Un sourire pour unique réponse alors que Johanne ne le contredisait pas. En fait, elle lui donnait presque raison. Parce qu’au fond d’elle, elle devait savoir qu’il n’avait pas tort. S’évader sur d’autres territoires, rien que tous les deux, aurait pu peut-être sauver leur mariage… Peut-être. Mais cela appartenait au passé. Ils avaient fini par signer les papiers du divorce et partir chacun de leur côté. Un nouveau sourire se glissa sur les lèvres du politicien « On s’est reconstruit » souffla-t-il tout en tournant la tête vers elle, en observant chaque détail de son visage, ses cheveux. Il finit par redresser la tête, ne souhaitant pas raviver un peu trop brutalement ce qu’il éprouvait pour elle. Elle appartenait au passé. Il devait se faire une raison. La preuve en était, Johanne avait tiré un trait sur tout ce qui appartenait à ce temps révolu en changeant même d’adresse et de quartier. Williamsburg. Ça étonnait guère Wyatt. Un quartier d’artiste pour une artiste. Elle confirma et ça le fit sourire de nouveau. Le beau brun avait l’impression de la redécouvrir de nouveau après ces quatre ans sans avoir échangé, ne serait-ce qu’un message. Pour sa part, Wyatt n’avait pas tiré un trait définitif sur Manhattan et se plaisait toujours à rentrer dans ce qu’il appelait affectueusement sa ville patrie « Oui. Washington est là où je travaille, mais New York est mon chez moi ». Il avait grandi dans cette ville et avait rencontré l’amour de sa vie. Il ne pouvait pas la délaisser ainsi.

Wyatt laissa un petit rire échapper quand Johanne tenta de lui rappeler que c’était aussi ce contradictoire qui faisait le charme de ce métier qu’il avait tant désiré, au point d’en sacrifier ce qui comptait finalement le plus à ses yeux « Malheureusement, c’est séduisant uniquement d’un point de vue extérieur. Dans l’hémicycle, ça perd tout son charme et on remarque que certains prônent leurs intérêts personnels et financiers avant l’intérêt public ». Et peu à peu, cela commençait à peser sur les épaules de Wyatt qui condamnait ce comportement de la part de ses semblables. Il reposa sa tête contre le dossier du siège, tournée vers elle, et la couva du regard avec tendresse tout en esquissant un sourire « Tu obtiendras sûrement plus de résultats que moi ». Elle lui avait terriblement manqué et il en prit pleinement conscience en cet instant, alors qu’elle se trouvait à ses côtés. Si proche, mais si loin à la fois. Il n’avait jamais cessé de l’aimer durant ces quatre années, et il le comprit en la retrouvant dans cet avion. C’était aussi doux que douloureux que de l’avoir ainsi, à ses côtés, sans pouvoir faire le moindre pas en avant vers elle…

L’heure du déjeuner sonna et Wyatt se redressa alors que l’hôtesse de l’air distribua les repas à chacun des passagers. Pour sa part, il avait opté pour un plat français et proposa à Johanne de goûter, mais déclina son invitation « Dommage » et porta la fourchette à ses lèvres. Il finit par poser la question qui lui brûlait les lèvres et il hocha lentement de la tête en entendant la réponse de Johanne alors qu’il continuait de fixer le plat qu’il dégustait avec appétit. Il finit par sa bouche, s’essuya de sa serviette et ajouta « Je suis désolé de l’entendre ». Même si ce n’était pas totalement la vérité. Mais après quatre ans de divorce, tenter de reconstruire sa vie était naturelle. « Pourquoi vous vous êtes séparés ? » et précisa « Si tu considères que ce ne sont pas mes histoires, tu peux refuser de me répondre » et lui adressa un doux sourire avant de reprendre une bouchée qu’il avala avant de répondre « Oui, mais ça n’a duré que huit ou neuf mois ». Il se saisit de son verre sans le soulever, son regard perdu dans le vague alors qu’il resta silencieux quelques secondes, puis finit par dire « Elle m’a dit qu’elle m’aimait. Je suis resté muet. Elle a compris que ce n’était pas réciproque ». Il haussa les épaules, puis porta son verre à ses lèvres pour en prendre une gorgée.

