« -tu ne comprends pas, c’est pas une histoire de confiance... » souffla la jeune femme alors qu’il desserrait enfin les dents et commençait à parler. Encore une fois, il y allait avoir malentendu. C’était fou comme ils avaient du mal à se comprendre lorsqu’il y avait un problème dans leur vie. Ce qu’il lui dit la blessa. Il parlait de sa vie passé comme si c’était une addiction et qu’elle n’était qu’une vulgaire camée en manque d’héroïne. Il pouvait appeler ça comme il voulait, il ne comprendrait jamais ce qu’elle traînait derrière elle.

Ce passé, aussi peu glorieux soit il s’était le sien. Et en arrivant en prison, elle avait perdu toute sa vie. Tout. En sortant, il avait été là pour lui tendre la main sachant très bien d’où elle sortait, ce qu’elle avait fait, qui elle était. Derrière les barreaux on ne vous donnait pas un coup de baguette magique pour faire disparaître qui vous êtes. Loin de là même. Jo avait fait des efforts, elle s’était battue contre elle même pour devenir quelqu’un de meilleur. Mais ça, il ne le comprendrait jamais. Aux yeux d’Elias, ce passé c’était une tache, une erreur de parcours. Pour Jo c’était son ancienne vie. Ça ferait toujours partie intégrante d’elle même.

Voilà, on arrivait au passage de la jalousie envers Isaac. Jo s’ était préparée et elle répliqua sur un ton déjà bien plus froid : « -tu ne comprends pas. Je voulais gérer ça seule. Mais quand tu t’es retrouvé ici, j’avais plus personne vers qui me tourner. Je sais très bien que tu ne portes pas Isaac dans ton coeur, et je le comprends, mais il connaît mon ancien monde, l’ancienne Jo. » Elle se retint d’ajouter bien mieux que toi. Le but n’était pas de le blesser ou qu’il la quitte. Pourtant lorsqu’il ouvrit à nouveau la bouche, ça en prenait tout le chemin. Jo avait détourné le regard, portant une main sur son front. Dans sa tête, elle imaginait déjà devoir abandonner ce bébé qu’elle portait, le laissé à la garde exclusive d’Elias. Elle ne le reconnaîtrait même pas en tant que mère. C’était mieux pour lui. Elle disparaîtrait de leur vie. C’était bien trop beau tout ça, pour que ça dur plus longtemps.

Contre toute attente, malgré le ton qu’il employait et cette manière de lui parler comme si elle avait dix ans qu’elle détestait tant, il finit par lui dire qu’il voulait qu’elle soit sincère avec lui, qu’il n’y ait plus jamais de mensonge. Qu’il l’aimait et que tout ça n’y changeait rien. Elle le laissa se saisir de sa main et lorsqu’il précisa que sa demande était toujours valable Jo se contenta de la regarder en se mordant les lèvres, comme une gamine prise en faute. « -Elias tu... » commença elle avant de lever ses yeux humides, se mordant toujours et encore les lèvres. Après quelques secondes à le regarder sans rien dire, elle souffla enfin : « -d’accord... » Un hochement de tête. « -d’accord pour la sincérité, la franchise. » Pour le mariage… Elle avait trop peur qu’il regrette en se levant un matin. Trop peur encore une fois de ne pas être à la hauteur. A nouveau les yeux pleins de larmes, elle répondit le menton tremblant, serrant les doigts d’Elias aussi fort qu’elle le pouvait : « -pour le mariage… je crois pas que ça soit une bonne idée… Pas pour le moment… » ça ne voulait pas dire non catégoriquement. Juste que là tout de suite, elle ne pouvait pas lui sauter au coup et lui dire un grand oui. « -j’veux pouvoir en pleurer de joie, et me sentir la plus heureuse du monde… Et là tout de suite… Je m’en veux trop pour ressentir tout ça, même si j’en ai envie... » Il fallait toujours qu’elle complique les choses. Mais là tout de suite, c’était juste pas envisageable pour elle. « -j’devrais te laisser te reposer… Après tout ça… » Jo se leva, chassa à nouveau ses larmes d’un revers de main, l’autre toujours dans celle d’Elias.

