J'ai 40 ans et je vis à Nancy, France. Dans la vie, je suis prof de philo et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma malchance, je suis divorcé et je le vis plutôt dans l'alcool. J'ai deux enfants, Maxime et Axelle, que je garde une semaine sur deux et la moitié des vacances.
Ville Valo :copyright: Jo'
Un bout de pain chute, un autre passe difficilement, et la soupape explose. Sa patience, mise à rude épreuve par la fatigue et les meurtrissures, a atteint ses limites. Paraît-il que les stoïciens savaient se séparer si bien de leurs affects qu'ils pouvaient souffrir sans humeur - à une époque où la graine de pavot était le seul anti-douleur, on comprend que ce soit important, néanmoins lorsque je vois ma si tranquille guerrière se mettre en mille états, j'ai du mal à le croire.
Une prophétie funeste et dévalorisante accompagne le moniteur cardiaque qui s'affole sur ses roulettes. Je tends le bras pour actionner la manette utile à invoquer les soignants, puis place une main sur son front et l'autre sur son ventre, à plat. Nous avons des neurones partout dans le corps, mais ils sont très concentrés dans la boîte crânienne et l'estomac. Un pédiatre m'avait conseillé de porter Maxime puis Axelle sur mon avant-bras, à plat ventre, pour cette raison - la pression exercée avait pour effet de calmer leurs angoisses de nourrissons. Impuissant, je reproduis cette sensation comme je peux, ayant grand soin de ne pas toucher son poitrail endolori.
Je tente de calmer son souci. Le mérite, vaste question. Est-ce que qui que ce soit mérite ce qui lui arrive ? Il n'y a que causes à effet. Je n'ai pas mérité que Gabrielle s'en retourne à son premier mari parce que j'avais été son amant, c'est parce qu'elle avait désacralisé son mariage en le trompant avec moi qu'il lui a été facile de me tromper avec lui. Anastasia n'a pas mérité ce coeur, elle en a bénéficié parce qu'elle répondait aux critères de compatibilité avec le donneur. Le donneur lui-même, n'a pas mérité de mourir, ça lui est arrivé tout simplement. Je voudrais lui dire que le mérite n'existe pas dans le monde rationnel, qu'y penser est futile, que personne ne décide enfin puisque "Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué".
Je m'abstiens d'ajouter crise existentielle à crise de panique et me contente de tempérer : "L'opération s'est bien passée, évidemment que vous allez vous remettre. Vous avez survécu six mois avec un coeur défectueux en état critique, ce n'est pas pour flancher avec un autre qui fonctionne, voyons." L'infirmière arrive enfin et constate les dégâts, sans inquiétude toutefois. "Bah alors Mme Duffour, dit-elle avec sympathie. C'est normal de paniquer maintenant, vous êtes à bout de nerf. L'opération était un succès et vous supportez bien la greffe, vous n'avez même pas encore fait de fièvre, c'est hyper rare !" Elle lui adresse un sourire entendu avant de poursuivre. "En attendant que vous vous détendiez je vais vous donner un petit quelque chose, d'accord ?" Et elle s'échappe un court instant par la porte - je ne lâche pas mon étreinte. Cette infirmière est d'une jeunesse infinie qui n'a d'égal que sa douceur ; telle maturité et assurance sont toujours notables dans le milieu médical. A son âge j'étais très différent, et j'aurais probablement été amoureux d'elle. En réalité, n'étais-ce pas pour Anastasia, j'aurais pu être attiré par elle y compris avec mes 15 ans de plus - de trop ? Je ne triture pas trop cette pensée et me réinvestis en l'instant.
La blouse blanche réapparaît un bref moment plus tard avec une petite seringue qu'elle clipse directement à la perfusion d'Anastasia et déverse à même ses veines. Quasi immédiatement, l'écran à notre gauche affiche des battements plus ralentis et sereins, et je sens une crispation s'échapper de la souffrante entre mes bras. De même, je suis soulagé. "Vous allez peut-être être un peu fatiguée maintenant, laissez-vous dormir si vous le sentez, précise la soignante." Une cigarette s'impose alors à moi, mais surtout, je voudrais téléphoner à mes enfants - rituel lorsqu'ils ne sont pas à la maison. Profitant de l'égarement d'Anastasia, je me détache d'elle et l'installe à plat, usant cent fois de lenteur et délicatesse pour ne pas la heurter. Puis je dévale les services avant d'arriver dehors comme sorti de prison.
Je m'affale sur le banc qui a, il y a des semaines, recueilli notre baiser. J'allume une cigarette qui a le goût des macarons au caramel, profite un instant puis compose le numéro de mon ex-femme pour écouter la voix fluette de ma progéniture. Je me recompose.
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Hysy
Ven 21 Aoû - 18:36
Anastasia Duffour
J'ai 39 ans et je vis à Bordeaux, France. Dans la vie, je suis Illustratrice chez Gallimard Jeunesse et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma malchance / Maladie, je suis divorcé et je le vis plutôt dans la dépression. Je n’ai jamais eu la chance d’avoir des enfants, mon très cher ex époux ne m’ayant pas offert cette chance et étant partie lâchement après la découverte de ma malformation cardiaque, il y a dix ans. Il y a de cela six mois, mon état s’est dégradé au point de non retour, et je vis depuis dans une chambre d’hôpital, en attente de greffe. Le fait d’être si près de la mort me déprime mais me permet d’appréhender les choses différemment. J’ai toujours été plongée dans mon petit univers et c’est ce qui m’a poussée à devenir illustratrice jeunesse.
