Mon père disait toujours qu'il n'y a pas mieux que de battre le soleil pour commencer une belle journée. Alors ça n'a rien d'inhabituel que les premières rayons entrant par la fenêtre tombent sur mon lit vide, tandis que mon visage est encore éclairé par la lueur fantomatique de l'écran où j'aligne des lignes de code depuis près d'une heure. Lorsque mon portable entonne les premières notes de Ain't no mountain high enough, sa chanson préférée, j'enregistre mes données. Je contemple ensuite mon écran, satisfaite. A ce rythme-là, mon devoir pour le cours de programmation sera terminé en un rien de temps !

Je m'étire en me penchant en arrière sur le dossier de ma chaise et finalement, je me lève.  Je laisse les voix de Marvin Gaye et Tammi Terrell en bruit de fond pen, presque inaudible par-dessus le ruissellement de l'eau de la douche. À la fin de la chanson, mon alarme s'éteint toute seule. Après un dernier jet d'eau froide et revigorante, je me sèche et j'enfile un jean et un t-shirt avant de brosser mes cheveux pour les discipliner un minimum. Ça suffira largement pour une journée de cours.

Je descends manger et je suis accueillie dans la lumineuse cuisine par un mot posé sur la table, à côté d'un billet de cent dollars et d'un paquet cadeau. Je commence par lire le mot tout en mangeant mes céréales.

Joyeux anniversaire ma grande ! Dix-neuf ans déjà ! Achète-toi ce qui te fait plaisir.

J'ai une double garde à l'hôpital. Il y a des restes dans le frigo, ne m'attends pas pour manger. Bisous
P.S. : Ton parrain t'a envoyé ça.

Intriguée, je tourne mon attention vers l'emballage. Je ne peux m'empêcher de sourire en réalisant que les motifs représentent Wall-e. Sacré Oncle Max !
Je déballe le paquet et y découvre une manette. Pas n'importe quelle manette ! Une élégante Grifta noire et bleue. C'était la meilleure manette sur le marché... Avant que toutes les grandes boites de jeux vidéos - Activision Bazard, Tenindo, Numeric Arts, Ubisweet, Sphere Enix, Sunny et bien d'autres encore - ne décident de passer massivement à la réalité virtuelle, rendant les manettes traditionnelles obsolètes... Y compris cette manette modulaire pluri-console dernier cri qui n'aura, au final été vendue que quelques mois avant de tomber dans l'oubli.

Ce cadeau me laisse perplexe. Les jeux vidéos ont autrefois été ma plus grande passion... Mais, même si j'ai toujours ma collection complète, cela fait quatre ans que je n'y ai pas joué, et il le sait très bien. Alors, pourquoi maintenant ? Je reprends l'emballage et y trouve une brochure et une enveloppe. Intriguée, j'étudie le dépliant en papier brillant.

RealPlay Inc.

J'ai entendu parler d'eux. Ils ont racheté la licence de toutes les vieilles consoles obsolètes, celles avec lesquelles on jouait sans lunettes de VR... Et à ma connaissance, ils n'ont pas fait grand chose de plus que d'en assurer les mises à jours et de sortir des reboots aux graphismes modernes des jeux qui ont marqué mon enfance. Une entreprise anecdotique, destinée aux rares nostalgiques des jeux d'avant.

Ça, c'est ce que je croyais, en tout cas. Mais la brochure a l'air très classe, très pro. Une page présente leur toute nouvelle console, le RealCore, qui supportera tous les jeux d'avant le virtuel. La suite annonce un grand concours de recrutement des Bêta Testers du RealCore et de son premier jeu natif. Un tournoi en plusieurs épreuves, testant les compétences des joueurs à des jeux variés. Il y a un talon-réponse à remplir pour s'inscrire, mais il est déjà arraché. Bizarre... Bon, de toute manière, je suis hors délais.

Je déchire le rabat de l'enveloppe et en tire une lettre. C'est une invitation à participer aux présélections. Un tournoi de Mario Kart à l'échelle de l'Illinois. Chaque état enverra un gagnant à la compétition proprement dite, dans le but de gagner ces douze places de Beta Testeurs - deux pour la phase de test initiale, et dix autres qui commenceront quelques mois plus tard.

Je repose à peine le courrier, encore très surprise, qu'Oncle Max m'appelle. J'hésite un peu à participer, mais il a réponse à tout, et finit par me convaincre.
Après tout, le Bêta Test aura lieu pendant les vacances d'été... Alors pourquoi pas ?[/b]



Je descends de la voiture d'Oncle Max en me sentant comme sur un nuage, et marque un temps d'arrêt devant l'élégance et la modernité du bâtiment aux teintes blanches et métallisées. RealPlay Inc. ... J'ai du mal à croire que j'y suis vraiment !

J'ai ressorti ma veille console et je me suis entraînée, entre deux cours, deux devoirs. Heureusement, c'est comme le vélo : ça ne s'oublie pas !
Et puis au mois de mai, la fac a fermé pour l'été, et les présélections sont arrivées peu après. Avec mon avatar de course préféré, Toadette, j'ai laissé tous les participants de l'Illinois sur le carreau.

La suite était un peu différente : ça se passait à San Francisco. Oncle Max a tout arrangé. Il a raconté à maman qu'il m'avait peut-être trouvé une opportunité de stage d'été pour moi, mais que je devais venir passer les cycles de recrutement. Il m'a offert sa chambre d'amis, dans son petit appart au-dessus de sa boutique de prêteur sur gages, pour la durée de mon séjour. Il a même choisi de me servir de coach et débriefé toutes les épreuves avec moi. Le format était différent : avec les 51 autres candidats, j'ai dû jouer à des jeux divers et variés, certains multijoueurs, comme un jeu de tir pour lequel ma nouvelle Grifta était parfaite, d'autres solitaires, comme le reboot de Spyro. Après chaque étape, les éliminations tombaient selon une multitude de critères, pas toujours très clairs, à vrai dire.

Finalement, la nouvelle est arrivée : j'ai été admise dans le programme de Bêta-Testing !
Et à me tenir devant le bâtiment, j'ai presque envie de me pincer pour m'assurer que c'est réel. Mais au lieu de cela, je me contente de regarder autour de moi avec émerveillement.

Finalement, on me conduit jusqu'à une sorte de salle d'attente de luxe aux fauteuils très confortables et on me demande de patienter. Un garçon ne tarde pas à m'y rejoindre. L'autre Beta-Testeur, sans aucun doute.
- Salut ! Moi, c'est Alex. je me présente avec un sourire amical.
On va travailler ensemble, alors autant partir sur de bonnes bases, pas vrai ?