J'ai 24 ans et je vivais à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je ne sais plus trop ce que je suis et je m'en sors comme je peux. Sinon, grâce à ma malchance, j'ai été mariée par arrangement et je le vivais plutôt mal, avant de comprendre que c'était la meilleure chose qui me soit arrivé.
L'euphorie de la journée retombée, Erika se prit un violent retour à la réalité en pleine figure. Venait-elle réellement de se laisser tomber sur le bord d'un chemin au beau milieu de nulle part, dans la nuit noire, en suggérant sérieusement de dormir ici ? A même le sol ? Elle contempla l'herbe sur laquelle elle était toujours assise. Oui, elle l'avait fait. Et maintenant elle semblait condamnée à assumer sa proposition insensée. Quitte à être dans le pétrin, autant continuer encore un peu non ? Ils auraient pu continuer à marcher, au moins auraient-ils fini par atteindre le Boréal. Puis ses yeux se posèrent sur les talons de ses bottines. Non, ils n'auraient pas atteint le Boréal. En tout cas, pas elle. Si ça n'avait pas été ici, elle aurait laissé tomber quelques mètres plus loin. Et le résultat aurait été le même. Elle soupira.
Au bout de quelques minutes, elle distingua la silhouette du grand brun qui revenait vers elle, et le suivit avec prudence jusqu'à l'endroit qu'il avait choisi pour établir leur camp de fortune, à savoir : la nappe. Il eut la galanterie de lui laisser l'intégralité de la couchette de fortune. Erika s'y assit avec un signe de la tête pour remerciement, qu'elle doutât même qu'il puisse apercevoir dans la nuit noire.
Puis elle se mit à ruminer. Mais que faisait-elle là dans cette situation parfaitement improbable ? Elle venait de quitter un bord de lac charmant, avait passé un après-midi reposant en très bonne compagnie, et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu'à ce qu'en un claquement de doigts, elle se retrouve à devoir dormir à la belle étoile au milieu de rien. Elle s'était bien dit que c'était trop beau pour être vrai. Il fallait bien que la réalité la rattrape à un moment. La brunette s'allongea sur le côté, en espérant trouver le sommeil. Mais elle avait beau avoir le sommeil facile, après des heures de sieste reposante au soleil, elle ne parvenait pas à s'endormir. Ses yeux éclairaient tantôt son côté droit, tantôt son côté gauche, sans parvenir à se fermer. Elle se mit alors à cogiter, ressassant les évènements des dernières heures.
Il lui semblait avoir découvert une toute nouvelle facette du grand brun. Et... d'ailleurs, celui-ci était bien silencieux depuis leur abandon. Etait-il contrarié ? Lui en voulait-il de ne pas avoir voulu continuer plus loin ? C'était pour le moins étonnant qu'il soit encore aussi calme, n'aurait-il pas dû virer rouge de colère à la seconde même où elle avait émis l'idée de passer la nuit dehors ? Elle tourna la tête vers le jeune homme. Il lui était difficile de distinguer autre chose que sa silhouette dans l'obscurité, mais il semblait tranquille, ou en tout cas il ne montrait aucun signe d'énervement. Pourquoi ? Elle aurait dû trouver ça suspicieux. Mais à la place, elle l'imita et leva le regard au ciel.
Il est vrai que les étoiles étaient particulièrement lumineuses cette nuit. Les avait-elle jamais observées ainsi ? Et finalement l'air était plutôt doux, promettant une nuit plus agréable qu'elle ne l'aurait cru. Alors peut-être était-ce inutile de se torturer l'esprit ce soir. Son esprit défit les noeuds de pensées contrariantes qu'elle avait formé, et la jeune fille se sentit plus légère.
Réalisant qu'elle ne parviendrait pas à s'endormir de sitôt, Erika se leva et partit fouiller à tâtons les restes de leur déjeuner dans la sacoche. Autant ne pas dormir le ventre vide. Elle en sortit une poignée de biscuits secs et rejoignit Orion, qui lui non plus ne semblait pas chercher le sommeil. Elle lui en tendit la moitié et releva les yeux au ciel. Il lui semblait que la lumière des étoiles avait doublé d'intensité. Elle chuchota tout doucement, comme par peur de briser le silence environnant.
"- Finalement, ce n'est pas si mal que tu aies prévu de quoi tenir trois nuits ici."
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Asma
Mar 16 Mai - 13:22
Orion
J'ai 27 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, je suis pilote d'aérostat et je m'en sors très bien. Sinon, j'étais célibataire et je le vivais très bien, mais on m'a arrangé un mariage, je l'ai vécu un peu moins bien jusqu'à ce que je réalise que je ne pouvais pas vivre sans elle.En savoir plus.
Elle s’agitait. A côté de lui, il pouvait entendre Erika tourner et se retourner. Les yeux d’Orion étaient en train de s’habituer à l’obscurité et il distinguait progressivement de mieux en mieux la silhouette de la jeune femme. Il s’efforça de garder son regard vers le ciel, même s’il avait de plus en plus de mal à le laisser dériver avec la voûte céleste. Son esprit revenait de plus en plus à la jeune femme à côté de lui.
De la savoir si proche, Orion avait la certitude absolue qu’il ne dormirait pas. Il se sentait pire qu’un adolescent face à sa première amourette. Il avait l’impression de ne pas savoir comment il était supposé se comporter. Au fond de sa poitrine, son cœur semblait ne vouloir en faire qu’à sa tête et accélérait ou ralentissait à son gré. C’en était affreusement ridicule. Ce n’était pourtant pas sa première histoire d’amour, même s’il lui fallait reconnaître qu’il pouvait les compter sur les doigts d’une main. Mais au fond de lui, il lui fallait admettre que celle-ci était différente des autres. Qu’Erika était différente de toutes les autres.
Lorsque la jeune femme revint s’installer près de lui, Orion se décida finalement à se redresser. Il se tourna sur le côté, en appui sur un coude. C’était cela ou s’étrangler sur les biscuits secs s’il restait sur le dos. La situation était suffisamment ridicule en l’état. Pas la peine d’en rajouter. Il accepta gracieusement la poignée de biscuits qu’elle lui tendit et en mâchonna un. Plus pour s’occuper les mains qu’autre chose. Il n’avait pas vraiment faim.
