Un sourire de convenance étira les lèvres du politicien. Wyatt ignorait à quoi pouvait bien ressembler la nouvelle collection de Johanne. De temps à autre, il l’avait surpris à travailler dessus, mais il n’avait jamais pu s’attarder davantage sur son travail. Toujours un coup de fil, une visite inopportune qui le dérangeait. Alors il la croyait sur parole lorsqu’elle lui disait que la collection lui plaisait, sans pour autant de lui demander si elle pouvait la lui montrer. En fait, il préféra plutôt porter son attention sur mon emploi du temps, essayant de trouver un moment à octroyer à Johanne le jour de son départ, rien que pour l’accompagner à l’aéroport. Il essayerait. Ce n’était pas une promesse. De toute manière, elle savait qu’il ne parviendrait pas à venir. Il pouvait l’entendre dans le son de voix. Un simple acquiescement pour lui répondre. À quoi bon démentir en lui promettant qu’il parviendrait à trouver le temps nécessaire pour venir à l’aéroport avec elle. C’était inutile. Lui aussi, au fond, il savait qu’il ne serait pas présent, et donc il ne lui ferait pas l’affront de la faire espérer davantage. Il déclina également cette invitation à dîner qu’elle formula. Il ne pourrait pas être présent également la veille de son départ. Une conférence dans son ancienne université. Il ne pouvait pas annuler alors que ça faisait des mois que c’était programmé. Son silence valait tous les mots, tout autant que son départ de la cuisine sans toucher davantage à ses œufs brouillés. Il l’imita en délaissant l’assiette, puis après une brève consultation de ses mails, la rejoignit dans la chambre.

Enfin… Wyatt resta dans l’encadrement de la porte en osant poser la question. Sa réponse prouvait qu’il avait eu raison de demander. Johanne lui en voulait et c’était légitime. Il croisa les bras contre son torse « Je ne sais pas » souffla-t-il sans la quitter du regard. Il la laissa choisir sa tenue pour le reste de la journée, sans donner son avis. Elle avait arrêté de lui demander ce qu’il préférait depuis bien longtemps maintenant. Les mots qui suivirent furent douloureux pour le politicien qui encaissa, bougeant légèrement contre l’encadrement de la porte, plus par gêne qu’autre chose. Elle n’était plus sa priorité. Il le savait, mais l’entendre de sa bouche… Wyatt s’approcha d’elle, laissant retomber ses bras le long du corps, et quelque peu blessé par les mots de sa femme « Je suis désolé de mener plusieurs objectifs de front. Je ne suis pas parfait », puis posa sa main sur le bras de Johanne « Regarde-moi s’il te plaît » et baisa son regard sur le corps presque dénudé de son épouse. Un corps qu’il avait tant désiré des années durant. Il releva lentement ses yeux verts jusqu’au visage de Johanne, effleurant son bras de la main et s’approcha légèrement pour l’embrasser, mais son portable sonna. Il resta un instant interdit, et devant l’insistance de son portable, se recula et retourna dans la cuisine pour répondre « Andrews » « … ». Il revint jusqu’à la chambre où se trouvait Johanne, l’observant un moment tout en écoutant son interlocuteur s’adresser à lui « Est-ce que l’on peut voir tout ça demain Roger ? » « … » « Non, tu sais que les associations vont nous tomber dessus si on fait ça » et fit volte-face pour s’avancer jusqu’au salon « Tu veux faire une réunion ? » « … » « Non, bien sûr. C’est peut-être la solution » et continua ainsi de longues minutes, jusqu’à raccrocher, et s’avança vers Johanne « Roger m’attends au bureau ».

Je ne suis plus ta priorité depuis longtemps. C’était ces mots là que Johanne aurait dû dire. Mais elle avait toujours à cœur de ne pas blesser Wyatt. Elle savait parfaitement qu’il donnait beaucoup de sa personne dans la campagne. C’était son principal objectif. Elle comprenait. Mais il pouvait peut-être comprendre qu’il lui manquait. Qu’elle portait au doigt une alliance qui était le symbole physique des vœux qu’ils avaient échangé à leur mariage. Qu’à la base, ils étaient deux. Quelques heures de son temps si précieux pour sa femme, est ce que c’était trop demandé ? Il s’excusa. Encore une fois… encore des mots, toujours des mots… les même mots. Elle était lasse d’entendre ça. Ce qui l’agaçait le plus, c’était qu’il ne dirigeait plus rien de sa vie seule. Il disait oui à tout, sauf à elle. On lui disait comment s’habiller, comment manger, comment parler ! Et si une seule petite fois il disait : non ! J’accompagne ma femme à l’aéroport… A sa demande elle leva les yeux.

