Depuis le début tout va de travers ? Je suis fatigué, fatigué ! Fatigué ! Rien n'a de sens ! C'est moi qui ai découvert ce miroir,  moi qui devrais bénéficier de ses pouvoirs ! Mais la folle est arrivée, et je ne sais comment en a capté tout le bénéfice !

L'enfant est là, dans les bras de cette dégénérée et elle crie « Papa ! ». Tellement, mais tellement fatigué ! Elle appelle « Papa » ! je suis « Papa » ! Depuis combien de temsp Edith me prive-t-elle de la présence de mes filles ? Comme elle me connaît mal ! Et comme elle me hait bien ! Jamais je ne les aurais mises en danger, elles sont... mes princesses ! La petite crie « Papa », la femme refuse de la laisser partir et un homme arrive, armé d'une batte ! Je fonce tête baissée et lui fous un coup de boule en plein dans l'estomac ! Pourquoi ? Suis-je dément moi-aussi ? Ce n'est pas ma fille mais celle de la timbrée ! Alors pourquoi est-ce que je m'en mêle ? C'est tout simple, je veux retrouver MA vision ! Quand j'ai regardé le miroir au lieu du minable épuisé et soumis que je suis devenu je me suis vu, MOI, à l'époque où je pouvais être fier de ce que j'étais et mes filles étaient là, ravies de m'avoir !

Le type se détourne de sa femme. C'est sa femme me semble-t-il ? Pour me foncer dessus, il a encaissé mais je n'ai plus la maîtrise du combat que je pouvais avoir quand je pratiquais encore divers sports dont la boxe française -pour canaliser mes nerfs et j'avoue par snobisme, « française » accolé à boxe faisait très exotique- il joue de la batte qu'il n'a pas lâchée en la faisant tourbillonner ! Je me prends les coups en cascade, je vais être couvert de bleus ! Encore une fois je me demande pourquoi je n'ai pas laissé tout cela en l'état, qu'il se batte avec ELLE et récupère sa gamine ça aurait été justice ? Si Edith avait été à la place de cette Saoirce je lui aurais arraché les enfants pour qu'elle ne nuise plus jamais !

Edith !

Où est-elle ? Qu'a-t-elle raconté comme mensonges ? Comment a-t-elle justifiée ma disparition ?! Les enfants étaient si petites : trois et cinq ans... A cet âge là on vit en dehors de la réalité, elle leur a peut-être dit que leur père les avait abandonnées ? Cette pensée et un reflet du type que je suis, le débardeur sous cette espèce de veste de travail ignoble taché de sueur et de sang, les godasses éculées ! Comment Masha et Luba me reconnaîtront-elles ! Je dois me reprendre !

Une autre vague d'angoisse me submerge presque, non seulement mes gamines ne m'identifieront pas au père dont elles se souviennent, un jeune cadre à la présentation impeccable et à l'air triomphant mais je vais en plus perdre mon boulot ? Dans l'air ambiant j'ai entendu plusieurs fois appeler « Viktor ? Viktor !? Mais où est-il passé ? ». Pourquoi me chercheraient-ils à part pour m'engueuler ou me confier un autre boulot dégueulasse ? Je ne veux plus ! Je veux ma vie !

Je plante mon poing en plein dans la gueule du mec « Suffit ! Casse-toi ! T'as rien à faire ici ! »

C'était ça qu'il fallait faire ? La silhouette s'estompe, comme avalée par …

un gigantesque couloir !

Totalement distordu !

Des ombres vont et viennent, immatérielles et muettes, elles nous traversent, l'enfant a disparu aussi, la folle ? Où est la folle ?

Je dois rêver ? C'est ça ? Je me suis juste endormi, éreinté, planqué dans un coin ? Il n'y a pas de miroir ? Pas d'enfants, pas de voiture de luxe ? Et pas de cinglée à mes côtés ! Je rêve, oui, je dois me réveiller ! Si le chef d'équipe ou un membre du personnel me trouve en train de ronfler pendant les heures de travail c'est est fini de moi ! Je vais me retrouver à la rue, chômeur, sdf !