Johanne avait souri avec douceur, cette douceur qu’elle lui avait toujours adressé avec le regard. « -c’était le but non… de notre divorce… » précisa la belle brune. C’était en invoquant ce besoin de reconstruction qu’elle avait pris la décision de retirer son alliance. Parce qu’ils en avaient besoin, et qu’ensemble, ils en étaient incapable. Cela n’étonnait pas vraiment Joe que Wyatt ait gardé un pied à terre à Manhattan. Il était né dans cette ville, il l’avait dans la peau. Il y avait aussi des souvenirs à chaque coin de rue. Des bons, des mauvais aussi… Mais elle ne l’imaginait pas se déraciner.

Elle évoqua la travail, et sourit. Sourire un brun moqueur. « -et tu ne t’en étais pas rendu compte avant ? » elle se foutait de lui. Il le savait. « -heureusement pour ce pays qu’il y a quelques types comme toi… » ajouta-t-elle avec sincérité. Elle évoqua ensuite son propre travail. Laissa échapper un léger rire : « -crois moi, ceux qui écrivent les articles et les critiques sont les proches cousins de ceux qui se presse pour avoir une conférence de presse avec toi. » ce qui voulait dire que rien n’était facile. Peut importe le domaine, le job, ils y avaient toujours une nuée de moustique autour des gens qui osait briller. Le voir sourire, croire en elle… c’était compliqué soudaine de se tenir à côté de lui.

Heureusement l’hôtesse passa pour donner le repas. Cela permit à Johanne de remettre un peu de distance en refusant de gouter son plat. Il posa une question indiscrète, revenant sur le sujet du célibat. Elle ne cacha pas la vérité. Oui, elle avait une histoire avec quelqu’un d’autre que lui. Mais ça n’avait pas durée. Aujourd’hui elle était seule. Elle sourit. Tritura sa salade quelques secondes avant de répondre : « -il voulait plus que ce que je pouvais offrir. » c’était vague. Mais bon… elle n’avait pas envie de rentrer dans les détails, et retourna la question à Wyatt. Hors de question qu’elle n’obtienne pas d’information en retour. Sensation étrange au creux du ventre en entendant les justifications de Wyatt. Il n’était pas tombé amoureux de cette autre femme. « -je suis désolée que ça n’est pas fonctionné. » oh le mensonge. Elle était presque jalouse de savoir qu’une autre femme qu’elle avait dit je t’aime à Wyatt. Johanne ferma les paupières avant de reprendre le court de son repas. « -tu l’as rencontré comment ? » maintenant qu’ils étaient lancé sur le sujet ! et pour une fois qu’elle faisait sa déplacée plus que lui.

Wyatt avait toujours aimé cette manière qu’elle avait de lui sourire ainsi. Dans leur relation, il était le spontané, parfois le maladroit, et elle, elle était la douceur et la bienveillance incarnée. Et la voir lui sourire ainsi, après ces quatre ans passé loin de l’autre… Ça faisait renaître des sentiments contre lesquels il se battait, qu’il tentait de faire passer sous silence. Il se concentra davantage sur leur conversation qui, elle aussi, ramené son lot de souvenirs, de ressentiments. Sa tête posée contre l’appui-tête de son siège, Wyatt lui sourit avec douceur « On a divorcé pour que tu te reconstruises toi, que tu te retrouves. On va dire que ma propre renaissance n’est qu’un dommage collatéral ». Parce qu’il avait signé les papiers du divorce pour elle, pour qu’elle ne sombre pas davantage, pour qu’il ne rentre pas un soir en la voyant de nouveau inerte sur le sol de leur luxueuse maison. Il l’avait fait pour qu’elle retrouve sa liberté, sa joie de vivre. Pour qu’elle redevienne la femme dont il était tombé amoureux vingt ans auparavant. Et aujourd’hui, il fut rassuré de voir qu’il avait pris la bonne décision en apposant sa signature sur ces papiers qui mirent fin à leur union. Elle était rayonnante. Et l’une des raisons qui l’avait poussé à rester à New York en dehors du fait que ça restait sa maison, c’était aussi pour maintenir un lien invisible avec elle. Vivre dans la même ville que Johanne, c’était la garder un peu à ses côtés malgré leur divorce et le silence qui avait suivi.