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Le geste et les paroles du philosophe derrière moi me provoquèrent des frissons, tant je le trouvais rassurant. Néanmoins, le calmant de l’infirmière se réveilla un poil plus… radical: Je m’endormie aussitôt, sans plus de cérémonie. Je me réveille parfois mais ça ne dure jamais longtemps. Mon corps réclamait son dû en repos et je ne pouvais lutter. Le début d’après-midi fus tout aussi pénible: la fièvre s’étant invitée. L’infirmière l’a visiblement provoquée en parlant de ma « chance » plus tôt, il faut croire. Cette pensée me fit rire, mais j’étais tellement en train de planer que je devais surtout avoir l’air … d’une étudiante en philosophie ? Cette pensée terriblement clichée me refis rire de plus belle et j’eu d’énormes difficultés à en faire par à l’homme qui, justement, devait avoir eu son lot d’étudiants perchés. Le soir arriva et tout était plus calme: la fièvre était retombée et j’avais enfin eu l’occasion de déguster les délicieux macarons que mon soutien moral - et plus… avait eu la délicatesse de m’apporter. La boite ne fit pas long feu: j’étais affamée. Heureusement pour moi, ma gorge commençait enfin à cesser de me faire souffrir, j’eu donc l’infime espoir de pouvoir manger le soir… si le repas du soir s’avérait mangeable. Étant donner que j’étais dans une meilleure forme, j’en profita également pour remercier encore une fois le philosophe de son aide et m’excusa d’avoir paniquée de la sorte précédemment. Soudain, un homme entra dans la pièce. Vêtu de son air suffisant et de son éternelle costume, histoire de dire « regardez, j’ai un métier respectable et je suis un homme bien », Vincent, mon ex-mari avec qui je suis restée onze ans, dont cinq de mariage entra et toisa ma quasi nudité ainsi que l’homme à mes cotées, j’allais protester, mais il fut plus rapide: « Anastasia, allons que fais-tu ainsi dévêtue devant ce plouc ? Tu avais pourtant appris à respecter ta féminité durant notre mariage. » « Ce que je fais de mon corps ne te concerne plus, et tu n’as aucun droit d’être ici, après m’avoir abandonnée, sors, je ne veux plus te voir. » Je n’avais pas la force d’hurler, ni de lui lancer tout mes objets à porter de main dans sa sale figure arrogante et suffisante qui me jugeait impertinemment et je le déplorais.
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Jo'
Sam 22 Aoû - 17:03
Claude Vincent
J'ai 40 ans et je vis à Nancy, France. Dans la vie, je suis prof de philo et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma malchance, je suis divorcé et je le vis plutôt dans l'alcool. J'ai deux enfants, Maxime et Axelle, que je garde une semaine sur deux et la moitié des vacances.
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"Salut papa, ça va ?" C'est Maxime qui décroche - Gabrielle sait, lorsqu'elle voit mon numéro, que je n'espère pas tomber sur elle. Il m'arrive de l'appeler après l'heure du coucher pour régler les formalités de la garde alternée ceci dit ; son mari préfèrerait qu'on utilise les enfants comme intermédiaires plutôt que d'entendre ma voix à l'heure où il aimerait la déshabiller, mais je ne suis pas de cet avis.
"Comment vous allez tous les deux, quoi de prévu aujourd'hui ?""Je vais au cinéma avec Mathieu et Romain, maman me ramène.""Et ta soeur elle fait quoi ?""Je sais pas, rien.""Emmène-la." Axelle est comme je l'étais : elle déteste les enfants, n'est à son aise qu'à mon appartement où elle dévore mes livres compliqués en me posant dix questions par pages. J'adore ça bien sûr, mais j'aimerais qu'elle soit plus sociable et équilibrée que moi en grandissant.
Quelques banalités plus tard, nous raccrochons. Plus ils vieillissent, moins dure l'appel, mais trois mots échangés et à peine plus de taffes de tabac me suffisent pour petit-déjeuner. Je me lave le visage et rejoins ma malade, toujours ensommeillée. Elle émerge en début d'après-midi, alors que je suis tout à ma lecture et à mon sandwich, secouée par la fièvre. Peu surprenant apparemment, mais invariablement inquiétant pour le néophyte de la médecine que je fais. Dans un demi-délire, elle rit puis gémit puis rit encore. On la croirait possédée par l'imagination de William Peter Blatty. Plus ça va en réalité, plus c'est moi qui devient fou - d'elle.
En fin d'après-midi, elle semble redevenir elle-même, dévorant comme je lui reconnais les macarons que j'avais apportés. Nous échangeons quelques traits d'esprits gentillets en attendant le dîner, heureux que je sois de la voir enfin disposée à prendre des forces, rien ne comptant plus à mes yeux en l'instant que ceci.
Vers 18h néanmoins, nous sommes perturbés dans notre bienveillant cocon. Un homme tiré à quatre épingles, physique bateau, passe la porte de sa chambre d'un air exécrable. Insultant dans la même phrase Anastasia et moi-même, il signe son arrivée d'une irrévérence laide au parfum d'attaché-case tout neuf. J'aime bien mieux l'odeur de shit de mes petits élèves sauvages.
Je pense comprendre de qui il s'agit alors qu'Anastasia lui somme de déguerpir et mets ainsi le nez dans l'éternel recommencement comme on mets son nez dans la merde. Je me revois en effet, il y a une paire d'année, perdre la mère de mes enfants - appelés ce matin, quel outrage ! - au profit de son ex-mari bien-comme-il-faut-as-tu-vu-le-gendre-que-je-ferais. "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve" Va bien te faire foutre Héraclite je me retrouve dans le même putain de Danube pour la seconde fois. Justement épris de la douce ingénue que voilà poitrine ouverte, je l'imagine déjà pendre au cou de ce costard-connard ambulant. Symétrie parfaite Gabriellastasia qui me percute en pleins poumons et m'arrache un souffle bref, involontairement narquois.