Un frisson la parcouru lorsqu’il caressa son bras. Le regard de la belle brune fit un bref aller-retour entre le regard de son mari et ses lèvres. Elle sentit son cœur battre plus vite, comme si c’était le moment du premier baiser au début d’une histoire d’amour. Et puis… et puis elle détourna la regard en le voyant reculer. Le téléphone… elle se mordit les lèvres pour ne pas pleurer. Il venait de choisir. C’était son téléphone avant elle… Johanne ravala ses larmes et prenant une grande inspiration, et enfila son jeans, puis sa tunique. Le moment était passé… elle le savait. Elle eut le temps de se coiffer et de se maquiller, de préparer son sac à main et d’enfiler une paire de basket. Quant Wyatt lui adressa de nouveau la parole, elle souffla simplement un : « -d’accord… » avant de sortir pour se rendre au garage et prendre son vélo.

Tout en pédalent, elle se dit qu’il ne lui restait que quelques jours à tenir. Jeudi elle serait dans l’avion. Elle croyait naïvement que deux semaines d’éloignement leur ferait du bien. Qu’elle allait lui manquer… Que peut-être les choses seraient différentes à son retour. Elle avait écouté les conseils de Vic. Elle s’était mise nu devant lui, il n’avait pas grimacé mais elle n’avait pas lu de désire fou dans son regard non plus. Pourtant, elle était encore une belle femme. Elle avait hâte de retrouver Paris. Changer d’air… C’était deux semaines folles qui l’attendait.

Entendre son épouse lui rappeler qu’elle n’était plus sa priorité aujourd’hui était douloureux. Et même si Wyatt tentait de se convaincre du contraire, il savait aussi que ce n’était que vérité. Johanne n’était plus sa priorité. Il ne prêtait plus attention à elle comme il avait pu le faire par le passé. Il n’avait plus hâte de rentrer chez eux pour passer du temps en sa compagnie. Peu à peu, ils s’étaient éloignés. Ses prérogatives avaient changé. Son travail était devenu le centre de son univers. Il n’avait jamais peur de le perdre. Il ne se sentait jamais trahi par lui. Il fit tout de même quelques pas vers elle. Physiquement. Émotionnellement, c’était tout autre. Il posa sa main sur sa peau, et l’observa alors qu’elle était presque nue devant lui. Il avait envie de l’embrasser, mais n’en fit rien. Son portable sonna. Même si c’était dimanche, Roger n’était jamais en repos, et il savait qu’il en était également de même pour Wyatt. Sinon pourquoi répondrait-il au téléphone ?! Il tenta toutefois de reporter la discussion, mais son professionnalisme reprit rapidement le dessus et se retrouva à faire les cent pas dans le salon, continuant de converser avec le maire pendant que Johanne se préparait de son côté. L’envie du moment s’était envolée au moment même où Roger avait appelé. Elle avait été furtive et avait disparu aussi vite qu’elle était apparue. Elle ne tenta pas de le convaincre de rester quand il lui précisa qu’il devait se rendre au bureau. Elle avait accepté. Tout simplement. Il l’observa quitter leur maison, puis se prépara à son tour et passa sa journée au bureau.

Wyatt espérait rentrer aux alentours de 16 heures, mais il se retrouva à dîner en compagnie de Roger devant leurs dossiers. Après plus d’un appel de l’épouse de ce dernier, il prononça la fin de la réunion officieuse, et le politicien rentra enfin chez lui. Il craignait déjà la dispute à venir. Enfin… S’ils parvenaient encore à être capable de se crier dessus. Il franchit les portes de leur résidence, retira ses baskets à l’entrée et fit quelques pas jusqu’à rejoindre Joe « Je ne pensais pas rentrer aussi tard » et ajouta « Tu as passé une bonne journée ? ». Seule alors que ce jour était normalement pour eux deux. Il s’approcha du bar pour se servir un fond de brandy, et prit place sur le fauteuil « Tu dois penser que je ne t’aime plus, mais c’est faux Joe » répliqua-t-il en fixant le liquide foncé dans le fond de son verre. Il releva lentement ses yeux verts sur elle « Je vais prendre une douche », avalant cul sec son verre qu’il déposa sur la table basse, puis se leva en direction de la salle de bain pour prendre sa douche, et en ressortie quelques minutes plus tard « JTu veux qu'on parle ?».

