Elle essaie de s’approcher, le prendre dans ses bras, mais le jeune homme recule immédiatement, fuyant son étreinte, fuyant sa proximité, sa présence même, baissant les yeux pour ne pas même avoir à la regarder. Et ça fait mal. Ça fait mal de sentir cette fêlure entre eux, cette brisure dont elle ignorait l’existence et qui, pourtant, ne date pas d’hier, pas même de maintenant. Elle ne s’en rendait pas compte avant, ou elle ne voulait pas le voir, mais depuis combien de temps se considère-t-elle l’amie d’un homme qui attend plus d’elle, bien plus, et ne peut pas totalement tout le confier, tout lui dire, comme on le fait à sa meilleure amie ? Si Andrej ne le lui avait pas dit, elle ne saurait pas le dire, le quantifier. Maintenant qu’elle est au courant, elle sait qu’il y a longtemps qu’elle a faillit dans sa tâche de meilleure amie, en ne pouvant pas vraiment l’être. Juste une mascarade. C’est au moins comme ça qu’elle le sens, le ressent. Comme une vérité qui lui explose au visage et qui emporte tout sur son passage, qui détruit tout ce en quoi elle croyait, tout ce qu’elle pensait être fixé.

Il atteint le mur en se reculant, se laissant glisser contre lui, s’arrachant les cheveux de moitié en lui demandant de le laisser. Non, ça ne va pas mieux maintenant. C’est loin d’aller mieux. C’est simplement que, maintenant, elle n’est plus aveugle à ce qui se passe. Aux raisons de ses réactions, de son mal, de cette fracture entre eux qu’elle n’aurait pu décrire, définir, il y a encore quelques heures. Non, ça ne va pas mieux maintenant. Et elle ne peut pas affirmer que ça ira vraiment mieux un jour. Peut-être qu’Andrej avait raison. Peut-être qu’elle n’aurait pas dû venir. Pas avant d’être prête, pas avant de savoir ce qu’elle allait dire, pas avant d’avoir pu réfléchir à tout ça. Mais attendre aurait-il pu changer quoi que ce soit à la détresse d’Hannes comme à ses propres tourments ? Probablement pas.

"- Fait pas ça…" souffle-t-elle quand il la repousse de nouveau, lui demandant de partir, usant d’un surnom qu’il n’avait plus usé depuis des années et qui brise son coeur, le lacère, comme il lui renvoie en pleine figure tout ce que ce qu’elle a apprit aujourd’hui signifie vraiment.

Elle s’approche du mur, venant s’asseoir avec lui, se laissant glisser elle aussi contre celui-ci, fixant un point dans le vague en l’écoutant pleurer, cherchant des mots qui ne viennent pas, toute aussi impuissante à le consoler qu’à se réconforter elle-même. Quand elle risque un regard, en coin seulement, son coeur s’étreint et, lançant le bras, elle suspend son geste, n’osant plus l’envelopper aussi spontanément qu’elle aurait pu le faire avant, avant de savoir tout ça, laissant simplement son bras retomber, ignorant ce qui était le mieux. L’enlacer ? Ne pas le faire ? Quel serait le geste qui provoquerait le moins de dégâts, alors qu’elle se fait l’impression de marcher sur des œufs ? Elle n’en sait rien. Et ne pas pouvoir agir normalement avec lui, ne pas pouvoir être l’amie qu’elle a toujours été, est une douleur inexplicable, inqualifiable.

Elle passe ses bras autour de ses genoux, ramenant ceux-ci contre son buste en se recroquevillant sur elle-même, coulant un regard dans sa direction, écrasant ses propres larmes d’un revers de la main. Deux épaves. Ils n’étaient pas mieux que deux épaves perdues dans la même tempête, dont ils ne savaient s’extraire. Pourtant, il fallait bien que l’un d’eux en trouve la force, ne serait-ce que pour ne pas laisser sombrer l’autre. Et il était évident que ce devait être elle, parce qu’il n’était pas en état de le faire.