« Si seulement on avait trois nuits, et les journées qui vont avec », ne pût s’empêcher de penser Orion. Au lieu de cela, ils repartaient dès le lendemain. Pas de répit pour les braves. Mais pour la première fois de sa vie, après la journée qu’il venait de passer, le grand brun se prenait à imaginer l’idée de prendre quelques vacances. De vraies vacances. Rien qu’Erika et lui. Pas d’expédition. Pas d’aventures. Pas de traversée de la moitié du monde. Les vacances les plus ennuyeuses de tous les temps. Mais en sa compagnie.
- Tu remercieras mon serviable second, finit-il par admettre, trop heureux de pouvoir se détacher de ses idées maussades. C’était son idée, le déjeuner sur l’herbe… avec visiblement de quoi nourrir un régiment entier.
Il fit la moue. Aussitôt après les avoir prononcées, il se prit à regretter ses paroles. Comment allait-elle le prendre ? Comme la preuve qu’il ne s’intéressait pas suffisamment à elle et qu’il fallait que d’autres viennent avec ce genre d’idées ? Ce n’était pas l’intérêt qui manquait, c’était plutôt son aptitude à trouver une idée suffisamment romantique pour plaire à une jeune femme telle qu’Erika. C’était malheureusement sa nature.
- Je ne suis pas convaincu que tu apprécies de passer trois nuits ici, reprit Orion dans une vaine tentative d’humour. Je veux dire… pas de confort, pas de canapé pour lequel se disputer.
Dans l’obscurité, il lui adressa un sourire amusé et goba un nouveau biscuit sec.
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Jen
Mer 17 Mai - 12:03
Erika
J'ai 24 ans et je vivais à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je ne sais plus trop ce que je suis et je m'en sors comme je peux. Sinon, grâce à ma malchance, j'ai été mariée par arrangement et je le vivais plutôt mal, avant de comprendre que c'était la meilleure chose qui me soit arrivé.
Tout en terminant sa poignée de biscuits secs, Erika observait Orion. Malgré l'obscurité, assise à ses côtés, elle était suffisamment proche pour distinguer nettement ses traits. Lorsqu'il évoqua son second, à l'initiative du charmant déjeuner, la jeune femme haussa légèrement les sourcils avant d'arborer un sourire entendu.
"- Je comprends mieux maintenant", fit-elle pour elle-même en se remémorant la réaction incongrue de Bartolomé, plus tôt dans la journée.
Lorsqu'elle l'avait croisé dans la passerelle, il lui avait semblé particulièrement guilleret et pressé de lui fausser compagnie. Le petit homme avait dû prendre un malin plaisir à cuisiner son capitaine à ce sujet. Et elle n'y avait vu que du feu. Mais elle était infiniment reconnaissante et au second pour avoir émis l'idée, et au grand brun pour y avoir cédé malgré tout. Depuis ces vingt-quatre dernières heures, il lui semblait vivre un rêve éveillé. Tout était si simple. Si agréable. Puisqu'il était là, lui, à ses côtés.
Son sourire disparut momentanément lorsqu'Orion reprit la parole. Si, pensa t-elle, elle aurait tout à fait apprécié passer des jours durant ici, car il lui rendait les choses plaisantes par sa simple présence. Mais elle n'aurait pas su comment le lui exprimer. Alors à la place, Erika se fendit d'une expression ouvertement offensée et porta la main à son coeur.
"- Par Perséphone, tu te fais vraiment une image pitoyable de moi. Je ne comprends pas d'où est-ce que...
Elle s'interrompit en croisant son regard et écarquilla grand les yeux avant de lever lentement une main, avec un long hochement de tête en signe de reddition.
- Tu peux t'abstenir de répondre", lâcha t-elle sans parvenir à masquer son amusement.
La lueur espiègle dans le regard du grand brun était contagieuse. Il y avait quelque chose de si irréel au fait qu'ils soient là, tous les deux, à plaisanter sur leurs querelles passées qui paraissaient si frivoles maintenant. Pourtant à l'époque, cela l'avait contrariée et franchement pas qu'un peu. Et elle n'avait pas été la seule. Ils avaient mutuellement pris soin de se servir un caractère épouvantable sur un plateau d'argent. Dès le début, sans même se donner la moindre chance d'une entente cordiale. Ils avaient tout fait pour se détester. Alors comment en étaient-ils arrivés là ?
Elle n'en savait rien, mais en attendant, elle décida quand même de donner raison au jeune homme.
"- Mais si tu y tiens tant, je peux te disputer ce rocher-là très précisément", fit-elle en se rapprochant pour lui donner un coup d'épaule.
Même en appui sur un coude, Orion était remarquablement stable. Il ne bougea pas d'un pouce. Contrariée, Erika poussa un peu plus fort dans le vain espoir de le faire céder. Toujours rien. Elle leva un regard teinté de défi vers le grand brun.
Et elle prit brusquement conscience de leur proximité.
Plus que ça, elle prit conscience à quel point ils étaient seuls ici, isolés du reste du monde. Loin de tout, ensemble. Son expression se figea, ainsi que le reste de son corps. Elle aurait dû reculer depuis longtemps. Mais elle restait là, perdue dans la contemplation de ses yeux sombres, incapable de contrôler les palpitations de son coeur.
Il est drôle comme les choses changent. Seulement quelque mois auparavant, elle aurait tué pour ne pas avoir à respirer le même air que lui. Et aujourd'hui, elle aurait tué quiconque aurait interrompu cet instant hors du temps.
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Asma
Mer 17 Mai - 21:38
Orion
J'ai 27 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, je suis pilote d'aérostat et je m'en sors très bien. Sinon, j'étais célibataire et je le vivais très bien, mais on m'a arrangé un mariage, je l'ai vécu un peu moins bien jusqu'à ce que je réalise que je ne pouvais pas vivre sans elle.En savoir plus.
Mais que s’était-il passé ? À quel moment étaient-ils devenus ces deux individus qui badinaient avec tant de légèreté et pouvaient se moquer gentiment de l’autre ? À quel moment avaient-ils cessé d’être opiniâtres – voire acariâtres – et de se sauter à la gorge dès que l’autre prenait la parole ?
