Christopher avait bien compris que la jeune femme le jugeait sur son amour de la lecture … il releva un sourcil encore de sa manière si particulière … hé, on ne pouvait pas tous être un rat de bibliothèque … L’idée d’internet avait en effet effleuré son esprit … mais il ne trouvait pas internet assez fiable … quand la jeune femme lui proposa de l’aider pour lire une partie, il avait déjà des étoiles dans les yeux !

- C’est vrai ?! Merci ! Merci ! Je veux bien ! S’il vous plait… pitié ! L’alpha me laisse tout le sale boulot et après il va en prendre tout le mérite, pas que ça me dérange plus que ça, mais lire n’a jamais été ma tasse de thé, je l’avoue.

Il observait la jeune femme … il n’y avait aucun mal à dire à une libraire qu’on n’aimait pas lire n’est-ce pas ? Il était en tout cas super enthousiasme pour sa proposition d’aide … et si son alpha lui disait quoi, il lui fera manger le livre sans soucis. Il avait parlé avec beaucoup de joie dans la voix … ce qui le surprenait lui-même … en présence de la jeune femme, il se sentait mieux … C’était vraiment étrange.

Il l’écoutait parler …il connait bien la colère… Un peu trop pour dire toute la vérité … il le vivait au quotidien, il n’aimait ni son relfet, ni le café, ni le matin, et il pouvait d’un coup s’énervé un peu trop rapidement … comme le prouver l’état de ses réveils… Il l’observa.

- Dans une meute, la colère est condensée. C’est pour ça qu’il faut un alpha fort, il peut contrôler ta colère, il peut la tenir le temps que tu retrouves tes esprits … quand tu es un bon alpha. Les liens de la meute permettent de la maitriser… Ce n’est pas mon problème, hein, mais même à moitié louve, avec une meute, ou une sorte de meute, aurait pu t’aider à te contrôler.

Il l’observait…une demi louve … et si c’était ça dont il était question… pour avoir un père qui veut absolument la pureté du sang … Christopher savait qu’il existait plus d’un hybride même si c’était rare … mais si c’était un hybride qui ne contrôlait pas la colère de sa partie loup … La jeune femme avait dit avec tellement d’aplomb ne pas être une louve que c’est peut être ce refus de s’accepter qui avait amener une colère incontrôlable. Il sourit encore quand elle accepte de l’appeler Christopher … c’était déjà mieux même si elle continuait de dire vous.

- Merci. Monsieur n’est pas une appellation que j’apprécie. Pour dire la vérité, d’ordinaire je le prends même comme une insulte. Et j’ai bien compris ce n’est que le travail d’une vendeuse de débattre sur le fait de revenir en arrière dans l’évolution pour les loups.

Il lui fit un sourire pour lui montrer un livre … Elle n’était clairement plus une vendeuse dans l’instant …elle était une enquêtrice, ou une collègue. Il avait tout à gagner à l’avoir avec lui de toute façon. S’il ne lui faisait pas confiance ce n’était que parce qu’il ne faisait confiance à personne. Même pas à son nouveau alpha …. Il savait ce qu’était être un mauvais alpha. Il en avait eu la preuve.

- La vérité est double. Premièrement je suis le second de la meute, et quand une enquête est liée à la meute je dois m’en occuper … parce que c’est ainsi. Bien sûr, nous devons coopérer avec la police, bien que celle-ci ne veuille souvent pas de notre aide. Deuxièmement, j’ai déjà dû m’occuper de plus d’un loup devenu fou… L’alpha compte sur moi, si jamais c’est vraiment un loup devenu fou, pour l’éliminer.

Christopher savait qu’il pourrait tuer la plupart des loups. Le seul qui lui avait donné du fil à retordre dans son ancienne vie … était mort à la fin … lui était toujours en vie … on lui avait donné, sans qu’il le désire, le rôle d’exécuteur en plus de celui de second de la meute…

Elle pourrait entendre dans sa voix qu'il ne le voulait pas... il n'était clairement pas le genre à apprécier ses compatriotes, ou même qui que ce soit... bien que sa colère peut les blesser, les tuer n'était jamais une partie de plaisir. Il espérait que ce n'était pas un loup...

Je dois admettre... que j'ai failli sourire. Christopher semble plutôt attachant, pour un loup. Mais non ! Je ne dois pas m'attacher ! Il reste un loup ! D'accord d'accord, je sais que la moitié de mes gênes m'a été donnée par un loup, mais je...

En fait, je me déteste moi-même. Je déteste mon hybridité. A cause de ça, je n'ai connu que des ennuis durant une bonne partie de ma vie. J'aurais préférée être une husky 100 % pure race, comme ma mère. Avec ce dégoût de moi-même, je n'arrive pas à voir le bon côté d'être à moitié louve. Mais y a-t-il seulement un bon côté à ça ?