Une histoire de confiance… Comment appelait-elle cela alors ?! Ah oui, elle l’avait préservé. Elle l’avait si bien préservé qu’il ne s’était douté de rien et il avait bien failli périr dans cette prison, baignant dans son sang, en espérant pourtant survivre pour l’embrasser encore une fois et voir enfin le visage de leur enfant. Il ne savait pas comment il allait pouvoir encaisser toutes ces révélations sur la durée, mais pour le moment, il avait du mal. Il se sentait comme un boxeur allongé sur le ring, en se demandant si poursuivre le combat était envisageable. Mais ce qui lui fit tout aussi mal, ce fut que son ex-petit-ami avait été mis dans la confidence, qu’elle lui avait confié sa vie après leur passé tumultueux. Le regard dur, il écouta la justification de la jeune femme et ne l’apprécia pas particulièrement « La faute à qui si je me suis retrouvé ici… » avant de fermer les yeux « … Pardon… Je n’aurais pas dû… » dire cela et pourtant, c’était ce qu’il éprouvait un peu et relança presque aussitôt « Désolé de ne pas avoir été l’agent du FBI qui t’a mise en prison ». Lorsqu’un conflit éclatait entre eux, ils avaient du mal à se comprendre, à se parler et se montraient plus blessant qu’autre chose.

Pourtant, Elias tenta de trouver les mots pour apaiser le conflit, lui faisant comprendre que malgré tout cela, il continuait de l’aimer et que c’était pour cela qu’il voulait faire d’elle, sa femme. Mais la réponse qu’elle lui donna ne fut pas celle qu’il attendait… Ce n’était pas une bonne idée. Il commençait à se rendre compte que peut-être avait-elle raison. Après tout, il ne la connaissait pas aussi bien qu’Isaac. En tout cas, c’était ce qu’elle avait voulu lui faire comprendre. Malgré les larmes qui coulaient sur son visage, l’envie de la prendre dans ses bras fut moins forte que celle de se laisser emporter par la colère « On ne va pas faire de cérémonie à l’hôpital… Mais je pense que tu as raison, on va attendre un peu. Qui sait, je me ferais peut-être tuer par un autre trafiquant de drogue entre temps… ». Il ferma les yeux en remarquant que ses paroles dépassaient sa pensée. Il lâcha la main de Jo lorsqu’elle lui avoua partir « Je crois que j’ai besoin de temps pour faire le point, en effet…Tu devrais en profiter pour aller voir Isaac, qu’il te dise que tout ira bien. Il ne sera pas contre l’idée de te protéger ». Oui, il était dur voire même méchant. Mais apprendre que sa petite-amie avait davantage fait confiance à ce type plutôt qu’à lui, qu’à celui qui allait être le père de son enfant, qui était là chaque jour pour prendre soin d’elle, oui, il avait du mal à digérer. Et comme si tout cela ne suffisait pas, elle refusait de l’épouser. Alors dans son esprit épuisé, malmené par les médicaments, l’opération, le traumatisme de l’agression, d’apprendre que tout ça, était lié de près à Jo, ça faisait beaucoup pour un homme qui aspirait à une vie tranquille avec celle qu’il aimait. Elias commençait à craindre pour leur avenir. Et si un autre dégénéré de son passé revenait dans sa vie et qu’il s’en prenait à leur fils… Il posa son regard sur la jeune femme « Rentre bien »

« -ne t’excuses pas, c’est exactement ce que tu voulais dire. » répondit Jo le coeur serré. « -non, toi tu es celui qui a su me faire découvrir un autre monde, qui m’a aider à changer, qui m’a tendu la main au moment où j’en avais le plus besoin. Celui que j’aime aujourd’hui, plus que tout au monde. » A nouveau elle leva les yeux vers le plafond, elle était épuisée de pleurer sans cesse. De plus, elle ne voulait pas qu’il reste gentil simplement parce qu’elle avait les larmes aux yeux. Autant qu’il dise ce qu’il avait sur le coeur. Ça ferait mal, comme à chaque fois qu’ils se prenaient la tête, mais au moins ça serait dit.

A nouveau, Elias ne la comprenait pas. Il ne saisissait pas que ce qu’elle venait de lui dire n’était pas un refus catégorique. Ça n’était pas le mariage en lui même qui lui faisait peur. Mais plutôt qu’il ait fait sa demande parce que lui il avait eut peur. Jamais elle n’avait pensé qu’il lui ferait cette demande. Mais la tournure que prenait les éventements n’était pas favorable à ce qu’elle lui dise oui.