Le couloir est là, il se tord -je dirais de douleur...- Il ne ressemble à rien de ce que j'ai pu connaître ? C'est encore un souvenir à ELLE ! Mais non ? C'est impossible ! Si je rêve je ne peux pas être dans SON rêve ?

Je sens la sueur couler dans mon cou, glacée... Et si à force de côtoyer des mabouls je devenais fou moi aussi ?

J'avance d'un pas dans ce couloir mouvant, la main en avant comme pour empêcher la chute...

Et là !

Là... Qu'est-ce qui se passe donc ?:

Saoirce eut à peine le temps de réagir que déjà l’autre type s’interposait entre la dangereuse silhouette d’un Markus armé d’une part et Abby et elle de l’autre. Elle serra sa fille un peu plus fort contre elle, essayant de la protéger comme elle le pouvait de l’affreux spectacle qui s’offrait à elles. Le spectacle de deux hommes en train de se battre. La blonde n’avait jamais eu l’image de son mari si violent. Et pourtant il était là, sa batte à la main, l’abattant sur l’inconnu qui l’avait accompagnée.

Mais pourquoi était-il intervenu ? Pourquoi l’aidait-il ? Cherchait-il vraiment à l’aider, d’ailleurs ? Le fait était qu’il s’était interposé entre Markus et elle. Il s’était battu.

Dans ses bras, sa fille hurlait de plus belle. Ses pleurs se mirent à résonner à travers la pièce et à lui revenir en écho. De plus en plus fort, toujours plus fort. Si fort qu’ils couvrirent le bruit de la rixe entre les deux hommes. Si fort qu’ils emplissaient complètement le crâne de Saoirce et le saturaient totalement de bruit. De ce bruit insupportable. Mais pourquoi pleurait-elle ? Pourquoi criait-elle encore ?

- Papa ! répétait l’enfant en boucle en s’époumonant.

Dans les bras de sa mère, elle se débattait de plus en plus violemment, tapant, griffant, telle une furie. Saoirce lui immobilisa les bras, continuant à la maintenir dans son étreinte. Quand les deux hommes passèrent dans son dos, la blonde les perdit de vue. Les pleurs couvraient tout le reste.

- Tais-toi ! Hurla soudain Saoirce, à bout de nerfs.

Elle relâcha son emprise sur la petite fille et plaqua ses mains contre ses oreilles.

- Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Pitié, tais-toi, se mit-elle à répéter en boucle comme une incantation.

- Tu vas me rendre folle ! Beugla-t-elle encore.

- Je ne suis pas folle, se reprit-elle aussitôt.

Elle manifestait des signes d’agitation. Ses mains tremblaient. Elles s’accrochaient nerveusement l’une à l’autre par moments, puis se détachaient avant de se rechercher de nouveau. Elle se tenait les bras. Par moments, elle s’attrapait les cheveux. Elle répétait la même suite de mouvements en boucle.

- Je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle, répétait-elle encore et encore.

Elle se berça d’avant en arrière, les mains plaquées sur ses oreilles, réitérant les mêmes propos à l’infini. Finalement, Saoirce poussa un long hurlement strident. Quand elle rouvrit les yeux et retira les mains de ses oreilles, le bruit avait cessé. Mais sa fille avait également disparu. Il n’y avait dans la pièce plus de trace ni de Markus ni d’Abby.

L’autre homme ? Où était passé l’autre homme ?

- Hey ! Appela-t-elle soudain à la cantonade.

La blonde réalisa alors qu’elle ne savait même pas comment il s’appelait. Il fallait dire qu’elle n’avait pas franchement pris la peine de lui faire la conversation depuis qu’ils avaient débarqué ensemble dans cet endroit.

