Oui, ce sont de bons points positifs. Admis-je en souriant. Elle était déjà bien plus ressemblante à la Hannah habituel. Avec son entrain, sa bonne humeur, sa positivité, c’était tout elle.

Lorsque finalement elle me montrait son téléphone, affichant le résultat de la prise de sang, mon cerveau ne savait pas quoi penser.
D’un côté, il refusait l’idée de déjà fonder une famille, estimant que c’était prématuré et qu’il nous fallait encore faire un bout de chemin ensemble avant d’envisager quelque chose. Par ailleurs, elle n’avait pas fini ses études et, même si cela ne lui plaisait pas, une grossesse risquait de la mettre en échec. Or, il faudrait bien qu’elle obtienne un diplôme, quelqu’il soit, afin de trouver ensuite un travail. C’était un sujet que nous n’avions pas abordé, puisque pas à l’ordre du jour, mais si j’étais en mesure d’assumer notre potentiel foyer pendant qu’elle terminait ses études, j’étais opposé à l’idée d’une femme au foyer.
De l’autre côté, ma cervelle déplaçait déjà des meubles, sacrifiait jusqu’à mon bureau, mon antre, pour faire une chambre pour enfant. Il calculait déjà, en fonction de mes économies, ce que je pouvais faire, envisageait la vente de ma moto…
En d’autres termes, j’étais complètement aux fraises.

Finalement, elle ne semblait pas blessée que je ne sois pas spécialement enchanté de l’accompagner à son rendez-vous. Elle l’aurait voulue, je serais venu, mais visiblement, elle comprenait le flou dans lequel je me trouvais. Elle paraissait cependant un peu blessée et je me disais que, quoi qu’il arrive, je me devrais d’être présents par la suite.

Le repas terminé, nous nous embrassons et retournons à nos affaires. Le soir venu, je reçois un message accompagné de photos et d’une vidéo. C’est alors que je compris que, durant le rendez-vous, il était prévu une échographie… Bon sang, si j’avais compris cela, je l’aurais accompagné ! Effectivement, ce n’est pas le genre de rendez-vous où une femme enceinte a envie d’être seule !
Bref, je lis le message et regarde les pièces jointes et il me faut quelques instants pour bien réaliser que c’est vrai. On n’est plus sur une simple prise de sang, il y a du réel, du concret.

Après quelques minutes d’observation, de lecture et de réflexion, je renvoyais un message à Hannah.

“ Coucou La Rouquine
J’ai bien reçu ton message ainsi que les pièces jointes. D’abord, c’est une très bonne nouvelle que l’alien et toi soyez en bonne santé.
Pour la suite, pour le choix que nous avons à faire, nous n’avons que quelques jours. Aussi, je te propose de se donner deux jours de réflexion, chacun de son côté. Après-demain, tu n’auras qu’à venir chez-moi et nous en parlerons.
Quelle que soit la décision finale, je serais à tes côtés.
Bisous, je t’aime
F.”

Allongée sur son grand lit, Hannah observe le plafond de sa chambre en tentant de faire le point sur cette journée très riche émotionnellement. Beaucoup de choses avaient été vues et dites durant son rendez-vous avec la gynécologue, que ce soit dans l’idée de garder le bébé ou non. Quelque soit son choix elle devait bien méditer la question et cela dans un temps imparti plus que que restreint. Finalement, la rousse reçut un message de Franck qui semblait soulagé que l’alien et elle aille bien, même si rien n’était encore décidé au moins ne rejette t-il pas l’idée du bébé. Nana lui renvoya donc un message pour lui signifier qu’elle était OK et que quoi qu’il se passe elle avait déjà hâte de le revoir.