"- J’veux pas t’perdre…" qu’elle souffle au terme de longues minutes de silence, reniflant, quand bien-même elle sait, au fond d’elle, que d’une certaine manière, elle l’avait déjà perdu. Que rien ne pourrait jamais plus être comme avant.

Évidemment que ta demande était vaine. Évidemment qu’elle s’est posée à tes côtés, montrant que quoi qu’il arrive, elle est là pour toi. Pourtant, il n’y pas de contact. Il y a un vide entre vous. Il n’y a pas sa main sur ton épaule ou ses bras autour de tes épaules comme il y a toujours eu avant. Tu le sens. Tu craignais ça, cette gêne que tu aurais pu créer alors que pendant quinze ans, tout allait bien. Tu finis doucement par redresser la tête, amorphe, les yeux rouges. Tu renifles doucement sur ton genoux, cachant à moitié ton visage par tes bras qui entourent tes jambes.

Tu lâches des hoquets, essayant de te calmer. Tu ne lui adresses pas un regard, trop effrayé de voir le sien, de voir la peine que vous êtes en train de créer l’un pour l’autre. Trop effrayé de voir la pitié qu’elle voudrait t’offrir, qui pourrait te relancer dans les pleurs, dans les larmes. Tu détournes le regard, une nouvelle fois, être sûr qu’elle ne te voit pas aussi bas. Tu fermes les yeux en entendant sa dernière phrase, peut-être celle qui fait le plus mal au final de toute cette discussion. La perdre… C’était ton angoisse la plus primaire… Tu renifles de nouveau.

- C’est… C’est pour ça que… Que je voulais rien te dire…

Tu reviens face à toi, le regard plongé vers le sol alors que doucement, les paroles viennent toutes seules, tes émotions portant enfin des mots, des mots qui attendaient bien des années à sortir.

- Je voulais pas… Que tu t’imagines des trucs… Ou que… Que tout ce que je faisais était calculé… Non..

Tu secoues la tête avant de reprendre.

- J’ai jamais… J’ai jamais voulu ça… Pour moi… Bah, j’ai toujours été ton ami et j’ai toujours… Fait comme ça. Parce que c’était le mieux pour moi pour… Pour pas te perdre et… Si… C’est ce que tu voulais, ça te rendais heureuse… Bah, j’ai jamais voulu plus que ça… J’ai jamais demandé à ce que ça change pour mon propre… Plaisir égoïste… Je veux pas te… Te forcer, je… Je veux juste…

Tu relèves les yeux péniblement vers elle.

- Te rendre heureuse…

Il ne voulait pas que son avis sur lui change, qu’elle en vienne à suspecter que tout ce qu’il faisait était calculé, que ça manquait de spontanéité. Il ne voulait pas qu’elle devienne méfiante vis-à-vis de lui, de ses mots, de ses actes, de son soutien. Il avait eu peur que, dès lors qu’elle découvrirait la vérité, elle ne pourrait plus se comporter avec lui comme elle l’avait toujours fait et d’une certaine façon, elle comprend pourquoi il a nourri cette peur alors qu’en effet, elle ne sait pas comment se comporter maintenant, avec lui. Mais ce n’est pas tant d’avoir découvert qu’il était amoureux d’elle qui la perturbe que de savoir que cela fait des années et qu’il n’a rien dit. Des années qu’il ne lui a pas permis d’être vraiment présente pour lui, de vraiment remplir son rôle de meilleure amie. Des années d’un mensonge par omission qui la laissent pantoise. Elle comprend. Mais forcément, cette découverte est compliquée, difficile à encaisser. Parce que ça remet pas mal de choses en perspective malgré tout. Parce qu’elle sait, aussi, que plus rien ne sera comme avant. Qu’elle ne pourra jamais plus oublier que leur relation n'est plus tout à fait celle qu’ils ont battit au commencement.