Alors que je commençais à le trouver attachant, voilà que sa remarque suivante me fait aussitôt changer d'avis. Effectivement, oui, de quoi il se mêle !?

" Etre dans une meute !? Jamais de la vie ! Pour ne pas être maître de mes mouvements, être obligée d'obéir aux ordres d'un alpha !? Quelle horreur ! Je préfère encore m'ennuyer dans ma liberté ! En plus, je ne tiens pas à me retrouver directement au contact des idiots qui se croient permis de me toucher sans mon consentement, ce n'est pas pour rien que je les évite ! "

D'ailleurs, quand il m'explique la raison pour laquelle il se retrouve à devoir gérer cette enquête tout seul me confirme mon refus catégorique de faire partie d'une meute. A-t-il seulement eu le choix de dire non ? Ou de protester parce qu'il ne pouvait pas faire ça tout seul ?

Visiblement non, puisqu'il se retrouve embêté à devoir lire trois volumes d'une épaisseur incroyable. Je crois bien que ce sont les livres les plus épais que j'ai dans ma librairie, d'ailleurs.

Par ailleurs, j'ai bien noté l'intonation de sa voix. Celle qui montre clairement qu'il n'est pas d'accord avec tout ça. Je plonge mon regard dans le sien et croise les bras sur ma poitrine, tout en poursuivant sans aucune hésitation.

" Il compte sur vous, hein ? Vous en êtes sûr ? Est-ce que ce n'est pas plutôt pour vous donner tout le sale boulot à faire ? "

Si ça, ce n'est pas de l'exploitation...

Christopher était loin de se doutait de la dualité de la jeune femme. Lui, il a toujours été un loup … elevé dans un milieu qui prônait la puissance des loups … il n’y avait jamais eu de place pour le doute dans son histoire. Un loup devait être ce qu’il devait être … et qu’importe ce que c’était en réalité. Il ne comprenait pas cependant qu’on puisse détester une partie de soi… Que cela soit sa partie loup, ou l’autre, les deux étaient ce qu’il faisait « la personne » non ? Rejeter sa partie loup, c’était comme tourner le dos à une partie de ce qu’on était. Il fit un geste vers elle, remontant les mains pour lui dire silencieusement « tout doux ».

- Je ne disais pas rentrer dans la meute maintenant. Je t’expliquais juste qu’à l’époque de ton apprentissage du contrôle, une meute aurait pu être utile. Un alpha l’est parce qu’il a plus de dominance et de force que toi, s’il est ton allié, ton alpha, alors il y a moins de risque de faire des combats de force ou de perte de contrôle.

Il ne précisa pas non plus que si elle avait été une louve, appartenant à une meute, alors la meute n’aurait jamais permis le traitement que les jeunes lui imposaient … parce qu’elle appartiendrait à la meute, et qu’elle aurait le droit au respect de la hiérarchie … Christopher se stoppa … il était presque sûr que s’il venait à lui dire ça ainsi, elle allait s’énervé encore… Il n’avait pourtant rien dit de mal… la magie de la meute était une chose incroyable … elle permettrait de commander, peut-être, mais d’aider, de calmer, de supporter, de soigner, des loups quand ils n’en avaient plus la force. De plus, il avait bien plus de respect pour l’alpha de cette région que pour son ancien.

C’était incroyablement facile de parler avec elle, et ça même si elle mettait une distance de sécurité d’environ huit cents kilomètres entre eux. Il l’observait et sortit un rire simple.

- En effet, c’est le sale boulot… mais il doit être fait, et il ne peut pas être fait par l’alpha. Comme je te l’ai expliqué, un alpha est ton allié. Il est la personne a qui tu vas prendre de l’énergie pendant une attaque, à qui tu vas faire confiance pour te protéger… Si l’alpha était l’exécuteur de la meute, alors la confiance serait amoindrie. L’alpha doit tout faire pour protéger ses loups. Le fait d’avoir l’ordre de les tuer ne change pas qu’il doit les protéger normalement.

Il observa la jeune femme encore et eu un franc sourire… il se demandait si elle savait … si elle savait qu’être un éxécuteur pour une meute voulait aussi dire être le plus défié, le plus haït… On se méfiait de lui, parce que tout le monde savait que ce qu’il apprenait et se souvenait pourrait un jour leur coûter la vie… bien qu’il n’appréciât pas prendre la vie, il savait qu’il devait le faire pour la dynamique de groupe. L’alpha était le protecteur. Le premier lieutenant était le diplomate, le tampon … et le second était tout simplement là pour faire ce que personne ne veut faire.


