- Noon, ça ne se dit pas ça. Les qualités ça se découvre, c'est là tout le charme.

C'était les bons côtés des débuts d'une relation. Quand on apprenait à découvrir l'autre, ses qualités comme ses défauts. Quand on apprenait à connaitre ses petites manies, ce qui le faisait vibrer, c'était ça qui était exaltant dans les débuts d'une relation. Donner la liste de ses qualités, ça avait un petit côté entretien d'embauche. Je préférais découvrir l'autre que de l'entendre réciter une liste de qualités comme il réciterait la liste des courses. Sans compter que ce que je considérais comme mes qualités ne l'étaient pas forcément aux yeux des autres. J'étais fier d'être un passionné de musique, tellement passionné qu'il m'arrivait de faire passer ma passion avant tout le reste. Mais il ne fallait pas se mentir, ça n'avait pas forcément quelque chose de très séduisant pour les autres.

- Il y aura un happy end pour tout le monde dans le film, c'est obligatoire. Enfin sauf pour Daniel. Et il y aura une happy end pour toi aussi. Attends, c'est pas toi qui m'engueulait tout à l'heure parce que je ne pensais pas que j'en aurais une!

J'avais du mal à l'imaginer ne pas en avoir une. Il était beaucoup trop craquant pour rester seul. J'espérais simplement que sa fin heureuse coïncide avec la mienne.

Louis n’avait pas manqué de sourire derrière son téléphone en entendant son inconnu du téléphone esquiver sa question. « Ok… La patience n’est pas ma première qualité et j’ai hâte de les connaitre mais… Je partirais à la recherche de tes qualités. C’est un deal ! » Le cerveau un peu embrumé par l’alcool, Louis s’était demandé quelles étaient ses qualités. Ça craignait. Le seul truc auquel il pensait, c’étaient des qualités physiques. Un beau regard. Des pectoraux dessinés. Une allure distinguée. Pourquoi est-ce qu’il n’arrivait pas à se trouver gentil ? Drôle ? Et même intelligent ? Très vite, il chassa ce débat de son cerveau. Hors de question de se mettre à broyer du noir. Pas ce soir. « Bien sûr qu’il y aura un happy end pour moi ! Enfin ! Juste… pas ce soir. » Louis restait positif sur l’avenir. Enfin, il essayait. Rien n’était foutu encore, il était trop jeune pour ça. « Oh mon Dieu, rappelle-moi que les cabriolets c’est romantique mais que ça te ruine un look ! » A nouveau, Louis s’était mis à rire. Ce soir, c’était déjà ça de gagné. Il avait rarement autant rigolé.

- Et je partirais à la recherche des tiennes. Je note déjà de ne pas chercher ta patience.

Je gardais pour moi le fait que je pouvais mettre sa sublime voix dans le lot des qualités. Qu'il me semblait aussi être le genre de mec romantique, qu'il croyait en l'amour lui aussi. J'aurais envie de le qualifier d'optimiste aussi, quand il parlait de la fin heureuse qui l'attendait un jour.

- Et pourquoi pas ce soir? On passe plutôt une bonne soirée non? On... on pourra se donner rendez vous comme ça un autre soir? Un pseudo rendez vous qui débouche sur un autre pseudo rendez vous, c'est plutôt une bonne fin non?

Je ne voulais pas me dire que ce serait notre dernier appel. J'avais besoin de lui parler à nouveau, de me dire qu'il serait là demain soir au bout du fil, à m'attendre. Je ne savais pas de quoi on parlerait, si on se mettrait à regarder un film à nouveau tous les deux. Peu importe ce qu'il voulait faire, je voulais juste pouvoir le revoir.

Je me forçais à rire doucement alors qu'il parlait du look de Bridget. La voix off en avait parlé aussi mais j'avais du mal à comprendre où était le problème exactement.

- Promis je te le dirais. De toute façon, qui roule en cabriolet dans Paris?