"D'accord, j'ai compris l'idée." dis-je en empoignant mes affaires et me levant, m'apprêtant à quitter la pièce. "Bon rétablissement, Anastasia, n'hésitez pas à m'écrire." Je m'avance davantage vers la pièce, puis, au sommet du dépit, m'achève avec ma propre réplique : "En fin de compte, ne m'écrivez pas." La fuite au lieu d'un impact en plein dans l'âme, voilà mon choix. L'oublier, elle, son baiser, son corps malade et son esprit dansant, son sourire-marabout et sa puissante douceur. La laisser aux bras de n'importe qui, ou de personne, ne plus en faire mon problème, couper le cordon que je n'ai pourtant pas voulu nouer. Avorter mon amour, oui, voilà.
Sans regard pour mon rival qui n'en n'est pas un, sans un coup d'oeil ou une oreille tendue vers la succube qui dévore mon être sans pourtant l'avoir possédé, je quitte la chambre et adresse le problème aux infirmières. Cet homme semble incommoder Anastasia, il faudrait l'en débarrasser. Ô douces infirmières, débarrassez-moi dans le même temps de ma harpie terrible, du feu désespéré qui brûle mes tempes, de cet espoir que je n'aurais jamais dû nourrir mais pour lequel j'ai pourtant dressé un banquet.
J'aurais tué pour que la blouse blanche de ce matin m'ait embrassé, emmené dans une chambre vide, m'endorme par l'ondulation de ses hanches et me laisse dans le coma médicamenteux de l'entre-deux d'un orgasme. Jamais plus éveillé, ne pas se rendre compte - tout ça n'est qu'un rêve, Anastasia ne peut être qu'un rêve. Qui s'échoue si vite pour une âme ? Qui, et surtout moi ? Je voudrais mourir, ou le tuer, ou la tuer. Aucune importance si je dors. Anesthésié par l'infirmière. Piqûre ou sexe, quelle différence ?
Je ne suis pas épris de la blouse blanche. C'est pour ça que c'est mieux. En sortant de l'hôpital, j'insulte le banc. Le banc c'est moi. Pauvre con, t'es vraiment qu'un pauvre con.
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Lun 24 Aoû - 19:12
Anastasia Duffour
J'ai 39 ans et je vis à Bordeaux, France. Dans la vie, je suis Illustratrice chez Gallimard Jeunesse et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma malchance / Maladie, je suis divorcé et je le vis plutôt dans la dépression. Je n’ai jamais eu la chance d’avoir des enfants, mon très cher ex époux ne m’ayant pas offert cette chance et étant partie lâchement après la découverte de ma malformation cardiaque, il y a dix ans. Il y a de cela six mois, mon état s’est dégradé au point de non retour, et je vis depuis dans une chambre d’hôpital, en attente de greffe. Le fait d’être si près de la mort me déprime mais me permet d’appréhender les choses différemment. J’ai toujours été plongée dans mon petit univers et c’est ce qui m’a poussée à devenir illustratrice jeunesse.
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Et comme ça, il parti. Pire encore: il ajouta qu’il ne voulait plus que je le contacte. Je ne comprenais pas, je ne comprenais plus, ma rage se mêla au chagrin tandis que les infirmières intimait à Vincent de sortir. Et je me retrouva de nouveaux seule: lui aussi, comme Vincent dix ans plus tôt, m’avait abandonner. La nuit se passa dans les sanglots, les calmants et le sommeil, tandis que mon coeur se déchirait, se demandant si j’étais condamnée à être abandonnée à chaque fois que j’avais besoin de réconfort. Je me jura de ne compter que sur moi-même désormais. Visiblement, personne sur cette terre n’était capable de m’apporter ce dont j’avais désespérément besoin. Je resta seule, enfouissant ses souvenirs de macarons et de baiser sur le banc accompagné de l’odeur du tabac froid.
*Un an plus tard*
Me voilà à Nancy, Au hall du Livre, pour une séance de dédicaces organisé par le groupe Gallimar. Je m’étais bien remise de mon opération et, hormis le traitement anti-rejet et quelques essoufflement. Je retrouvais une vie loin des lits d’hôpitaux, des bips infernaux de machines … et loin des macarons et de baiser à l’odeur de tabac froid. Je quitta le bâtiment - somptueux d’ailleurs: il reprenait l’architecture d’une vielle gare, je trouvait ça brillant - vers seize heures. Tiraillée par la faim, je chercha de quoi satisfaire mon appétit avant de retourner à l’hôtel. C’est alors, tandis que je vadrouillait, que je remarqua une confiserie avec des boites de macarons familiers dans la boutique. Les souvenirs me prirent d’assaut, et, je vérifia l’adresse donnée par la signature automatique du philosophe avant de m’y rendre. Voir, je voulais juste voir. La maison était charmante et transpirait la joie d’un père de famille - ou du moins, mon esprit s’imaginait ça de la sorte- et je m’approcha doucement. Sans le réaliser je me retrouva devant sa porte. Putain, mais quelle idiote, il t’a abandonné ! Abandonnée comme une trainée qu’on vire au petit matin ! Je frappa de frustration avant réaliser avec horreur que c’était sur la porte que je m’acharnais. Merde. Quelle conne. Que faire ? J’allais partir lorsque la porte s’ouvrit. Je resta interdite, n’osant ni bouger, ni parler, me tenant là, debout, prête à partir sur le seuil de sa porte.