- J’ai accepté de le faire … et je sais que si un jour je veux vraiment changer, il suffira que je demande et on m’enverra dans une autre meute.

Ou alors il sera mort à cause d’un combat de dominance … mais là encore il n’était pas sur que ça montrer les bons côtés d’une meute.

- Cette meute, c’est un peu ma famille qu’on m’impose… et je dois faire ce que je peux. Refuser serait ne pas prendre ses responsabilités. Ce n’est pas de l’exploitation, c’est mon travail… mais je ne suis pas un meurtrier pour autant hein !

A trop vouloir défendre sa position et le fait qu’il devait le faire pour le bien de la meute, et pour garder l’équilibre, il avait l’impression de dire apprécier tuer, ce qui n’était pas le cas.

Je vais devoir arrêter ici cette conversation. Personne ne pourra me faire changer d'avis à propos de la meute. Ou du moins... Pas avec de simples mots.

Je sais, c'est ironique venant d'une jeune femme qui passe ses journées le nez plongé dans des océans de lettres, mais je ne crois que ce que je peux voir de mes propres yeux, sans compter le fait qu'il y a certaines choses que j'ai envie de croire.

Et ça m'étonnerait qu'un jour, j'accepte d'aller découvrir par moi-même le fonctionnement d'une meute. J'aurais trop peur de ne plus pouvoir en sortir si je me rapprochais trop d'elle. Même si...

Je me dis parfois que cette meute était peut-être celle de mon père, autrefois. Et que si j'allais là-bas, je pourrais peut-être découvrir qu'il est ou était. Et peut-être que à terme, ça me permettrait de m'apprécier comme je suis. Mais c'est plus fort que moi, je ne veux pas prendre le risque de me rapprocher de la meute.

De toute façon, qu'est-ce qui me dit qu'ils m'accepteraient ? Je ne suis qu'à moitié louve, je n'ai que deux pattes dans leur monde. Je suis différente, je suis née avec deux sangs différents qui coulent dans mes veines.

En soit, en faire toute une histoire, c'est ridicule. Chien et loup sont étroitement liés. Tous les deux sont des canidés et le dernier est l'ancêtre du premier. Nous ne sommes pas si différents.

Quoiqu'il en soit, je récupère deux des livres sur le sujet de recherche de Christopher, puis je me détourne de lui, ne lui offrant à sa vue que mon dos.

" Je vais m'occuper de lire ces deux-là. Je vous préviendrais si je trouve quelque chose d'intéressant. Vous pourrez revenir si vous voulez, mais en attendant... Au revoir. "

Mon ton calme mais malgré tout sans appel veut lui faire comprendre que je ne souhaite pas avoir sa présence... du moins pour le reste de la journée. Mon taux de tolérance à la présence d'un loup à mes côtés, a des limites. Peut-être qu'un jour, ça changera, mais pour l'instant, j'ai atteins ma limite pour aujourd'hui.

Quand il est enfin partit, en emportant le dernier livre, je pousse un profond soupir. De soulagement ? De regret ? Un peu des deux, je crois. Il n'est pas méchant, il n'a rien tenté et il a même fait en sorte de me rassurer avec des gestes lents et apaisants.

Et d'avoir eu un peu de compagnie, pouvoir parler un peu plus que d'ordinaire à quelqu'un, alors que généralement, mes clients savent exactement ce qu'ils veulent et repartent aussi vite qu'ils étaient arrivés... C'était plutôt sympa.

Je me retourne pour fixer la porte de ma librairie, par laquelle il est sortit quelques minutes plus tôt. J'ai peut-être été trop dure avec lui, sur la fin... Mais... Je suis farouche, je n'y peux rien !

En soupirant à nouveau, je suis montée à l'étage pour m'allonger à plat ventre sur mon lit et commencer à m'intéresser au premier livre. Je ne sais pas si je vais y trouver quelque chose, d'autant plus que je ne sais pas vraiment ce que je dois chercher, mais ça vaut le coup d'essayer.

Christopher n’avait connu que la meute. Bien qu’il en aie connu deux… C’était la seule manière qu’il voyait une famille, un groupe de personne, et il avait un peu de mal à comprendre la jeune femme… ne pas avoir de meute, c’était ne pas avoir d’attache, de liens, d’aides ? Et pourtant elle semblait complètement fermer à l’écouter … alors qu’il n’avait rien dit de mal… le fait qu’il soit exécuteur n’avait rien à voir avec son opinion sur les dynamiques de groupe.