Louis rigola quand l’inconnu du téléphone mentionna sa patience. Non, clairement, il en était dépourvu. C’était un peu son problème. Il voulait tout. Tout de suite. Sans frustration, sans attente. Est-ce qu’il allait devoir être sage avec son inconnu du téléphone ? Il pressentait que oui. Quelque chose lui disait qu’il était le genre qu’il aurait envie de courtiser et non pas de s’arracher dès les premiers instant. « J’espère que je serai plein de belles surprises… » Et il souriait encore quand son inconnu lui avait parlé de reprendre rendez-vous avec lui. « Oh… Si c’est une très belle soirée. Je t’en remercie. J’aimerais beaucoup un autre pseudo rendez-vous… Tu crois que le prochain débouchera sur un vrai rendez-vous ? Ça, ce serait un happy end. » Parce qu’ils s’y ne se voyaient jamais, quel intérêt ? L’amour en ligne, Louis doute que ce soit son truc. « Des gens qui veulent se la raconter et qui n’ont pas peur de la pollution ! » que Louis s’était amusé dans un premier temps avant de reprendre : « Je suis team scooter, j’ai toujours trouvé qu’ils avaient quelque chose de romantique… » Et imaginer son inconnu du téléphone enlaçaient à lui sur un scooter, ça avait bien quelque chose de romantique… Louis se laissa aller à cette rêverie, oubliant momentanément le film à l’écran.

- Je ne sais pas... Il faut voir comment se terminera celui ci. Et comment se passera le prochain.

Je n'étais pas prêt à le rencontrer, pas pour le moment. J'aimais bien nos petits entretiens téléphoniques. Je n'étais pas prêt à passer de suite pour le pauvre aveugle qu'il prendrait en pitié. J'aimais assez être l'inconnu du téléphone avec qui il flirtait gentiment. Peut être que ça ne serait pas le cas. Peut être qu'il passerait au dessus et qu'il verrait Sept au lieu de juste l'aveugle. Mais je n'étais pas encore prêt à aller vérifier tout ça. Je voulais juste encore un peu de temps pour me faire à l'idée.

Je grimaçais alors qu'il venait à parler de scooter.

- Je suis plus team métro et uber.

Monter sur un scooter, je préférais ne pas y penser. Ca avait quelque chose d'effrayant, d'être sur un bolide à deux roues, complètement à la merci du conducteur, ballotté sur cet engin sans avoir quoi que ce soit à quoi me raccrocher. C'était peut être agréable quand on voyait mais pour moi qui vivait dans une obscurité permanente, c'était plutôt effrayant.

Je me concentrais sur le film, profitant de la pause dans notre discussion pour réussir à suivre un peu. Je ne comprenais pas tout pour autant. L'audiodescription expliquait qu'elle avait mis un costume de lapine. Qu'est ce que ça pouvait bien être et qu'est ce que ça avait d'excitant ça je n'en savais rien.

- Ca y est. Daniel commence à agir comme un connard. Il la plante pour son barbecue pasteur et catin.

Ca au moins j'arrivais à le suivre.

C’était lui ou son inconnu du téléphone calmait carrément le jeu ? Louis ne savait pas trop comment le prendre. Est-ce qu’il avait déjà été assez déçu par le passé ? Est-ce que c’était une manière de se protéger ? Il s’était pincé les lèvres. Il aurait aimé un oui franc, évidemment, mais il comprenait ses réticences. Les déceptions amoureuses, ça faisait mal. Il ne pouvait pas lui en vouloir de ne pas accepter sur le champ une rencontre avec un parfait inconnu rencontré au téléphone. « On fera en fonction alors. » qu’il avait dit d’une petite voix en souriant malgré tout. Parce que, certes, ce n’était pas un oui. Mais ce n’était pas un non. Et c’était déjà beaucoup. « Un vrai parisien ! » que Louis s’était exclamé quand l’inconnu du téléphone lui avait confié préférer le métro et les uber au scooter. Pas Louis. Le métro, ça le faisait un peu flipper. Il n’aimait pas ces espaces confinés avec tous ces inconnus. Trop oppressant. Et puis les SDF, les odeurs… Bref, non, ce n’était pas pour lui. Les uber, en revanche, oui. « Ouais, dès que ça devient trop sérieux, les mecs comme ça s’envolent… Je comprendrais jamais ce qu’il y a de sexy dans les déguisements de lapin. Enfin, je dis ça peut-être parce que ce sont toujours des femmes qui les portent… J’imagine qu’un beau mec dedans me ferait changer d’avis ! » Louis avait rigolé, de nouveau plus léger. Qu’est-ce qu’il en savait après tout ? Une femme, il n’avait jamais trouvé ça ni beau, ni moche. Ça l’indifférait totalement et ce depuis toujours.  