Au fond de lui, Orion le savait. Il savait que, pour ce qui le concernait, il avait basculé depuis bien longtemps. Il avait basculé dès l’instant même où il avait décidé de parcourir les arches à la recherche d’Erika. Quand bien même il s’était refusé à l’admettre, le sentiment furtif et diffus était déjà enfoui quelque part en lui. Alors quoi de tel que le déni et qu’une carapace odieuse pour s’en protéger. Parce qu’à l’inverse, il aurait été à milles lieues de se douter que ses sentiments auraient pu un jour trouver matière à réciprocité.
Orion trouva adorable la réaction de la jeune femme. Adorable. D’exaspérante, elle lui était devenue adorable. Il roula des yeux au ciel. Il éclata franchement de rire lorsqu’elle se mit à essayer de le déstabiliser. Elle aurait eu plus de succès à le congeler sur place mais, cela, il s’abstiendrait bien de le lui dire. Elle se raidit soudainement et Orion mit quelques instants à réaliser ce qui la troublait.
L’idée qui, jusque-là, était restée à distance de son esprit, l’envahit brutalement à son tour. Ils étaient très proches l’un de l’autre. Dangereusement proche. Trop proche ? Si proche, son parfum se faisait entêtant et intoxiquant. Pourtant, si le constat l’avait amenée à se figer, Orion ne pouvait que relever qu’elle n’avait pas reculé pour autant. Elle avait pris le parti de rester là, tout proche.
L’obscurité le rendant plus téméraire, il tendit sa paume ouverte vers son visage. Du bout des doigts, il caressa sa joue, faisant mine de chasser une mèche de cheveux devant ses yeux. Il laissa ses doigts courir le long de la mâchoire de la jeune femme jusqu’à son menton. Il ne combla pas la distance qui les séparait, ne posa pas ses lèvres sur les siennes – même si ce n’était pas l’envie qui lui en manquait –.
Tant qu’il était encore à peu près lucide, il savait qu’il n’irait pas plus loin. Aussi tentante l’idée puisse-t-elle lui sembler, il n’était pas ce genre d’homme. Il valait mieux que de profiter d’une jeune fille en rase campagne, au milieu de nulle part, dans le noir. Plus encore, elle méritait bien mieux que cela. Et s’il allait plus loin, il ne savait pas s’il serait en mesure de s’arrêter.
Il laissa sa main se détacher doucement du visage de la jeune femme et retrouve se place à ses côtés.
- Même pas en rêve, mademoiselle, c’est mon rocher, souffla-t-il à son tour sur le ton de la bravade.
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Jen
Jeu 18 Mai - 11:10
Erika
J'ai 24 ans et je vivais à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je ne sais plus trop ce que je suis et je m'en sors comme je peux. Sinon, grâce à ma malchance, j'ai été mariée par arrangement et je le vivais plutôt mal, avant de comprendre que c'était la meilleure chose qui me soit arrivé.
C'était étonnant qu'elle ne l'ait pas pétrifié sur place à l'instant même où ses doigts avaient frôlé son visage. Parce que son geste l'avait prise de court. Non pas que ce soit la première fois qu'ils aient ce genre de contact. Mais c'était peut être la première fois qu'il était voulu, et conscient. Pas de prétexte, pas de trop plein d'émotions à évacuer. C'était étrangement serein et confiant. Et elle ne savait pas comment réagir.
De ses yeux, son regard coula jusqu'à ses lèvres. Cela aurait été si facile. Mais c'était une très mauvaise idée, et elle le savait. Pas ici, ni maintenant. La tentation était pourtant colossale. Puis Orion prit la décision à sa place, et le charme se rompit d'un seul coup. Erika y vit clair de nouveau - c'était une excellente chose qu'elle n'ait rien tenté de plus. Bien qu'au fond d'elle, quelque chose grondait encore en sourdine.
La voix du grand brun s'éleva dans l'obscurité, la forçant à faire abstraction de ses dernières élucubrations. A son tour, elle reprit sagement place à ses côtés et ramena ses genoux contre son torse.
"- Tu vois, souffla t-elle moqueuse, vu comme tu es nous pourrions parfaitement nous disputer jusqu'au dernier caillou sur le bord du chemin. Et alors les trois nuits passeraient en un claquement de doigts."
Elle lui adressa un sourire en coin avant de se détourner et de reporter son attention sur les rares touches de lumière à l'horizon. Elle laissa ses pensées divaguer au loin. D'abord le Boréal, puis Babel. Emile. Sa famille. Que pouvaient bien faire ses parents à cet instant précis ? Ils était certainement à mille lieues de se douter de ce que faisait leur cadette. Dormir à la belle étoile en compagnie de l'homme dont on ne parlait pas à la maison. Car il suffisait de l'évoquer pour que son père se renferme comme une huître, une expression de douleur coupable au visage. Ses parents n'avaient eu qu'une partie de la vérité, la partie la plus laide. Celle des manipulations, des dangers, des manigances. Il n'y avait que Bertille qui savait : la réalité avait été un peu plus complexe encore.
Et maintenant ? Que devait-elle faire ? Où aller ensuite ? Des images désordonnées des Arches qu'elle avait visité plus ou moins volontairement se superposèrent dans son esprit. A tous ses souvenirs s'ajoutaient un grand point d'interrogation : Arc en Terre. Comme souvent dans ces moments-là, les paroles d'Alba lui revinrent en tête. Définitif. Ton choix. A quoi pouvait bien ressembler la mystérieuse Arc en Terre ? Mais avait-elle seulement envie de le savoir ? Elle revit la Mère Hildegarde et la fumée de son tabac. Ses ateliers de sabliers. Le sablier.
Peu à peu, la torpeur caractéristique du sommeil s'empara d'elle. Ses membres étaient comme engourdis, et elle se refusa à se lever pour rejoindre la nappe, par peur de briser le précieux charme du sommeil qui avait tant tardé à venir. Adossée au rocher et ses bras entourant ses genoux ramenés contre sa poitrine, la jeune fille finit par s'assoupir complètement. Dans un mélange confus d'images s'accumulant dans son esprit, sa dernière pensée fut que son corps lui ferait payer au centuple cette position particulièrement inconfortable dès le lendemain.
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Asma
Sam 20 Mai - 11:09
Orion
J'ai 27 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, je suis pilote d'aérostat et je m'en sors très bien. Sinon, j'étais célibataire et je le vivais très bien, mais on m'a arrangé un mariage, je l'ai vécu un peu moins bien jusqu'à ce que je réalise que je ne pouvais pas vivre sans elle.En savoir plus.