Finalement elle avait passé une belle journée. Elle avait rejoint Zoey pour déjeuner en terrasse. Une amie de longue date qui tenait une galerie d’art. Elles parlaient principalement art d’ailleurs. Une sorte de fracture c’était créé entre Joe et ses autres amies, à mesure qu’elles devenaient mamans. Les entendre parler de leur petits, s’en plaindre aussi. Elle le vivait très mal. Parce qu’elle, elle était certaine qu’elle aurait adoré vivre ces nuits blanches qu’elle ne connaitrait jamais. Qu’elle aurait aimé faire l’avion avec la cuillère un million de fois pour qu’il veuille bien gouter à la carotte. Qu’elle aurait rit aux éclats s’il avait soufflé dans la cuillère. Deux ans plus tôt, elle avait perdu un enfant. Cinquième fausse couche… elle était à cinq mois de grossesse. Cette fois-ci elle y croyait. Elle avait ralenti l’allure, elle avait fait tout ce qu’il fallait pour qu’il reste bien au chaud en elle. Un petit garçon… Elle le savait c’était l’élément déclencheur de la fin de leur couple. Cela n’aidait en rien sa culpabilité. Elle avait perdu l’enfant et aujourd’hui, elle perdait Wyatt.

Les deux amies avaient parlé de la fashion week, de la collection de Johanne… la belle brune avait fait la route retour en ayant retrouver un peu de bonne humeur. Elle avait prit le temps de manger une glace, seule en contemplant la ville. Un homme lui avait sourit un peu plus loin. Elle lui avait répondu d’un sourire, puis avait reprit son vélo pour rentrer. Elle fila sous la douche, et enfila une robe légère. Cheveux mouillés détaché sur les épaules, elle avait récupéré son livre sur la table de chevet, s’étalait allongé sur le ventre, sur le tapis tout dans le salon. Vers 20h00, ne voyant pas revenir Wyatt, elle commanda une pizza. Il mangerait ce qu’il voudrait en rentrant.

« -heureusement que tu devais te reposer… » répondit la belle brune avec un sourire doux sans pour autant refermer son livre. Elle le connaissait, il allait relancer le sujet. Elle n’avait pas envie d’en parler. « -j’ai déjeuner avec Zoey. » avait elle répondu, le nez dans son livre. Elle s’arrêta de lire quand il évoqua ses sentiments. Avec lenteur elle tourna la tête pour le regarder partir en direction de la salle de bain. A nouveau elle fixa son livre. Elle avait le rouge aux joues. Pas pour ce que venait de dire Wyatt. Mais à cause du désir qu’elle avait ressentit quand l’étrange croisé lorsque de balade, l’avait détaillé du regard. Le cœur battant, elle s’avança d’un pas décidé jusque Wyatt lorsqu’il sortie de la salle de bain. « -non. » répondit Johanne avant de l’embrasser et de lui retirer son t-shirt. Elle détestait avoir du désir pour un autre, simplement parce qu’il ne lui donnait plus de plaisir assez souvent qu’avant. C’était lui qu’elle aimait, lui avec qui elle voulait être.