- J'ai du mal aussi à comprendre. Ca doit être un truc d'hétéro.

Je ris doucement en disant ça. Je doutais que même un mec dans un costume de lapin me fasse grand chose. Je n'en avais pas grand chose à faire de tous les costumes en général. Peu importait le vêtement que portait la personne, ce que j'aimais c'était le moment où je lui retirais ses vêtements. Quand je sentais le tissu glisser doucement sur sa peau, puis quand je laissais mes doigts parcourir son corps... C'était ça qui était vraiment excitant pour moi.

- Ne compte pas sur moi pour enfiler une tenue de lapin et vérifier ça. Surtout quand on pense à comment ça se termine pour Bridget. Ne me dis pas que l'autre là, le faux oncle pervers, il a pas fait exprès pour la voir dans une petite tenue sexy.

Comment arrivait elle à supporter qu'un tel pervers lui fasse des remarques lourdes comme ça à longueur de temps? On était clairement dans les limites du harcèlement sexuel.

- Et je ne sais pas pourquoi. Mais je sens que sa journée va être bien merdique encore.

« Ah ces hétéro alors… Trop bizarres. » Louis avait rigolé. Pour une fois que les rôles étaient inversés. Il essaya de visualiser rapidement un homme dans une déguisement de lapin… Mais non. Pas moyen. Ça ne lui disait rien. Pour être excité finalement, il en fallait beaucoup moins à Louis. « Dommage, moi qui allais te proposer de faire le cobaye… Je ne saurais donc jamais si ça me plairait de voir un homme lapin. Un autre avantage de l’homosexualité… Ton oncle essaye pas de te tripoter. Enfin, à part s’il est gay… Ça doit arriver ça aussi, non ? Dieu merci, pas à moi… » Oh l’alcool… Chez Louis, ça le rendait joyeux. Et bavard. Beaucoup moins réfléchi aussi. Ceci dit, il était toujours assez rigolo. « Oh elle est abonnée à la lose Bridget… La pauvre. C’est pas le journal de Bridget Jones, c’est le journal de la lose. Enfin… Ça va bientôt changer. » Et il s’était arrêté là pour ne pas trop spoiler le reste du film.  

- C'est ce qui fait qu'elle est drôle et attachante aussi. Une adorable loseuse, qui collectionne les bourdes et les histoires sentimentales désastreuses. Mais elle aura un happy end.

Comme dans toutes les comédies romantiques, tout finissait toujours bien. Le mec rencontrait la fille, au début ça ne marche pas entre eux puis ils finissent par se rapprocher. Il y a toujours une histoire de quiproquo, quasiment tout le temps. Puis ils finissent par s'embrasser dans une scène terriblement romantique.

- Ah ben voilà! Il la trompe. C'était sûr. Même si je le voyais venir depuis le début j'ai de la peine pour elle. Elle était tellement folle de lui, elle en a oublié que c'était un parfait salaud et qu'il ne la méritait pas. C'est triste... mais il lui faut certainement ça pour finir par comprendre qu'elle serait mieux avec Marc.

Le choix de raison. Elle ne le voyait pas pour le moment mais elle finirait par le voir.

Je terminais ma coupe de champagne avant de la reposer. Une coupe c'était bien assez pour ce soir. Je me réinstallais dans mon canapé, prenant l'assiette de macarons avec moi pour la savourer tranquillement.

- C'est quand même beaucoup trop bon les macarons!

« Comme quoi tu vois, j’ai raison… Rien n’est foutu pour nous ! » que Louis s’était amusé en vidant ce qu’il restait de sa bouteille de champagne dans son verre. Ok, il avait bien abusé ce soir. Heureusement que les macarons étaient là pour absorber tout ça. Quoi que, même une overdose de sucre aurait du mal à le sauver là. « Elle était folle de ce qu’il représentait. Pas de lui. Patron, beau-gosse, tout ça… Une belle apparence, c’est trompeur. Les gens ont toujours des attentes, on se fait toute une idée de quelqu’un juste par son physique. Ou son pull. » Et comment pouvait-il vraiment critiquer cet univers ? Il était le premier pour qui les apparences comptaient. Il aurait juste aimé qu’on voit au-delà de sa belle gueule des fois. « Je pourrais en manger matin, midi, et soir. J’en ai plus, c’est trop triste. T’as quel goût là ? » Ça lui donnera l’impression d’en partager avec lui comme ça.