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Jo'
Mar 25 Aoû - 9:31
Claude Vincent
J'ai 41 ans et je vis à Nancy, France. Dans la vie, je suis prof de philo et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma malchance, je suis divorcé et je le vis plutôt dans l'alcool. J'ai deux enfants, Maxime et Axelle, que je garde une semaine sur deux et la moitié des vacances.
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Exercice de pensée n°1. Je mets un morceau de sucre dans de l'eau car je veux de l'eau sucrée. J'ai beau touiller, j'ai beau faire, je dois attendre que le sucre fonde. Le temps est performatif : il n'est pas que quantitatif, il est aussi qualitatif. Mes enfants à dix ans ne sont pas à mes enfants nourrissons ce que 2 + 2 est à 4. En quelques sortes, le temps peut agir sur les choses.
Exercice de pensée n°2. J'ai mis un soir d'août un morceau d'Elle dans ma vie, qui l'a sucrée immédiatement. Je voudrais maintenant oublier le goût des macarons. J'ai beau faire, je dois attendre que son parfum d'hôpital me quitte.
Enfin il paraît. Un an. Rien n'a changé. Je t'emmerde, Bergson, le temps n'a aucune qualité et encore moins de pouvoir. Je pense toujours à Elle, absolument - absolutus qui signifie détaché, délié mais aussi achevé. C'est exactement ça, stricto sensu. Je pense à Elle comme finitude, et je pense à Elle en dehors du monde sensible : son image m'occupe mais sans aucun lien avec ma réalité. Un onglet ouvert qui passe la musique de sa voix, de son rire, de ses extases sucrées, mais qui n'empêche en rien de consulter l'onglet actif. Cerveau-navigateur pris dans le web des turpitudes. Cerveau-navigateur et les enfants c'est la boussole.
Dans ma vie d'homme, je retrouve une cohérence puisqu'alors mes souvenirs avec Elle se superposent plus directement à ce que je vis. Chaque fois qu'une femme soupire sous mes doigts mesquins, chaque fois que je m'échoue au fond de leurs ventres, chaque fois qu'elles se blotissent contre mon épaule, repues et ravies, je les compare. Parfois c'est très bien, mais "Ce n'est pas ça.". Intelligentes, séduisantes, drôles même, jamais sensibles. Jamais comme Elle. Je ne sais plus si je veux La retrouver ou L'oublier avec toutes ces autres.
Elle prend une majuscule dorénavant - Elle ne peut pas être un nom commun. Son prénom est une déchirure, il est exclus. Déchirure en plein coeur, comme pour Elle, mais au sens figuré. Je colmate avec de la boisson, l'oeil vitreux, et je m'endors parmis les livres. Jamais quand il y a les enfants. C'est donc plus dur quand il y a les enfants.
Ils sont chez moi, là, jusqu'à ce soir. On est samedi. Ils devraient rentrer demain, mais le frère de Gabrielle fête ses 40 ans. J'ai à peine une bougie de plus. Il pleut, un crachin sale de fin d'août et qui annonce la rentrée. Après deux semaines caniculaires, ça fait du bien y compris quand ça rentre dans les os - pour qu'Axelle et Maxime m'aiment un peu plus avant de partir, nous faisons des crêpes tous ensembles. Ils m'en ont mis jusque dans les cheveux - j'ai abandonné mon t-shirt au profit d'un tablier.
A 16h, ça sonne, ou ça frappe ? J'imagine derechef Gabrielle, bien en avance pour chercher les enfants, pour m'enrager. Je coupe la gazinière et descends donc tel quel, motifs à l'air sous mon tablier, pour ouvrir.
Devant la porte, je La vois. Un an. Rien n'a changé. Bergson-dans-ta-face. Et mon ventre, et ma nuque, et mon sang, et mon poitrail bon Dieu tout mon être voudrait me propulser à Elle. Elle qui, même en santé - surtout en santé, demeure à fleur de peau, à fleur de gouffre, à fleur de monde. Elle, chas d'aiguille, qui creuse le coeur par petits acoups adorables, délicieusement douloureux, insignifiantes scarifications à l'âme qui mettent la pensée au monde. La pensée, et le sentiment, et la vie, et le foutre de tout ce qu'il se fait de méritant sur cette Terre agglutinés au bord de ses cils merveilleux. Je voudrais les manger pour en gagner un dixième de force.
Choc - silence d'abord. Deni - "Vous n'êtes pas Gabrielle ...". Colère - "Mais qu'est-ce que vous ... ?". Marchandage - "Vous vouliez ... ?". Tristesse - "Enfin, je .... Acceptation - je l'embrasse. Devant mon incapacité à formuler des phrases complètes même en les enchaînant, je laisse mon corps traduire ma pensée.
Je fonds littéralement sur elle, l'enserrant d'un bras, son visage dans ma main, et l'embrasse essoufflé comme on cherche son air après l'apnée. Un baiser si désespéré que passionnel, contenu depuis ces longs mois, une goulée d'eau qui désaltère mon existence aride. Dans cette danse, je retrouve le goût de son être, de son tout petit être si puissant. Rien ne compte d'autre. Je suis contre sa bouche, pressé à son corps, enfin chez moi.
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Ven 28 Aoû - 19:12
Anastasia Duffour
J'ai 40 ans et je vis à Bordeaux, France. Dans la vie, je suis Illustratrice chez Gallimard Jeunesse et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma malchance / Maladie, je suis divorcé et je le vis plutôt dans la dépression. Je n’ai jamais eu la chance d’avoir des enfants, mon très cher ex époux ne m’ayant pas offert cette chance et étant partie lâchement après la découverte de ma malformation cardiaque, il y a dix ans. Il y a de cela six mois, mon état s’est dégradé au point de non retour, et je vis depuis dans une chambre d’hôpital, en attente de greffe. Le fait d’être si près de la mort me déprime mais me permet d’appréhender les choses différemment. J’ai toujours été plongée dans mon petit univers et c’est ce qui m’a poussée à devenir illustratrice jeunesse. Édit: désormais greffée d’un nouveau coeur, je profite de la vie en savourant avec amertume le souvenirs des macarons.