« -j’espère sincèrement que tu ne penses pas ce que tu dis. Je suis en train d’être sincère avec toi, de t’expliquer ce qui s’est passé, de te demander de me pardonner et toi tu me fais une crise de jalousie ? » Elle le fixa du regard pendant quelques instants, tentant de ne pas se laisser dépasser par la colère. Jo aurait tant aimé qu’il comprenne. Mais c’était hors de sa porté visiblement. Dans le fond, elle avait fait tout ça par amour. Lui n’y voyait qu’une trahison. Elle répliqua portant : « - tu n’es pas l’agent du fbi qui m’a mise en prison, mais je ne suis pas non plus celle qui t’a trompé. » Elle faisait bien entendu référence à Holly. Tant qu’il était sur le sujet des ex. « -je t’aime Elias. Je ne pensais jamais être capable d’aimer ainsi. Mais ça ne suffit pas à tout pardonner je m’en rends bien compte. Alors je vais partir, te laisser faire le point comme tu dis, tu n’aura qu’à me dire quand je pourrais revenir ou bien quand m’a présence te sera plus supportable. » Elle avait dit tout cela avec une rage dans le creux du ventre. Elle avait envie de lui hurler au visage qu’elle était désolée, qu’elle était loin d’être la parfaite petite Holly si parfaite à l’extérieur et vide à l’intérieur. Au lui de ça, elle tourna les talons portant une main sur son ventre en stoppant net sa marche.

Une vive douleur venait de la traversée, lui coupant le souffle. Jo grimaça avant d’avancer de quelques pas jusqu’à la porte avant de poser sa main gauche sur le montant. Sa main droite sur son ventre, à nouveau elle grimaça, laissant passer un gémissement. Elle baissa les yeux sur ses jambes en collant, sentant quelque chose couler le long de sa peau. « -ya un problème avec le bébé... » souffla la jeune femme en réalisant que c’était du sang… Une nouvelle douleur lui arracha un cri et elle se laissa glisser sur le sol. « -Eli appelle quelqu’un... » cri Jo le souffle court. Si elle perdait le père, elle ne voulait pas perdre l’enfant.

Elias était noyé dans un tourbillon d’émotions contradictoires qu’il ne parvenait pas à contrôler. Son esprit, ses pensées, son cœur étaient altérés et il ne parvenait pas à contenir ce qui sortait de sa bouche. Il se montrait dur, blessant, voire même brutal avec les mots et il savait que lorsque l’orage serait passé, il s’en voudrait la mort dans l’âme. Mais pour le moment, il était à milles lieux de se soucier des conséquences de cette dispute. Malgré les mots d’amour que pouvait lui dire Jo, il était comme un taureau devant lequel on agitait la muleta. Il semblait bien loin de cet homme qui avait su être doux et prévenant avec celle qui avait donné une autre définition au mot amour. En entendant ces mots, Elias aurait pu se taire, se dire que tout cela ne valait pas de s’énerver, que le plus important, c’était qu’ils étaient sains et saufs. Il en était incapable. Était-ce la douleur ? Ou tout cette affaire qu’il prenait pour une trahison ? Un manque de confiance ?

« Tu aurais apprécié que Holly me protège ? S’occupe de moi pendant que tu étais en train de te battre pour vivre sur la table d’opération ? J’en doute, tu vois ! ». C’était bas… Très bas même. Mais il fallait croire qu’en cet instant, c’était la seule chose dont il était capable. Parce qu’il souffrait, physiquement parce que la morphine ne semblait pas vouloir faire effet, mais aussi émotionnellement parce qu’il avait l’impression, qu’à chaque parole, il était en train de franchir le point de non-retour avec Jo qui se montrait doué dans les coups bas, elle aussi. Il lui lança un regard noir alors qu’il porta sa main à sa blessure, épuisé.

Elias n’était pas le seul à se laisser malmener par ses émotions et il commençait doucement à prendre conscience de tout le mal qu’il était en train de lui faire. Est-ce qu’elle avait raison finalement ? Est-ce que l’amour qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre n’était pas assez fort pour tout pardonner ? Il resta donc silencieux face à ces mots et la laissa partir. Enfin, ce qu’il pensait qu’elle était en train de faire avant qu’elle ne s’arrête. Il fronça les sourcils, puis poussa un soupir « Jo, je n’ai pas envie de continuer à… ». Puis il vit la grimace de douleur se dessiner sur le visage de sa petite-amie alors que sa main était posée sur son ventre. Puis ce gémissement… Et son cœur rata un battement en voyant le sang couler. Elias appuya sur le bouton d’alerte alors qu’il s’extirpa de son lit en urgence. Peu importe sa blessure, ses points. Tout ça n’avait aucune importance. Il passa une main autour de Jo alors qu’elle se mit à crier de douleur « Je suis là…Tiens le coup…Ils arrivent » alors qu’il leva son regard sur l’infirmière qui venait d’entrer dans la chambre « J’ai besoin d’aide ! ». Il posa ses mains sur son visage et ancra son regard dans le sien « Tu n’as pas intérêt à me laisser, tu comprends ?! Je suis désolé pour tout ce que je t’ai dit, je t’aime plus que tout et je ne veux pas te perdre, ni toi, ni notre bébé » alors qu’il était complètement en panique devant la situation. Les médecins le firent reculer alors qu’ils l’allongèrent sur un brancard « Je dois venir… », mais l’infirmière déblatéra des conseils sur son état à lui, sur ses points, mais il n’écoutait pas. Tout ce qui lui importait, c’était elle… Il était responsable de tout ça et s’ils perdaient le bébé par sa faute, par son égo mal placé ? Ses jambes se dérobèrent sur lui et ce fut l’infirmière qui le rattrapa de justesse pour le faire s’asseoir. Il enfouit son visage entre ses mains et laissa les larmes couler. Il ne voulait perdre ni l’un, ni l’autre.