Accepter l’invitation de Roger à venir travailler ce dimanche n’était pas un choix anodin pour Wyatt. Sa carrière avait toujours été une priorité pour celui qui était partie de rien, mais depuis deux ans, elle était devenue aussi un moyen d’éviter tout conflit avec Johanne. Une espèce de bulle imperméable aux problèmes que rencontrait son couple. La perte de leur enfant avait été douloureux, un déchirement pour le politicien. Ils avaient tant essayés, tant espérés aussi. Eux qui n’avaient jamais connu la chaleur d’un foyer et l’amour d’une famille, ils avaient désiré plus que tout construire la leur. Toutefois, la plus grande souffrance qu’avait éprouvé Wyatt, c’était lorsqu’il avait bien cru perdre l’amour de sa vie à l’issue de cette énième fausse-couche. Elle avait été prête à l’abandonner après la perte de ce petit garçon à qui ils avaient fini par donner un nom. Wyatt ne l’avait pas supporté. Perdre un cinquième bébé, ça avait été un déchirement, mais risquer de perdre sa femme… Il n’y avait pas de mots pour le quadragénaire qui avait vu, dans le geste de son épouse, un abandon. Il ne voulait pas revivre cela. Sa mère l’avait délaissé sur le bord de la route, parce que c’était trop dur… Johanne était sa seule famille, son point d’ancrage, et la voir ainsi l’abandonner… Au fond de lui, il ne lui avait jamais pardonné son geste, il n’avait jamais accepté que l’amour qu’ils se portaient mutuellement n’avait pas été assez fort pour la retenir à lui. Il s’était donc rapidement réfugié dans le travail après l’incident. Sa carrière était devenue son nouveau point d’ancrage, sa bouée de sauvetage, en d’autres termes. En leur imposant une distance, il espérait limité la souffrance qu’il avait enduré en croyant la perdre ce soir-là. Et maintenant, alors que le temps avait fait son œuvre, qu’il avait fini par faire le deuil de ce bébé qui n’avait jamais vu le jour, Wyatt avait maintenu son travail comme étant le centre de son univers… Alors oui, Johanne lui en voulait sûrement de en plus être sa priorité, mais c’était sa manière à lui de se préserver. Un peu comme aujourd’hui, alors qu’il sentait la tension monter entre eux, risquant de peu la dispute. Son travail lui avait permis d’apaiser son esprit et d’encaisser les reproches.

Il était donc rentré tard. C’était devenu coutumier avec le temps. Il se délaissa de ses baskets dans l’entrée puis s’approcha de Johanne qui était allongée sur le tapis, lisant un livre alors qu’une odeur de pizza flottait dans l’air. Il avait l’impression de revenir quelques années auparavant, dans leur petit appartement à la plomberie bruyante et aux odeurs de cuisine provenant du restaurant thaï en-dessous de chez eux. Il tentait d’étudier, assis au pied du canapé, ses livres sur la table basse aux côtés d’une pizza à moitié dévorée. Seul plat « luxueux » qu’ils parvenaient à s’offrir et elle, qui lisait ainsi installée sur le tapis qu’ils avaient trouvé dans une ruelle, près des poubelles et qu’ils avaient passé des jours à nettoyer pour ôter l’odeur nauséabonde qui s’en dégageait. Maintenant, ils vivaient dans une maison bien trop grande pour eux deux, et ça faisait une éternité qui n’avait pas manger une pizza. Il prit place sur le canapé, s’excusant de son retard « Un autre jour » souffla-t-il en lui rendant son sourire. Un hochement de tête « Comment vas-t-elle ? ». Puis, comme un cheveu sur la soupe, il lui rappela qu’il l’aimait toujours. Enfin, il le lui rappela en sa manière, sans pour autant lui dire clairement. Sur ces mots, il se leva et prit une douche. Il n’eut le temps de faire davantage de pas en sortant de la salle de bain que Johanne lui retira son t-shirt tout en l’embrassant. Wyatt n’allait pas la repousser. Il lui rendit son baiser avec tout autant d’ardeur, la poussant jusque sur le lit. Il retira son bas de pyjama d’un geste précipité, puis s’attela à son boxer en dentelle, et sans prendre la peine de lui retirer sa robe, la soulevant seulement, il la fit sienne dans un coup de rein alors qu’elle était dos à lui. Brièvement, le visage de cette jeune Brittany s’imposa à lui alors qu’il commençait les vas-et-viens, imaginant son corps nu sous le sien. Il réouvrit donc les paupières pour se concentrer uniquement sur son épouse. C’était d’elle qu’il était amoureux. Il se retira « Pas comme ça » et l’invita à lui faire face, puis la pénétra de nouveau. Il accentua les coups de reins avec vigueur, comme pour répondre à un désir soudain, un besoin naturel, sans la quitter des yeux. Il ne voulait pas jouir en pensant à une autre femme que la sienne. Il accentua les coups de reins, accélérant les vas-et-viens jusqu’à la jouissance qu’il fit taire entre ses lèvres, puis se laissa tomber sur le côté un moment, le temps de reprendre son souffle, fixant le plafond.

