La situation Joël Jones, un brin trop alcoolisé, fait la rencontre du Diable. Ce dernier a pour Muse Marie, surnommée presque affectueusement Blondie.
Blondie va être en charge du gardiennage de l'entrepôt dans lequel Joël est retenu prisonnier pour avoir affronté le Diable la nuit dernière. La finalité ? Marie ne l'a connaît pas et ne sait pas si Joël est amené à mourir ou non. Elle va tenter d'atténuer leurs maux respectifs alors que la notion du temps leur file entre les doigts.
Contexte provenant de mon imagination débordante et tordante.
J'ai quasiment une trentaine d'années et je vis dans mon appartement miteux, un duplex, duquel je sors par contrainte pour le beau Diable. Dans la vie, je suis de celles qu'on appelle pour les sales boulots de merde et je m'en sors moyennement bien. Sinon, grâce à ma chance lé-gen-daire, je vis seule ! Heureusement ! Manquerait plus que j'amène quelqu'un dans ma galère quotidienne. J'ai besoin de mes clopes et d'un bon verre de vodka pour survivre aux évènements qui me sont présentés par le destin. J'ai très peu de patience, je suis plutôt impulsive et j'ai extrêmement confiance en mes poings. Je m'exprime peu et parfois mal. On dit de moi que je suis une charogne au coeur tendre. Parfois, je délaisse mes principes au profit du business. Parfois, je délaisse mes principes car le Diable ne m'en laisse pas le choix. Parfois j'aime. Souvent en revanche je déteste.
Avec paresse, au milieu de ses draps froissés, Marie s’accorde une dernière cigarette. Se penchant légèrement vers sa table de chevet, elle se saisit de son paquet de cigarettes, en extirpe une et retenti alors le bruit significatif du briquet en un cliquetis bien singulier. La flamme s’allume, la cigarette s’embrasse et roulant sur le côté la jeune femme porte le doucereux mélange à ses lèvres. Elle inspire, expire, en portant un regard sur les caractères gras du réveil qui lui indiquent :
03:00
Enième insomnie, énième angoisse à l’idée d’être appelée pour l’un de ces boulots dont personne ne veut au Dépôt. La boule au ventre, les sueurs froides à chaque fois que ses yeux se ferment, le sentiment de ne plus vivre mais de subir sa propre vie, les pensées qui carburent, Marie laisse un nouveau soupir s’extirper d’entre ses lèvres alors que l’angoisse latente semble gagner sa personne. Une vague de chaleur naît au creux de son estomac et perfidement vient gagner son visage, fait rougir ses joues alors que ses mains restent démesurément glacées.
Trois jours sans nouvelles. Trois jours sans que le téléphone ne sonne, vibre, à pas d’heures. Trois jours sans que les pneus de sa voiture viennent crisser au bas de son immeuble. Blondie le sait : le silence n’argue jamais rien de bon. Elle déglutit, tirant sur sa clope comme si sa vie en dépendait. Un léger tremblement vient avec fourberie agiter sa main et plutôt que de l’ignorer, Marie cherche à le faire taire. D’un regard, elle cherche son verre rempli d’un liquide cristallin. Vague navette du regard entre l’heure et le verre mais c’est en parfaite dépréciation de son existence qu’elle se rabat vers le cristal. Roulant d’un bord à l’autre du lit en fonction de son occupation, elle alterne entre alcool et clope jusque à parvenir à fermer les yeux.
05:30
La sonnerie vrombit, assourdissante, amenant Blondie à sursauter et à s’extirper rapidement de son lit. Tangible sur ses grandes jambettes, elle frotte vivement ses yeux de ses paumes et porte un regard sur l’écran aveuglant.
Lui.
