la sérénité du temple. Ses yeux glissaient sur les détails, s’y attardaient avec une admiration croissante. Comme un Dieu, il semblait avoir insufflé la vie elle-même dans la courbe d’un bec, la tension d’une patte, la souplesse d’une queue enroulée sur elle-même. On aurait dit que ces créatures de bois étaient prêtes à bondir hors de l’atelier pour se fondre dans les profondeurs de la forêt.

Péri gracile s’avançait encore, tendant une main hésitante vers un petit renard en bois poli, ses doigts effleurant à peine les contours fins de la sculpture. Le bois était lisse sous sa paume, encore tiède d’avoir été façonné si longuement. Dans son cœur, un battement plus fort — elle avait la sensation d’effleurer un pan de l’âme du loup, de se frayer un chemin dans les replis les plus secrets de son être. C’était un peu un don de lui-même qu’il lui faisait, et elle sentit l’eau chaude et stagnante dans sa poitrine bouillonner d’émoi. Alors, elle releva le nez, dirigeant son minois vers le loup, un peu plus éloigné, et ses yeux se plissèrent sous l’impulsion d’un sourire franc, presque enfantin.
Cet instant lui semblait plus intime que n’importe quel baiser, que n’importe quelle étreinte partagée dans les replis de draps chauffés par la passion. Ses échecs étaient tous exposés à sa vue — il y avait des traits hésitants, imparfaits, comme des mots qui trébuchent sur la langue. D’autres étaient plus lisses et assurés, exécutés avec la certitude de quelqu’un qui, au contraire, maîtrisait ses mots. Dans ces statuettes, fissurées parfois, elle croyait percevoir le battement du cœur du loup. Et à cette pensée, une émotion sans nom lui serra la poitrine, quelque part entre la gratitude et une douleur tendre. Elle voulait toucher ces œuvres, sentir sous ses doigts la rugosité des courbes imparfaites et la douceur des contours achevés. Comme on effleure une peau aimée, où chaque imperfection devient précieuse. C’était cela qui faisait lui, comme ses propres failles faisaient elle. Ce n’était pas un amour de perfection, plutôt de vérité brute.
Elle eut cette sensation étourdissante, inestimable, d’être sur le seuil d’un mystère — celui de le découvrir un peu plus, tel qu’il était réellement. Parce que ses mains, capables de briser, savaient aussi insuffler la vie à ce qu’elles touchaient, avec une minutie rare et une délicatesse insoupçonnée.  
Le sourire de la fée s’élargit, et ses prunelles brillèrent, comme une nuée de lucioles dans la nuit autour d’un lac immobile, lorsqu’il lui confia qu’elle pourrait s’installer ici pour peindre. Se faire une place dans cet espace si intime, y laisser son empreinte, sa chaleur, une trace d’elle, comme il le faisait avec ses sculptures.  
Avec une délicatesse presque sacrée, elle reposa la statuette du renard à sa place, sur l’étagère, puis revint vers lui. À sa hauteur, ses lèvres lui brûlaient. Elle aurait voulu emprisonner son visage rude entre ses mains et l’embrasser avec la force du brasier qu’il avait éveillé en elle. Soleils brillaient de ce feu qui devenait de plus en plus difficile à contenir à mesure qu’elle le découvrait, à mesure qu’il lui dévoilait, morceau par morceau, des fragments de lui-même.

— « Merci », souffla-t-elle, ses yeux rivés sur lui comme les pétales d’un tournesol l’étaient vers le soleil.

Ce mot, pourtant simple, pesait lourdement sur ses lèvres, sur sa langue, dans l’air qui les entourait. Parce qu’il y avait, dans ses yeux, une reconnaissance si colossale qu’elle aurait pu inverser le cours des marées, retourner la terre sur son axe. Il lui faisait une place, près de son cœur — à elle qui s’était épuisée jusqu’à s’oublier, dans l’espoir de capturer une lueur, un regard posé sur autre chose que les courbures mortifères de son corps. Et elle ne lui avait même pas encore offert le fruit défendu ; pourtant, déjà, il lui donnait un pan de son âme. Avec lui, elle n’était pas qu’un corps voué à être consumé, dévoré avec l’avidité d’un repas volé, puis oublié dans la minute. Elle était un être entier, avec des désirs qu’il voyait, qu’il comprenait — des désirs auxquels il se montrait prêt à répondre. La preuve en était là, dans cet atelier où il l’invitait à renouer avec une passion qu’elle avait crue morte.