Elle récupéra ses devoirs, avec des guillemets, et elle lui tourna le dos… il aimerait bien lui parler plus en détail des meutes … mais il n’était dans celle-ci que depuis peu, et celle d’avant avait été géré par un père qu’il ne supportait pas … Cela ne donnait pas l’exemple de ce qu’il voulait dire par la meute… les bons côtés de la meute, il fallait être à l’intérieur pour la ressentir dans les trippes.

Si on est seul, perdu, blessé, alors il suffit de respirer, de sentir les liens qui nous lies aux autres, et alors on est plus seul, et on se soigne plus vite, et on retrouve le chemin. Un alpha peut appeler ses loups, il peut prévenir … il peut dire « je suis là, venez »… et il peut aussi dire « hurlez, je vous entendrais ». Un bon alpha en tout cas.

Il la laissa partir, le laissant seul. Il était étrange de se sentir d’un coup en colère. Il sentait la colère monter dans son esprit à mesure qu’elle partait… il n’avait pas envie qu’elle pense qu’il était le genre à s’énerver pour rien (ce qu’il était clairement) alors il lâcha un merci et il partit.

Il passa la nuit à lire l’ouvrage qu’elle lui avait passé. La main sur la tête pour éviter qu’elle ne tombe contre le livre … la lumière bien allumée pour essayer de le tenir éveillé, et une carafe de café à proximité … Il avait aussi mangé, mais les détritus avaient rejoint les congénères à la poubelle juste après avoir été vidé. Il avait passé la nuit dessus….

Et il ne s’étonna même pas de s’être endormi sur le livre, bavant sur une page qui n’avait rien demandé à personne. Il prit de quoi essuyer pour se relever … Il avait besoin d’un remontant … et le café froid lui donna à peine le coup de fouet dont il avait besoin. Il observait l’ouvrage.

L’homme qui l’avait écrit était pompeux, arrogant, et un brin insupportable … il s’était même demandé si ce n’était pas son père l’auteur … mais il se souvenait que c’était un chasseur, ou quelqu’un comme ça, et enleva cette possibilité. Il se demandait si la jeune femme avait eu plus de chance … lui n’était même pas au milieu. D’un coup, il réalisa quelque chose …

- Oups …

Il avait oublié de lui demander un numéro de téléphone, ou un rendez-vous, pour parler de leur trouvaille … et il ne savait pas si elle apprécierait qu’il revienne aussi vite la voir … elle n’allait pas apprécier clairement pas… Il soupira. Les femmes étaient compliquées. Les louves encore plus … et, venait-il de l’apprendre, les hybrides louves encore plus.

Il finit par aller prendre une douche, frottant sa joue sur laquelle des écritures se trouvaient … Oui bon … il s’était peut-être vraiment endormi comme une masse sur l’ouvrage. Son téléphone sonna pour un appel de l’alpha … il parla rapidement de son avancé plus que réduite. Son alpha lui dit de faire ce qu’il peut, et de ne pas hésiter s’il y a un souci à demander de l’aide.

- Dites … vous saviez que nous avions une demi-louve ?
- La libraire ?
- Oui.
- Elle n’appartient pas à la meute, ne t’en occupe pas.

Il ne savait pas si c’était une mauvaise ou une bonne chose, mais son alpha raccrocha sans en dire plus … ne pas s’en occuper, OK… bien que voir des jeunes loups essayaient de la revendiquer de force ne lui plaisait pas … mais il avait besoin d’elle… C’était son aide … donc il ne s’en occupait pas, il était juste curieux ?

Sortant tout nu de la pièce, parce qu’il était dans son appartement et qu’il faisait absolument tout ce qu’il voulait, il décida qu’il était mieux de retourner la voir, pour le rendez-vous, le numéro et parce qu’il en avait tout simplement envie…. Mais il ne comptait pas faire le jeune loup, c’était juste de la curiosité … (la créa se dit « mais oui mais oui » mais elle n’a rien à dire).

Il finit par s’habiller approximativement de la même manière que la veille, mettre un papier qui traine au milieu des pages… et prit le tout pour sortir. Il finit devant la librairie. Il s’assit devant la devanture, qui n’était pas encore ouvert, et il attendit simplement en regardant le livre. Et devinez quoi ? Il s'endormit là !

En une nuit, j'ai eu le temps de terminer le premier livre et d'entamer le deuxième. Oui bah quoi ? Je suis une lectrice assidue, alors les livres sont vite lus, quand ils sont entre mes mains ! Bien sûr, histoire de garder la forme, j'ai fini par stopper ma lecture et me mettre au lit plus confortablement afin de dormir.

Et le lendemain, c'est repartit pour ma routine ! Refaire le lit, puis aller dans la salle de bain afin de me préparer pour ma séance de sport matinale en enfilant un jogging et en m'attachant les cheveux ! Malgré mon apparente décontraction, je n'ai pas oublié les évènements d'hier, mais au moins, partir courir va me permettre d'évacuer tout ce que j'ai accumulé de trop hier.

