Le couteau glissé dans sa ceinture, Thea avance l’épée à la main. Elle se bat mieux avec une hache, plus légère, mieux équilibrée, mais c’est déjà un miracle qu’elle soit encore armée à ce stade du jeu. Elle suit la ligne de l’eau qui monte. C’est là, du côté des immeubles délabrés, qu’aura lieu le final. Et, en parlant de ça… dans cette arène réduite, il ne faut pas bien longtemps à Thea pour tomber sur ses adversaires.

La fille du 2, la carrière sanguinaire.
Et… la fille du 9. Celle qui l’a plantée, celle qui a tenté de la briser avec sa propre arme, avant de fuir lâchement.

Thea est fatiguée de ces Jeux. Il faut en finir. Alors elle approche sans aucune intention d’être discrète, interrompant visiblement un combat entre les deux tributs. Ne sont-elles plus que trois ? Aucun moyen d’en avoir la certitude… Mais il n’y a personne d’autre à l’horizon.

Un ricanement sombre lui échappe quand les regards de ses deux ennemies tombent sur elle. « Oh désolée, je vous dérange », ironise-t-elle. Son cœur est noir. En garde, elle continue d’approcher, l’épée dressée devant elle, prête au combat. « Tu croyais que tu m’avais crevée, pas vrai », ajoute-t-elle à l’attention de la fille du 9. « On dirait que je suis plus coriace que ça, finalement. Alors… » Elle s’arrête à une distance raisonnable. La pointe de l’épée oscille dans la direction de l’une, puis de l’autre. « Laquelle de vous deux est responsable de sa mort… » Thea change son arme de main. « … Et a oublié de récupérer ceci ? » Une carrière n’aurait jamais fait l’erreur de laisser une arme à l’ennemi. De sa main libre, Thea attrape le couteau et le lance de toutes ses forces en direction de Zaymo.

Réussi : Elle parvient à atteindre sa cible, et reprend l’épée de sa main directrice, prête pour le choc. Il n’y a plus de retour en arrière désormais. Le sort sera en sa faveur, ou bien elle mourra.

Échoué : Le lancer de précision n’a jamais été sa spécialité. Thea rate sa cible. Tant pis, elle se contente de reprendre l’épée de sa main directrice, déterminée à se battre, quitte à rejoindre son ami dans la mort.

Je sens l'arme s'enfoncer dans le bras de la fille. Elle hurle de douleur et de rage. J'y mêle la mienne. Son bras est foutu, mais elle est encore dangereuse.
Elle m'envoie au sol. J'ai à peine le temps de me relever que je vois débarquer la fille du 7, ou devrais-je dire la ruine du 7, elle n'a plus l'air tout à fait humaine, mais qui de nous 3 peut encore y prétendre ?

Je l'entends palabrer mais c'est à peine la moitié des mots qu'elle prononce qui fait sens dans mon esprit.

"Tu croyais que tu m’avais crevée..."

Mes oreilles font un son de cloche, et je vois des taches sombres se promener devant mes yeux. C'est comme si tout était saccadé.

"responsable de sa mort…"

Soudain, elle est là devant moi.

L'instant d'après, un couteau se fiche dans le sol à côté de moi.

Est-ce qu'elle vient d'essayer de me viser ? Je ne comprends rien.
Elle visait forcément Septima, non ? Celle qui est responsable de la mort de son ami. Enfin, je crois... Mes souvenirs sont confus... ce n'est pas moi qui l'ai tué, si ? J'ai essayé, mais... Je ne sais plus. A-t-il succombé à des séquelles ?

J'ai de la fièvre. Ou peut-être que je suis simplement à bout. Je halète, j'ai soif. Je vais mourir.

Je vais mourir ? Soudain, c'est comme si j'étais là-haut. Un drone, survolant l'orée de la forêt, entre les arbres et les immeubles. Vue plongeante sur trois silhouettes.