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Oh my, je ne m’attendais pas à ça. Du sexy mignon. Tatouages et pectoraux exposés et encadré par des mèches sauvages engluée dans de la pâte et le tout agrémenté d’un tablier rose. J’hésitais entre rire et mater. Mais je n’eus le loisir de ne faire ni l’un ni l’autre. Car après avoir tenter de cracher une phrase en vain, je ne sais trop pourquoi, ses lèvres atterrirent sur les miennes. Cette odeur de tabac froid, enivrant douloureusement mes souvenirs, je la retrouvais douloureusement. Mon corps tout entier s’électrisa et je prolongea le baiser, passant une main dans ses cheveux malgré la pâte qui s’y collait. Tout mon bon sens m’abandonna tandis que je m’abandonnais à ce baiser. Il était si imprévu et pourtant je ne m’y opposais pas. Je ne troquerais aucun macaron contre ce baiser-ci. Il était mon graal inespérée dans mon désert sentimental. Bon sang, mais que fais-tu ma vielle ? Il t’a abandonné sans même un dernier regard et te voilà suspendue à ses lèvres comme une droguée en manque ! Tu n’es vraiment pas raisonnable et responsable. Non c’est vrai, je ne l’étais pas. Je ne l’étais plus depuis mon divorce. Et cela faisait un bien fou. Le baiser s’interrompt et j’entendis du bruit à l’étage, prenant peur car je n’avais pas une seconde envisagée qu’il puisse être avec ses adorables enfants - pourtant l’état de ses cheveux aurait dû me mettre sur la voie, qu’elle sotte ! - je m’apprêta à tourner les talons et à m’enfuir sans un regard telle une cendrillon paniquée par la vu de l’heure indiquée sur l’horloge. Mais sa main, faiblement, me retint. Je fis volte-face vers lui et croisa un regard implorant baigner de solitude. Il ne dit pas un mot -il ne devait pas oser à cause de ses enfants - mais mon coeur se déchira. Que faire ? Il m’avait abandonné mais je n’avais pas le coeur à faire de même. Je me mordis si fortement la lèvre dans l’hésitation que du sang perla. Et merde, je suis faible. Doucement et docilement, je me laissa entrainée dans l’entrée dans son appartement. Je constata l’odeur de crêpe et mon ventre gargouilla. « Tu auras une troisième enfant pour le gouter, soit prévenu » L’avertis-je en riant. Je défis poliment mes talons que je laissa à l’entrée avant de lui sourire timidement toujours perdue entre les deux élans de mon coeur. Je t’en prie, Claude, ne brise pas à nouveau ce coeur, il est tout neuf.
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Jo'
Sam 29 Aoû - 9:03
Claude Vincent
J'ai 41 ans et je vis à Nancy, France. Dans la vie, je suis prof de philo et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma malchance, je suis divorcé et je le vis plutôt dans l'alcool. J'ai deux enfants, Maxime et Axelle, que je garde une semaine sur deux et la moitié des vacances.
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Notre baiser est une éternité qui ne peut malheureusement s'éterniser. Nos lèvres se descellent difficilement alors que du mouvement à l'étage nous rappelle à la réalité. Nous nous considérons un instant - grands dieux qu'Elle est belle. Son visage porte douceur candide, sa peau pâle respire un souffle iodé, ses cheveux ondulés sont rayons de miel ; ses yeux, ce sont les pires : ils vous regardent gourmands et malicieux, prêts à vous dévorer gentiement par leurs paupières, et sa bouche, sa bouche ... c'est un appel au crime. J'aurais envie en l'instant de faire l'amour à son âme - les chairs, c'est surfait, Elle me rend tantrique.
Silencieuse, Elle choisit de s'en retourner pour regagner les pavés occupés de Nancy. Quelque chose en moi refuse de la laisser partir cependant - trois doigts fins, voilà tout ce que je peux retenir, suffisant pour qu'elle s'interrompe dans sa fuite. Je retrouve Sa main que j'ai tenue pendant toute une nuit alors qu'Elle gémissait de ses souffrances. Terrain familier, foyer de mon être entre ces minces phalanges. Si longtemps que je retourne Son absence dans le remugle de mes entrailles avinées. Douleur éviscérante, comme un pavé dans l'estomac qui coule, coule dans la picole et le nectar intime de vaines conquêtes. Je refuse de la laisser partir comme je refuse de retrourner à cette vie.
En haut, les petites voix adorables de mes enfants me parviennent. "C'est maman, papa ? On doit se préparer ?" Maxime. "Et les crêpes alors ? J'en voulais hein !" Axelle. Je La regarde avec instistance, toujours les doigts pris dans les miens - mais je ne l'y contrains pas, je ne mets aucune force dans l'étreinte, si ce n'est celle du désespoir. Je ne sais pas lui dire, et ma fierté s'y oppose, que pour la première fois j'ai davantage peur d'être seul que d'être attaché. Que mon besoin d'Elle est impérieux. Que je n'explique pas cette dépendance rationnellement, sinon par l'idéalisation ou le transfert Freudiens.
Ce soir les enfants vont partir. Un coup au coeur, terrible. Car moi, seul, encore, la tête toute à Elle. Je ne sais pas dire cela, je ne veux pas dire cela - dernier rempart comme la cloche de la rose du Petit Prince - cet ouvrage, notre genèse -, qui n'ose jamais lui avouer tant elle a besoin de lui. Il part visiter les astéroïdes et elle reste là, sous sa cloche oui, ses pétales ne servent plus à rien. De ridicules épines qui ne la protègent pas même du mouton dans la boîte.
Je n'aurai pas non plus le courage, si Elle s'en va, d'expliquer aux enfants que quelqu'un s'est trompé d'adresse. Un état d'âme à la Victor Hugo :
Je t'implore et réclame ; Ne fuis pas loin de mes maux, O fauvette de mon âme Qui chantes dans mes rameaux !
Et puis, comme un miracle, comme la franche lumière solaire qui vient taper un évadé de prison, elle entre avec moi. J'exhale mon angoisse, fermant les yeux à peine, rassuré d'avoir gagné au moins cette petite bataille. Une vie continue avec Elle, même quelques heures. Pantelant, les yeux toujours planté dans les siens, je m'adresse à la cage d'escalier : "Non, on a de la visite, c'est pas maman." Puis nous montons mon immeuble début-de-siècle jusqu'à mon appartement. La porte est déjà ouverte, nous pénétrons dans l'antre. Hormis les livres amoncelés partout - je n'ai plus suffisamment de bibliothèques pour tous les y ranger -, le lieu est plutôt propre ou embarassé des affaires des enfants seulement. Elle tombe bien, car c'est loin d'être une constante. Je la regarde défaire ses chaussures, sous le choc de l'irréalité de la situation.
Elle plaisante d'un rire délicieux alors que les enfants débaroulent de la cuisine pour dire bonjour. Contraint au silence de mes états d'âme, je lui mime sur les lèvres, sans voix - merci. Puis la vie continue, irriguée cette fois.
"Je vous avais dis que j'avais sympathisé avec l'illustratrice de vos albums de jeunesse, non ? C'est elle ! présentè-je. Elle s'appelle Anastasia." Pincement en prononçant son prénom : au coeur, et au bas-ventre. Maxime et Axelle s'empressent de la saluer. "Vous lui faites visiter un petit peu ? Je vais retrouver un peu de décence." Ce disant, je m'éclipse pour enfiler quelque chose et recouvrer de la pudeur.
L'appartement n'est pas long à parcourir : un séjour où occupe la plus grande surface une vieille bibliothèque en merisier dont Gabrielle ne voulait plus au moment du divorce, une cuisine bien trop petite encombrée par-dessus le marché d'une table à manger et 4 chaises, une chambre par enfant de taille honnête quoique modeste, et la petite terrasse jolie mais trempée des récentes averses. Maxime est locace : il lui présente ses livres favoris alors que je regagne la cuisine pour docilement finir les crêpes. Axelle, plus timide et surtout toujours fichée dans mes jupons, demeure avec moi, contemplative. Mini-moi.
Nous nous réunissons dans la cuisine alors que je termine à peine les crêpes. Les enfants boivent du lait et je propose du cidre à ... Non, son prénom manque toujours de corporalité. Je nous en sers un verre, mais ne mange pas. Il m'est encore inconcevable qu'Elle soit là. Je ne veux pas être distrait, je veux capter sa présence en tout instant, comme si Elle pouvait s'envoler d'une minute à l'autre. J'ai peur, lorsque les enfants quitteront l'appartement, qu'Elle leur emboîte le pas. Je tremble ceci dit tout autant à l'idée que je pourrais me retrouver seul avec Elle. Elle est marteau et enclume. Divine mortelle, sagement subversive. Complexes contradictions et dialectique Hegelienne : thèse/antithèse. Quelle sera sa synthèse ?
Nous échangeons quelques banalités, Maxime monopolisant la conversation à dire vrai - il a la tchatche de sa mère. Axelle me parle de philosophie, et je suis donc tout à elle, c'est un grand cru pour mon âme. Puis, vers 17h, Gabrielle sonne. Sacs déjà prêts, ils enfilent leurs chaussures et je les accompagne en bas - abandonnant mon invitée. Déchirement de les voir partir, comme chaque semaine. Sept jours sans eux, c'est juste assez pour en mourir. Il semble que plus je vieillis, plus je gagne en dépendance - à mes enfants, à la picole, à la nicotine, à Elle ...
Adieux rapides - on n'a jamais le temps quand on est un enfant - et je regagne mon appartement la gorge serrée. Je ne sais à quoi m'attendre d'un tête à tête avec Elle dans un lieu normal, c'est le moins qu'on puisse dire. Dans la cage d'escalier, j'ai déjà peur qu'elle se soit envolée par la fenêtre. Je glisse mon corps, hésitant, dans la cuisine. Elle est toujours là. Soupir imperceptible de mon coeur angoissé.
"Le plus clair de mon temps, je le passe à l'obscurcir" - Boris Vian
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Hysy
Dim 30 Aoû - 18:30
Anastasia Duffour
J'ai 40 ans et je vis à Bordeaux, France. Dans la vie, je suis Illustratrice chez Gallimard Jeunesse et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma malchance / Maladie, je suis divorcé et je le vis plutôt dans la dépression. Je n’ai jamais eu la chance d’avoir des enfants, mon très cher ex époux ne m’ayant pas offert cette chance et étant partie lâchement après la découverte de ma malformation cardiaque, il y a dix ans. Il y a de cela six mois, mon état s’est dégradé au point de non retour, et je vis depuis dans une chambre d’hôpital, en attente de greffe. Le fait d’être si près de la mort me déprime mais me permet d’appréhender les choses différemment. J’ai toujours été plongée dans mon petit univers et c’est ce qui m’a poussée à devenir illustratrice jeunesse. Édit: désormais greffée d’un nouveau coeur, je profite de la vie en savourant avec amertume le souvenirs des macarons.