- Heeeeyy ! Appela-t-elle de nouveau.

Une nouvelle fois, la pièce avait changé d’apparence. Elle n’était plus dans la grande salle blanche dans laquelle elle avait trouvé Abby, mais dans une sorte de couloir mal éclairé. Ou plutôt dans un couloir qui semblait se nourrir de son désespoir et s’en tordre comme Saoirce l’aurait fait de ses mains sous l’effet du stress. Il était comme… vivant.

La blonde reconnut la silhouette du gus qui tambourinaient contre une sorte de mur. Pourquoi tapait-il contre un mur ? Non, il ne tapait pas. Il avait les bras en extension et semblait essayer d’atteindre quelque chose, sur le côté du mur. Ou plutôt, quelque chose de part et d’autre du mur central. Mais ses bras n’étaient pas assez longs.

- Hey, toi, le héla-t-elle en s’approchant. Je sais même pas comment je suis supposée t’appeler. Qu’est-ce que tu f… ?

Elle regarda nerveusement autour d’elle. Son regard se posa sur le mur semi-opaque derrière lequel des silhouettes semblaient danser. Voilà qui n’inspirait rien de bon à la blonde.

- Tu fais quoi, là ? C’est pour aller de l’autre côté, c’est ça ? T’es vraiment sûr d’avoir envie d’aller de l’autre côté ?

Elle repéra assez rapidement ce sur quoi l’homme était en train d’appuyer et son équivalent sur l’autre pan de mur. Saoirce s’approche, circonspecte. Était-il sûr de ce qu’il faisait ? Avait-il la moindre idée de ce qu’il y avait vraiment derrière ce mur ?

- Merci… pour tout à l’heure, lança-t-elle dans son dos.

Elle lui devait au moins ça. Ils ne deviendraient certainement pas les meilleurs amis du monde, mais en attendant, il l’avait réellement sauvée de l’attaque de son mari. Du moins aussi « réellement » que cet endroit ne le permettait.

La blonde prit une profonde inspiration et plaqua la paume de sa main sur la surface du mystérieux mécanisme.

Spoiler:

Face : Le mécanisme n’eut du tout l’effet escompté. Loin d’effacer le mur,

Spoiler:

Face 2 : le sol se déroba soudain sous leurs pieds, les entraînant plus profondément dans les entrailles de ce cauchemar.

JOUR 2 -

Tandis que je suis en train de frapper ce maudit mur jailli du néant des poings, avant de me calmer et de m'étirer à me décrocher les bras du corps, elle approche. Je n'ai pas le temps de me retourner qu'elle m'interpelle, bien dangereusement près à mon idée :

- Hey, toi, Je sais même pas comment je suis supposée t’appeler !

Comme si lui donner un nom avait une importance ! Enfin, elle a raison, moi grâce à l'abruti qui m'a cassé le nez je sais le sien : Saoirce. Elle sait peut-être aussi le nom de ma vision, Edith, mais Edith n'a pas parlé, elle ne m'a même pas vu ! Elle continue, comme si nous avions le temps de faire la conversation ! Après tout, l'avons-nous ? Ne l'avons-nous pas ? J'ai l'impression de n'être que le cobaye d'une expérience grandeur nature ? Auraient-ils osé cela ? Une dingue et un minable dont personne ne s'inquiéterait s'il venait à disparaître ? Même si mon ex réclamait après mon salaire ils pourraient toujours dire que je suis parti, les mettant en difficulté, mais que de la part d'un type aussi instable et à cran c'est plausible  et même c'était prévisible qu'un jour je péterais les plombs et me barrerais ? Je suis certain que personne ne chercherait à remettre leur version des faits en question ! Un mec capable de vendre sa femme à son boss pour arriver au sommet qui a toujours refusé de voir où se situait le problème, qui travaille contraint et forcé, fait la gueule du matin au soir ? Un gibier de potence quoi ! Qui a eu de la chance d'être ruiné plutôt que coffré ?