Orion sourit de nouveau. Continuer à se disputer pour la moindre futilité pendant des heures voire des jours. Cela voulait dire passer des jours de plus en sa compagnie, et rien qu’en sa compagnie. La perspective avait quelque chose d’agréable. C’était trop beau pour être vrai. Il savait qu’il vivait dans une fragile bulle enchantée qui ne manquerait pas de lui éclater à la figure. Il avait jusqu’à Babel pour décider de ce qu’il voulait pour la suivre. De ce qu’il voulait vraiment. Rendra sa liberté une bonne fois pour toute à Erika, avec la certitude que dorénavant, tout irait bien pour elle… sans lui. Ou bien lui proposer autre chose. Une autre vie. Une vie dans laquelle il aurait une place. Il réalisa alors qu’il avait besoin de se poser les bonnes questions, désormais. Il avait besoin de réfléchir clairement à ce qu’il voulait, lui. Mais il ne parviendrait pas à réfléchir avec elle si proche de lui. Il était encore trop obnubilé par sa proximité et tout ce qu’elle lui inspirait.
Orion vit finalement la jeune femme dodeliner de la tête. Erika était en train de s’endormir. Elle avait quand même le chic pour choisir les pires positions pour dormir. Assise appuyée contre un rocher. Ça battait même la fois où elle avait choisi un minuscule fauteuil sur l’Harmattan. Cette fois-ci, par galanterie, le grand brun se redressa. Il la souleva dans ses bras et la rallongea sur la nappe. Elle serait quand même bien mieux à dormir sur l’herbe que contre de la pierre irrégulière et aux angles saillants. Il s’étendit à ses côtés, à distance raisonnable et finit, à son tour, par s’endormir en admirant la voûte étoilée.
Orion sentit les rayons du soleil chatouiller ses paupières. Plus que cela, ce fût le souffle chaud dans son cou et le contact doux contre sa joue qui le réveillèrent. Le grand brun ouvrit les yeux et se retrouva nez à nez avec… un bélier. Massif, sa tête poilue encadrée de d’une paire de doubles spirales pour cornes. Orion fit un bond. Le bélier blatéra de mécontentement. Ou de terreur. Le zéphyr n’était pas expert en bêlements de moutons.
Il découvrit qu’il était au milieu d’une marée laineuse. Deux autres animaux avaient la truffe plongée dans la besace et avaient visiblement trouvé les reliquats de leurs encas. D’autres broutaient plus ou moins paisiblement l’herbe autour d’eux.
Quelle heure était-il ? Il était parti sans montre. Le soleil était encore rougeoyant et n’avait pas blanchi. Les premiers rayons obliques illuminaient le pan de montagne qui leur faisait face et éclairait tout juste le chemin qui remontait vers la ville. Il devait être encore assez tôt. Toutefois, le départ du Boréal ne pourrait pas être retardé éternellement. Et surtout pas parce que son capitaine n’était pas revenu en temps et en heure.
- Erika, il va falloir y aller, lança-t-il à l’adresse de la nécromancienne.
Il se battait contre un ovin pour récupérer la besace qui lui appartenait. Il finit par sortir la tête de la bête du panier et en referma les rabats, qu’il sangla fermement. La brebis lui mit un coup de tête derrière le genou avant de se résoudre à s’éloigner dans un bêlement… exaspéré ? Le capitaine s’extirpa finalement du troupeau et rejoignit le sentier. Il épousseta brièvement ses habits en attendant la jeune femme.
- Le chargement ne devrait pas tarder. Nous devrions rentrer avant qu’il ne se termine.
Bart allait déjà certainement essayer de lui extorquer tous les détails de leur escapade – surtout nocturne –. Il n’avait pas besoin en prime des regards de travers de son équipage si tout le monde n’attendait plus qu’eux à leur retour.
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Jen
Dim 21 Mai - 0:41
Erika
J'ai 24 ans et je vivais à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je ne sais plus trop ce que je suis et je m'en sors comme je peux. Sinon, grâce à ma malchance, j'ai été mariée par arrangement et je le vivais plutôt mal, avant de comprendre que c'était la meilleure chose qui me soit arrivé.
Son réveil avait été d'une rare douceur. Tout d'abord, ce fut la lumière diffuse des premiers rayons du soleil qui vinrent la tirer agréablement de son sommeil. La nécromancienne entrouvrit un oeil. Elle se rappela s'être endormie dans une position particulièrement inconfortable, mais elle se retrouvait soudainement allongée sur la nappe et son corps ne tiraillait pas douloureusement comme elle l'aurait cru. Elle se sentait bien. En fait, elle se sentait si bien que du coin de l'oeil il lui sembla même apercevoir encore des nuages blancs aux alentours. Avait-elle rêvé du ciel, ou de la mer de nuages peut-être ? Elle allait refermer l'oeil lorsque la voix d'Orion s'éleva un peu plus loin. Elle voulut se retourner pour lui faire face, mais quelque chose l'en empêcha. Le pan de sa robe restait coincé pour une raison qu'elle ne comprenait pas. Lentement, elle se releva en position assise et manqua de plonger le nez dans une masse laineuse face à elle. Erika mit une seconde à comprendre. Un... mouton ? Dont le sabot était très fermement posé sur le pan de sa robe ? La jeune fille écarquilla grand les yeux tandis que l'animal continuait à brouter, impassible. Finalement, son réveil n'était plus si agréable que ça.
Elle lança un regard à la ronde. Ce qu'elle avait pris pour des nuages était en réalité une trentaine, peut être même une cinquantaine de moutons, dont certains ne s'étaient pas privé pour envahir leur camp de fortune. Plus loin, elle vit Orion batailler contre un animal particulièrement récalcitrant. La brunette allait gentiment se moquer lorsqu'elle se rendit compte qu'elle aussi, allait devoir mener des négociations ovines si elle comptait se lever un jour de cette nappe. Elle reporta son attention sur le mouton qui n'avait pas bougé d'un seul millimètre.
"- Excuse-moi..." hasarda t-elle à l'attention de l'animal qui ne répondit évidemment pas à l'injonction.