« -bien. » elle n’avait pas envie de rentrer dans les détails. Parce que c’était une question de convenance. Il s’en foutait de savoir si Zoey était heureuse. Qu’est ce qui avait mis le feu aux poudres ? Est-ce que c’était ce je t’aime à demi-mot ou bien le souvenir de l’homme qu’elle avait croisé dans l’après-midi ? Ou bien ce face à face du début de matinée, alors que Wyatt était à deux doigts de l’embrasser ? Elle partait dans quelques jours. Elle ne voulait pas le quitter comme ça. Parce qu’elle avait besoin de son corps, besoin de sa savoir qu’il l’aimait toujours. Besoin de le savoir aussi physiquement, parce qu’à force, les mots de Wyatt n’avait plus le même effet sur elle. Johanne avait comme besoin d’en avoir la preuve.

Alors qu’elle lui retirait son t-shirt, elle espéra quelques secondes qu’il n’allait pas la repousser. Ça serait la goutte de trop. Elle ne le supporterait pas. Heureusement il répondit à son baiser et bien vite elle se retrouva sur le lit. Le lit… c’était le seul endroit où de temps en temps ils faisaient encore l’amour. Si on pouvait dire cela. Elle l’aida à retirer son boxer et poussa un cri lorsqu’il la pénétra. Elle avait toujours aimé le sexe puissant. Pas violent mais ardant et vigoureux. Elle aimait lorsqu’il saisissait ses hanches et ne retenait pas ses coups de reins. Elle avait toujours adoré crier son plaisir lorsqu’il lui faisait l’amour. Merveilleuse sensation que de le sentir en elle. Ça faisait une éternité dans son esprit. Joe cambra les reins, fermant les paupières comme pour s’accrocher à chaque seconde de plaisir, ignorant ce qui traversait l’esprit de son mari.

Rapidement elle se tourna face à lui, en missionnaire classique. Il semblait vouloir voir son visage. Johanne posa une main sur le torse nu de Wyatt, l’autre gagna ses fesses toujours musclées. Ses jambes remonter autour des hanches de son mari, elle gémit à chaque va et vient. Dans son esprit elle lui criait des je t’aime. Elle jouit juste avant lui, ses ongles entrant dans la peau du dos du bel homme. Le souffle court, elle aurait aimé sentir le poids de son corps contre le sien, encore quelques minutes. Le visage vers le plafond, elle finit par souffler : « -moi aussi je t’aime toujours… » avant de tourner la tête vers lui. A cet instant, elle était heureuse. Ils auraient au moins eut un moment à eux avant qu’elle ne parte. Cela lui éviterait la tentation. Parce que même quand on aime, le corps a des besoins, des envies… malgré la dégradation de leur relation, ils s’aiment toujours. Et elle ne voulait pas le tromper ou céder à une envie subite. Ça serait idiot. Puis comme un cheveux sur la soupe elle demanda : « -j’aimerais qu’on parle de ton planning. » avant de se redresser sur le bord du lit. Elle voulait voir si elle pouvait se rendre disponible pour les quelques soirées à venir, avant son départ. S’il y avait un gala où elle pouvait l’accompagner.