Je fais digression là ! Je dois ouvrir ce truc ! Les filles sont derrière avec leur monstrueuse mère ! Je dois les rattraper !

-  Tu fais quoi, là ? C’est pour aller de l’autre côté, c’est ça ? T’es vraiment sûr d’avoir envie d’aller de l’autre côté ? Merci… pour tout à l’heure,

Merci ? Je me retiens d'aboyer « Merci de quoi ? » mais de son point de vue j'ai dû intervenir en sa faveur ? Si -quelqu'en soit la raison profonde- elle avait retenu Edith le temps que je prenne les filles dans mes bras, j'aurais pensé pareil. Je n'ai de toute manière pas l'opportunité de répondre, elle a posé la main dans l'une des encoches tandis que la mienne se trouvait dans l'autre, et là... loin de faire s'ouvrir ce putain de mur nous nous trouvons avec un gigantesque trou qui s'ouvre sous nos pieds ! La chute est vertigineuse ! Ce n'est plus l'image d'une souris dans un labyrinthe qui me vient mais celle d'Alice tombant dans le terrier du lapin ! Je deviens fou ! Mon Dieu ! Je deviens fou !

La chute est accompagnée d'un rire assourdissant ! Elle entend ? Dis-moi ! Tu entends ?

Mais folle elle l'est ! J'en suis à vérifier ma raison en la comparant à celle d'une pensionnaire d'hôpital psychiatrique ?

Assez curieusement notre chute vertigineuse ne nous laisse aucune séquelle à part en ce qui me concerne une nausée persistante due plus à cette sensation de perdre pied -mentalement- qu'à celle d'être à nouveau « nulle part » physiquement... Autour de nous, les ténèbres, nous sommes tombés dans l'eau mais une eau suffisamment peu profonde pour nous permettre de nager vers une lueur et d'avoir pied rapidement. Lueur qui semble n'avoir été là que pour nous indiquer une direction puisque une fois sur le sol sec elle disparaît.

- Où es-tu ? Touche moi ! Où es-tu !

J'essaie de me reprendre, si j'ai relativement bien résisté jusqu'alors cette dernière péripétie m'a plus qu'ébranlé ! Nous ne contrôlons rien ! Nous sommes des jouets ! Pourquoi « touche-moi ? » parce que je me dis que si je rêve, si je mets en scène un délire pendant mon sommeil, elle ne pourra pas me toucher ! Et pourtant... j'en ai fait des rêves où je serrais mes enfants contre moi à les en étouffer, sentant leur odeur, la texture de leurs vêtements, la douceur de leur peau, de leurs cheveux... pour être sorti de l'extase par la sonnerie criarde du réveil m'appelant à commencer ma décevante journée de labeur.

J'essaie d'acclimater mes yeux à cette noirceur, je lève la tête et ne vois même pas l'entrée du trou dans lequel nous avons été entraînés ? S'est-il refermé ? Sommes-nous si profond ? À défaut d'être touché par Saoirce je me tâte, m'assurant qu'au moins moi je suis entier !

Je perds la raison, la terreur me prends ! Je perds la raison ! Je vais finir en camisole comme les « patients » ! qu'est ce Centre exactement ? Combien de malades le sont véritablement ? Un des toubibs qui me parle souvent quand je nettoie me dirait que la paranoïa est un des premiers symptômes de la folie. Présente dans nombre d'affections... Je me secoue, je n'ai pas répondu à sa question ? Elle a dit : je ne sais pas comment t'appeler ?

- Viktor, je m'appelle Viktor.

Je tends les mains dans le noir, essayant de tenir debout sans être pris de vertige ? Comment peut-il n'y avoir absolument aucune lumière ? Rien ?

J'entends comme un froissement à ma droite et me retourne d'un bond, j'ai peur ! Elle n'a pas répondu ? Elle n'a pas approché ? Et si elle était inconsciente ? Ou disparue ? Blessée ? Morte ? Est-ce elle qui vient de bouger ? Je perds la raison !