Avec réticence, Erika tendit le bras pour pousser dans la masse laineuse et tenter de faire bouger l'intrus. Elle reçut pour toute réponse un regard qui lui sembla parfaitement outré et un beuglement sonore. Le sabot de l'animal était toujours fermement planté dans sa robe. Erika tira sur le tissu en espérant faire passer le message. Rien. Elle lança un regard exaspéré au fautif.
"- Bon allez ça suffit bouge de là toi."
La brunette s'empara du sabot à deux mains, et le tira vers le haut de toutes ses forces pour déséquilibrer l'animal. Dans un nouveau bêlement de protestation, le mouton leva le pied et Erika en profita pour se relever promptement. Elle replia hâtivement la nappe qu'elle cala sous son bras avant qu'une autre boule de laine ne vienne lui chercher des noises. De son côté, Orion l'attendait déjà au bord du chemin, et la jeune fille traversa tant bien que mal le troupeau pour le rejoindre, en évitant au mieux les coups de têtes volontaires ou involontaires des ovidés.
"- On aurait difficilement fait plus improbable même si on l'avait voulu", fit-elle en guise de réponse en s'époussetant à son tour tandis qu'ils s'engageaient sur le chemin du retour.
La nécromancienne pressa le pas, tout d'abord pour suivre le rythme du grand brun, mais aussi parce que la perspective de retarder le départ du Boréal l'inquiétait. Orion avait semblé particulièrement contrarié à l'idée de prendre du retard sur leur parcours, et il ne manquerait plus qu'ils en soit une cause supplémentaire.
Heureusement pour elle, lorsqu'il était éclairé, le sentier était nettement plus praticable, et ils se retrouvèrent rapidement à Delphi. Finalement, ils avaient parcouru plus de chemin qu'elle ne l'avait cru la veille dans la nuit noire. Elle était la première étonnée d'avoir tenu aussi longtemps avant de craquer. Ne pas être d'humeur dévastatrice devait aider. Un silence confortable s'était installé entre les deux jeunes gens, et ils parcouraient en silence les derniers kilomètres les séparant du point d'amarrage.
Ce ne fut qu'une fois le Boréal en vue que la jeune fille réalisa qu'elle avait mis le cap dessus avec sa boussole interne. Précaution inutile, puisque Orion s'orientait parfaitement bien lui aussi et qu'elle s'était contenté de le suivre. Pourtant la réalisation la fit sourire intérieurement. Autour de l'appareil, plusieurs équipiers s'affairaient à charger la fameuse cargaison qui leur avait valu cette parenthèse bucolique. Erika s'engouffra dans la masse agitée pour rejoindre la coupé lorsqu'un poids lui tomba soudain dans les bras.
"- Tiens toi, attr... l'interpella un gaillard en se retournant. Il s'interrompit brutalement en la dévisageant. Oh Mamz'elle j'vous d'mande pardon..."
Déstabilisée par le sac de jute qui venait de lui atterrir dans les bras, Erika mit quelques secondes à recoller les morceaux. Dans le geste de réflexe pour rattraper le sac, elle avait laissé tomber la nappe roulée au sol. Le gaillard fit mine de lui reprendre le sac des bras mais la nécromancienne le devança.
"- Non je vous en prie, protesta t-elle avec un sourire derrière la toile de jute. Laissez-moi me rendre utile, je peux bien vous donner un coup de main pour terminer le chargement si vous me dites simplement où je dois aller déposer cette... chose."
Au vu du ratio entre le large volume et la surprenante légèreté du sac, il contenait certainement du courrier. Face à elle, l'équipier s'immobilisa, indécis, et sembla guetter l'approbation de son capitaine. Puis il haussa les épaules et se saisit à son tour d'un sac similaire.
"- Si vous insistez Mam'zelle", fit-il en lui faisant signe de la tête de le suivre.
Trop heureuse de pouvoir se rendre utile, Erika ne se fit pas prier et lui emboita le pas, non sans un rapide regard d'excuses à Orion avant de disparaitre à la suite du grand gaillard. S'en suivit plusieurs allers-retours pour décharger le reste du courrier. Le jeune homme s'avéra être plutôt bavard et la brunette apprécia leur conversation animée. Il s'appelait Alban, avait rejoint l'équipage l'année passée, et était technicien à bord. Il lui fit fièrement l'étalage des outils attachés à sa ceinture dont il ne se séparait jamais. Après quelques échanges plutôt polis, Erika éclata franchement de rire lorsqu'il la questionna peu subtilement sur ses pouvoirs familiaux. Elle le rassura d'emblée, non elle ne voyait pas les morts. Elle ne lui mentit pas non plus sur le manque de maîtrise de son pouvoir de pétrification. Elle allait lui expliquer les grandes lignes de ce fameux pouvoir lorsqu'Alban l'interrompit en riant.
"- Le Cap' il le maîtrise lui, vot' pouvoir, z’avez qu’à d’mander à Ernst !"
Erika haussa un sourcil interloqué. Ça, c'était une surprise. Ils n'avaient pas encore eu l'occasion d'aborder l'épineux sujet des pouvoirs, et en toute franchise, elle ne savait même pas s'ils le feraient jusqu'à leur arrivé à Babel. Elle se souvenait qu'il lui avait expliqué que ses pouvoirs défaillaient, que trois pouvoirs dans un seul corps ne faisaient pas bon ménage. Etait-il tout de même parvenu à contrôler son pouvoir de pétrification, qu'elle-même n'avait jamais réussi à maîtriser ? La nécromancienne ne sut comment interpréter le noeud que cette idée formait dans son estomac. Elle détourna rapidement le sujet de conversation pour ne pas s'y attarder.
Une fois les derniers sacs chargés, la jeune fille prit congé du joyeux bonhomme et remonta à bord, tandis que l'équipage se préparait doucement au décollage. Elle fila direction les douches sans demander son reste : depuis son réveil, lui semblait qu'un étrange mélange d'odeur d'herbe et de bétail lui collait à la peau.
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Dim 21 Mai - 18:06
Orion
J'ai 27 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, je suis pilote d'aérostat et je m'en sors très bien. Sinon, j'étais célibataire et je le vivais très bien, mais on m'a arrangé un mariage, je l'ai vécu un peu moins bien jusqu'à ce que je réalise que je ne pouvais pas vivre sans elle.En savoir plus.