Son corps… Cela faisait des mois qu’il ne l’avait pas touché, ni même caressé. Les étreintes s’étaient peu à peu estompées avec le temps. Il ne la désirait plus comme avant. C’était peut-être la raison qui l’avait poussé à parler à cette jeune femme la veille au soir, lors de la réception. Elle était jeune et jolie, mais surtout, elle semblait s’intéresser à lui. Elle le voyait peut-être par le prisme de sa profession. Puissant et riche. Mais ça lui importait peu. Il avait lu, dans son regard, une lueur qui n’apparaissaient plus vraiment dans le regard de sa femme. Enfin jusqu’à ce soir alors qu’elle avait pris possession de ses lèvres. Il aurait pu la repousser, mais il en avait envie aussi. L’appel du corps de cette inconnue la veille l’avait électrisé autant qu’effrayé. Il aimait toujours sa femme et ne voulait pas s’aventurer dans le lit d’une autre. Il la poussa donc rapidement vers le lit, et sous ce désir soudain qui venait de les accabler, ôtèrent rapidement les seules barrières de leur intimité et la fit sienne dans un coup de rein assuré. Il avait toujours aimé l’entendre crier ainsi lorsqu’il lui faisait l’amour. Il aimait qu’elle se sente libre d’exprimer son plaisir tout autant que lui le faisait. Aucune retenue. C’était peut-être le seul moment où ils parvenaient à s’exprimer librement… Ses mains sur ses hanches qu’il tenait fermement, il se montra vigoureux dans chacun de ses coups de reins alors qu’il imaginait faire l’amour avec cette inconnue rencontrée la veille au soir. Son visage s’imposait à lui alors qu’il continuait de se délecter des gémissements et des cris de son épouse sous ses vas-et-viens. Il lui demanda de lui faire face pour que son esprit cesse de penser à une autre. C’était sa femme qu’il désirait ce soir, pas une autre. Il reprit ses vas-et-viens avec tout autant d’ardeur, savourant ses gémissements alors qu’il ne la quittait pas des yeux, puis atteignit la jouissance peu de temps après elle.

Ces deux dernières années, le sexe s’était rarifié, mais surtout, c’était devenu du sexe pour du sexe, pour répondre à un besoin primaire. Souvent, c’était lorsqu’il avait désiré une autre femme que la sienne, et pour ne pas répondre à cette envie soudaine de découvrir le corps d’une autre, il faisait l’amour à son épouse. C’était souvent intense, rapide et puis il ne s’éternisait pas en se montrant tendre à l’issue. Il rejoignait le côté de son lit comme en cet instant, puis tourna la tête vers Johanne qui venait de lui avouer, qu’elle aussi, l’aimait toujours. Il se pencha vers elle pour l’embrasser. Un geste tendre qu’il ne faisait que rarement maintenant. Peut-être trop rarement. Mais à ses yeux, c’était la meilleure réponse qu’il pouvait lui offrir à cette confidence. Il finit par se lever du lit, enfilant de nouveau son pyjama, dos à Joe, puis finit par tourner la tête vers elle quand elle évoqua son emploi du temps « Si tu t’inquiètes de mes absences, je ne vois personne d’autres Joe… Je croule seulement sous le travail », et quitta la chambre pour récupérer son t-shirt dont elle l’avait délesté un peu plus tôt, et revint dans la chambre « Tu veux boire une tisane ? ».

A chaque fois c’était ainsi. C’était soudain, inattendu. Ça venait de l’un ou de l’autre, mais ça ne venait jamais suite à des gestes tendres ou une conversations romantiques. Elle en avait eu envie ce matin, et puis il y avait eu le regard de cet homme. Ensuite Wyatt lui avait dit l’aimer encore… alors Johanne s’était décidée à provoquer l’acte. Elle aimait toujours autant sentir son corps épouser le sien, ses mains sur sa peau, même si ce n’était plus les mêmes caresses qu’avant. Lorsque ça arrivait, elle profitait de ce moment comme si c’était le dernier. L’orgasme lui fit du bien, dissipant la frustration du matin. Pourtant, il n’y eut pas de tendre étreinte juste après. Chacun de son côté, ils revenaient sur terre, retrouvait leur souffle. Elle se redressa la première et demanda s’ils pouvaient parlé de planning de Wyatt. Elle resta sans voix devant ce qu’il dit.

Johanne se passa les deux mains dans les cheveux, en soupirant. Qu’est ce qui lui laisser penser cela ? Elle tressa rapidement ses cheveux et leva la tête lorsqu’il revint. « -je veux bien merci… » répondit la belle brune avant de se lever pour rejoindre le salon. Elle s’installa sur le canapé, remonta ses jambes sous ses fesses et dit : « -je ne te demande pas de voir ton planning parce que je m’inquiète de ta fidélité. » elle n’avait envisagé cela. Elle décida d’être honnête : « -Claire m’a envoyé un mail, en me demandant si je pouvais tenté d’accorder mon planning au tien. Histoire d’apparaitre en public à tes côtés j’imagine. » elle tenait les mains pour prendre la tasse qu’il lui tendait : « -je n’aime pas ça, tu le sais. Mais je sais aussi que c’est important pour ton image. Alors… » un haussement d’épaules. « -je voulais voir si c’était possible. » maintenant c’était à lui de voir s’il tenait à ce qu’elle soit présente. « -je crois qu’elle s’inquiète pour nous. » elle baissa les yeux : « -ou pour ton image… » oui, pas sur que Claire se souci vraiment de leur problème de couple.