"- J’aurais jamais pensé ça de toi, Hannes…"

Aurait-elle un jour pu penser que ce qu’il faisait était forcément intéressé ? Non, elle ne l’aurait jamais cru. Elle ne le croit pas plus maintenant. Ce n’est pas ça qui l’affecte, c’est tout autre chose. C’est cette impuissance qu’elle a ressentie toutes ces années à ne pas comprendre pourquoi son meilleur ami n’obtenait pas le bonheur qu’il méritait. C’est cette impuissance à ne rien pouvoir faire pour l’aider. C’est d’accueillir sa douleur tout en se rendant compte qu’elle en est bien malgré elle responsable.

"- Mais ça te rendait malheureux…" souffle-t-elle comme il affirme n’avoir toujours voulu que son bonheur, lui avoir caché la vérité pour cette raison, pour qu’elle n’ait pas à souffrir de perdre cette amitié sur laquelle elle comptait. "Je suis… tellement désolé… de ne jamais avoir compris…"

Elle l’avait laissé souffrir. Malgré elle. Pire encore, elle avait été responsable de sa douleur, de ses maux, des échecs de ses relations. Elle était déjà un désastre pour les siennes, pourquoi avait-il fallu qu’elle soit une catastrophe pour celles de son meilleur ami aussi ? Elle pousse un soupir, passant un bras hésitant autour des épaules du bibliothécaire.

"- Je sais que tu me forcerai jamais." souffle-t-elle, se risquant à déposer un baiser sur sa tempe, sans trop savoir comment il l’accueillera.

Elle reste silencieuse quelques instants, perdue dans ses pensées, dans les errances de son cœur, perturbée par ces révélations, par cet amour qu’elle découvre, par cette douleur qu’elle impose à son meilleur ami. Par cette relation qui, même s’ils ne veulent pas qu’elle change, change forcément. Ils ne sont plus seulement amis. Il y aura toujours, consciemment ou pas, ce petit espoir de la part d’Hannes. Cet amour longtemps gardé secret. Andrej l’avait dit, il avait essayé de l’étouffer sans y parvenir. Qu’ils le veuillent ou pas, il serait toujours là. Et ça changeait forcément quelque chose. Comme un équilibre évanoui en même temps que la vérité s’était révélée.

"- Tu sais que je suis bizarre…"

Je n’aurais jamais pensé ça de toi.

Déclaration qui perce le coeur, qui donne un nouvel élan à tes larmes qui ne cessent de couler le long de tes joues, qui s’écrasent au sol alors que tu fermes les yeux en silence pour ne pas éclater en sanglots une nouvelle fois. Tu tentes de te retenir, relevant la tête pour observer le plafond, croire que ça suffira alors qu’elle continue. Tu rigoles nerveusement, comme un rictus incontrôlable quand elle dit que tout ça te rendait malheureux, que tu cherchais à combler son bonheur avant le tien, à ton détriment. Mais ça…

Tu le savais depuis le début, tu as tenté de signer un pacte avec toi-même pour que ça arrive, qu’elle puisse être heureuse avec l'homme qu’elle aimerait plus que tout au monde sans que ce soit forcément toi… Alors que de ton côté, tu aurais juste observé au loin sa vie en acceptant de ne pas être cet homme-là. Juste un “frère” de coeur qui serait là quand tout irait mal… Tu le savais… Elle s’excuse pourtant, pour le mal qu’elle t’a fait, inconsciemment. Tu renifles un peu et hausses les épaules.

- C’pas de ta faute…

Que tu souffles doucement avant de reposer ton menton sur tes genoux. Tu frissonnes doucement quand elle vient mettre sa main sur ton épaules et que tu sens un baiser sur ta tempe. Tu fermes les yeux, tentant d’apprécier le geste comme avant, mais il a un goût amer… Tu serres les dents et te renfrognes un peu alors que le silence vient s’immiscer de nouveau entre vous. Et toi, dans le noir, tu continues de pleurer… Parce que tu sais que tu l’as perdue… C’est trop tard… Tu redresses un peu la tête quand elle termine de parler. Bizarre… Non…

- T'es pas bizarre… Tu ressens juste… l’affection différemment… C'tout… T’aimes les gens, j’en suis sûr … Mais pas comme tout le monde. Et c’pas grave…

Que tu clames. Tu hausses les épaules avant de secouer la tête.

- Te forces à rien pour moi… S’il te plaît… C’est… C’est déjà assez compliqué comme ça.

Ce n'est pas de sa faute, non, pas vraiment. Mais quelque part, si. C'est elle qui n'a rien vu, rien compris. Bien sûr, elle doit cet aveuglement, au moins en partie, à sa propre sexualité, son propre romantisme, un peu décalé. Mais quand même, comment a-t-elle pu ne pas voir, pendant quinze ans, que son meilleur ami était amoureux d'elle ? Peut-être que, quelque part, elle n'avait pas voulu le voir, quand elle avait les signes de cet amour sous les yeux. Ou peut-être qu'il avait bien caché son jeu. Peut-être un peu de tout ça.

"- J'aurais dû comprendre." souffle-t-elle. "J'étais… j’étais supposé être ta meilleure amie, te connaître et te comprendre mieux que personne…" remarque la demoiselle.

Mais peut-être que pour lui, à l'époque, déjà, elle n'était plus vraiment sa meilleure amie. Finalement, elle avait beau le connaître depuis plus longtemps, son vrai meilleur ami dans tout ça, celui sur qui il pouvait vraiment compter, celui à qui il pouvait vraiment tout dire, ce n'était pas elle. C'était Andrej. C'était Andrej qui avait été son vrai pilier. Elle ? Pouvait-elle encore prétendre au titre de meilleure amie après ça ? Elle en doutait. Il avait été son meilleur ami, mais elle ne pouvait pas dire que la réciproque était vraie.

Elle est pas bizarre, affirme-t-il. Elle a juste une manière différente de vivre sa sexualité, ou plutôt l’absence de celle-ci, et sa vie amoureuse. Ouai, c’est le moins qu’on puisse dire. Une manière bien à elle de vivre tout ça, qu’elle n’a pas choisi, qu’elle subit. Elle donnerait pas mal de choses pour être comme tout le monde, pour ne plus avoir à se prendre la tête comme elle le fait encore trop souvent avec tout ça, maintenant.

"- Qu’est-ce que…" souffle-t-elle. "Qu’est-ce que ça changerait vraiment entre nous si… Si je disais oui ?" poursuit-elle, la voix si basse qu’elle n’est pas sûre qu’il l’entende.

Il sait qu’elle n’éprouve pas de désir sexuel et elle sait qu’il ne la forcera pas. Quand au reste, qu’est-ce que ça changerait ? Qu’est-ce que ça impliquerait, d’être avec lui ? Qu’est-ce qu’ils seraient amenés à faire qu’ils ne faisaient pas déjà, au fond ? Peut-être qu’elle pouvait essayer. Peut-être que tenter le coup avec son meilleur ami était la chose la moins stupide qu’elle ferait de sa vie amoureuse. Après tout, elle avait essayé avec plusieurs garçons dans l’espoir que ça fonctionne. Ils avaient tous capitulés face au manque de sexe, face à son absence d’envie. Mais lui ? Ils avaient une connexion. Ils partageaient déjà quelque chose de précieux. Est-ce qu’il enverrait tout valser comme les autres parce qu’elle était incapable d’éprouver de l’envie ? Elle osait croire que non. Qu’il voudrait lui aussi préserver ce qu’il y a entre eux.

"- Si on essayait, qu’est-ce que ça changerait ? Qu’est-ce qu’on ferait vraiment qu’on ne fait pas déjà ? Qu’est-ce que… tu voudrais ?" souffle-t-elle de nouveau.

- J'aurais dû comprendre.

Qu’elle rétorque. Qu’elle se justifie. Elle ose dire qu’elle était supposée le savoir, le comprendre d’office, se rendre compte que quelque chose n’allait pas. Mais tu ne réponds pas en réponse. Tu continues d’être dans le silence, le déni, le refus. Non, tu ne veux pas qu’elle se force, qu’elle ose. Tu t’étais déjà dit que cela était impossible, pourquoi cela changerait maintenant ? Non, tu ne veux pas vraiment que cela change, en vérité. Tu vivais plus ou moins correctement avant qu’elle ne le sache. Tu redresses à peine les yeux quand elle demande si réellement, cela aurait un impact qu’elle te dise oui.

Vraiment ? Tu ne réponds pas vraiment, le regard dans le vide. Dans le fond, est-ce que c’est ça que tu veux ? Elle te le demande. Tu serres les dents, essayant de réfléchir à ce qu’elle te demande. Qu’est-ce que cela changerait ? Rien… En vérité, tu faisais déjà tout pour elle, quand elle le désirait. Tu lui offrais déjà tout, comblais au maximum ses désirs. Il manquerait plus que quoi ? Les restaurants ? Les rendez-vous au cinéma ? Les caresses ? Les baisers ? Mais dans le fond ? Mise à part le côté charnel, tu faisais déjà tout avec elle comme si. Puis, il y a eu des cas, des situations, où les personnes extérieures, vous avez pris pour un couple, alors en soi ?

Tu renifles un peu, hausses les épaules et secoues négativement la tête.

- J’en sais rien…

Parce que ton esprit est confus, le trop d’émotion qui t’a épuisé et tu n’arrives plus à réfléchir correctement. Tu te renfrognes un peu, arrivant à peine à formuler tes pensées, parce que ça se mélange encore un peu, mine de rien, c’est encore dans le désordre complet. Comme une boite de biscuit qu’on aurait trop secouée.

- J’veux juste... J’voudrais… J’veux juste pas te perdre…

La jeune femme reste silencieuse un instant, son regard fixé sur un point invisible quelque part entre ses mains croisées. Son cœur bat plus vite qu’elle ne veut bien l’admettre. Il ne sait pas. Il ne sait pas ce que ça changerait, et elle non plus. Peut-être que ça ne changerait rien, dans le fond. Ou pas grand-chose. Après tout, ils faisaient déjà tellement de choses ensemble, à bien y penser. Qu’est-ce qu’il pourrait vouloir de plus ? Des baisers, probablement. Des étreintes... Est-ce que c’était un problème ? Peut-être pas. Elle en avait bien eu avec de parfaits tocards, au cours de ses années d’errance. En avoir avec lui, c’était peut-être ce qu’elle ferait de moins stupide.

"- Je n’veux pas te perdre non plus…" souffle-t-elle en venant déposer un nouveau baiser sur sa tempe.

Bien sûr qu’elle ne le veut pas. Elle n’imagine pas une seconde sa vie sans lui. Sans qu’il ne soit à ses côtés, sans qu’elle ne soit aux siens. Il avait toujours été là. Comment pourrait-il ne plus l’être, d’un coup ? Comment pourrait-elle l’accepter, l’encaisser ? Ce n’était pas possible. Elle ne pouvait pas accepter cette idée, se résoudre à celle-ci. Ils avaient tous vécu ensemble, tout affronté. C’était quelque chose qui ne pouvait pas s’arrêter maintenant. Pas comme ça.

Elle le regarde, hésitante, avant de poser sa tête contre son épaule. Un simple contact qui la rassure autant qu’il la trouble. Plus rien ne sera jamais complètement comme avant, maintenant. Ils ne peuvent plus reculer, elle le sait. Elle ne peut pas oublier tout ce qu’elle a découvert, ni cette détresse qui habite son meilleur ami aussi bien maintenant que depuis des années. Cette douleur contre laquelle elle aurait voulu lutter tant de fois, sans comprendre ce qui n’allait pas. Cette douleur qu’elle provoquait elle-même, inconsciemment, bien malgré elle.

"- On ne sait peut-être pas ce que ça changera, mais… peut-être qu’on n’a pas besoin de savoir. Peut-être qu’on peut juste… voir où ça nous mène. Prendre les choses comme elles viennent ?" murmure-t-elle. "J’ai essayé avec plusieurs types en m’disant qu’un jour, peut-être… Alors essayer avec toi… C’est sûrement ce qui serait le moins stupide…"