Enfin, en théorie. Parce que à peine ai-je mis un pied sur le seuil de ma librairie, qui je vois, endormi contre la devanture ? Eh oui, Christopher ! Avec le livre entre les mains. Génial... Je fais quoi, maintenant ? Je l'ignore et je pars quand même courir ? ... Non, ce serait impolie de le laisser là... Je croise une nouvelle fois mes bras sur ma poitrine comme je l'ai fais hier, et...

" Eh oh ! La belle au bois dormant ! On se réveille !!! "

J'en conviens, il y a plus doux comme réveil. Mais si il préfère, je peux toujours lui tirer les oreilles ! Ou les cheveux, à voir !

" Qu'est-ce que vous faites là ? Vous ne savez pas que ce n'est pas bon de dormir dehors, comme ça !? J'y crois pas, j'ai l'impression de réprimander un enfant... Rentrez plutôt à l'intérieur, espèce d'idiot ! "

Cette remarque, " espèce d'idiot ", c'est un peu ma marque de fabrique, en quelque sorte. Ce n'est pas vraiment une insulte venant de moi. Si on apprend à me connaître, on réalise qu'en fait, c'est ma façon à moi de montrer que j'apprécie certaines personnes. Mais heureusement, Christopher ne me connaît pas encore suffisamment pour le comprendre.

Je le raccompagne à l'intérieur et le force à s'asseoir à la table de ma librairie. Il ne faudrait pas qu'il s'écroule de fatigue, quand même, il a pratiquement l'air d'avoir fait une nuit blanche. Cela dit, ce n'est pas mon genre de ne pas démarrer au quart de tour, j'imagine que vous l'avez compris. D'où mon sport quotidien, interrompu par mon invité surprise avant même que je n'ai eu le temps de le commencer.

" Vous venez de m'interrompre dans ma routine et j'ai horreur de ça ! J'espère au moins que vous avez trouvé quelque chose dans le livre ? "

Je m'assois à mon tour, face à lui, l'observant. Il a vraiment une tête de fatigué. D'accord, il doit trouver la solution à son enquête, mais sans sommeil, il n'y arrivera jamais. Je soupire.

" Vous devriez faire attention, voyons. Si vous manquez de sommeil, vous n'irez pas bien loin. Vous devez dormir plus, Christopher. Je devrais peut-être récupérer votre livre pour le lire moi-même, finalement... "

Inconsciemment, je me montre soucieuse de son état de santé, oui. Mais enfin, c'est important, de bien dormir ! Il n'a vraiment pas l'air de prendre soin de lui !

Il avait fait un rêve chelou… comment pouvait il dire que c’était un rêve chelou ? Juste la sensation à la fin de son rêve … il se souvenait de fourrure rousse, de croc, de livres qui voulaient le manger … peut être … quelque chose comme ça en tout cas … Il avait bien besoin de sortir de son rêve la tout de suite … Il entendit la voit de la jeune femme. Sa main posait sur son visage pour tenir sa tête à nouveau. Il se réveilla en papillonnant des yeux pour les poser sur la jeune femme.

Il ne sursauta même pas. Conscient pour une raison qu’il ignore de la présence de la jeune femme… Ce n’était pas ce genre de réveille ou on ne sait pas où on se trouve, bien au contraire. Il savait avoir le cul sur le béton … et qu’il aurait certainement des courbatures plus tard. Et il savait que la jeune demi-louve se trouvait en face de lui … avec sa tête des mauvais jours.

Il étira ses bras derrière son dos alors qu’il vérifiait les fonctionnalités de ses membres, permettant ainsi à la jeune femme de parler. Il l’observa et lui fit un simple sourire alors qu’il remonta les yeux vers elle… si d’ordinaire, la dominance du loup voulait qu’une personne en qui il n’a pas confiance soit plus bas que lui, et donc ne pas regarder vers le haut, avec elle ça ne lui faisait rien.

- Je me suis rendu compte qu’on a dit qu’on mettrait en commun nos informations, mais je n’avais ni un rendez-vous, ni ton numéro de téléphone, alors je suis venu le demander … Et dormir dehors ça forge le caractère il parait.

En tout cas, c’était quelque chose que son père lui avait déjà dit … donc ça devait avoir sa part de vraie quelque part, bien profondément cacher dans les méandres de son esprit. Il finit par se lever en faisant craquer des os qui n’étaient plus à leur place, en tout cas c’était ce qu’il en déduisit.

- Tu allais courir ? Je peux attendre si tu veux, je peux être patient.