L’entendre se moquer de lui ainsi ne fit que confirmer que Johanne était redevenue elle-même, qu’elle était de retour. Ce qui n’allait en rien arranger la situation. Il tenait toujours à elle, malgré le temps. Ce dernier n’avait pas fait son œuvre, et il l’en remercia silencieusement alors qu’il se mit à rire à son ton moqueur « J’étais naïf et plein d’espoir. Et heureusement, sinon personne ne ferait de politique », puis baissa les yeux alors que son rire s’estompa pour ne laisser qu’un doux sourire sur les lèvres du beau brun. Il finit par relever son regard sur elle « Merci… » et se retint de poser sa main sur la sienne. La proximité sans l’intimité. C’était une savoureuse souffrance. Il apprécia son rire si sincère et qui lui avait tant manqué, et l’imita bien vite « Tous des requins affamés et nous sommes tous deux un ban de poissons appétissant ». C’était l’image qu’il avait toujours eu à propos de la presse. Il la couva un instant du regard avant qu’ils ne soient interrompus par l’arrivée du déjeuner.

Wyatt ne put retenir davantage la question qui lui brûlait les lèvres concernant la vie sentimentale de Johanne. Elle avait rencontré un homme, mais ça n’avait pas duré. Officiellement, il était désolé, mais intérieurement, c’était nullement le cas. Savoir qu’aucun homme n’avait su conquérir son cœur le rassura. Il délaissa son assiette du regard pour le poser sur Johanne « Tu le regrettes ou … » comment formuler cela « Ou votre séparation s’est bien passée ? ». Est-ce qu’elle pensait encore à cet homme ? C’était ça la question ! En retour, Wyatt se montra tout aussi sincère alors qu’il fixa un point invisible tout en répondant. Oui, il avait rencontré une femme. Une femme qui avait tout pour elle et qui avait fini par tomber amoureuse de lui, mais en retour, il était incapable de lui offrir son cœur. Ce dernier appartenait toujours à cette femme assise à ses côtés dans le vol en direction d’Hawaii. Il continua de déguster son plat quand Johanne s’excusa. Il retira lentement sa fourchette de sa bouche, avala et se mit à sourire en levant ses yeux verts sur elle « Tu n’as pas à l’être. Je ne le suis pas ». Il avait tenu à elle, mais c’était Johanne la femme de sa vie. Savoir que son cœur était incapable d’y déroger lui rappeler qu’il n’avait pas prononcé ces paroles en vain juste avant leur divorce. Elle était la femme de sa vie. Il posa ses couverts dans son assiette, il avait terminé son assiette. Une gorgée d’eau avant de s’essuyer la bouche, puis s’enfonça dans son siège « Elle travaillait au Sénat en tant que consultante juridique. On a eu un dossier complexe, alors je l’ai consulté. On a fini par manger chinois à même le sol de son bureau, puis on s’est revu plusieurs fois et on a décidé d’aller plus loin ». Il tourna la tête vers Johanne « J’essayais de t’oublier… » et lui sourit avant de rétorquer « Et toi ? ».

Johanne avait baissé les yeux. Il avait raison, c’était elle qui avait été à l’initiative de ce divorce. Il n’avait fait qu’accepter. Par amour… ou par résignation. Une partie d’elle-même s’était toujours dit que le divorce et la séparation ne pouvait qu’être bénéfique pour Wyatt également. Il avait lui aussi des plaies faire cicatriser. De plus, elle avait eut la sensation de le libérer. Ainsi il n’avait plus à penser à elle, à son bienêtre. Il avait pu ainsi se concentrer exclusivement sur sa carrière. En gros elle était une charge mentale en moins. Mais entendre cette phrase dans la bouche de son ex-mari, cela sonnait un peu comme une accusation. C’était sa faute à elle, si ils avaient signé ces papiers et que leur vie commune avait volé en éclat. Encore une fois, elle était l’unique responsable. Malgré le travail qu’elle avait fait sur elle, la culpabilité était quelque chose qu’elle avait toujours du mal à soigner. Elle lui avait fait tant de mal… mais c’était peut-être une bonne chose qu’il s’exprime ainsi, cela éviterait aux sentiments de prendre le dessus. Ils allaient se retrouver pendant deux semaines sur la même ile. En sachant que l’autre y était. La tentation était forte. Il venait par ses mots, de fournir une parfaite barrière entre eux, du point de vue de Johanne.

