C'était peut-être bien la première fois que tu étais troublé de cette façon. Les plans câlins, c’était pas vraiment ton truc. T’étais plutôt dans le genre… concret. Mais t’aimais bien les câlins de Charlie. Enfin, tu crois. T’es plus trop sûr de rien tellement t’es transporté ailleurs et le seul truc qui te fait à peu près atterrir c’est de savoir que ce moment pouvait s’arrêter à tout moment si tu ne faisais pas ce qu’il fallait. T’étais suspendu à ses lèvres, prêt à plaidoyer si jamais elle se refusait à toi. Mais elle avait fait mieux que ça : elle te demandait que tu lui prouves quelque chose. Mais pourquoi ? Tu avais cligné des yeux, l’excitation désertant peu à peu ton corps. La descente était rude mais tu aimais ce que tu voyais dans ses yeux… Elle croyait en toi. Pour une raison que tu ignorais, certes, elle semblait te faire confiance. T’avais l’impression qu’elle te mettait un trésor entre les mains et t’étais incapable de savoir si tu en serai à la hauteur. T’avais l’air perdu, comme si tu ne comprenais pas un traitre mot de ce qu’elle racontait. En même temps, t’étais un peu perplexe. Une invitation à déjeuner ? Ça se fait ça, quand on est fiancé ? Tu t’en moquais car tu n’avais pour toute évidence personne avec qui tu projetais de faire ta vie mais Charlie ? S’envoyer en l’air sur un coup de tête, ça te paraissait plutôt judicieux. Ça n’engageait finalement pas à grand chose. Mais se fréquenter lors de rendez-vous amoureux, c’était peut-être un peu plus vicieux… Même pour toi. Et pourtant. Elle avait sa tête de moineau tombé du nid confortablement installée contre ta poitrine et ta respiration s’espaçait à mesure que tu réfléchissais. « Ce serait un bon début… Je suis d’accord. » que tu avais finalement répondu en écartant sa tête de ton torse pour la regarder une dernière fois. Bizarrement, tu gérais plutôt bien le fait de pouvoir te la ranger derrière l’oreille. Sûrement parce que tu avais un lot de consolation qui t’attendait quelque part. Surtout parce que tu nourrissais l’espoir que les choses puissent un jour fonctionner entre vous, mais ça, t’étais beaucoup trop macho pour le dire tout haut. T’avais un peu compris le délire de ne pas vouloir être une fille parmi tant d’autres… Enfin, à peu près. La psychologie féminine, c’était pas vraiment ton fort. T’avais proposé de la raccompagner chez elle mais elle avait refusé. Evidemment. Tu avais ta parfaite blonde qui t’attendait, t’allais quand même pas la planter comme ça… La vérité, c’est que tu l’aurais fait. Sans aucun scrupule. Mais, encore une fois, tu étais allé dans le sens de Charlie.

T’avais plus vraiment le coeur à la fête mais t’avais du faire comme si de rien n’était tout le reste de la soirée. Serrer des mains, trinquer, avoir quelques mots pour tes collaborateurs. La routine. Rentrer chez toi avec un top model, c’était aussi un peu la routine. Vous vous étiez envoyé en l’air et tu t’étais surpris à penser à la petite serveuse pendant vos ébats. Ta petite serveuse. Foutue Charlie, ça y est, elle était incrustée dans tes pensées jusque dans les moments les plus intimes. Quand ta compagne d’une nuit s’était enfin endormie, t’en avais profité pour prendre ton portable et envoyer un sms à Charlie. « On le fait quand ce déjeuner ? » que tu avais écrit, plus impatient que jamais d’y être. Faire l’amour à une autre t’avait rendu encore plus impatient de la retrouver, elle. C’était bien avec Magda… Mais c’était pas exceptionnel, c’était pas à la hauteur de ce que tu avais commencé à ressentir dans cette petite ruelle crasseuse avec Charlie.