Il remarqua que c’était vrai dans ce cas là … il pourrait l’attendre le temps qu’elle fasse ce qu’elle avait à faire … Normalement, il avait une patience proche du zéro … et en plus quand il venait à perdre patience, sa technique pour ne pas la perdre, c’était de dormir. Il s’assit et se dit que la table pourrait faire une bonne base pour une sieste … étant sur qu’elle ne le prendrait pas comme un compliment, il se tut.

- absolument rien de concluant. On parle que des loups comme on les connait de nos jours, hors notre première théorie était une régression … il n’y en a pas eu dans ce livre … et je ne l’ai pas encore fini, j’y ai passé la nuit.

Il avait dû dormir bien une heure sur la page, à baver, mais pas plus … le reste de la nuit, il l’avait passé à lire en se forçant à supporter …il n’avait pas du tout envie de lire, il n’aimait pas ça … Il repensa à sa réflexion … Celle comme quoi il était un enfant … quand il était enfant, sa mère lui lisait des histoires … et même à l’époque, il s’était demandé à quoi ça servait de lire, si on pouvait écouter quelqu’un lire à notre place.

- Je vais réussir à le finir, ne t’en fais pas !

Surtout qu’elle venait de l’appeler Christopher, alors ça le mettait forcément de bonne humeur.

- Je dors très mal, avec ou sans les enquêtes qui viennent rythmés mon quotidien. Ma routine à moi est bien différente de la tienne. Si tu veux commencer à me dire les règles pour une bonne hygiène de vie … je suis presque sur que tu finiras par me secouer comme un cocotier.

Il lui fit un nouveau sourire. Un sourire franc et un brin taquin … Il n’avait pas honte de sa manière de vivre … et il ne savait tout simplement pas comment vivre autrement. Son père ne lui avait pas appris à être un homme, mais un loup… à la différence de la jeune femme a qui personne ne lui avait appris à être louve. Cette contradiction aussi le fit sourire.

- On s’inquiète pour moi on dirait ?

OK…. OK…. Il la provoquait un tout petit peu, mais c’était de bonne guerre, vue comment il avait été reçu et viré la veille.

Ma réaction est immédiate, piquée par sa petite pique lancée. Mes joues se colorent légèrement de rouge, mais assez pour qu'il puisse le remarquer et je détourne aussitôt les yeux.

" Non ! Pas du tout ! J-Je ferais ça pour n'importe qui, ç-ça n'a rien à voir ! "

Evidemment, que je le nie. Je me suis promis de ne pas m'attacher à un loup, vous vous en souvenez ? Alors je ne peux pas prendre le risque de montrer, que, au contraire, je commence malgré moi à m'y attacher, à ce maudit loup second de la meute ! Seulement, je sais déjà que je ne pourrais pas m'empêcher de refaire la " mère poule " à la moindre occasion.

J'hésite. J'ai besoin d'aller courir, c'est un rituel essentiel de ma journée. Autrement, la colère que Christopher sent déjà en moi dès le matin - et mon malaise accentué par sa petite plaisanterie pas drôle du tout à mon goût ! - risque de se répercuter et de s'aggraver au fil de la journée. Mais... Je ne peux quand même pas le laisser tout seul ici ! Et envisager de l'emmener courir avec moi me semble utopique. Vraiment, cet homme n'a pas l'air d'être du genre à faire du sport. Du vrai sport, je veux dire. Parce que sa vie de loup doit être bien mouvementée, j'imagine.

Il y aurait peut-être une autre solution. Moi qui suis partagée entre apprendre à connaître ma partie louve et entre la rejeter, il y a un autre moyen pour m'apaiser : une balade en territoire forestier.

" Je vous aurais bien proposée de venir avec moi, car il est hors de question que je vous laisse ici tout seul, mais de là à vous obliger à venir courir avec moi... Peut-être pourrions-nous simplement partir en promenade un moment ? Ca me fait aussi du bien de respirer l'air forestier et puis, nous pourrions continuer à discuter de votre enquête. Vous êtes d'accord ? "

Si la réponse de Christopher est positive, je retourne à l'étage pour aller me changer en enfilant une tenue plus adaptée, plus souple et agréable, pour une balade en forêt. Un short en jean, un t-shirt blanc surmonté d'une chemise à carreaux rouge et de bonnes chaussures. Avec, bien sûr, mes cheveux toujours attachés. Oui, j'adore avoir des tenues pour toutes les situations !

Sur le chemin, je lui répond enfin. Pour tout le reste de ses questions ou remarques.