:copyright: Kristen Bell
L’appartement était étonnamment bien rangée malgré les piles de livres jonchant par-ci par-là. Je me serais attendu à plus de désordre de sa part, étant donner son côté spontanée et… je dois l’avouer, son côté je m’en foutiste un poil négligé. Mais, la présence de ses enfants, qui étaient d’ailleurs en train de me présenter l’appartement -enfin surtout Maxime, Axelle étant partie avec son père- devait y jouer pour beaucoup, j’imagine. Quoi que peut-être, l’entretenait-il de la sorte également la semaine sans ces enfants qui sait. Je ne pouvais pas me permettre de juger de la sorte sur de simples… déductions. Je ne suis pas Vincent. Le goûter fût animer: Maxime m’abreuva de ces préférences littéraire et je me laissa embarquer avec bonheur, lui faisant un croquis sous ses yeux étonnés. Je dessina également une caricature philosophique pour Axelle, qui, elle semblait plutôt être une version miniature et féminine de son père. Ces crêpes avaient une saveur si particulières et délicieuses mais je ne savais pas trop si c’était à cause de la présence des enfants celle de Claude. Un peu des deux, j’imagine. Honnêtement, je regrettais quelque peu qu’il est enfilé un t-shirt. Un sourire apparu sur mon visage: le tablier en dévoilait plus et avait un effet plutôt comique. Les enfants durent repartir chez leur mère et j’attendis patiemment le retour de Claude, temps qui me parut à la fois extrêmement long et court: paradoxe crée par mon appréhension de me retrouver seul avec lui et, étonnamment, le bien-être que je ressentais avec lui. Écho amèrement-doux de l’hôpital. Ma belle, tu tends toi-même le couteau pour qu’il le remue dans ta plaie, cette fois fictive, qui barre ton coeur fragilisé par le fiasco fût ton mariage. Je soupira. Cette fois-ci, c’était différent, pas vrai ? Mes pensées furent interrompu par des bruits de pas: il était de retour. Remarquant la tristesse dans son regard -qui ne le serait pas, après le départ de ses enfants ? - Je me leva doucement et débarrassa la table des crêpes avant de me glisser félinement près de lui, faisant tournoyer ma robe bleue à dentelle au passage. « Je ne pourrais jamais remplacer le vide causé par l’absence de tes enfants… » Commençais-je doucement, avant d’ajouter malicieuse: « Néanmoins si tu le désires je peux rester encore un peu. Tu me montrerais tes tatouages dis ? Des dessins encrées dans la peau… » Soufflais-je suavement avant de me reprendre. « Enfin tu vois, quoi, forcément, j’ai envie de voir ! Si tu es d’accord, bien entendu. » Bon sang, Anastasia, respire, on croirait une lycéenne devant son premier crush ! Mais c’était plus fort que moi: il incarnait cette liberté d’esprit et de corps que Vincent m’a longuement retirer autrefois: j’avais abandonnée tout: mes projets de tatouages, ma lutte pour l’acceptation du corps féminin à travers du mannequinat amateur … Claude, c’était une bouffée d’air frais, un renouveau et chemin vers la femme libérée que je fus avant mon mariage.
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Jo'
Mar 1 Sep - 8:38
Claude Vincent
J'ai 41 ans et je vis à Nancy, France. Dans la vie, je suis prof de philo et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma malchance, je suis divorcé et je le vis plutôt dans l'alcool. J'ai deux enfants, Maxime et Axelle, que je garde une semaine sur deux et la moitié des vacances.
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Son tutoiement est une Excalibur de flammes qui me transperce les poumons : chaleur oui, inespérée, inattendue, inoubliable - préfixe in latin, qui signifie si bien l'absence que l'intériorité, qui me rend interdit à l'intérieur. Car c'est là montre d'une intimité que je n'imagine même pas en réalité - Elle pour moi éternelle chimère d'hôpital, Dame Blanche des perfusions et angelot des couloirs asceptisés. Aujourd'hui matérialisée dans ma cuisine, délicieuse dans ses mots et ses gestes, plus rose que jamais.
Remplacer l'absence de mes enfants, impossible en effet. C'est vrai. Néanmoins eux non plus n'ont pas pu remplacer la sienne pendant un an. C'est aussi vrai. Naturellement, telle une Schoppenhauer en dentelles marines, elle passe du concept d'absence à celui de désir. Somptueuse philosophe qui s'ignore, l'art d'être une caresse à l'âme en plus, ce qui me fait tomber pour elle - chute libre depuis un an, je crains le perfide atterrissage. Je désire qu'elle reste évidemment. Je désire qu'elle reste plus que tout au monde en cet instant. "Que la réalité humaine soit manque, l'existence du désir comme fait humain suffit à le prouver." C'est vrai Sartre, on n'est en-vie, on n'est qu'envie Epuisé de me languir. J'aimerais m'ennuyer de satisfaction au bout de 41 ans de vouloir. Je ne veux plus qu'Elle.
Elle, doucereuse, passe déjà aux frugalités légères d'une vie qu'elle laisse paraître sans souci. Pas de temps pour geindre. Pas de temps pour palper les Idées - elle les maîtrise déjà toutes, c'est évident, je suis à la ramasse à ses côtés. Pas de temps pour les envolées pensives qui, voulant donner sens à la vie, la laissent filer sans en plus y parvenir. Elle est le moment qui passe, âme inssaisissable, musicale lyre sauvage du cours d'eau qui creuse les galets. Voir mes tatouages. Me dénuder devant elle, consciemment cette fois. Elle est toute proche - je maintiens son regard, intensément : j'ai peur que si je ferme les yeux trop longtemps, tout ne soit que mirage. J'en commence à douter de la véracité de nos entrevues à l'hôpital. Sa présence ici, si différente pourtant identique, si irréelle.