C'est impossible ! Je ne veux pas !

Dans le lointain, j'entends comme un mécanisme ? Un bruit de vieux réveil qu'on remontait... Edith ! Pourquoi suis-je en train de penser à elle ? Mes parents n'étaient pas des gens fortunés, j'ai dû travailler pour étudier, travailler pour l'épouser et lui donner à croire que je venais de son milieu social ! Toute ma vie j'ai bossé pour m'élever, arriver ! Et j'en suis là ? Au fond d'un trou, dans le noir total, en compagnie -peut-être ? - d'une dingo ? Ce type de réveil, je pense que mon ex-femme n'en a jamais tenu entre ses mains manucurées, elle devait mettre ça au rang d'antiquité trop proche pour avoir une quelconque valeur, un truc de pauvres... Est-ce la raison de notre rupture ? Non ! J'avais surmonté le handicap de ma naissance !

Le frôlement se rapproche, je ne me retourne pas assez vite pour savoir ce qui me tourne autour !

C'est bien embêtant ça !:

Le froid, tout comme la présence même de l’étendue d’eau obscure dans laquelle Saoirce atterrit, la cueillit par surprise. Sous l’effet du choc et par réflexe, la blonde chercha à emplir ses poumons d’air au contact de l’eau, mais avala un mélange qui l’asphyxia à moitié. De l’eau. Elle avait atterri dans l’eau. Une vague d’angoisse s’empara d’elle. Elle ne savait pas nager. Ou plus exactement, elle était terrifiée par l’eau. Une terreur primale, viscérale.

Une image apparut dans son esprit : un lac. De l’eau. Elle, toute habillée dedans. Un hurlement. Son mari sur le rivage. Sans surprise, Markus beuglait encore.

- Qu’as-tu fait ?! Qu’est-ce que tu as fait ?! Saoirce, qu’as-tu fait ?! Vociférait-il en boucle, encore et encore. Du raffut, autour d’elle. Des éclaboussures. Les hurlements. Un bruit sourd. La gifle percutante contre sa joue. Un goût métallique dans sa bouche. Des mains qui la saisissaient. Pour la sauver ou pour la noyer ? L’eau sombre qui l’engloutissait.

Les images défilaient à toute vitesse. La blonde se mit à convulser et ses yeux à rouler dans leurs orbites. Au loin, l’écho d’une voix semblait vouloir l’appeler à elle. « Touche moi ». Quoi ? Saoirce était secouée de quintes de toux. Elle finit par recracher l’eau qui avait empli sa bouche. Sa poitrine continuait à être secouée de spasmes. Elle agita les bras et les jambes comme elle put. Ses gestes étaient loin d’être coordonnés, mais elle tentait de se déplacer. Fermer la bouche pour ne plus avaler d’eau, tenter de respirer lorsque sa tête était hors de l’eau. Bouger les bras. Battre des jambes. Se déplacer. Vers où ? Elle n’en avait aucune idée.

Au bout de ce qui lui sembla être une éternité, elle sentit le crissement de petits gravillons sous ses pieds. Du sol. Il y avait du sol. Elle battit encore des pieds et des mains, jusqu’à tant que ce ne soit plus uniquement le bout de ses orteils qui sente le contact salvateur du fond, mais le plat de ses pieds.

Sa voix. Elle entendait sa voix. Lointaine. Si lointaine. Où était-il ? Elle ne pouvait pas le toucher. Elle n’y voyait absolument rien du tout. Mais il était quelque part. Il était forcément quelque part. Sinon, comment pouvait-elle bien entendre sa voix. Viktor.

- Viktor ? Appela-t-elle d’abord doucement, comme si elle testait sa voix.