" Je n'ai pas de téléphone portable, juste le fixe de ma librairie. Je ne voyais pas l'intérêt de m'encombrer d'un objet fragile et qui coûte cher si c'est pour ne pas avoir à m'en servir beaucoup. Je n'ai que ma mère pour m'appeler, alors le fixe me suffit. Pour ce qui est du rendez-vous, pas besoin, je vous ai dis que vous pouvez repasser quand vous voulez. Ma boutique est toujours ouverte, de toute façon. Et en passant, dormir dehors peut aussi rendre malade. Il fait frais, le soir et le matin, je ne vois pas en quoi c'est une bonne chose. "

Il n'a toujours pas fini de lire le livre ? Ca me confirme qu'il n'est pas vraiment un grand lecteur. Mais bon, chacun fait ce qu'il veut, il faut de tout pour faire un monde, c'est ce qui fait que celui est magnifique et unique !

" Personnellement, j'ai terminé le premier et entamé le deuxième, durant la nuit. Mais moi non plus, je n'ai rien trouvé... On dirait que l'auteur, ce chasseur, ne décrit que le changement des espèces qu'il a combattu, de nos jours. Je pensais pourtant que ce serait une bonne piste... Je suis désolée... "

Quand enfin, nous parvenons à la forêt, je suis immédiatement submergée par cette bonne odeur boisée qui m'apaise. Mais ce n'est pas la seule chose que je ressens. Une part de moi, bouillonnante, me dit qu'elle a envie de courir à toutes pattes entre les arbres, les racines et les buissons. Mon moi louve. C'est pour cette raison que, au lieu de me détendre totalement, je me crispe. Parce que je ne veux pas l'écouter et devenir ce que je hais le plus : un loup.

Je n'ai pas conscience que plus je combat cette part de moi, plus ça me rend mal. Le sang de loup fait partie intégrante de moi, il faudrait que je l'accepte, je le sais bien. Mais je n'y arrive pas. Mais c'est étrange. Je suis déjà venue me promener et jamais ce sentiment n'avait été aussi fort. Est-ce que c'est à cause... de la présence de Christopher à mes côtés ?

"... Finalement, ce n'était... pas une bonne idée, cette balade... On devrait rentrer... "

Christopher eu un franc sourire … il ne savait pas que faire rougir la jeune femme allait être aussi satisfaisant … il se promit que s’il le pouvait encore, sans dépasser les limites, il le ferait encore ! Il avait déjà lancé dans sa tête des idées … Il ne les fait bien évidemment pas tout de suite …

- Je n’en doute pas.

Même s’il avait envie d’être flatté de son aide, et de sa sollicitude, il était vrai qu’elle était altruiste … elle avait l’air d’être le genre de personne à aider les gens quand elle passe à côté … Ce n’était donc pas réellement une surprise qu’elle s’inquiète … ce qui était plus étonnant, c’était qu’elle s’inquiète pour un loup. Il fit un sourire. Quand elle proposa une sortie, il pencha la tête en essayant d’analyser sa phrase.

- Partir en promenade, ça me va avec plaisir … Mais … si nous nous promenons, qui est une activité d’amis, ne serait-il vraiment pas possible de me tutoyer ? Avec un tu ?

Il ne comprenait pas trop d’où venait sa proposition … elle lui avait fait bien comprendre qu’avoir un loup dans ses environs n’était pas ce qu’elle préférait … alors pourquoi ? Il avait donc dit oui, et il l’avait laissé partir se changer alors que lui… il n’avait de toute façon pas réellement de vêtements différents pour les activités variés.

En partant, il l’écouta parler, et il lui fit un sourire franc. Un téléphone fragile, il connaissait ça … après il avait trouvé quelques techniques pour laisser son téléphone survivre.

- Certains téléphones sont résistants, même à la poigne d’un loup, je pourrais te montrer ceux que j’avais trouvés. Puis que maintenant tu as une deuxième personne à appeler.

Lui, au cas où la subtilité traversait l’écran. Il lui fit un sourire pour bien lui faire comprendre qu’il parlait de lui.

- J’ai l’habitude de dormir dehors.

Il avait haussé les épaules. Il avait l’habitude de s’enfuir de la meute pour dormir dans les cimes d’un arbre, là où l’odeur serait tellement dispersé par le vent qu’on ne pourrait pas le retrouver avant la fin de sa sieste. L’extérieur ne lui avait jamais réellement fait peur, la maladie non plus … Être enfermé en revanche beaucoup plus.

- Tu n’as jamais fait de camping à la belle étoile ?

Il l’observait et sourit à nouveau, de cette manière si étrange pour lui. Il lui sourit de manière chaleureuse et amicale. Cette jeune femme le calmait, et il n’arrivait même pas à savoir pourquoi ni comment.

- Je n’avance pas très vite, mais je l’aurais fini dans la journée, j’espère. Et je suis d’accord avec toi, c’est ce que je pensais aussi. Il parle de ce qu’il a fait pas de comment il en était arrivé là. Ne t’excuse pas. C’était la seule piste que j’avais, et il m’aurait fallu deux ou dix jours pour comprendre que je me trompe sans ton aide. Je t’en dois une.

Mais … si cette piste n’aboutissait à rien … comment ferait il pour lui parler à nouveau ? Pour la revoir ? Parce qu’il était certain qu’il ne viendrait pas dans sa librairie pour acheter des livres … Quand ils arrivèrent dans la forêt, la jeune femme lui dit que c’était une mauvaise idée. Il fronça les sourcils.

- Pourquoi cela ne serait pas une bonne idée ? Tu te sens malade ? Tu sais la forêt ne peut rien te faire, elle est dans les veines… Des loups comme des chiens. C’est ce qui fait que nous sommes des « canidés ».

Il n’avait pas osé lui dire, mais l’husky c’était les ancêtres des loups … ou l’inverse… dans tous les cas les deux étaient liés par la théorie de l’évolution de Darwin. Il ne fallait pas s’étonné que certaine caractéristique de loup reste dans un husky … encore plus si elle ne l’était qu’à demi … Il ne savait pas s’il devait la pousser ou non, alors il se mit juste devant elle et il se changea.

Il se changeait rarement s’il n’était pas en colère. Très rarement. Mais pour une fois, il le fit. Laissant apparaître son loup avec la fourrure immaculée et blanche. Il s’assit à côté d’elle avant de sourire à nouveau. Il la défiait de venir courir avec lui. Oserait-elle ?

Moi, je n'avais pas vu ça comme une activité d'amis. Ou peut-être que je le niais. Mais le fait que Chris en parle, le mentionne clairement, ne m'a pas plu. Pas du tout plu. Et c'est ce détail, en plus de son loup face à moi qui semblait m'appeler, m'inciter à être la partie de moi qui m'effrayait... Qui me fit reculer. Une fois de plus. Selon mon point de vue, le jeune homme vient d'être beaucoup trop brutal à mon goût. Pourquoi ne veut-il pas comprendre que je ne suis pas prête ?

" Arrêtez ça ! Je ne veux pas être une louve, c'est clair !? J'ai été élevée en tant que husky, comme ma mère, et ça me convient parfaitement ! Pourquoi devrais-je nouer avec une partie de mon sang que je n'ai jamais connu !? Mon père n'a même pas voulu rester à nos côtés pour connaître sa fille, alors je ne vois pas pourquoi moi, je ferais un effort ! Et je ne suis pas prête non plus à vous tutoyer ! Au fond, vous êtes comme vos congénères, vous ne faites que vouloir me forcer à faire quelque chose que je ne veux pas faire ! "

Au fond de moi, je suis partagée. Je suis venue ici, dans cette petite ville, dans l'idée de connaître mes origines manquantes. Parce que c'est ici que je suis née, avant que ma mère ne parte en m'emmenant avec elle bien sûr. Mais une fois arrivée ici, j'ai perdu mes convictions en découvrant comme étaient les loups pour la plupart. Aucun d'eux ne m'ont montré une seule chose qui aurait pu me plaire, me conforter dans mes gênes de louve. Alors, j'en suis venue à les détester et à détester cette partie de moi.

Frustrée et toujours autant en colère, je constate que quelques larmes m'ont échappé et je les essuies rageusement. Ce sont des larmes de déception, alors que j'avais placé beaucoup d'espoir en cette ville.

" Si je suis venue ici, ce n'est pas pour mon travail de libraire. J'aurais pu m'installer partout ailleurs. Mais cette ville est le berceau de ma naissance et de mes origines. Au départ, oui, j'avais peut-être pensé rejoindre la meute, dans l'espoir de pouvoir découvrir qui était mon père... Mais le comportement des loups... m'a fait reculer. Au lieu de me rapprocher d'eux, de vous, je me suis mise à vous fuir. Parce que j'avais du mal à croire que je pouvais être du même monde que vous. De toute façon, je n'ai jamais réussi à obtenir des informations à propos de mon père... Mais après tout, peut-être ne veut-il pas être retrouvé... Il n'a sans doute pas envie de revoir sa fille... "

Je n'avais pas prévu de me confier, surtout aussi peu de temps après notre rencontre. Mais au fond, je sais que se confier, ça fait du bien. Et puis, peut-être que bien enfouit dans mon cœur, je garde encore un mince espoir. Grâce à Chris, peut-être pourrais-je en apprendre plus sur mon père, après tant d'années à l'avoir perdu, cet espoir...