Je retire mon t-shirt - tout pour la faire rester -, nous sommes à quelques centimètres, yeux dans les yeux. J'ai le souffle court. J'ai envie d'Elle. Anastasia. Anastasia. Anastasia. Il faut lui rendre son prénom. J'ai envie d'Elle maintenant et pour la vie. Anastasia. Anastasia. Anastasia. Puis-je croire que la voilà ? Est-elle venue en amie ? En amante ? Anastasia. Anastasia. Anastasia. La faire mienne, corps et âme. La posséder dans cette cuisine même, et pour toujours la garder enfermée dans mon amour. Anastasia. Anastasia. Anastasia. Ne balaie pas cette épave qui s'écroule dans tes rochers nautiques. Anastasia. Anastasia. Anastasia. Mais enfermes-y tes trésors inestimables et tes poissons féériques - je les garderai bien. Je te garderai bien. Je ne veux rien d'autre que te posséder pour t'aimer dans un écrin. Passion de corps et d'âme.
Trop fier, je ne dis rien. Trop couard, j'espère que mes yeux planté jusque dans ta rétine parlent pour moi. Tu les vois, mes tatouages. Tous. Tu pourrais voir tout le reste. Tu pourrais toucher tout le reste - tu t'es déjà saisie de mon âme, de toutes manières. Je déglutis, le feu au ventre, le feu au coeur. Je ne veux pas parler de banalités. Je veux te vaincre comme on combat Achille et t'entraîner dans les profondeurs caustiques de la nicotine de ma vie. Je suis pantelant.
"Que fais-tu là ?" Le tutoiement m'éraille la voix. "Pas à Nancy, mais chez moi. Pourquoi es-tu venue ?" Ne sais-tu pas Anastasia, comme tu me tues en me ramenant à la vie ?
"Le plus clair de mon temps, je le passe à l'obscurcir" - Boris Vian
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Hysy
Ven 4 Sep - 16:38
Anastasia Duffour
J'ai 40 ans et je vis à Bordeaux, France. Dans la vie, je suis Illustratrice chez Gallimard Jeunesse et je m'en sors bien. Sinon, grâce à ma malchance / Maladie, je suis divorcé et je le vis plutôt dans la dépression. Je n’ai jamais eu la chance d’avoir des enfants, mon très cher ex époux ne m’ayant pas offert cette chance et étant partie lâchement après la découverte de ma malformation cardiaque, il y a dix ans. Il y a de cela six mois, mon état s’est dégradé au point de non retour, et je vis depuis dans une chambre d’hôpital, en attente de greffe. Le fait d’être si près de la mort me déprime mais me permet d’appréhender les choses différemment. J’ai toujours été plongée dans mon petit univers et c’est ce qui m’a poussée à devenir illustratrice jeunesse. Édit: désormais greffée d’un nouveau coeur, je profite de la vie en savourant avec amertume le souvenirs des macarons.
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Ô dieu. J’étais prise dans mon piège. Prise dans mon désir. Tandis qu’il retirait son t-shirt, me dévoilant tout l’art tatoué sur son corps. Où était-ce son corps lui-même l’oeuvre d’art ? Incapable de supporté son regard qui me transperçait sans pause aucune, je baissa les yeux et inspecta ses tatouages. Mauvaise idée. Il n’était certes pas une gravure de sport, mais … je me mordis la lèvre, me dandinant comme une adolescente devant une star. Il était vraiment agréable à regarder. Oh my… même sur son bas-ventre ? Je déglutis, le souffle court, tandis que mes yeux passèrent du pentacle stylisée aux triangles alambiqués sur son torse, au niveau de son coeur. Bon, c’était toujours aussi tentant. Y’a t-il une partie de son corps qui n’est pas une tentation. Je me mordis d’avantage la lèvre: admettons-le, il n’y a pas que son corps. C’était son « lui » tout entier qui m’attirait. Sa voix. Son odeur. Son charme. Bon sang, Anastasia calme-toi. Tu deviens ridicule. Sa question me prit par surprise et je sursauta, sortant de la torpeur dans laquelle mes pensées m‘avaient plongées et réalisa que mes doigts effleuraient et retraçaient le contour du tatouage par mécanisme. Je continua avec plus de sensualité, consciente de mon geste, cette fois avant de répondre avec le souffle court: « Je suis passée devant la boutique de macaron et… un souvenir entrainant un autre, j’ai … atterri devant ta porte comme un chiot abandonné. » J’émis un petit rire nerveux avant de reprendre. « … et pour être cent pour cent honnête avec toi… Actuellement … je … » Mes lèvres s’approchent de son oreille pour susurrer: « … Me demande si tu sais comment on retire cette robe ? » Je n’arrivais pas à croire que je venais d’oser ces paroles. Mais je ne regrettais pas. Et je ne voulais pas faire machine arrière. Je voulais vivre. Vivre cette passion. Vivre cette passion avec lui. Dans les draps, dans la cuisine, peu m’importait. Mon coeur, battait comme un détraqué dans ma poitrine et j’avais l’impression que lui aussi allait me lâcher. Stupide coeur, tais-toi. On entend que toi dans la pièce. Et ce stupide écho de tes battements m’empêche de réfléchir. Même si… je ne voulais pas réfléchir. Au diable la réflexion. Montre-moi ton amour du bout de tes doigts, de tes lèvres…