— « J'aimerais bien apprendre à faire ça un jour, sculpter », dit-elle, laissant son regard dériver de l’œuvre en cours pour s’échouer sur la statuette qu’il tenait entre ses mains rugueuses.

Elle savait que si elle continuait à le fixer, elle risquait de ne plus trouver la patience d’attendre l’arrivée de la lune pour lui chanter son affection.
Il y avait, mêlée à sa curiosité, une envie sincère : celle de partager un jour, peut-être, un moment, une passion, avec lui. Mais elle savait qu’elle pourrait se contenter de peindre en silence à ses côtés, de jeter des coups d’œil fascinés à ses sculptures sans jamais s’imposer. Elle reprit son bol de fruits, en avala quelques morceaux. Le goût sucré fondit sur sa langue et vibra dans tout son être, faisant frémir son aile unique. Une habitude qu’elle avait toujours eue — ses émotions trop vives se muaient toujours dans ce mouvement instinctif. Bientôt, d’ici quelques heures, elle retrouverait sa seconde aile. Ce moment, elle l’attendait impatiemment, désireuse de remplacer ce vide qui la poignardait à chaque geste, et qui lui rappelait inlassablement pourquoi, elle l’avait perdue, ce qu’elle avait toléré au nom d’une vengeance illusoire.
Elle avala un nouveau fruit pour chasser cette pensée, comme on chasse d’un revers de main un insecte agaçant. Elle savait pourtant que son visage viendrait hanter sa nuit, et qu’une fois ses paupières closes, elle serait forcée de confronter ces traits tirés par la rancœur.

— « Si je peins, tu voudrais peindre avec moi ? Ou peut-être faire autre chose », ajouta-t-elle en jetant un regard furtif à la statuette dans ses mains. « J’aimerais peindre l’une de tes sculptures, si tu es d’accord », ajouta-t-elle enfin, levant vers lui un sourire sincère.

Rendre ces heures à venir légères avant que la forêt et sa magie ne les réclament.
Ezvana
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Ezvana
Jeu 5 Déc - 1:18

Méléän Hastros
Je suis un loup-garou, vivant entre la ville et les forêts. Je n'ai pas d'attache, plus de famille, pas d'amis, pas de meute. Je suis un solitaire mais cette situation me pèse. Aucun loup ne choisit d'être un solitaire. C'est juste qu'il n'a pas trouver de compagnon, ou de meute pour l’accueillir. Un renégat. Moi, j'ai du me sacrifier pour pouvoir vivre. Je suis un mercenaire et je survis au jour le jour.

Après des années d'errance, je cherche une âme, une présence. Mais la vie me contraint à vivre de contrat tous plus dégradant les uns que les autres. Mais un jour une mission me met sur la voie de quelqu'un. Elle.


Des yeux qui semblent briller plus que le soleil, disques dorés vibrant d'une émotion qui le transperce de part en part, menace de faire sombrer chacune de ses barrières qui fondent comme neige au soleil. Comment ne pas plonger à l'intérieur de ses billes rayonnantes et sentir la chaleur le consumer de l'intérieur, craquelant la glace centenaire. Battement de cœur devenu sourd, d'une puissance oubliée tel une cloche sonnant le retour de quelque chose laissée au passé. Cela le fait vibrer de l'intérieur, contracte tous ses muscles et fait trembler les os.
La bouche entrouverte pour mieux respirer alors qu'il se sent défaillir, qu'il lutte intensément pour ne pas que ses genoux flanchent sous son poids, incapable de subir la bataille sans y laisser du poil. La souffrance est là, comme toujours, enveloppant son palpitant d'une caresse remplis d'épine, semant les graines du doute et de l'incompréhension dans chaque faille saignante de ce muscle trop grand. Et pourtant, il se gave de ce nectar radieux, ne quitte pas ce visage tant aimé pour plonger encore plus loin dans des replis de parfums doucereux. Cela remue en lui, déloge les anguilles froides qui c'étaient lovés avec le temps, parsemant à leurs départs des étincelles mordoré qui ravivent des sentiments délaissés. Des sentiments trop longtemps mis de côté gonflent ses poumons, ne peuvent que plisser ce regard jaune de petites ridules d'expressions.