Elle déglutit, décroche, sans piper mot. Les instructions résonnent alors comme la caresse d’une lame froide portée un peu trop proche de son cou. Elle oppresse. Suffoque alors que son cœur bat la chamade. Aucune excitation, uniquement de l’appréhension qui accable son corps dénutri. Marie observe la pâleur de la lune qui se reflète au sein de sa chambre alors qu’il dicte le prochain rendez-vous, la prochaine mission. Enième entourloupe, il connaît ce dont elle a besoin, connaît le montant de ses charges et sait lui donner de quoi survivre, vivre, de quoi l’obliger à revenir perpétuellement vers lui. Marie sait qu’une fois tombée dans ce type d’organisation, on n’en ressort pas véritablement. Pire encore, on commence à y prendre goût.
L’appel passé, elle reste un instant debout au bon milieu de la pièce désabusée. Rapidement, l’air lui manque l’angoisse gagnant du terrain. La jolie se précipite au bord de fenêtre, ouvre ces dernières et inspire de très grandes goulées d’air.
Les premières d’une très longue série.
Les larmes de frustration viennent rouler le long de ses joues alors que ses poumons emplis de fumée tressautent. Elle tousse. Avec verve et rage elle essuie ses yeux larmoyants de ses petits poings fermés. Son cœur se serre à l’idée d’être le Bourreau alors que résonne en boucle la dernière phrase du Diable à son oreille : « Je t’attends pour 9h00. Tâche d’être à l’heure, j'ai un boulet dont je veux que tu t'occupes. »
Entre ses lèvres tremblotantes sous les pleurs refoulés, Marie lâche quelques jurons. Forcée de s’endurcir pour protéger les siens depuis ces quelques dernières années de débauche, forcée de grandir plus vite qu’elle ne l’aurait espéré jusque alors, sa vie d’adulte et de solitude n’est plus que l’ombre du Diable. Pantin désarticulé à sa merci, il exige et Marie agit avec herbe et alcool pour supporter sa misérable existence d’endettée.
Chaque nuit, dans l’attente de son appel c'est une dizaine de regards d’inconnus qui viennent hanter son esprit. Elle se souvient de tout le monde, de toutes ces personnes délaissées à l’Entrepôt à la merci du Diable. Elle se souvient de leurs larmes, de leurs supplications ou de leur état d’inconscience lorsque ses talons se sont tournés pour récupérer une nouvelle enveloppe. La Belle a déjà pensé à s'en aller mais la fuite serait vaine. Alors elle lutte, apprend. Apprend à se battre, apprend à combattre. Dans son pauvre petit duplex miteux, Blondie s’est installée un sac de frappe. Elle y cogne ses poings durant certaines nuits d’insomnie, apprend à être plus vive, plus débrouillarde pour esquiver le jour où il n’aura plus besoin d’elle et souhaitera la faire disparaître.
Quittant le bord de fenêtre, retournant sur le bord du lit en saisissant l’une de ses peluches, Marie se roule en boule attendant le lever du soleil.
La lune laisse rapidement place aux rayonnements timides du soleil. Le jour se lève et entrouvrant les yeux, elle scrute son téléphone pour voir l’heure. Le timing est parfait, lui offrant l’opportunité inespérée de profiter de la vie avant cette ultime mission. Elle n’a jamais vraiment de délai. Tout ce qu’elle sait c’est que les situations s’enchaînent au Dépôt et peuvent durer quelques heures comme quelques jours. Gardienne du Dépôt et des personnes qui y sont amenées par la force des choses, telle est sa mission à l’Entrepôt le temps d’écouler sa dette auprès du Diable. Au bas de l’immeuble résonne finalement le vrombissement si singulier de sa voiture. Attrapant son sac à dos, Marie jette un dernier regard dans le reflet du miroir et s’assure d’avoir sur elle le nécessaire à son aventure du jour : couteau, téléphone et paquet de clopes.
Le reste attendra.
Assise à l’arrière de la vieille caisse, son regard se portant sur les déchets qui jonchent le sol de la voiture, Marie sifflote doucement. Ses yeux se ferment légèrement, bercée par la voiture et le manque de sommeil de la veille. La pluie ruisselle sur le toit de la voiture, brouillant la vision du chauffeur et du Diable qui se tiennent à l’avant du véhicule. Le Dépôt est situé à l’extérieur de la ville. Les chemins sont semés d’embuches entre branchages, trous, boue, l’accès au Dépôt est quasi impossible pour quiconque ne connaîtrait pas cette plaque. Le silence est d’or comme à chaque trajet et personne ne vient troubler l’atmosphère pesante. Personne n’ose questionner sur les nouvelles tâches carmin à l’arrière du véhicule ni sur les armes au bas des sièges. Personne n’ose demander qui est au sein du dépôt et quel est son crime.
Non, vraiment, personne ose interrompre le silence ambiant.
La vieille voiture se gare et Marie récupère son sac à dos qu’elle jette sur l’une de ses épaules. Son regard croise furtivement celui du chauffeur qu’elle remercie en abaissant légèrement son visage, durant un très bref instant. Politesse futile, vestige de son passé, ses bottes viennent pourfendre le sol avec assurance alors que son menton pointe en la direction de l’entrepôt. La jolie tente de montrer aucune marque de faiblesse en la compagnie du Diable et de ses acolytes. Elle revêt son plus beau masque, imperturbable et rien ni personne ne semble pouvoir la faire sourciller.
Les portes du hangar s’ouvrent en un crissement familier aux oreilles de Blondie. Elle se tient légèrement en recul ne sachant ni à qui, ni à quoi elle va faire face cette fois-ci et dans l’ombre du Diable, elle avance. Son regard se porte sur la droite, sur la gauche, personne. Ses sourcils se froncent légèrement sous l’incompréhension : vont-ils lui faire surveiller un dépôt vide ? Comme à son habitude, les instructions de la vieille ont été floues, quasi énigmatiques mais de là à surveiller 4 murs vides et un chiotte en perdition au fin fond du trou du cul du monde, Marie s’étonne. Elle cherche le regard de l’un de ses acolytes de fortune, en vain, tout le monde surpris et le beau Diable agacé. Grommelant dans sa barbe, ce dernier tape du pied au sol et créé une onde qui résonne dans tout le local vide : « Il s’cache où le petit trou du cul ?! Fermez les portes ! Toi, le Chauffeur, tu cherches là bas. Toi, Blondie, tu prends la partie nord avec les chiottes et moi j’prends le sud. »
D’un geste de la tête Marie acquiesce et fait glisser son sac à dos devant elle. Elle en extirpe son couteau qu’elle glisse avec prudence le long de sa manche, se dirigeant d’instinct vers les toilettes. D’un coup de pied, Blondie pousse la vieille porte en bois et y trouve un homme agenouillé devant entrain de vomir toutes ses tripes ! ...
« Tu devrais arrêter, Joël. Tu devrais te reprendre. » Il en avait plus que marre d’entendre ce qu’il devrait faire ou ne pas faire de sa vie. De sa survie, pour le coup. Cela faisait deux mois que Nelly était morte et il était hors de question qu’il vive une vie saine sans elle. Il avait laissé les enfants à leur grand-mère pour ne pas les faire couler avec lui, ainsi il était libre de se salir les mains comme il le faisait actuellement. Sa femme se trouvait à ses côtés, dans sa plus belle robe d’été, souriante et merveilleuse. Seuls des coups et des cris parvenaient à ses oreilles. Il mit plusieurs minutes à émerger. La scène avait changé : Nelly criait, hurlait qu’il devait arrêter, qu’il allait avoir des problèmes. Des problèmes ? Quels problèmes ? Les cris et les coups s’arrêtèrent au moment où il se sentit partir en arrière. Un homme en noir l’empoigna au niveau du col et le plaqua brutalement contre un mur. Joël cligna des paupières à plusieurs reprises, il n’avait aucune idée de ce qui était en train de se passer. Black-out ? Au sol, un homme amoché se releva et se releva difficilement. Quelqu’un lui avait en l’occurrence bien cassé la gueule. C’est toi, crétin, regarde tes poings ! Tu es devenu complètement fou ! Il observa ses poings serrés et rouges, toujours plaqué au mur par le colosse. Un sourire fendit son visage et il éclata de rire. « Oooh comment j’lui ai mis la misère ! J’en ai plus aucun souvenir. T’as pas vu mon verre, mon ami ? » Il ne reçut comme réponse qu’un coup de poing en plein visage. Sonné, il cracha un mollard gorgé de sang et de Whisky près de la joue de l’homme, qui lui asséna trois coups de poing et genoux dans le ventre. Joël tomba au sol et cracha à nouveau ses tripes. Un énième coup le fit tomber dans l’inconscience.
Quand il se réveilla, le corps bleu de douleur, un mal encore plus fulgurant lui empoigna les intestins. Il avait beaucoup trop bu, il ne se souvenait d’absolument rien. Il regarda un moment où il se trouvait et reconnu un dépotoir inutilisé. « Qu’est-ce que j’fous ici putain » Il n’était pas attaché et personne n’était présent pour le surveiller. Nelly était assise en tailleur dans la crasse du sol de l’immonde lieu. Sa robe jaune pâle allait se salir en un rien de temps et cette simple pensée rendit Joël triste à en crever. Elle le regarda et lui sourit. Il savait qu’il avait encore fait une connerie. « Merde… Nelly je suis désolé, je fais que des conneries. Bordel c’que j’me sens mal… » Elle s’installa à ses côtés et lui prit sa tête sur ses genoux. Elle passa ses mains dans les cheveux crasseux de son mari, perdu entre douleur et sanglots. Il n’avait jamais eu l’alcool joyeux.
Il comprit qu’il s’était endormi lorsqu’il ouvrit à nouveau les paupières. Une envie soudaine portée par la même douleur le fit se lever à une vive allure. Il chercha sans savoir vraiment pourquoi, vu l’état des lieux, des toilettes où il pourrait se soulager et se rincer le visage. Il arriva par miracle dans les sanitaires du bâtiment délabré et se déversa dans la cuvette, affalé au sol. Ses bruits écœurants devaient résonner dans tout le dépôt mais cela ne lui vint même pas à l’esprit. Il avait l’impression de cracher tout son mal-être hors de lui, et cela lui faisait un bien fou. Joël n’entendit pas les cris qui retentirent au loin, ni les pas qui approchaient à toute vitesse vers lui. Il sursauta quand il tourna la tête et tomba nez à nez avec une jeune femme, qui n’était pas Nelly. Il se sentait misérable. Il rampa presque vers le lavabo pour se rincer la figure et se redonner contenance. Ses yeux étaient encore flous ; il semblait avoir encore beaucoup d’alcool dans les veines. « Je faisais que passer, pardon… Je… Je m’en vais. » Il tituba vers la sortie des toilettes, mais entrevu soudainement un homme armé. Il semblait chercher quelqu’un. Il recula sans réfléchir et se cacha derrière la porte, en appuyant son index contre ses lèvres encore humides, à l’attention de la jeune femme. Nelly était adossée au mur face à lui, bras croisés et moue dépitée. Elle avait l’air en colère et Joël comprit qu’il avait une fois de plus fait une connerie. Son regard vint s’ancrer comme il le pouvait dans celui de la jeune femme blonde qui l’avait vu dans un état déplorable. « Dites… Vous pouvez m’aider ? Je sais plus ce que j’ai fait hier, mais à mon avis j’ai fait d’la merde. Ce mec, là, j’crois qu’il me cherche. J’ai pas envie de m’en prendre plein la gueule encore… S’il vous plait ? » Il n’avait absolument plus honte de passer pour un homme pathétique. Il avait laissé de côté sa dignité depuis un bon moment.
@ Nemo
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