Après tout, elle était plongée dans l’obscurité. Qui aurait su dire ce qui vivait là ? Et qu’était-ce donc que cet endroit ? Une caverne souterraine ? Un égout ? Il fallait qu’elle trouve le bord de cette étendue d’eau. Peut-être lui donnerait-il une indication pour savoir si elle se trouvait toujours dans une construction humaine ou non. Mais il fallait aussi qu’elle retrouve son compagnon d’infortune. Pas tant pour l’aider que pour une raison purement égoïste. Elle était terrifiée. Elle ne pouvait pas rester seule dans cet endroit.

- Viktor ?! Hurla-t-elle cette fois-ci à pleins poumons.

Les parois lui renvoyèrent l’écho de sa propre voix à l’infini.

- Viktor !!!

Sa voix était remontée dans les aigus caractéristiques de la crise hystérique. Sous ses pieds, le sol continuait lentement à remonter. Saoirce poursuivit dans cette direction, comme si sa vie en dépendait. Parce que sa vie en dépendait. La blonde fut prise d’une incontrôlable crise de sanglots. Était-elle folle ? Non, elle n’était pas folle. Elle n’avait pas sa place ici. Elle n’était pas folle. Alors pourquoi ? Pourquoi lui faisait-on subir tout cela ? Était-ce un test ? Encore un test d’un de ces psychopathes de docteurs ? Ou bien était-elle vraiment sur le chemin de la sortie et de sa rédemption ? Et s’il s’agissait d’un tunnel ? Oui, c’était ça. Elle était quelque part sous l’asile et avait dû atteindre un tunnel d’évacuation. Alors si elle allait jusqu’au bout du tunnel, elle pourrait sortir d’ici.

Le tunnel devait être sacrément large parce qu’elle ne pouvait pas en déterminer les parois. Saoirce tenta tant bien que mal de chasser cette pensée angoissante et continua à avancer. L’eau ne montait plus que jusqu’à sa taille à présent. Elle frotta ses joues pour en chasser toute trace de larmes et respira aussi lentement que possible pour calmer sa respiration encore saccadée. Elle continua à évoluer ainsi, plongée dans la nuit la plus noire, priant pour trouver sous ses mains tendues devant elle le contact rassurant d’un mur, d’une paroi. De quoi que ce soit à quoi se raccrocher.

Alors qu’elle avançait ainsi à l’aveugle, le sol se déroba de nouveau sous ses pieds.

Spoiler:

Face : Tentant de ne pas céder une nouvelle fois à la panique, Saoirce fit le petit chien, battant des pieds et des mains en rythme, luttant pour garder la tête hors de l’eau. Elle pensait ne pas trop mal s’en sortir quand quelque chose la saisit par le pied et la happa vers le fond. La blonde eut tout juste le temps d’avaler une grande bouffée d’air avant que les eaux ne l’engloutissent une nouvelle fois.

Pile 2 : Saoirce se débattit autant qu’elle put. Elle n’aurait de cesse de lutter, et ce jusqu’à son dernier souffle. Elle mit des coups de pieds, battit des mains. Et soudain, plutôt que de lutter contre l’ennemi invisible qui l’entraînait par le fond, elle fondit dessus. Elle griffa, mordit, tapa. Ce qu’elle savait faire de mieux. Elle déchaîna une violence telle qu’elle sentit l’emprise se défaire de sa cheville. Saoirce battit alors du plus fort qu’elle put des pieds, espérant qu’elle palmait dans la bonne direction, vers la surface et non pas vers le fond. A bout de souffle, elle atteignit enfin le rebord où elle s’effondra, à bout de souffle. Un halo fantasmagorique apparut alors un peu plus loin. La blonde avait du mal à reprendre ses esprits. Elle était trop épuisée pour pouvoir se redresser, plus encore pour lutter s’il s’agissait d’un nouvel antagoniste. Une toute petite voix s’éleva de la silhouette encore floue qui approchait toujours.

- Maman ?

Spoiler: