Zaymo lève encore une fois la pierre lorsque le canon retentit. Elle glisse de ses doigts poisseux de sang, tandis que la jeune fille, en larmes, suffocante, se laisse tomber en arrière.
Elle n'ose pas regarder la fille qu'elle vient de massacrer. Elle a frappé sans cesse, fixant des yeux le crâne qu'elle écrasait peu à peu, se refusant à regarder son visage, pour ne pas la voir mourir. Tuer, sans regarder la mort en face. C'est lâche.
Mais elle ne pense même plus ainsi. Elle ne pense plus, pour ainsi dire. Recroquevillée en chien de fusil, elle pleure à gros sanglots, la morve coulant de son nez et maculant son visage, collant de terre et de sang. Elle s'essuie le visage de sa manche après qu'une bulle de morve a explosé, et s'éloigne en rampant du corps de sa dernière victime.
Elle doit aller plus loin. Pour que le Capitole récupère le corps. Elle se redresse à tâtons, aveuglée par ses larmes, titubant. Elle saisit par réflexe son bras, sa plaie enflammée. Elle ressent encore des crampes brûlantes dans tout son corps, résidus de l'injection que lui a faite la tribut avant de mourir.
Elle recule suffisamment, pour voir entre ses larmes, la boue, la douleur, le sang, la forme floue d'un hovercraft, et d'une pince qui ramasse le corps sans vie.
Zaymo vomit, elle vomit tout, elle vomit rien. Elle éructe et elle geint.
Alors que le véhicule s'éloigne en bourdonnant, elle y pense enfin : c'est fini, maintenant. Elle a gagné. Elle a va rentrer.
Alors elle se souvient malgré elle des visages de ceux qu'elle a tués. Fitz. Aline. Septima. Et enfin, Théa. Elle entend les trompettes du Capitole, et perçoit vaguement le son d'une voix qui retentit, alors qu'elle s'évanouit.
"Mesdames, Messieurs, la gagnante de ces Hunger Games : Zaymo Doomedine."
Son nom la condamnait. Elle n'aurait jamais dû survivre.
***
Elle se réveille dans des draps propres, qu'elle a maculé de toutes sortes de matières et liquides.
Elle a toujours la nausée. Elle ne peut pas bouger. Elle sent, au bout d'un doigt, une pince qui mesure son pouls, et autres données vitales. Elle a la gorge sèche, elle déglutit péniblement. Sa plaie au bras est pansée - ce n'était rien, rien que le Capitole ne puisse réparer.
Elle ne peut pas lever les bras, mais elle frotte le cou contre son épaule et constate, sans surprise, qu'on lui a amputé son bout d'oreille qui pendait. Irrécupérable. Elle ne sent plus aucune douleur. Elle sait qu'elle s'en sort extrêmement bien.
Comparé à tous ses adversaires, elle a étonnamment peu souffert, elle le sait. Quelques hématomes, des griffures, une plaie, déjà recousue, oubliée.
Un détail, pour le public. Comme tous les autres tributs massacrés. Les jeux ont duré seulement trois jours - un record, peut-être. Mais le Capitole en a eu pour son argent, rarement les affrontements ont été aussi violents.
Elle est déshydratée, et sous-nutrie. Elle est épuisée. Elle sait qu'elle va se rendormir. Alors elle ferme les yeux, et elle sent couler, le long de ses joues tout juste décrassées, des larmes salées.