Elle fut heureuse de constater que Wyatt se plaisait dans son travail, mais que peu à peu il était également forcer de constaté qu’il avait bien du mal à faire bouger les choses. Il déchantait petit à petit… Même si elle trouvait ça bien qu’un homme comme lui s’occupe du pays. Il faudrait bien plus des comme lui. Un léger sourire face à la métaphore. Il savait y faire avec la presse. De son côté, elle avait toujours du mal à supporter ça. Mais elle avait appris à prendre la distance. Elle gérait sa carrière, et elle savait depuis quatre ans, qu’elle ne serait plus la cause d’un problème dans celle de Wyatt. Ce qui était un soulagement.

Ils se mirent à parler vie privée, et Johanne préféra répondre avec franchise. « -je l’appréciais beaucoup, mais on ne voulait pas la même chose. » elle prit une gorgée d’eau. « -et non, je ne regrette pas. Ni cette histoire, ni d’y avoir mis fin. » elle reposa son verre : « -disons que ça a été moins douloureux pour moi que pour lui. Mais il a compris. » C’était un homme posé, intelligent et il avait compris avant qu’elle ne parle ce soir-là. L’histoire de Wyatt n’avait pas fonctionné non plus. Il n’était pas tombé amoureux de cette femme. Un léger sourire lorsqu’il lui expliqua comment il avait rencontrer cette femme. Puis son cœur sembla louper un battement. Il essayait de l’oublier… cela voulait il dire que ça n’avait pas fonctionné ? Pourtant cela faisait quatre ans qu’ils étaient divorcés. Wyatt était en droit, tout comme elle, de refaire sa vie. Elle termina de manger puis elle répondit : « -il est photographe. On s’est rencontré sur un shooting photo. Il n’avait pas du tout compris ce que je voulais, n’en n’a fait qu’à sa tête. Il s’est présenté chez moi deux semaines plus tard avec des fleurs pour s’excuser. De fil en aiguille… on s’est rapproché. Ça a pris du temps. » elle releva les yeux. « -ça ne pouvait pas marcher. J’ai toujours été incapable de lui parler de mon passé. «

Si Wyatt avait signé les papiers du divorce quatre ans auparavant, c’était uniquement pour la libérer de la pression qu’il faisait peser, malgré lui, sur ses épaules en choisissant de devenir sénateur. Il l’éloignait ainsi des feux des projecteurs. Il lui redonnait sa liberté et la possibilité de se reconstruire seule. Ce qu’elle était semblablement parvenue à faire avec le temps. Sa propre reconstruction n’était qu’un dommage collatéral. Peu à peu, il avait accepté le divorce, la disparition de Marcus, la tentative de suicide de sa femme. Il était donc redevenu, à son rythme, l’homme qu’il avait été avant toutes ces tragédies. Il restait toujours l’homme politique en surface, mais intérieurement, l’ancien Wyatt avait fait son retour et il se sentait enfin en paix avec les évènements de ces dernières années. Il était redevenu plus insouciant, plus spontané, au grand damne de Claire certains jours qui peinaient à le suivre au quotidien. Toutefois, il ne parvenait pas à retrouver l’amour parce que son cœur avait choisi Johanne et ne comprenait toujours pas qu’elle appartenait dorénavant au passé. Son aventure avec Kim en était la preuve. Elle avait tout pour plaire. Pour lui plaire. Mais les sentiments n’étaient jamais venus. Elle l’avait aimé, mais pas lui. Et en entendant Johanne lui confiait les raisons qui l’avait poussé à quitter l’homme qu’elle avait rencontré, il se rendit compte qu’il n’était pas le seul dans cette situation « Il m’a l’air d’un homme bien ». En tout cas, c’était l’image qu’il renvoyait dans les dires de son ex-femme.

Pour sa part, Wyatt ne se cacha pas qu’il avait accepté sa relation avec Kim pour l’oublier elle. Finalement, ça n’avait pas fonctionné sur le long terme et ils avaient décidé en commun-accord, mais avec un plus d’accord que l’autre, que leur histoire s’arrêterait dorénavant. Un sourire se glissa sur les lèvres de Wyatt quand Johanne se confia sur sa rencontre avec ledit photographe. Mais son sourire s’estompa au moment où Johanne évoqua ce passé dont elle ne parvenait pas à parler à voix haute. Il ouvrit la bouche, mais rien ne sortit car ils furent de nouveau interrompu par l’hôtesse de l’air qui vint débarrasser leur plateau repas et troqua son repas contre un café. Il la remercia, vida le sachet de sucre dans son gobelet, remua le tout dans le silence, puis après en avoir avalé une gorgée tourna la tête vers Johanne « Je peux le comprendre. Quand Kim m’a demandé si j’envisageais un jour d’être père, j’ai seulement répondu que « non » sans être capable d’expliquer les raisons. Je ne voulais pas être pris en pitié… » et esquissa un sourire en baissant son regard sur le breuvage sombre « Il n’y a que nous qui sommes en droit de juger notre passé parce que nous l’avons vécu. Toutefois, Joe.. » et tourna la tête vers elle en la regardant avec douceur, posant sa main sur la sienne « Il ne te définit pas. Il t’a façonné, mais il reste le passé. Ce qui importe, c’est la femme que tu ais aujourd’hui. Tu n’es pas obligé d’en parler à qui que ce soit pour qu’il apprécie la femme bienveillante, douce, drôle et intelligente que tu es. Ce qui s’est passé avant, ça ne concerne que toi. Ce n’est pas une case que tu dois cocher obligatoirement pour qu’un homme tombe amoureux de toi. S’il n’est pas stupide, il acceptera ton silence et appréciera le temps passé à tes côtés ». Il retira lentement sa main, comme s’il venait de se rendre compte qu’il n’était plus en droit de faire ce geste à son encontre, et se saisit de son café pour en prendre une gorgée « Il faut que je leur demande la marque, il est meilleur que celui que Claire me sert ».

Un hochement de tête. « -c’est le cas. » Zack était un homme droit, posé, calme et patient. Le genre a ne pas poser de questions quand il ne le fallait pas. Le genre aussi à ne pas vouloir à tout prix savoir. Il était compréhensif, attentionné… mais il n’était pas Wyatt… c’était les mots qu’il avait employé. Je ne suis pas lui… lorsqu’elle avait décidé de rompre. Elle expliqua ensuite que depuis le début, elle savait que cette relation ne se développerait pas plus que ça. Le frein c’était elle. « -c’est difficile d’entre les gens donner leur façon de penser. Même si c’est fait avec gentillesse… Je déteste entendre les : tu es encore jeune ou encore des : tu devrais refaire ta vie. Comme si c’était trop difficile pour eux d’accepter que certaines décisions étaient prises et qu’ils n’avaient pas leur mot à dire. » elle baissa le regard et reprit : « -j’ai eu la même réponse que toi. » Quand Zack avait posé la question, elle avait répondu non. Pas un : je ne veux pas d’enfant. Mais un non catégorique. Sans fournir plus d’explication. Il avait comprit que c’était un sujet à ne plus aborder.

Johanne releva le visage vers Wyatt, suspendu à ses lèvres. Très peu de personne avait cette façon de l’appeler Joe… Elle sentit son cœur prendre de la vitesse lorsqu’il posa sa main sur la sienne. Elle lui sourit avec douceur à mesure qu’il parlait. « -je sais… et c’est exactement ce que Zack à fait. » il était tombé amoureux sans avoir toutes les informations, sans la forcé à lui donner. « -c’est moi qui n’était pas… prête… » et ce n’était pas seulement une histoire d’enfant. Mais elle n’était pas prête à avouer à Wyatt qu’elle avait pensé à lui plusieurs fois en faisant l’amour avec la photographe. Parce que c’était différent, que ses baisers n’avaient pas la même saveur… Elle sourit de plus belle lorsqu’il parla du café, comme pour faire diversion. « -Claire travaille toujours pour toi ? » s’étonna la jeune femme en portant son café à ses lèvres, avant de souffler dessus. Elle n’avait jamais aimé boire trop chaud.