Les deux jours suivants donc, la jeune femme prétexta d’être très fatiguée pour ne pas se rendre sur le campus, enfin c’etait en partie puisqu’avec son début de grossesse et la charge émotionnelle son énergie en prenait un coup. Ses parents ne lui avaient reproché de ce petit coup de mou, après tout ils étaient rares et elle restait une étudiante assidue et travailleuse. Le rouquine avait pris le temps de se renseigner sur les possibilités d’avortements, avant de tenter de se projeter avec un bébé. D’abord seule, si tenté que Franck ne se sente pas d’assumer, elle comprendrait mais il y aurait donc peu de chance qu’elle poursuive leur relation, la situation lui semblerait bizarre. Elle sait que le cas échéant son frère aîné sera là pour l’aider, le temps qu’elle retombe sur ses pattes, peut-être même ses parents même s’ils risquent de faire une syncope. Dans le cas où Franck assume sa paternité, elle a un plan bien précis qui se dessine naturellement dans sa tête en prenant en compte bien sûr les désagréments du quotidien et les obstacles de la vie. Après tout ce n’est pas parce qu’elle a un plan qu’il va se dérouler sans encombres.

Le soir de la date butoir, la rousse était passée au traiteur chinois pour éviter à Franck de se prendre la tête avec la cuisine, leur laissant ainsi le loisir de discuter tranquillement. Arrivant chez lui, Nana lui confie ses sachets avec un sourire un peu timide au vu de l’échange qui les attend, avant d’aller prendre place sur le canapé.

— Tu vas bien ? Ça a été pendant ces deux jours ?

Dieu qu’elle aimerait se lover dans ses bras et l’embrasser tendrement, mais elle s’y refuse pour le moment, attendant de connaître sa décision, parce qu'être rejeté après un moment de tendresse serait difficile à encaisser. La boule au ventre, frottant nerveusement ses mains l’une contre l’autre et le cœur palpitant comme jamais, la jeune femme se jette à l’eau, autant percer rapidement l’abcès.

— Je veux le garder, dit-elle la voix rendue aiguë par l'émotion. L’idée de le faire disparaître m’est inconcevable,  je sais que je suis encore jeune, que je n’ai pas fini mes études et que notre histoire est très récente mais… Mais jl’aime déjà l’alien et j’ai envie de le voir rejoindre notre petit monde tu vois et… et….

Difficile de ne pas se mettre à pleurer dans ses conditions, reniflant bruyamment et essuyant maladroitement ses perles salées, Hannah inspire un grand coup avant de reprendre.

— Si tu ne veux pas tenter cette aventure je le comprendrais, je ne veux pas t'obliger à être là si tu n’en as pas l’envie mais…

Elle ne termine pas sa phrase mais Franck comprendra ou elle veut en venir et l’idée de devoir lui dire au revoir lui déchire déjà le cœur alors même qu’il n’à pas encore vraiment ouvert la bouche. Pourtant elle se prépare au pire au cas où…

Hannah avait gentiment apporté des plats chinois que j’avais placé au four à basse température afin de les garder chaud le temps pour nous de régler les choses importantes.
En effet, nous avions passé ces deux jours chacun de notre côté, échangeant assez peu, puisque le but était de réfléchir tout deux à la situation et à la suite que l’on envisageait. Ainsi, nous avions communiqué un peu, pour se souhaiter bonne journée et bonne nuit et savoir comment se portait l’autre, mais guère plus.
J’allais donc rejoindre la jeune femme sur mon canapé, posant une pochette sur la table basse. Je m’installais à côté de la rouquine, prêt, autant que possible, à cette discussion un peu surréaliste.

Ca a été, le boulot n’a été ni plus chiant, ni plus sympa que d’habitude mais au moins, je n’ai pas fait d’heure supplémentaires. Répondis-je avec un sourire. Et toi ?

Un premier échange très basique mais qui permettait de se détendre légèrement avant d’attaquer dans le sérieux. Hannah ne perdait d’ailleurs pas de temps. Après un petit silence, elle se lançait.
Le garder, elle voulait le garder. Malgré ses études inachevées, malgré notre histoire récente, elle avait arrêté son choix. Pire encore, elle avait choisi de le garder même si je n’en voulais pas. Évidement, cela signifie la fin de notre couple.
Je l’observais longuement, en silence, le regard plutôt neutre. Finalement, je lui pris doucement la main.

Alors on va le garder…et on va le garder ensemble ! Je ne sais pas si notre couple tiendra sur la distance, personne ne peut savoir cela, mais aujourd’hui, je sais que c’est avec toi que je veux cheminer. Avec toi et avec ton passager.

Je lui lançais un sourire avant de saisir ma pochette et de reprendre un air plus sérieux.

Par contre, cela signifie que tu viennes vivre avec moi. Je ne veux pas que tu reste chez tes parents avec notre enfant, je veux que mon enfant vive avec moi et sa maman. D’ailleurs, à ce sujet… Maintenant que nous sommes d’accord sur l’avenir, je vais vendre cet appartement pour en acheter un plus grand, avec au moins une chambre supplémentaire. J’ai besoin d’avoir mon bureau, une pièce « à moi ». S’il le faut, je vendrai ma moto aussi.

J’ouvrais alors la pochette pour dévoiler deux appartements à vendre qui se situaient dans le même quartier que le miens. Je lui tendais les documents et les photos afin qu’elle puisse les étudier et me dire ce qu’elle en pensait.

Bien sûr Nana avait remarqué la pochette que Franck posa sur la table basse, si cela la rendait curieuse et désireuse de ce qu’il pouvait y avoir dedans, ce n’était pas encore là priorité. Aussi et avant de rentrer dans le vif du sujet, ils prirent des nouvelles de l'autre ayant brièvement communiqué par message durant les deux derniers jours.

— Finir à l'heure c’est toujours plus sympa et c’est bien si ta journée a été euh… neutre,  dit-elle en riant doucement.  Très tranquille, très honnêtement je me suis fait porter pâle j’avais besoin d’être au calme pour réfléchir en plus de ça je suis hyper crevée…

A cause de sa grossesse bien sûr, il va falloir qu’elle pense à ses vitamines pour femmes enceintes que sa gynécologue lui avait conseillé. Mais avant ça, la jolie rousse allait devoir annoncer sa décision à son compagnon et elle n'en menait pas large. Hannah n’à pas le sentiment d’avoir réussi à tout dire à Franck, mais l'essentiel est là, elle veut garder l’alien et quoi qu’il arrive la balle et dans le camp de l’informaticien maintenant. Le temps semble s’étirer à l’infini alors qu’il se contente de la regarder sans joie, ni tristesse, et elle doit se retenir à grande peine de ne pas trembler comme une feuille, ou de chouiner comme une madeleine. Fichus hormones !  Quand finalement son compagnon prend sa main dans la sienne et déclare qu'il veut aussi qu’ils gardent le bébé, la rousse pourrait s'évanouir de soulagement et de bonheur. Cette fois ce sont des larmes de joie qui dévalent ses joues rondes et elle rit de cette petite référence au film alien le huitième passager, c'est bien trouvé. Bien plus que de lui serrer la main, Hannah aimerait le serrer dans ses bras et lui dire qu’elle a aussi hâte de cheminer avec lui,  mais en le voyant retrouver son sérieux elle s’abstient.

La suite la surprend un peu même si en soit c’est complètement logique qu'ils vivent ensemble ils vont devenir une famille bientôt. C’est juste que Hannah n’avait pas mené sa réflexion aussi loin que lui, ce qui est une très bonne chose et si elle n’avait pas pensé à cette possibilité elle est très plaisante. Après tout, elle a déjà commencé à envahir son appartement et à découcher toujours plus longtemps, en revanche…

— C’est hors de question de vendre ta moto Franck, je veux participer à l’achat de cet appartement et c’est non négociable, j’ai de l’argent sur mon compte et je peux vendre quelques-unes de mes robes, ça ne me manquera pas. Et puis je compte bien travailler même si c’est de courte durée le temps de mener ma grossesse à terme…

L’esprit en ébullition, Hannah réfléchit aux autres choses qu’elle pourrait vendre, certes son compte en banque à de quoi faire grâce à sa famille mais ça ne va pas durer toute une vie.

— Il va falloir que tu rencontres mes parents pour qu’on leur annonce tout ça.

Tout ça, c’est-à-dire la relation de Hannah avec Franck et qu’ils vont bientôt devenir grands-parents. Difficile de savoir comment ils vont réagir et pour l'heure Nana ne veut pas y penser et observe plutôt les documents que son chéri vient de lui donner.

— J’aime beaucoup le second il est hyper lumineux et il y a même un petit balcon, il a juste besoin d'être rafraîchit mais ça peut être sympa de faire ça ensemble tu ne crois pas ?

La jeune femme relève les yeux vers Franck, souriant tendrement avant de se jeter pour lui pour un câlin, le serrant très fort contre elle pour lui faire ressentir tout l’amour qu’elle a pour lui.

J'eus un sourire à la réaction d’Hannah lorsque je parlais de vendre ma moto. C’était adorable et touchant. Je prenais bonne note qu’elle voulait participer à l’achat de notre futur logement, mais avait-elle seulement la conscience de ce que cela coutait ? Certes, elle avait de l’argent sur son compte, mais je doutais fortement que ses parents lui aient versé une avance sur héritage. Elle parlait également de trouver un travail pour rapporter sa part à la maison, ce à quoi je levais la main pour l’arrêter.

Ola ! Que tu veuilles participer à l’achat du nouvel appartement, c’est une chose. Je le comprends et j’en suis heureux, vraiment, et je ne négocierais pas ce point. Par contre, si je ne vends pas ma moto, il est hors de question que tu vendes des affaires à toi ! Quant à trouver un boulot…

Je lui repris doucement la main avec un sourire confus.

Si tu as de l’énergie, met là plutôt dans tes études. Que ce soit celles que tu fais actuellement ou celles que tu rêves de faire, si tu veux changer, ce n’est surement pas moi qui t’en empêcherais, mais pas dans un boulot. Tu ne vas pas faire des sandwichs et t’épuiser pour gagner quelques dollars. Concentre-toi sur ton avenir professionnel, c’est comme ça que tu participeras le mieux à notre vie ensuite. Pour la durée de tes études, je peux subvenir à nos besoins et tu pourras participer comme tu peux.

Elle enchaina sur le fait qu’il devenait nécessaire que je rencontre ses parents. Si cela devenait effectivement indispensable, j’espérais que tout se passerait bien.

Aucun problème pour moi. Tu…Tu leur as parlé de moi ? J’imagine qu’avec nos sept ans d’écart, ils n’ont pas forcément bien prit la chose. Enfin, j’essaierai de me montrer à la hauteur de leurs attentes !

J’avais l’impression qu’elle sautait d’une idée à l’autre comme un cabri en montagne car elle passait déjà au choix de l’appartement. Je souriais devant son enthousiasme.

Je ne t’impose pas un choix entre ces deux-là. Prenons peut-être un peu le temps de voir de combien nous disposons et de quoi nous avons besoin.

Bon, visiblement Hannah n’aurait pas gain de cause quant à la possibilité pour elle de vendre quelques-unes de ses robes, pourtant elle ne voyait pas ça comme un sacrifice, au contraire elle était heureuse de pouvoir contribuer à leur famille en devenir. D’autant plus que Franck lui n’avait qu’une moto pour laquelle il avait dû travailler dur, alors que la rousse avait eu une collection de robes sans avoir eu à lever le petit doigt. Et puis, qu’est-ce qu’elle pourrait bien faire de toutes ces robes qu’elle ne remettra sans doute jamais ? Un argument qui lui semblait bon, mais dont elle doutait de l’effet auprès de son petit-ami. Tant pis, Nana vendrait certaines de ses affaires malgré tout, ce n’était vraiment pas un drame pour elle et son chéri ne le saurait pas, qui plus est c’était pour aider.

— D’accord, je ne toucherais pas à mes affaires, répond-t-elle un peu de mauvaise grâce,  pour donner le change, il ne faudrait pas que Franck devine ce qu’elle a en tête.

En revanche, la rouquine est un peu moins encline à remettre en cause son super plan pour les mois à venir, elle n’à vraiment pas envie de vivre aux crochets de Franck pendants qu’elle termine tranquillement ses études.

— Je ne suis pas sûre que poursuivre mes études pour l’heure soit judicieux, alors que je vais devoir les arrêter dans quelques mois pour la fin de ma grossesse. C’est pour ça que je voulais travailler un peu pour mettre du beurre dans les épinards,  je n’ai pas envie que tu te crèves à la tâche… Et puis quand bébé ira à la crèche,  je reprendrais mes études, je ne compte pas lâcher le morceau, juste mettre ça en stand by.

D’autant plus qu’en fonction de la réaction de ses parents au sujet de sa grossesse et sa relation avec Franck, ils peuvent la mettre à la porte de chez eux et avec de l’élan s’il vous plaît. Donc, bye-bye les études. Mais ça elle n’en pipe pas mot pour ne pas inquiéter son homme, se contentant de lui dire qu’il va devoir rencontrer ses parents.

— Oui j’ai un peu parlé de toi mais sans entrer dans les détails parce que je ne voulais pas qu’ils s’immiscent dans ma vie privée, la différence d'âge ne les a pas choqué outre mesure.

C’est plutôt sa classe sociale qui risque d’être problématique et qu’il ait mis leur fille en cloque. Oups !

— Leurs attentes sont délirantes à mon sujet en matière d’hommes, vraiment reste naturel, c’est le plus important.

Hannah s’empare ensuite des deux annonces qu’elle analyse attentivement avant de donner son verdict, bien qu’il semble n’est pas forcément arrêter son choix uniquement sur ces deux logements. Elle rougit légèrement se sentant un peu bête de son empressement.

— Tu as raison chaque chose en son temps, manger me semble être un bon début je crois !

L’odeur s’échappant de la cuisine commence à lui mettre l’eau à la bouche et n’ayant pas manger grand-chose ce jour elle a maintenant une faim de loup.

Bon, déjà il était convenu que si je ne vendais pas ma moto, elle ne vendrait pas d’affaires à elle non plus.
La suite de notre échange porta sur son désir de trouver un boulot. Cette idée ne me plaisait pas car, elle allait être confrontée à plein de choses qu’elle ne connaissait pas. Je ne pensais pas à mal en me disant cela, pas plus que je la pensais incapable de. En revanche, je connais le marché du travail et, aujourd’hui sans expérience, elle ne trouverait que des jobs ingrats, physiques et mal payés. Rien de compatible avec une grossesse.

A mon sens Hannah, lorsque l’on est enceinte, il est préférable de limiter les contraintes physiques et le stress. Poursuivre tes études me semble donc plus approprié. Cela dit, je ne t’obligerai ni ne t’interdirai rien. Je te donne mon avis et tu en disposes comme tu veux du moment que tu es en bonne santé.

J’avais préféré terminer sur cette note pour qu’on ne se prenne pas la tête sur ce sujet. Elle voulait participer, c’était tout à son honneur et, tant qu’elle ne se mettait pas en danger, elle ou le bébé, je ne ferais que la soutenir.

Ensuite, fut abordé le point de ses parents. Visiblement, ils avaient connaissance de mon âge, c’était déjà une bonne chose. Pour le reste, elle demeura assez évasive, me conseillant surtout de rester moi-même. En effet, d’après ses dires, je partais déjà perdant concernant leurs espoirs. Autant donc se montrer sous le meilleur jour possible.

Très bien, je pense réussir à rester moi-même ! Dis-je en souriant. Tu me diras quand tu veux qu’on fasse les présentations, j’apporterai le dessert !

Je me tournais vers la cuisine.

En parlant de dessert, je pense que manger est un excellent point de départ, oui !

Nous avions donc mangé, sur la table basse, comme à notre habitude.
Prochaine étape donc, rencontrer ses parents et trouver un nouvel appartement.

Hannah hocha doucement la tête, elle n'avait en effet pas pensé au fait qu'elle n'allait peut-être trouver que des boulots ingrats et trop physiques, pas franchement compatibles avec une grossesse. A la limite serveuse à mi-temps ça pourrait le faire, mais encore devait-elle trouver un endroit acceptant les débutantes. Et même si elle choisissait de poursuivre ses études, rien ne lui garantit qu’elle en aura encore la possibilité après la rencontre entre ses parents et Franck, tout se jouerait à ce moment-là.

— Et je prends bien en compte ton avis Franck, je vais prendre le temps de peser le pour et le contre et me déciderait en conséquence. Bien sûr tu seras le premier au courant quoique je fasse, conclut la rouquine avec le sourire.

Quoi qu’il se passe, Nana avait le sentiment qu’ils s’en sortiraient, son compagnon lui donnant toujours cette impression de sécurité et de force tranquille, qui lui soufflaient que tout ira bien. Ils évoquent ensuite les parents de la rousse, qui se montre assez franche avec son petit-ami sur les attentes qui sont juste hors d’atteintes, lui conseillant de venir comme il est. Tout à fait parfait pour la jeune femme parce qu’elle est raide dingue de Franck, mais ses parents, c’est une tout autre histoire. Wait and see. Le couple passa ensuite une soirée agréable d’abord en mangeant et jouant quelques parties d’un jeu vidéo en coop que Nana adore.

La jeune femme ne perdit pas de temps et organisa cette rencontre plus que stressante pour elle entre Franck et ses parents, c’était une telle angoisse que ça l’avait rendue plusieurs fois malade d’anxiété. Autant arracher vite et bien le pansement que représente cette soirée d’une grande importance. Le soir venue des présentations, Hannah faisait les cents pas dans le hall d’un immeuble chic de l’Upper East Side, habillé de pied en cap pour l’occasion. Elle avait d’ailleurs plus que conseillé à son compagnon de venir habillé en costard, histoire de marquer un ou deux points sur les dix milles qu’il était censé faire. C’était d’ailleurs étrange pour la jolie rousse de l’accueillir dans le royaume luxueux et élégant de ses parents, Franck allait sûrement être dépaysé. D’ailleurs en parlant du loup, le voilà qui pointe le bout de son museau tout froid, il y avait eu une sacrée baisse des températures et il s’était même mis à neiger.

— Franck ! S'exclame-t-elle quand il pénètre dans le hall après que le portier lui eût ouvert. Je suis contente de te voir doudou.

La rousse ne tarde pas à l’embrasser tendrement espérant le réchauffer un peu de son amour.

— Tu as le visage tout froid, dit Hannah en frottant ses joues contre ses mains chaudes. Tu te sens prêt ?

Bordel, elle avait presque l’impression d’entraîner son prince charmant vers deux bêtes sanguinaires. Pas très sympa pour ses parents, mais ils sont terrifiants quand ils le veulent.  

Bon, j’étais satisfait. Elle assurait prendre en compte mon avis et c’était effectivement là une chose qui me paraissait essentielle ! Que l’on puisse se parler tous les deux, évoquer des divergences d’opinion, ne pas être d’accord sans pour autant que cela vire à la catastrophe. Aussi, lorsqu’elle me confirme prendre mes considérations en réflexions, cela me soulage. Je me sens encore un peu plus à ma place à ses côtés.

J’en suis content Nana, je ne veux pas laisser croire que je veux contrôler ta vie et tes souhaits, mais il est important que l’on puisse se parler sans filtres tous les deux.

Le reste de la soirée se déroula dans la tendresse et les câlins.

****

Les températures avaient sacrément chuté ces derniers jours, à tel point que j’avais renoncé à prendre ma moto pour aller rencontrer les parents de ma compagne. Suivant ses conseils, j’avais enfilé mon plus beau costume. Je l’avais depuis deux ans. De couleur bleu sombre, c’était le seul que j’avais fait faire sur mesure pour un gala au boulot. J’avais été sélectionné pour représenter l’entreprise et on m’avait bien fait comprendre que mon poste tenait à ma présentation. Ainsi, je portais une chemise blanche avec une cravate bleu clair, mon costume trois pièces ainsi qu’une ceinture et des chaussures de cuir marron. J’avais également jeté un trench coat de bonne qualité pour lutter contre le froid.

En entrant dans l’immeuble, devant lequel le taxi m’avait déposé, une furie rousse en jolie robe se ruait sur moi.

Coucou ma rouquine !

Nous échangeons un baiser avant qu’elle ne remarque mes joues froides et ne me les frotte tout en me demandant si je me sentais prêt.

Je pense être prêt, oui. J’ai apporté un gâteau, une bouteille d’un alcool français et un bouquet pour ta mère. Dis-je en exhibant mes bras chargés. J’espère faire à peu près bonne impression !

****

J’avais fait bonne impression, pendant une trentaine de secondes environ. Ensuite, tout avait été de pire en pire.
Mon âge, tout d’abord, semblait les contrarier fortement, malgré ce qu’avait dit ma compagne. La mère avait à peine regardé mon bouquet avant de le fourrer emballé dans un vase. Son père avait hoché la tête avec une indifférence presque totale en découvrant sa bouteille, une bouteille de Calvados de petite production, vieillit quinze ans en fût de chêne à 150$ la bouteille.

Lorsque j’annonçais ma profession, j’eu l’impression que je venais de les insulter, moi, minable gueux, de rang social médiocre. Instinctivement, je m’étais préparé à cela, aussi, même si cela ne m’avait pas fait plaisir, cela m’avait relativement glissé dessus.
En revanche, au moment où l’on informa de la grossesse d’Hannah, je crus annoncer le nouveau crack boursier du siècle et les premières scènes d’un mélodrame huppé s’enchainèrent devant nous. À grand renfort de “ce qu’on a sacrifié” et autres “tout ce que l’on t’a donné”, ma petite rouquine se faisait fusiller sur place.

Là, c'en était trop. Je m’étais brusquement levé de table, abattant ma serviette sur la nappe. D’une voix forte, j’avais exprimé mon léger désaccord.

Vous êtes ignobles ! Oui, je suis d’une classe plus populaires et quoi ? Je n’ai pas assez de fric pour vous ? Vous savez quoi Monsieur ? Si j’en veux, j’en ai ! Et vous savez comment ? En achetant d’ici demain au plus tard, des actions Blue Technologie en masse. Parce que dans une semaine, son concurrent direct, Ash Tech, va lancer une OPA hostile dessus pendant qu’elles sont basses. Une semaine après l’OPA, le cours va doubler en même temps que le prix du nickel et du cuivre. Blue et Ash sont les deux leaders mondiaux des cartes électroniques. En deux semaines, avec une mise de départ d’un million, vous empochez sept millions. Pourquoi je ne le fait pas ? Parce que je n’en ai pas besoin pour vivre sereinement et que j’en ai rien à faire de compter mes millions en écrasant ceux qui n’en ont pas ! Je vous laisse le loisir de vous pavaner dans vos club de requins !

Je m’étais alors tourné vers la mère de mon amante.

Quand à vous Madame, vous devriez vous soucier du véritable bonheur de votre fille et non de la réputation de votre mari. Oui, je l’encourage à poursuivre ses études, elle vous le dira elle même, sauf que je la pousse à suivre la voie qui lui plait pour que sa vie soit faite de plaisir et non seulement de sacrifice ! Je pensais honnêtement que savoir votre fille en passe de devenir maman réveillerait en vous un instinct maternel, mais vous êtes complètement à côté de la plaque !

Je m’étais reculé, hors de moi. Je contrôlais mes paroles cependant, pour ne pas briser ma chère rouquine.

Je comptais vous inviter à un diner avec mes propres parents, mais finalement, je ne leur infligerais pas votre présence ! Bonne soirée !

J’étais alors parti attendre Hannah dans le hall.

Franck était juste beau comme un cœur dans son costard bleu sombre, bon aux yeux de Hannah il l’était tout le temps,mais disons que ça faisait son petit effet du côté de la rousse. La jeune femme prenait donc en note de trouver d’autres occasions pour le voir le porter à nouveau. Et donc après avoir profité de la vue et tenter de réchauffer les joues de son compagnon, elle découvre avec plaisir les cadeaux qu’il a ramené pour ses parents. Nana doute que cela fasse forte impression sur eux mais en tout cas, cela fait son impression sur elle, ne pouvant boire de l’alcool, elle fera honneur au gâteau et mettra le bouquet dans sa chambre si sa mère n’en veut. En tout cas, si son chéri semble être prêt à cette rencontre, ce n’est pas le cas de la jeune femme qui aimerait partout sauf ici.

Prenant la main de son homme dans la sienne, il n’y avait donc plus qu’à se jeter dans la fosse aux lions, en espérant survivre à cette épreuve digne d’une arène romaine. Rejoignant le dernier étage de l’immeuble pour atteindre un splendide penthouse, Nana croit sincèrement que les choses vont bien se passer en voyant ses parents sourire lorsqu'ils découvrirent Franck. Hélas ce sentiment positif ne dura pas et le cœur de la rousse commença sa dégringolade, déjà avec l'âge de son compagnon qui ne fût pas bien accueilli même si Mr et Mme Brown le savaient déjà. Il faut croire qu’ils avaient eu besoin de l’entendre pour le comprendre, ensuite les cadeaux de son chéri n'étaient pas assez bien pour eux, les jugeant beaucoup trop cheap au vu de leur tête. C’était un putain de miracle qu’ils se retrouvent tous ensemble assis à cette table bien trop grande, du moins Nana avait cette impression, tour était trop grand et en même temps étouffant souhait. Même son assiette elle peinait à y toucher alors que d’habitude elle a un bon coup de fourchette. Et paf Franck annonce son métier et paf ils le jugent et le descendent sous couverts de mots sympathiques mais qui dans leur bouche ressemble à des insultes. Et hop quand les deux amoureux annoncèrent la grossesse de la rousse, le couple changea de cible, ils avaient déjà était dur et sévère avec elle, mais jamais à ce niveau là. "Honte de la famille”, "trop immature pour être mère", "son avenir foutu en l’air pour une partie de jambe en l’air”, elle en passe et des meilleurs. Hannah et littéralement dans ses petits souliers, à fixer un point devant en elle en se retenant trembler et de se mettre à pleurer comme une madeleine. Ce n’est seulement que lorsque Franck se redresse brusquement qu’elle sort de sa torpeur et assiste à une scène rare, elles sont peu nombreuses les personnes à oser affronter le couple Brown. Ils pourront au moins lui reconnaître ça, d’avoir posé ses couilles sur la table.

En tout cas, l'homme de la classe populaire qu’il était venait de donner une bonne leçon de vie à ceux d’en haut, même si elle doutait que cela leur fasse le moindre effet ou les amènent à une quelconque réflexion. En dehors de les irriter un peu plus. Finalement, Franck quitte le penthouse après ce discours fracassant laissant les Brown entre eux dans un silence des plus pesant, c’était peut-être même pire que s’ils avaient recommencer à la descendre en flèche.

— Va donc retrouver ton petit-ami, dit sa mère en voyant sa fille se lever. Mais quand tu reviendra nous aurons tous les trois une très longue discussion, tout ceci est juste inadmissible.

Si son père ne dit rien, il approuve d’un bref hochement de tête. Se détournant de ses parents, la jeune femme rejoint son chéri et se jette en pleure danses bras.

— Je… je suis désolée Franck, tu ne… ne méritait pas un tel traitement,  sanglote la rousse le nez enfoui contre son torse. Ils ont été infâme avec toi, je ne pensais pas qu’ils pou… pouvaient être si terribles avec les autres.  

Nana se met à pleurer plus fort, hoquetant de tenter de trouver ses mots et de lui dire encore et encore à quel point elle est désolée. Elle avait eu peur que ça se passe mal, mais sans doute pas à ce point.

— Et je suis aussi désolé de n’avoir pratiquement pas parlé, j’aurais dû te défendre cours et âme comme tu l’à si bien fait, mais…

Mais elle était juste complètement sidérée, complètement malheureuse et si mal que ce dîner se soit passé de cette manière, elle aussi en avait pris pour son grade, mais en l’instant elle s’en fichait pas mal seul Franck comptait.

— Pour moi tu… tu as été parfait en tout point.