Curieuse sensation pourtant qui remue dans son estomac, alors que le remerciement est soufflé, le balaye et le rend flageolant. Comme l'impression de comprendre l'importance de ce simple mot, ce qui le percute de plein fouet avec la délicatesse d'un soupir. Ébullition de ce regard jauni par la Bête qui exprime tout ce que la bouche muette retient.
Pour Elle, il trouvera le meilleur terrier pour l'abriter du froid. Pour Elle, il hurlerait à la lune des chansons d'amour éternel. Pour Elle il cueillerait les meilleurs fruits. Pour Elle il lui offrirait l'abondance pour qu'elle ne manque jamais de rien. Pour Elle, il protégerait leur nid à coup de crocs. Pour Elle, jamais il ne faiblirait et fléchirait l'échine.

Le ventre creusé alors qu'il expire longuement, tente de chasser la douce chaleur qui l'enveloppe pour retrouver un esprit plus calme et moins… Passionné. Déglutir aussi, alors que la tentation pèse sur sa langue et manque de l'étouffer. Trop enthousiaste le Loup, qui peine à retrouver la terre ferme tant ses émotions s'emballent. Trop intense, comme toujours, malgré ce masque de neutralité qu'il perd en la présence de cette fée trop attachante.

Nerveusement, il fait tourner le morceau de bois entre ses doigts et enfin l'attention est détournée. Presque soulagé le Gardien qui ne sait pas comment s'en sortir tout seul, mais qui affiche un léger sourire.

— « Nous aurons tout le temps pour que je t'apprenne à donner vie à du bois », souffla-t-il du bout des lèvres.

C'est à peine s'il ose la regarder maintenant, presque intimidé par la portée de ses propres paroles. Comme s'il avait encore peur que l'agneau s'enfuît en sentant ses espoirs, lui le Loup esseulé qui porte encore les marques de ses affres nocturnes sur les babines.

Sa générosité, il avait tenté de la perdre tant de fois, le cœur arraché à chaque morceau emporté par une nouvelle morsure d'une personne avide. C'était plus facile de se fondre dans la peau d'un tueur, d'un être vide d'émotion. Pendant de longues années, il s'était perdu, à errer dans le noir sans la moindre once de lumière pour égayer ce chemin rempli de cendre, ou chaque pas ne faisait que soulever un nouveau nuage de poussière qui se colle à ses poumons. Il avait endossé le rôle du parfait mercenaire, tantôt meurtris, tantôt manipulateur, toujours un masque sur le visage, essayant de contrôler une neutralité qui lui rongeait les intestins. Il a alors tenté de se protéger tant bien que mal, se confortant dans des pensées mortifères, essayant de se convaincre qu'il n'y avait plus rien dans ce monde qui l'empêchait de sombrer totalement. Pourtant le voilà qui s'ouvre à nouveau, claudiquant vers le soleil pointant à l'horizon, les yeux larmoyants devant tant de luminosité.
Parce qu'il s'était oublié. Passer outre sa véritable nature d'aimer l'astre jaune.

Rougeur presque étrange qui lui mange la nuque alors qu’elle lui propose de peindre, lui qui n’avait jamais tenu un pinceau de sa vie. Trop décontenancé par cet art depuis toujours, il n’oserait même pas s’étaler devant une personne capable de maîtriser un crayon. Il avait des bases de proportions grâce à ses sculptures, mais pour le reste, c’était le presque le néant.

— « Prends celle que tu désires, mais elles ne sont pour la plupart guère plus qu’un défouloir pour mon esprit trop rempli de pensées. Elles n’ont guère de valeur. » Énonça-t-il d’une voix neutre. Il repose la statuette avant de la briser d’une pression trop importante. « Pour le reste, je préfère sculpter. Et si cela ne te dérange pas, je t’observerai. J’apprendrais ainsi, si tu es d’accord. » Ajouta-t-il avec un demi-sourire.

Déjà il s’active, vient chercher ce tréteau de peintre qu’il dresse dans la pièce, là où la danseuse pourrait être à l’aise tout en ayant une bonne lumière du jour, face à un plan de travail vide pour le moment. Déballer les autres affaires, allant même jusqu’à chercher un verre avec de l’eau au cas où elle en aurait besoin. Il ne savait pas vraiment quel type de peinture elle pouvait utiliser, mais cela rassure sa conscience enfiévrée de vouloir bien faire. Puis il la laisse prendre place, prenant l’espace dont elle avait besoin, s’éveillant dans un territoire qui l’accueillait volontiers.
Saisir cette enceinte portative qu’il place à l’entrée et activer la musique, en fond sonore sans devenir envahissante. Cela l’aide à canaliser ses pensées vagabondes, lui permet de ne pas s’éparpiller et de glisser dans les méandres de son imagination torturée, traçant un chemin à sa psyché pour ne jamais dévier. Cela comblera les silences ponctués de raclements, arrondissant les angles d’une intimité encore nouvelle.

Le Gardien quant à lui, saisir un morceau de bois traînant sur un petit monticule qui attendait sagement dans un coin de la pièce. Négligemment, ses doigts caressent la surface rugueuse, comme si le contact de cette matière noble le rassure, l'emmène ailleurs un bref instant. Méditatif le Géant, qui laisse les idées l'effleurer avant d'en saisir une avec un léger sourire. Prenant une plane, il vient découper son bois à une dimension adéquate, laissant ainsi les notes boisées envahir l'espace, les copeaux s'accumuler un peu plus à terre.
Assis sur son tabouret, penché sur son plan de travail, le Loup semble décontracté, totalement concentré sur son travail comme si plus rien n'existait. L'Aperçus former dans son crâne lui plaisait suffisamment pour que l'investissement en vaille la peine, pourtant aucun tremblement ne vient perturber les allés et venus des mains trop grandes. Maîtrise froide d'une patience forgée à même la pierre, polis année après année par les tempêtes impitoyables qui l'entourent. Parfois, il relève le regard, jette un coup d'œil à la danseuse pour admirer la courbe de son pinceau, la façon dont elle jouait avec les lumières.
Ainsi il saisit le ciseau à bois et commence à former une étrange forme géométrique, longue et large sur le milieu, taillant déjà le surplus grossièrement. Souvent, un pouce passe sur une arête, comme pour vérifier l'angle alors qu'aucune note n'est inscrite sur son œuvre. C'était ce qui faisait le charme de son travail parfois grossier mais authentique, tout était fait à l'œil, par ressentit. Après tout, rien n'était parfait. Même dans la nature il y avait des étrangetés, des dissonances. Une rémige plus longue que de l'autre côté, un nombre de vibrisses impairs sur une babine, un croc manquant dans une gueule ouverte.
Le Loup se laisse donc porter par ce qu’il voyait clairement derrière ses yeux. C’était apaisant ce moment de calme après une tempête si tonitruante. Une paix retrouvée même brièvement qui apaise un peu l’âme tourmentée du Lycan qui se laisse vite absorber par ses problèmes. Rien que le raclement de ses ustensiles sur le bois, le frottement du pinceau sur la toile, leurs respirations et parfois leurs coups d’œil échangés furtivement, comme des adolescents encore maladroits de sentiments naissants. Prendre souvent un morceau de fruit, quelques noix.
Et puis parfois, la musique qui fait résonner des paroles qui donnent une rougeur, un frisson.

« They never wanted me to find you
Told me you can’t fight against fate
But I get the feeling I’ve been lied to
Every time that we touch
»

Un instant il ne frotte plus le bois, le mouvement suspendu, les yeux fouillant le vide en tentant de comprendre pourquoi son estomac se serre, pourquoi son poil se hérisse à ses mots qui lui caressent le cœur et l’échine. Souffler longuement, chassant les frémissements imprévus, avant de nouveau racler sa figurine qui prenait vie peu à peu, laissant déjà voir les traces de l’animal ailée au bout de quelques heures de travail. Lentement, le soleil descendait, illuminant la pièce de différentes luminosités. Par moments, le Loup s’absente, va chercher de l’eau fraîche, un chocolat chaud pour le quatre-heures de sa protégée, d’autres morceaux de fruits qui pourront à peine le satisfaire avec son appétit de loup qui s’aiguise à chaque heure passée. Discret, presque silencieux, pourtant, il était prévenant et attentionné, attentif à ce que la danseuse ne s’épuise pas. Alors malgré lui, parfois, il tend l’oreille, prête attention à l’odeur qu’elle dégageait, la regarde le plus discrètement possible pour vérifier la ligne de ses épaules.
Et alors l’envie de se rapprocher et de déposer un baiser sur l’arc de son cou le fait trembler.

Déglutir. Balancer au loin toutes ses craintes et les sueurs froides qui l’empêchent d’agir alors qu’il se lève, s’approche de la douce d’un pas lent, pour maîtriser sa nervosité grandissante. S’intéresser tout d’abord à son œuvre, admirant la courbe de la peinture, des proportions retranscrites, cette façon dont les angles sont si bien retranscrits. Se pencher un peu en avant, comme pour mieux observer le travail alors que c’était juste une excuse pour être plus près d’elle.
Jusqu’à lui effleurer la peau.

Y voir une réaction qui remonte en doux frissons le long de sa colonne vertébrale, aiguise l'appétit du Loup qui demande toujours plus de proie.

— « Tu es décidément doué dans beaucoup de domaines. » Énonça-t-il d'une voix gourmande, presque trop chaleureuse, tandis que son regard dérive sur l'arc d'une joue si proche de sa bouche. « Tu pourras l'accrocher ou tu voudras. » Murmura-t-il d'un ton convaincu.

Sceller cette envie de l'avoir partout autour de lui, qu'elle soit intimement imbriquée dans sa vie sans qu'elle ne puisse s'en défaire.
Car le piège se referme, n'est-ce pas ? Tu fais tomber les chaînes qui te retenaient, tu brises les liens que tu avais pourtant mis il y a si longtemps de cela. Tu t'en souviens ? La raison d'une telle protection.
Pour toi… Ou pour Elle ?


La pointe de ce nez qui effleure le duvet d'une joue, cette façon dont les lèvres se déposent délicatement en un baiser fugace avant de vite s'écarter avant que l'avidité ne le fasse saliver. S'éloigner pour venir chercher le début de son œuvre, encore maladroite, mais où on pouvait déjà lire les contours nets d'une libellule.
Un léger sourire, des yeux jaunes brillant d'un éclat particulier, qui voulait tout dire.



Lulu
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Lulu
Hier à 17:48

Pansy
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Sylphide aux ailes diaphanes se confronte aux années d'une manière bien singulière, échappant à la course effrénée du temps, elle irradie d'une jeunesse éternelle. Son cœur de verre, avide de tendresse, ne demande qu'à vibrer au rythme des mélodies romantiques, mais une pesante solitude le condamne à les savourer à travers le vécu des autres. Derrière le voile de ce nom aux sonorités florales, Pansy dissimule sa véritable identité, étranglée par les années qui passent. Prisonnière d’un cycle infernal : à chaque tombée du jour, elle se dévêt de ses pétales, cédant sa chair aux guêpes insatiables, puis renaît à l'approche de l'aube, revêtant une splendeur éphémère, pour à nouveau se dénuder à la chute nocturne. Elle est le fantôme à l’agonie du Nymphéa, les murs et les planchers, portent les cicatrices de ses griffes et sont imprégnés de sa fragrance étourdissante.