Ils avaient fait le chemin retour en silence, ce qui convenait très bien au grand brun. Ils n’étaient pas obligés de se parler en continu. Ils avaient passé de longs moments à s’ignorer par le passé, dans un silence qui pouvait s’avérer parfois pesant. Mais en l’espèce, il se contentait simplement d’apprécier la présence d’Erika à ses côtés.
A sa grande surprise, ils avaient parcouru une plus grande partie du chemin que ce qu’il n’avait cru la veille. Le retour devrait passer assez rapidement. La jeune femme avançait en outre d’un pas décidé. L’espace d’un instant, Orion se demanda s’il devait ralentir. Après tout, il était grand et faisait donc de grandes enjambées. Un rythme que tous n’arrivaient pas à suivre. Un rythme que lui reprochait en tout cas régulièrement son second, surtout lorsque le capitaine était de mauvais poil.
Ils atteignirent finalement la ville alors que les échoppes commençaient tout juste à ouvrir. Il régnait dans les ruelles une odeur mêlée de pierre humide et de pain chaud, qui fit intérieurement sourire Orion. Ils le traversèrent sans s’arrêter. Il aurait volontiers acheté de quoi petit-déjeuner, mais se serait immédiatement senti obligé d’en prendre pour le reste de son équipage aussi et, ce qui partait d’une bonne intention, aurait fini en significative corvée. Il se rattraperait sur une prochaine escale, au besoin.
La silhouette reconnaissable de l’aérostat apparût enfin et Orion eut un instant d’hésitation. Une fraction de seconde pendant laquelle il se demanda ce que cela ferait vraiment, de tout quitter. Ce travail, cette vie, faire autre chose. Il n’avait jamais réellement eu l’intention de faire le moindre effort en la matière, à l’époque où on lui avait arrangé un mariage avec une parfaite inconnue. Mais maintenant, l’idée commençait à s’insinuer dans son esprit qu’elle valait la peine qu’il tente de faire des efforts pour elle. Mais entre effort et véritable sacrifice, il y avait encore un pas. Un pas qu’il n’était pas tout à fait prêt à franchir pour l’instant.
Orion traversa la coupée. Il se retourna pour accueillir Erika mais réalisa qu’elle ne suivait plus. Son regard se posa sur l’étonnante scène qui se déroulait au pied de l’appareil. Le capitaine s'apprêtait à gratifier son subordonné d'un regard noir et d’une remarque acerbe et à aller la délester de cette charge inutile, quand la voix d'Erika l'arrêta. En lieu et place, il se contenta de lever un sourcil. Après tout, elle lui avait dit qu'elle voulait aider. Ce n’était pas nécessairement ce qu’elle avait eu en tête à ce moment-là, mais après tout. Il n’allait de toute façon pas la chaperonner tout du long. Erika était capable de ses propres décisions – même si certaines d’entre elles le laissaient plus que perplexe quant à leur rationalité –. Il se contenta d’un silencieux signe de tête approbateur en sa direction et d’un sourire. Il revint sur ses pas, récupéra la nappe qui était tombée au sol et s’engouffra dans l’appareil.
Près de l’entrée, il passa à proximité de Bart, en grande discussion avec le contremaître de la veille. Les deux hommes discutaient gaiement et en riant. Son second ne lui avait-il pas dit qu’ils s’étaient invectivés la veille au sujet de la cargaison. Soit l’homme n’était pas rancunier, soit il y avait anguille sous roche. La conversation s’éteignit brutalement à l’approche du capitaine, qui leur lança une œillade suspicieuse.
- Tu sens le mouton, l’accueillit son camarade. - Bonjour à toi aussi, Bartolomé. Consignataire Azarias. - Capitaine.
Ce dernier reprit son chemin en direction des quartiers des équipages. Au milieu des locaux destinés aux passagers, de la moquette épaisse et du léger parfum floral qui y régnait, l’odeur de bétail commençait à lui agresser les narines. Il déposa le panier et la nappe dans l’office. Ernst s’en occuperait quand il aurait un moment. Dans la foulée, il fila à sa cabine où il attrapa des habits propres avant de se rendre à la douche. Aussi ingrate la tâche soit-elle, il était hors de question qu’il accueille ses passagers en sentant l’herbe humide et la laine sale, qui plus est dans ses habits de la veille.
Il passa un coup de peigne dans ses cheveux encore humides. L’eau fraîche avait achevé de chasser toute pensée de leur escapade et de recentrer Orion sur le travail qui l’attendait désormais. Le chargement serait bientôt fini et il serait temps de décoller pour leur prochaine destination… qui les rapprocherait inexorablement de Babel.
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Jen
Sam 27 Mai - 0:07
Erika
J'ai 24 ans et je vivais à Sidh, XVIème arche majeure. Dans la vie, je ne sais plus trop ce que je suis et je m'en sors comme je peux. Sinon, grâce à ma malchance, j'ai été mariée par arrangement et je le vivais plutôt mal, avant de comprendre que c'était la meilleure chose qui me soit arrivé.
L'eau chaude n'avait pas eu l'effet délassant escompté. Erika avait beau repousser l'idée aussi loin qu'elle le pouvait, elle ne parvenait pas à s'en débarrasser. Il le maîtrise, lui. Cela faisait si longtemps qu'elle s'était résignée qu'elle pensait être passée au-dessus de tout ça. De l'indéfinissable sensation d'avoir échoué quelque part sans jamais savoir pourquoi ni comment. De l'impression d'être une déception vivante. De ne pas être comme les siens. De ne pas avoir essayé assez fort.
Enfant, elle avait profité du bénéfice du doute. Adolescente, elle avait tout essayé pour devenir normale. Pour atténuer la lueur de colère dans les yeux de son père, et d'inquiétude dans ceux de sa mère. Mais ça n'avait pas suffit. Lentement, elle avait fini par l'accepter et elle pensait avoir définitivement tiré un trait sur ses doutes et ses craintes. Elle parvenait même à en rire. Elle pensait être suffisamment forte pour que ce pouvoir ne mine plus son assurance. Qu'elle ne soit plus définie seulement par son manque de pouvoir.
Seulement voilà : si même le pouvoir défaillant qu'elle lui avait transmis avait fini par se plier à la volonté de son nouvel hôte, alors le problème intrinsèque n'était plus le pouvoir en lui-même. C'était elle. Son pouvoir n'était pas défaillant. Elle l'était.
Ce n'était pas la première fois que l'idée lui traversait l'esprit, bien au contraire. Mais c'était la première fois qu'elle en avait une preuve irréfutable. Et cela ravivait une douleur qu'elle avait cru éteinte à jamais. Pourtant, la voix de la raison lui soufflait qu'elle était tout de même parvenue à maîtriser son pouvoir d'Aiguilleur. Mais ce n'était pas pareil. Cette boussole était une greffe, une transmission. Son pouvoir à elle, celui de sa propre lignée, elle n'avait jamais réussi à le contrôler. Alors qu'un Zéphyr y parvenait sans souci. Sans que personne ne l'y ait jamais aidé.
D'un geste rageur, la jeune fille coupa l'eau de la douche. Elle s'y était éternisé à force de ruminer. Attrapant sa serviette, elle se sécha sans ménagement jusqu'à en faire rougir la peau de ses bras. Elle lui en voulait. C'était parfaitement injuste, mais elle ne pouvait nier la sensation sourde qui nouait ses entrailles. Elle lui en voulait d'être parvenu à maîtriser son pouvoir en quelques mois, là où elle avait échoué en toute une vie. Elle lui en voulait d'avoir rouvert des blessures qu'elle croyait cicatrisées à jamais. Elle lui en voulait de ne pas lui avoir dit. Pourquoi l'aurait-il fait ? Cela aurait-il changé quoique ce soit ? Probablement pas. Y était-il pour quelque chose ? Absolument pas. Mais la rancune ne quittait pas son esprit. Elle enfila une robe propre et alluma le sèche cheveux puissance maximale, comme si le bruit assourdissant de l'appareil pouvait camoufler ses pensées noires.
Elle leva les yeux et croisa son propre reflet dans le miroir. Elle détesta le regard sombre qu'elle renvoyait. Non, réalisa t-elle soudain. Il ne méritait pas ça. C'était affreusement injuste de sa part de lui reprocher d'être un être humain fonctionnel. Il n'avait rien demandé lui non plus. Il n'avait certainement pas fait ça pour lui nuire, ni pour la blesser. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Pas à lui. Pas pour ça.
Il lui fallut pourtant encore une bonne vingtaine de minutes pour se sentir de nouveau apte à affronter le reste de l'aérostat. Serviette au bras, la brunette sortit finalement des douches, et il lui fallut moins de dix pas pour croiser Bartolomé entrain d'escorter une charmante demoiselle en direction des cabines passagers. Erika lui adressa un bref sourire avant de retourner à son tour à sa cabine. Orion lui avait dit qu'ils auraient trois passagers à embarquer à Parnasse. Le capitaine devait lui aussi être entrain de s'occuper de l'accueil des passagers. La vue de la jeune femme aux côtés de Bartolomé l'avait quelque peu rassurée : elle n'était pas contre un peu de compagnie féminine à bord. De ce qu'elle avait vu en tout cas, l'équipage était exclusivement composé d'hommes.
Elle réalisa soudain qu'elle avait toujours été la seule passagère à bord lors de ses traversés sur le Boréal. En tant que capitaine, Orion devait-il se montrer aux petits soins de ses passagers, comme par exemple la jeune femme qu'elle venait tout juste de croiser ? Elle se doutait que Bartolomé était plutôt celui qui remplirait ce rôle. Tout de même, la pensée la fit grincer. Elle se ressaisit brutalement. Elle devenait ridicule.
Pensive, Erika laissa son regard errer à travers le hublot de sa cabine tandis que le Boréal reprenait de l'attitude et s'éloignait de l'arche mineure. Que lui avait dit Orion au sujet de leur prochaine destination ? Elle ne s'en souvenait pas, elle avait été trop occupée à calmer les battements de propre son coeur. Elle soupira sans quitter le hublot des yeux jusqu'à ce que, peu à peu, il ne reste plus rien à contempler que l'obscurité. Le vide entre les arches. Ce vide qui faisait bien écho au vide qu'elle ressentit lorsque dans une tentative vaine, elle s'essaya une énième fois à pétrifier n'importe quoi qui lui tombait sous la main. L'oreiller. Un stylo. Un calepin. Un peigne. Rien. Pas d'appel familier, pas de sensation rassurante. Rien que le vide.
Finalement, elle s'empara d'un livre qu'elle avait apporté pour faire passer le temps mais dut se rendre à l'évidence. Rester enfermée ne l'aidait pas à calmer son angoisse. Comme pour lui donner raison, son ventre se mit à gargouiller : il était midi largement passé. Alors elle mit le pied en dehors de sa cabine, et manqua de renverser un immense tas d'avocats qui passait par là. Déséquilibrés, quelques fruits roulèrent au sol. Un juron étouffé se fit entendre et le visage d'Ernst apparut derrière le tas. Erika allait se fondre en excuses pour sa maladresse mais le garçon la devança.
"- On est quittes comme ça, z'en faites pas."
La brunette mit une seconde à saisir la boutade puis un rire lui échappa. Le commis l'imita tandis qu'elle ramassait les quelques fruits tombés au sol. Soudain, une récente conversation lui revint en tête.
"- Ernst, vous permettriez que je vous en pique un ?" s'enquit-elle en désignant le panier débordant.
"- C'est fait pour Mam'zelle", lui répondit-il en lui faisant signe de la tête de le suivre.
Elle lui emboîta le pas jusqu'aux cuisines, où il déposa le panier avant de lui indiquer de se servir.
"- Vous faudra autre chose ?"
Le commis haussa un sourcil curieux lorsque la nécromancienne énuméra les ingrédients mais il les lui apporta néanmoins. Puis il continua à lui jeter des coups d'oeil en coin tandis qu'elle préparait les tartines dans deux assiettes séparées. Elle fit pocher les oeufs, puis trancha l'avocat en lamelles avant de les disposer sur deux larges tranches de pain. Elle y ajouta quelques morceaux de fromage et déposa délicatement chaque oeuf sur le dessus. Ernst l'observait toujours curieusement. Amusée, Erika lui tendit des couverts en l'invitant à goûter un morceau dans l'assiette qu'elle s'était destinée. Un peu réticent, le garçon se coupa un bout de la tartine et la porta à sa bouche.
"- C'est pas mauvais", déclara t-il finalement tout en mastiquant.