Quelques minutes plus tard, Johanne regarda ce qu’il y avait en film. Non pas que la conversation ne lui plaisait pas, mais plutôt parce qu’elle avait peur de se laisser entrainer sur une pente glissante. Elle sourit en voyant un des films : « -j’ai jamais vu la fin de celui-ci… » ils l’avaient vu plusieurs fois ensemble, c’était un classique pour Wyatt. Elle s’était toujours endormie devant.

L’homme que Johanne avait rencontré était un homme bien, et ça rassura quelque peu le sénateur. Elle n’avait pas besoin d’un homme toxique dans sa vie. Pas après tout ce qu’ils avaient traversé ensemble. Johanne avait le droit d’être heureuse. Pour seule réponse, il lui sourit avec douceur tout en hochant de la tête. Toutefois, elle n’était pas parvenue à construire une histoire avec lui, au même titre que Wyatt en avait été incapable avec Kim. Quand la question des enfants s’était posée, il avait répondu un simple « non » sans la moindre explication. Son ton n’avait pas laissé place à la conversation. Kim avait compris aussitôt que le sujet était sensible pour ce dernier et avait eu le respect de passer ses interrogations sous silence. « Ils doivent accepter que l’on trace chacun notre route, avec nos choix et nos expériences, sans qu’ils y mettent leur grain de sel à leur manière, même si c’est fait avec bienveillance. Ils n’ont pas eu notre parcours de vie ». Il leva ensuite ses yeux verts sur Johanne qui avait eu la même réponse que lui concernant les enfants. Un maigre sourire se glissa sur les lèvres du politicien sans mot dire. Il n’y avait rien à dire. Ils savaient que trop bien, tous les deux, les raisons qui les poussaient à ne plus désirer d’enfants aujourd’hui. Et même s’ils étaient parvenus à faire leur deuil, en tout cas c’était le cas pour Wyatt, il avait également accepté l’idée de ne jamais être père un jour. Il ne souhaitait pas un enfant avec une autre femme, et il ne souhaitait pas revivre également la perte d’un bébé. Ça les avait bien trop détruit par le passé. Aujourd’hui, il avançait.

Le regard posé sur Johanne qui lui confirma que son ex petit-ami avait accepté de l’aimer sans connaître son passé, il sourit avec douceur « Tu avais tes raisons ». Il avait peur de demander lesquelles alors il ne le fit pas. Il opta même pour un changement de sujet radical en évoquant le café qu’il tenait entre ses doigts. Il recula légèrement la tête avec un sourire amusé sur les lèvres « Tu es étonnée ? Je ne suis pas un mauvais patron, tu sais » et reprit sa place non sans émettre un petit rire « Oui, elle travaille toujours pour moi… Elle est devenue maman il y a trois mois… » et posa son regard sur Johanne « Je suis devenu le tonton Sénateur ». Il dégusta le reste de son café dans le silence, en observant seulement les alentours de temps à autre, sinon il fixait uniquement le café dont la quantité se réduisait un peu plus à chaque gorgée. Il déposa le gobelet enfin vide sur la tablette devant lui, puis se pencha légèrement pour voir le film dont lui parlait Johanne et reprit sa place initiale « C’est peut-être l’occasion de voir si l’histoire se termine bien » et ajouta « On le regarde ensemble ? » et pianota sur la tablette afin de lancer le film de son côté, en même temps que son ex-femme et après un regard pour elle, glissa les oreillettes dans les oreilles, et lança le film.

Elle avait souris, puis elle avait mis les écouteurs dans ses oreilles. Cependant, encore une fois, elle ne vit pas la fin du film. Johanne s’était endormie et c’était le signal sonore de l’avion qui l’avait réveillé. Ils devaient mettre leurs ceinture, l’avion allait entamer sa descente. Elle se frotta les yeux, et se redressa légèrement avant de boucler sa ceinture. Un regard pour Wyatt toujours à côté d’elle. Un sourire presque gêné. « -ça sera pour une prochaine fois. » décidément elle avait un problème avec ce film. Elle inspira lentement, autant elle adorait le décollage, autant l’atterrissage n’était jamais apprécié. Elle se tendit dans son siège, fixant un point devant elle, s’agrippant aux accoudoirs. Heureusement, le pilote savait faire son travail et bientôt, elle ferma les yeux avec force lorsque les roues touchèrent le sol. Un long soupire. Ils étaient arrivés à destination.

Johanne défis sa ceinture et rangea ses quelques affaires. Elle laissa Wyatt se lever, prendre ses affaires avant d’en faire de même une fois qu’il eut fait trois pas dans l’allée. Son sac à main sur l’épaule, elle suivit les passagers pour descendre de l’avion, silencieuse. Devant elle, son ex-mari avançait aussi. Voilà, c’était la fin du vol, la fin du voyage. Ils allaient passer leurs vacances séparément, chacun dans son hôtel. Mais elle était convaincue qu’il allait hanter ses pensées. Elle ne prit pas la peine d’allumer son téléphone, elle n’attendait de message de personne. Direction les tapis roulant pour récupérer sa valise, toujours pas très loin de Wyatt. Elle se saisit de son bagage et se tourna vers lui. « -bon… et bien je te souhaite un beau séjour… » parce que c’était ici que leurs routes se séparaient. Elle n’avait pas prévu grand-chose à l’avance pour ses vacances. Prendre un taxi pour se rendre à l’hôtel, déposer ses bagages, enfiler un maillot de bain et filer à la plage. Pour le reste, elle s’était dit qu’elle trouverait et verrait une fois sur place. Ce fut plus fort qu’elle. Johanne demanda : « -tu es à quel hôtel ? » puis elle ajouta : « -on pourrait peut-être aller diner, un soir… » elle savait parfaitement que c’était une mauvaise idée. Mais se tenir à côté de lui durant ces quelques heures… ça avait ravivé le manque de lui. Quatre ans ses se parler, se voir. Une partie d’elle-même se disait que ce n’était pas un hasard s’ils avaient prit le même vol.

Wyatt avait fini par pratiquement connaître le film sur le bout des doigts, pour autant à chaque fois, il acceptait de le revoir en compagnie de Johanne qui nourrissait toujours ce doux, mais vain espoir de parvenir à rester éveiller jusqu’à la fin. Une fois n’était pas coutume, le politicien avait de nouveau accepté de le revoir une énième fois durant le vol en sa compagnie. Alors que l’issue du film arrivait à grand pas, il osa un regard en direction de Johanne et un sourire attendri se glissa sur les lèvres de ce dernier en constatant qu’elle avait rejoint les bras de Morphée, une fois encore, avant de connaître la fin. Il appuya sur sa tablette pour suspendre le déroulé du film, retira ses écouteurs et se tourna vers son ex-femme pour lui ôter les écouteurs en douceur, et chercha la couverture mis à disposition des passagers pour la poser sur ses épaules afin qu’elle ne prenne pas froid. Il dégagea une mèche de cheveux de son visage alors qu’il la couva du regard. Il avait toujours aimé prendre le temps de la regarder dormir lorsqu’ils partageaient encore le lit conjugal. Tout ça appartenait dorénavant au passé. Son sourire s’estompa à cette pensée et reprit place sur son siège, glissa à nouveau les écouteurs dans ses oreilles et vit la fin du film seul. Une fois encore. Il s’autorisa, lui aussi, un moment dans les bras de Morphée. Quelques heures à peine et ouvrit les paupières bien avant Johanne. Le temps de prendre un café et de manger un morceau et voilà que l’avion arrivait à sa destination. Le signal sonore extirpa son ex-femme de sa sieste et il lui sourit avec douceur « Sûrement. Tu as bien dormi ? ». Wyatt attacha sa ceinture après avoir relevé sa tablette et lança un coup d’œil en direction de la belle brune, et posa sa main sur la sienne alors qu’elle s’agrippait fermement à son siège.

L’atterrissage ne se fit presque pas sentir et lorsque le voyant lumineux de la ceinture s’éteignit, une certaine effervescence envahit l’habitacle de l’avion. Wyatt laissa certains passagers pressés passer devant, puis sortit son sac à dos de la cabine au-dessus de leur tête. Un dernier regard pour Johanne et s’avança dans l’allée jusqu’à sortir de l’avion. Quelques mètres parcouru seul, perdu dans ses pensées, et s’avança vers les tapis roulant pour récupérer son bagage. Il s’en saisit peu de temps après Johanne à qui il adressa un sourire « À toi aussi ». Des mots prononcés à contrecœur alors qu’il aurait souhaité passer ces quelques jours en sa compagnie. Il leva la poignée de sa valise, puis s’assura avoir tous ses papiers en sa possession quand il releva la tête en direction de Johanne « Bonne question » et se mit à sourire, amusé. Il avait réservé son séjour avec hâte qu’il n’avait pas prêté attention au nom de son hôtel. Il resta un moment interdit devant l’invitation de Johanne. Il fut surpris de cette prise d’initiative de la part de son ex-femme et eut besoin de quelques secondes pour se rendre compte que ce n’était pas son esprit qui fabulé « Oui… Oui, avec plaisir » rétorqua-t-il en reprenant contenance en cours de route. Il s’avança à ses côtés jusqu’à la sortie de l’aéroport et fit signe à un taxi « Prends-le avec moi, ça t’évitera d’attendre » proposa Wyatt en ouvrant la porte de la voiture alors que le chauffeur se charger de mettre ses bagages dans le coffre. Il alluma son portable à l’arrière de la voiture et donna l’adresse de son hôtel en bord de mer. Il avait opté, après souvenir, pour le Grand Hyatt Kauai Resort & Spa, uniquement parce qu’il trouvait une certaine similitude avec son patronyme. Un hôtel étoilé et offrant une large gamme de loisirs, et tout cela, en bord de mer. Il tourna la tête vers Johanne « Tu ne m’as pas dit où tu résidais pour les deux semaines ? ».

Pourquoi est ce qu’elle ne parvenait pas à prendre ses affaires et partir bien vite passer deux semaines de vacances ? Elle était comme bloquée. Et puis elle se sentit comme poussée par une force invisible. Elle lui demanda à quel hôtel il se trouvait… il n’en savait rien. Cela la fit sourire. « -vraiment sur un coup de tête… » commenta la belle brune en se moquant légèrement de son ex-mari. Il avait prit le premier vol et le premier hôtel sur la liste plutôt que de passer des heures à savoir lequel était le mieux. Bon d’accord, elle n’avait pas perdu son temps à cela non plus. A nouveau cette sorte de force, ce besoin peut être de le retenir prêt d’elle encore un peu. Il sembla surpris, vraiment surpris même. « -non… c’est peut-être pas une… » elle allait dire bonne idée lorsqu’il accepta. Elle se pinça les lèvres, avant de lui sourire. « -d’accord… » elle hocha la tête machinalement avant de faire rouler sa valise, direction les taxis.

Ce fut son tour de rester quelque peu interdite. Le même taxi ? S’ils n’allaient pas au même endroit, l’idée était un peu stupide. « -je suis en vacances tu sais… » s’amusa Johanne comme pour lui signifier qu’attendre quelques minutes de plus n’était pas un réel problème. Mais elle accepta tout de même et grimpa dans la voiture. « -on… on devrait échanger nos numéros… » elle avait soudainement la sensation d’être une ado. « -pour le restaurant… pour se donner rendez-vous. » le mot la gêna et elle se reprit : « -enfin un adresse pour se retrouver. » elle avait changé de numéro, lui aussi… Le chauffeur râla pour connaitre une destination, et Johanne resta figée. Seulement ses yeux bougèrent pour regarder Wyatt. Elle déglutit. Puis elle pointa du doigt le chauffeur avant de bredouiller : « -et bien… heu… pareil… enfin… le même hôtel. » c’était plus que dingue ! Elle se mit à sourire en regardant par la vitre. « -si on appartement voisins, je pense sérieusement qu’il y a caméra caché. » parce que c’était gros quand même. Même vol, même semaines, même hôtel… Comment ne pas le croise durant le séjour ?! Comment ne pas penser à lui si elle le voyait, même tous les deux jours ?! Elle chaussa ses lunettes de soleil, sourit à Wyatt et regarda ensuite le paysage. Heureusement la circulation était fluide