Après des années à survivre seule dans cet enfer, mes rêves semblaient évanouis. Chaque performance me volait un peu plus ma dignité et mon identité. Je pensais devoir les abandonner pour toujours, jusqu'à ce que qu'une histoire de vengeance me mette sur la voie de quelqu'un. Lui.
Le baiser se répandait en une onde douce, similaire à celles qu’un léger caillou fait naître en ricochant sur l’eau. Elle avait parcouru toute son enveloppe avide de cette chaleur, et ses remous firent frissonner la frêle fée, qui n’avait jamais été habituée à des contacts aussi timides et brefs — mais ils ne l’ennuyaient pas, non. C’était une nouveauté qu’elle découvrait à ses côtés, un trésor dont elle avait été privée depuis toujours. Elle ressentait cette petite pointe de frustration qui accompagnait ces attentions délicates, légères comme les ailes d’un papillon, mêlée à cette sensation contraire ; une vague douce et chaude enveloppant tendrement son cœur frémissant. Entre frustration et une étrange plénitude. Entre désir et satisfaction.
Il y avait tant de sensations qu’elle découvrait là, au bout de ses lèvres derrière lesquelles se dissimulait une rangée de crocs acérés, au bout de ses doigts qui avaient ôté la vie de tant d’inconnus, contre ce corps marbré de cicatrices, au contact de ce souffle que certains craignaient de sentir glisser sur leur nuque. Des sensations grisantes, douces, qui la rendaient ivre de lui. Et ses prunelles roulaient, à la fée, vers ce corps massif aux épaules voûtées, penché sur une petite table d’atelier. Ses yeux brillaient comme des soleils, inondant de lumière ces amandes qui caressaient en silence le loup dès que son attention se détournait des volutes colorées peintes sur la toile. Il y avait à la fois le plaisir de faire ce qu’elle aimait à ses côtés, de se sentir suffisamment en confiance pour baisser sa garde et lui livrer son jardin secret. Mais aussi cette envie entêtante de s’échouer contre lui, de brûler sa peau de baisers et de caresses à la hauteur de l’incendie qu’il avait allumé en elle depuis leur rencontre. Elle se souvenait, perdue dans cette ruelle mal éclairée, avoir adoré se perdre dans son ombre et avoir désiré y rester bien plus longtemps que le temps de quelques échanges courtois. Et maintenant, elle avait l’impression d’effleurer cet idéal du bout de ses doigts devenus avides.
La féline aux ailes diaphanes se mit à danser dans la pièce, pour finalement s’échouer, non pas derrière, mais aux côtés du loup, absorbé de nouveau par son art. Ses prunelles curieuses détaillaient la statuette chétive qui prenait peu à peu forme sous ses doigts habiles, et elle en reconnut les courbes. Un sourire franc étira ses lèvres, les lueurs dans ses yeux s’intensifièrent. Elle était profondément touchée qu’il l’intègre, d’une certaine manière, à son art, à son refuge. Et alors, son cœur déploya toute sa chaleur, comme une fleur ses pétales sous un soleil au zénith. Elle frissonnait, s’enivrait de cette tendresse, de cet émoi qui l’électrisait tout entière. On ne l’avait jamais admirée comme lui l’admirait. L’arête de son nez glissa sur sa pommette légèrement rugueuse, s’échoua sur sa mâchoire et s’arrêta juste avant de s’aventurer dans son cou, malgré l’envie pressante. Il ne se doutait pas combien elle souhaitait lui transmettre tout ce qu’elle portait dans le cœur, déverser ses sentiments sur sa peau marquée comme elle le ferait avec de la peinture sur une toile vierge. Comme elle l’avait déjà fait sur cette toile, maintenant abandonnée derrière elle.
Couverte de formes imparfaites, colorées mais intimes, elle laissait deviner, dans ses arabesques indistinctes, les contours doux comme ceux d’un nuage ; une forêt colossale, insondable. Une silhouette sombre y errait, seuls détails distincts ; deux orbes dorées et perçantes. Mais elles n’avaient rien d’inquiétant. La créature clopinait librement sur son territoire, humant ce qui semblait être de la mousse fraîche. Il émanait de cette scène une certaine quiétude ; c’était le reliquat d’un souvenir lointain, à l’époque où tout était doux, mêlé à un présent, où le quotidien commençait doucement à revêtir cette douceur, cette insouciance, cette tranquillité pourtant perdues depuis des siècles.
Car elle s’était rappelée avoir aperçu un loup, lorsqu’elle n’était qu’une jeune fée. Mais ce n’était pas vraiment lui qu’elle voulait représenter. Plutôt un qu’elle apprenait lentement à connaître, qu’elle commençait à pouvoir approcher. Peut-être qu’à partir de ce soir, elle cesserait de le contempler d’un œil tendre et avide. Peut-être que plus rien ne la maintiendrait éloignée de lui. Même si elle savourait aussi cette chance de l’admirer dans sa tranquillité, sa garde baissée ; là, au cœur de son atelier.
Ses lèvres remontèrent, frémirent d’un éclat joueur lorsqu’elles effleurèrent la courbe d’une oreille froide, tendue vers elle comme si elle l’écoutait déjà.

— « Je pourrais te servir de modèle, pour les ailes », souffla-t-elle, audacieuse, tandis que ses doigts fins glissèrent doucement sur les siens, plus épais, qui tenaient encore la statuette.

Son index caressa tendrement l’une de ses phalanges, marquée de fines cicatrices, souvenirs d’histoires qu’elle n’avait pas encore entendues — et qu’elle n’entenderait jamais, sûrement. Elle pourrait, oui, elle pourrait, lui dévoiler ce qu’elle avait de plus précieux, avec son cœur babil. Maintenant ? Elle n’avait qu’une aile, un peu molle mais toujours fermement attachée à son dos. Demain, peut-être, elle aurait quelque chose de plus grandiose à lui offrir. Elle espérait revoir ses ailes d’antan, élégantes et éthérées. Elles seraient peut-être même un peu plus grandes que celles de son enfance — ailes juvéniles qui n’avaient jamais eu la chance de s’épanouir, confinées dans des espaces trop étroits.