Erika jubila. Il avait demandé "à voir". Elle allait lui prouver qu'il avait eu tort de douter. Son visage peu convaincu lui revint en tête. Puis elle réalisa qu'il devait probablement être encore occupé. Elle ne voulait pas se faire envahissante. Elle craignait encore de réveiller la douleur. Alors à la place, elle tendit l'autre assiette à Ernst.
"- Vous pourriez apporter ça au capitaine ? demanda t-elle, tout sourire. En lui faisant bien remarquer que l'oeuf est poché et non au plat ?"
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Asma
Sam 27 Mai - 6:27
Orion
J'ai 27 ans et je suis originaire de l'arche de Zéphyr. Dans la vie, je suis pilote d'aérostat et je m'en sors très bien. Sinon, j'étais célibataire et je le vivais très bien, mais on m'a arrangé un mariage, je l'ai vécu un peu moins bien jusqu'à ce que je réalise que je ne pouvais pas vivre sans elle.En savoir plus.
Orion retrouva sa routine habituelle. Pourtant, cette fois-ci, le cœur n’y était pas vraiment. Pour la première fois depuis bien longtemps, voire pour la première fois tout court, l’escale lui avait semblé trop courte et le navigateur n’était pas pressé de retrouver les airs. Il fit toutefois contre mauvaise fortune bon cœur. De toute façon, il n’avait pas vraiment le choix. Le Boréal avait déjà pris du retard sur son voyage avec ce chargement, qu’il allait lui falloir rattraper d’une façon ou d’une autre. Autant dire qu’il n’avait que peu de chances de pouvoir profiter d’un nouvel arrêt tel que celui-ci. Il ne put s’empêcher d’en ressentir un certain pincement au cœur.
Le grand brun vaqua à ses occupations habituelles. Il avait eu l’espoir saugrenu de voir Erika passer la tête, mais elle ne s’était pas manifestée de toute la matinée. Cette sensation-là également lui était étrangère. Une sensation… de manque. Comme s’il était soudain devenu incapable de se passer de la compagnie de la jeune femme qui lui était pendant si longtemps sorti par les yeux. Il venait tout juste de la retrouver et tout était encore si nouveau.
- Je vais aller faire chercher les passagers, lança Bart depuis l’entrée de la cabine du capitaine.
Orion leva le nez de l’ouvrage dans lequel il était plongé et le posa, un peu surpris, sur son second. Il jeta un œil à sa montre à gousset. Il était déjà l’heure du déjeuner. La matinée était finalement passée bien plus vite que ce qu’il ne l’avait cru.
Orion détestait cet exercice. Le repas avec le capitaine. Une tradition lointaine, qui n’avait jamais été l’exercice favori du grand brun. C’était la raison pour laquelle il le déléguait souvent à Bart qui, lui, excellait dans le domaine. Pourtant, aujourd’hui, il comptait bien faire un effort. Il ne l’aurait dit pour rien au monde à son ami, mais il le ferait pour Erika. Il prendrait sur lui pour lui prouver qu’il était capable, lui aussi, de se comporter en société et qu’il n’était pas un rustre. Il savait que de son côté, la jeune femme était d’un naturel bon vivant, qu’elle aimait la compagnie, sortir. Il se rappelait encore non sans un certain étonnement de la vitesse à laquelle elle avait su se faire des amis sur Babel. En l’espace de quelques jours à peine.
A l’abri des regards, il observa ses quelques passagers s’installer dans la salle à manger, guettant l’arrivée de la jeune femme. Il ne vit pourtant pas de signe de la nécromancienne. Orion fronça des sourcils. Peut-être était-elle fatiguée après leur sortie ? La nuit en extérieur sur un sol dur pouvait être éprouvante pour d’aucun. Peut-être était-elle allée se reposer dans un vrai lit ? Si elle n’était pas là, il ne s’imposerait pas cette corvée. Le capitaine tourna les talons. Bart s’occuperait de leurs invités bien mieux que lui. Il essayait de ne pas trop en faire cas et surtout de ne pas en tirer de conclusion hâtive. Son humeur n’en fut pas moins quelque peu affectée. Il retourna se terrer dans sa cabine où il tenta de reprendre sa lecture. Après avoir relu au moins cinq fois chacune des phrases du paragraphe qu’il avait sous les yeux sans en retenir le moindre mot, il abandonna. A la place, il tria quelques papiers, pour s’occuper les mains plutôt que l’esprit. Son estomac finit par se rappeler à lui, quand une agréable odeur émana de nouveau de la cuisine.
Pourtant, les convives avaient été servis depuis longtemps. Ils devaient en être aux cafés, vu l'heure. Orion quitta sa cabine. A mesure qu’il approchait de la cuisine, il pouvait entendre plus distinctement les voix qui en émanaient. Il reconnut rapidement celle d’Erika, puis celle d'Ernst. Orion s’arrêta près de la porte, hors de vue, essayant de déterminer ce qu’ils manigançaient. Le garçon semblait ravi de pouvoir servir d'assistant à la jeune femme. Il sourit. La voix d’Erika s’éleva et Orion saisit l’occasion qui se présentait.
- Ou tu pourrais le rejoindre et partager son repas ? Répondit-il à la place du garçon en paraissant dans l'encadrure de la porte.
Le grand brun récupéra l'assiette des mains d'Ernst. Il le remercia d'un signe de tête et le garçon en profita pour s'éclipser. Son assiette à la main, Orion se dirigea vers un tiroir d'où il sortit un tire-bouchon, puis d’un placard où il attrapa une bouteille de vin. Les mains pleines, il fit signe à Erika de le suivre jusqu'à la salle des cartes attenantes. Il posa son butin à table, débarrassa les quelques papiers qui traînaient là et proposa à la jeune femme de prendre place. La pièce pouvait faire office de salle de repas pour le modeste équipage de l’appareil. L’espace y était beaucoup plus exigu que dans la grande salle d’apparat, mais au moins il n’y aurait qu’eux.
Orion ouvrit la bouteille de vin et leur servit un verre chacun. Il s’installa ensuite et examina avec plus d’attention le contenu de son assiette. Un sourire s’étira sur son visage. Sa fameuse tartine à l’avocat.
- Il sera bien noté que l’œuf est poché, reprit-il d’un ton faussement sérieux.