Une brune rageuse au bras à moitié arraché par une hache, qui pisse le sang. Bardée d'armes, l'envie d'en découdre, elle est née pour ce moment.

Une blonde, à bout, qui vient de lancer un couteau avec toute la force nécessaire pour embrocher un pissenlit. Elle vacille, mais sa main est ferme sur son épée. Elle a un ami à venger.

Et moi. La grande soeur modèle qui porte le monde sur ses épaules. Elle n'a jamais promis de rentrer, pas à voix haute. Mais elle s'est juré de le faire. Elle n'a plus d'arme en main.

Trois épaves à la dérive. Si je me sentais un peu plus humaine, j'aurais envie de rire, et de pleurer. Mais je ne suis qu'une conscience flottante à la surface de l'océan de la vie. Un instinct, une étincelle de vie, tout au mieux. L'étincelle fait un déclic dans ma tête.

Et soudain, je sens ma main qui s'enfonce dans la terre, et qui arrache le couteau avec une motte. Je me redresse en poussant un rugissement primal, et je me jette sur

PILE : Septima Numitor. La géante à abattre.

FACE : Théa, la fille du 7. Elle vient d'essayer de me tuer.

REUSSI : La lame s'enfonce jusqu'à la garde, entraînant un peu de la terre marécageuse dans les chairs.

ECHOUE : Mais je suis toujours hors du temps, toujours décalée. Elle était là l'instant d'avant, je l'aurais juré. La lame s'abat sur du vide. Mes yeux sont embués. Je n'en peux plus, il faut en finir.

Le couteau frôle la fille du 9 mais se fiche dans la terre, juste derrière elle. Thea vacille, ses yeux se ferment un instant, elle se reprend, repousse loin la mort qui monte en elle, inévitable. Celle-ci se présente à elle malgré tout, alors qu’elle échoue à esquiver l’attaque. Les informations convoyées par ses sens lui parviennent avec un léger temps de retard : soudain, la fille est devant elle, avec le couteau qui la visait, et la ferme intention d’achever Thea.

Une force inconnue venue de nulle part s’empare de son corps, les battements de son cœur prêt à se rompre, un instinct de survie féroce. Un mouvement brusque sur le côté lui permet d’esquiver une blessure mortelle au dernier moment. Le couteau se plante de façon superficielle à l’extérieur de son bras gauche. Un cri de douleur déchire l’air.

Mais Thea ne veut pas mourir. C’est comme si la vie même l’en empêchait. Elle se maintient sur la ligne qui la sépare de l’autre monde, mais elle ne tombe pas. Pas encore.

Alors, elle pousse un hurlement de rage et elle contre-attaque, donnant un grand coup d’épée devant elle.

Réussi : Thea parvient à toucher son adversaire et à se rétablir pour parer une riposte, ou une attaque qui viendrait de la carrière.

Échoué : Thea agit une fraction de seconde trop tard : la fille du 9 a déjà eu le temps de reculer suffisamment pour éviter le coup. Le poids de l’arme l’emporte, elle trébuche et tombe au sol.

J'ai bien touché la fille, mais c'est loin d'être un succès. Ma coordination n'est pas optimale. Comme mon sens de l'équilibre, mon système digestif, mon rythme cardiaque, mon... ouais en fait ya pas grand chose qui va.

Je lui égratigne le bras, il lui en restait un, maintenant ça lui fait un demi. N'empêche qu'avec son demi bras et son épée elle réplique.

Ah. Je n'avais pas pensé à ça.

Est-ce que c'est bizarre d'espérer que la carrière à côté de nous se réveille maintenant ? Je veux pas me faire crever par une fille à qui il reste deux membres et demi sur quatre, c'est pas ça mon destin, si ?

Pour qui je me prends ? Je ne sais pas. Je n'aurais jamais pensé aller jusque-là mais ça me donne d'autant moins envie de renoncer.

J'encaisse le coup en serrant les dents.