— « À moins que la possibilité d’entrevoir un bout de peau, ou la courbe d’un sein ne t’effraie, petit loup », murmura-t-elle, amusée, et un sourire effleura ses lèvres, joueur.

Il n’était pas entré dans la salle de bain, et elle se souvenait qu’aux sources chaudes, il avait soigneusement évité de poser les yeux sur sa nudité. Une pudeur qu’elle n’avait pas encore tout à fait déchiffrée — une attitude étrangère, mais qui ne la dérangeait pas pour autant. Non, elle l’intriguait, la fascinait même. Elle percevait là une forme de respect, inattendue et bienvenue.
Son index remonta doucement le long du sien, effleurant sa main jusqu’à s’échouer sur le dos de celle-ci.

— « Je serais ravie de n’avoir, comme présence sur mon corps, que tes yeux. »

Le désir jaillit de ses lèvres, comme une pierre dévalant le flanc d’une montagne, et qu’aucun n’aurait la force d’en stopper la chute. Sous son regard, elle se sentait protégée, à l’abri de tout — sauf de lui. Et c’est cela qui lui plaisait. Elle voulait cet abri, loin du tumulte du monde, où le chaos régnait sans relâche, où les cruautés s’enchaînaient comme les vagues s'écrasaient inlassablement sur le rivage. Elle voulait n’être qu’avec lui, cachée dans cet espace qu’ils construiraient doucement ensemble, loin d’un monde qui n’avait fait que les heurter, les blesser, les diminuer. En attendant qu’il devienne meilleur. Ou pour toujours, s’il s’empirait.
Quand il l’admirait, toutes ses angoisses — si tenaces d’ordinaire — et toutes ses pensées assassines semblaient se dissoudre sous la lumière dorée de son regard. Il était son soleil en plein hiver, le rayon qui réchauffe les rebords givrés d’une fenêtre, sous lequel on se prélasse, s’imaginant dorloté par un été encore si lointain.

Et puis, en songeant au soleil, la fée nota que ses rayons disparaissaient peu à peu de l’appartement, laissant l’obscurité envahir chaque recoin, engloutissant même leurs silhouettes. Lentement, ses doigts quittèrent cette peau brûlante comme de la lave, et elle se redressa pour observer le soleil s’effacer doucement.

— « Je crois qu’on ne devrait pas tarder à partir, » souffla-t-elle, pensive.

Commencer le trajet, atteindre le cœur de la forêt et se baigner dans les lueurs de la lune, comme on le ferait dans un bain chaud. C’était du moins ce qu’elle imaginait ressentir, en s’abandonnant à la magie curative de la lune. Elle n’avait jamais essayé, jamais été en contact avec ce pouvoir étranger à son espèce, sinon seulement effleuré par l’intermédiaire de Lili. Pourtant, elle espérait qu’en dépit de la distance, la magie de la lune suffirait à la soigner entièrement — même si une guérison complète signifiait aussi que les desseins machiavéliques de Wraith et de ses sorciers pourraient s’accomplir. Cette pensée lui effleura l’esprit, mais elle choisit de la laisser s’évanouir au lieu de la retenir et de s’y attarder. Cette journée avec le loup avait réussi à la détendre assez pour qu’elle échappe à ses ruminations.

— « J’ai le droit à un habit de plus pour sortir ? » demanda-t-elle, avec un sourire complice. « Ou l'idée que des regards étrangers puissent lorgner mes cuisses, voire plus, ne te dérange pas ? »

Sonder les limites du loup ; raviver peut-être un peu de cette possessivité, qu'elle avait pu entrevoir dans la boulangerie, hier matin — et dont elle avait apprécié, découvrir les contours timides. Une première ouverture, comme une porte qu'on laisserait légèrement entrebâillée, vers une éventualité qu'elle avait envie de lui partager ; celle de peut-être, lui appartenir un jour toute entière. Avoir ton odeur sur ma peau, plus présente encore que celle laissée par l'un de tes hauts gentiment prêtés.
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