Johanne souffla sur l’eau chaude, puis elle sourit amusée de son geste et de voir Wyatt avec sa propre tasse juste en face d’elle. « -regarde nous… on dirait deux vieux avec nos tisanes… » pourtant ils ne l’étaient pas. Vieux… « -je crois que… » ajouta-t-elle ensuite après un bref silence : « -je crois que ces deux semaines loin l’un de l’autre devrait nous faire du bien… » comme si ça allait être la solution à tous leur problème. « -et pour en revenir à ce matin… je comprends que tu sois très prit. » elle leva les yeux sur lui. « -tu me manques… c’est tout. »

Face au silence soudaine de Johanne, le politicien ne savait pas s’il avait été pertinent ou non dans sa supposition. Pourquoi voulait-elle voir son planning si ce n’était pour s’assurer qu’il n’avait pas d’aventure avec d’autres femmes ? Ou peut-être pensait-il ainsi parce que les premiers instants de leurs ébats, il avait fantasmé sur une autre femme qu’elle… Terminant de se revêtir, Wyatt lui proposa une tisane. Une manière comme une autre de clôturer ce qui venait de se produire entre eux. Il s’éloigna donc jusqu’à la cuisine pour préparer les deux tasses de camomilles. Patientant que l’eau arrive à ébullition, Wyatt tourna la tête vers sa femme qui venait de prendre place dans le canapé. Tout en continuant de tendre une oreille attentive à son épouse, il servit les deux tasses et revint vers elle, lui tendant sa tasse avant de prendre place dans le fauteuil avec la sienne, croisant les jambes et posant le dessous de la tasse sur sa jambe, attendant patiemment que le liquide clair refroidisse. « Claire a remarqué ton absence hier, et elle n’était pas la seule. Certains des convives n’ont eu de cesse que de me questionner à ton encontre ». À la fin de la soirée, Wyatt avait été lassé de répondre encore et encore qu’elle était retenue, elle aussi, par ses propres obligations. Il se doutait bien, que dans certains esprits, germaient l’idée d’un probable divorce à venir. Il était une personnalité publique. Sa vie privée n’échappait pas toujours aux ragots qui pouvaient circuler dans ce genre d’assemblée. Le politicien porta sa tasse à ses lèvres après avoir soufflé dessus, et reposa cette dernière sur son socle « Elle ne devrait pas s’inquiéter pour nous. Ce n’est pas son travail » répliqua-t-il en levant ses yeux vers sur Johanne « Tu veux voir cela ce soir ? » demanda-t-il en se levant, posant sa tasse sur la table basse en passant, et récupéra son portable sur l’établi de la cuisine.

En reprenant place, il se saisit à nouveau de sa tisane et esquissa un sourire à l’attention de Johanne et de son commentaire « On finit par le devenir », puis observa l’écran de son téléphone, cherchant son emploi du temps, puis releva son regard sur sa femme sans pour autant que sa tête ne suive. Il arrêta de faire défiler l’écran avec son pouce, laissant son geste en suspens. Cette fois-ci, il redressa la tête « Tu penses que c’est la solution à tous nos problèmes ? » finit-il par demander d'une voix blanche, peu convaincu que deux semaines l’un de l’autre anéantirait toute la douleur qu’ils avaient éprouvés en perdant leur fils, ou encore inhiberait la colère qu’il ressentait d’avoir voulu mettre fin à ses jours juste après… « S’il te plaît Johanne, je ne suis pas un militaire envoyé au front pendant un an. J’essaie de rentrer tous les soirs à une heure décente, et sauf exception, comme aujourd’hui, je suis à la maison également le dimanche ». Il poussa un soupir et finit par poser son téléphone sur la table basse, ainsi que sa tasse « On aurait pu passer la soirée ensemble hier, ou encore il y a deux semaines. Mais à chaque fois, tu es prise également de ton côté et je ne te le reproche pas ». Il comprenait ce qu’elle voulait dire, mais il ne souhaitait pas l’entendre pour autant. Il finit par reprendre son portable en main et le lui tendit « Voici mon emploi du temps. J’ai un gala lorsque tu seras à Paris. Le prochain aura lieu la semaine de ton retour à Washington. Penses-tu pouvoir te libérer ? Les membres du Congrès seront présents, et j’aimerais te présenter à eux ». Après tout, elle était sa femme. Son absence pourrait paraître suspecte et alimenter les commérages.

Lorsqu’elle avait vu le mail de Claire, Johanne s’était sentie très mal. Elle n’aimait pas ces soirées. Elle avait toujours la sensation de ne pas reconnaitre son mari. Il jouait une sorte de rôle qui la mettait mal à l’aise. « -tu sais très bien que je ne pouvais pas être présente et que si les dates ne collaient pas, ce n’était pas ma faute. » la soirée à laquelle elle était conviée, avait été prévue avant celle de Wyatt. Elle s’était déjà engagée. Et n’avait pas souhaiter annuler. Soutenir les orphelinats était quelque chose qui lui tenait à cœur. Elle avait passé une bonne partie de son enfance dans ce genre d’établissements, avant de passer de famille d’accueil en famille d’accueil. Pouvoir récolter des dons et faire en sorte que ces institutions soient moins précaires, était important à ses yeux. Bien plus que quelques poignées de mains et de faux sourires.

« -exactement. » ajouta la belle brune au sujet de Claire. « -ça sera fait. » ajouta-t-elle au sujet des plannings. Sinon, il allait encore lui reprocher. Un léger moment d’amusement en les voyant là avec leurs tasses. « -tu parles comme on avait déjà 70 ans… » ils s’étaient promis de vieillir ensemble. Pas de cette façon. Elle évoqua son voyage, le bien que cela pouvait leur faire d’être loin de l’autre. Elle encaissa ce qu’il lui répliqua. « -je n’ai pas dit ça. » répondit elle simplement avant de porter sa tasse à ses lèvres. Pour régler leur problème, il aurait fallu qu’il soit présent et qu’il veuille parler. Depuis la perte de leur fils, il s’était enfermé dans son travail. Elle savait qu’il lui en voulait toujours. Parce qu’elle avait tenté de mettre fin à ses jours, parce qu’avec ce geste, elle l’avait abandonné. Ça aussi elle l’avait promis en l’épousant, d’être toujours présente pour lui, à ses côtés, dans les bons comme dans les mauvais moments. Perdre cet enfant avait été tellement douloureux pour Johanne. Elle avait sombré dans la dépression et ne voyant pas d’autre solution à son mal être, avait une soir avalée une boite entière de somnifère. Si Wyatt était rentré une heure plus tard, elle ne serait pas là à lui parler. Il ne le lui avait jamais pardonné.

Un léger sourire ironique sans le regardé. Il était présent ? Vraiment ? C’était ce qu’il pensait ? Elle ne répliqua rien. Parce que c’était la porte ouverte pour une dispute et elle ne voulait pas de ça ce soir. Comme à chaque fois d’ailleurs. Peut-être que ça leur aurait fait du bien, qu’ils crachent l’un comme l’autre ce qu’ils avaient sur le cœur. Il y avait trop de non-dits. « -je ne te reproche pas ton emploi du temps, seulement d’être absent même quand tu es là. » en perdant cet enfant, elle l’avait perdu lui aussi. Elle regrettait chaque jour sa tentative de suicide, de ne pas avoir été capable de lui parler, de lui demander de l’aide, de s’accrocher à leur amour. Mais elle ne pouvait pas revenir en arrière. Elle tendit le bras pour prendre le téléphone de Wyatt. Le petit appareil qu’elle détestait tant. Elle jeta un coup d’œil, l’écouta d’une oreille. Prit le sien, qui servait bien moins et ouvrit l’application du planning. Elle nota la date. « -c’est noté. » voilà, comme ça Claire serait contente, et ça éviterait une mauvaise image. Elle lui rendit son téléphone, ferma le sien et termina sa tasse avant de se lever en récupérant son livre. « -je vais me coucher. » elle passa à côté de lui sans le toucher, posa sa tasse dans la cuisine et souffla un : « -bonne nuit. » avant de rejoindre la chambre. Elle avait pensé à lui parler d'une thérapie de couple, mais s'était ravisée. Il n'avait pas de temps pour ça.