Comme il était bientôt l’heure du déjeuner, Daryl était passé acheter pour Elias un délicieux burger avec des frites. La bouffe de hospital… voilà quoi bien moins appétissant que les infirmières. D’ailleurs il avait passé une excellente soirée en compagnie de Maureen. Même si le programme avait été bien différent de ce qu’il avait prévu à la base dans sa tête. Ils avaient mangé ensemble, et avait passé la plus grande partie de la soirée à discuter. Au final, ils étaient rentrés chacun de leur côté. Et étrangement, Daryl avait passé une superbe soirée. Du coup, c’était presque timidement qu’il avait levé la main en la voyant sur le parking. Quelques mots échangés alors qu’elle l’avait rejoint elle pour aller travailler, lui pour prendre des nouvelles de son pote.

Mais au moment où ils débarquaient dans le couloir de la chambre d’Elias, Daryl cru que son coeur allait lâcher. C’était quoi se bordel d’infirmière devant la porte ?! Le sac de bouffe termina dans les bras de Maureen sans qu’il lui demande de le tenir, et il se mit à courir pour savoir ce qui était en train de se passer. Il vit le brancard sortir de la chambre avec une Jo livide allongée dessus et il s’écria : « -Jo ! Jo ! qu’est ce qui se passe ?! » Mais un infirmier se posta devant lui en lui demandant de les laisser faire leur job. « -non mais vous comprenez pas ! » lança il alors qu’il tentait de passer quand même. Mais Jo était déjà loin, alors il tourna la tête vers la chambre, et là c’était Elias qui était aussi pale qu’un mort. « -Merde Eli c’est quoi ce bordel ?! » demanda il en rentrant en trombe dans la chambre. « -qu’est ce qui se passe c’est le bébé ? Et qu’est ce que tu fou hors de ton lit ?! » Non mais ils allaient lui faire avoir des cheveux blancs avant l’âge ces deux là ! Pire que des gosses ! Et dire que c’était eux qui allait en avoir un !

Daryl fit signe à l’infirmière que c’était bon, il s’occupait de son pote, pas la peine qu’elle l’aide à se remettre au lit, il allait le faire. Il lui fit juste un petit signe genre piqûre histoire de calmer Elias. Le gardien de prison passa ses bras autour de son ami pour le soutenir et l’aider à se recoucher. « -tu m’expliques ? Parle moi pourquoi tu chiales ? Détends toi ok, tu respires et tu me claques pas dans les doigts merci! » ça n’était pas très délicat mais il avait peur là, pour Jo pour le bébé, pour Elias aussi.

Tous ces mots qui avaient dépassés sa pensée. Toutes ces paroles qui avaient été dures et qui avaient blessé la femme qu’il aimait… Cette rage qui avait grandi et l’avait envahi tout le long de leur dispute qui ressemblait davantage à un combat pour savoir lequel serait le plus blessant… Et voilà que par sa faute, à lui seul, il risquait de perdre Jo et leur enfant… Cette peur qui l’étreignait, l’empêchait presque de respirer. Une enclume s’était posée sur sa poitrine et ses jambes ne parvenaient plus à le maintenir debout. Les larmes coulaient sur son visage et il ne prit même pas la peine de les essuyer. Il ne releva pas la tête en entendant la voix de son ami. Il était dans son monde et ne parvenait pas à en sortir. Tout était allé si vite… Elias se laissa conduire jusque dans son lit malgré lui, mais il n’avait pas l’envie, ni la force de combattre contre Daryl. Pas en cet instant, pas aujourd’hui.
En entendant la question de son ami, il posa son regard embué de larmes dont il en essuya les traces vulgairement d’un revers de main « Je suis responsable. Tout est de ma faute. Je l’ai poussé à bout et maintenant, je risque de tout perdre, tout ce qui compte pour moi ». Il resta silencieux le temps que l’infirmière lui administre un sédatif pour tenter de l’apaiser et posa la tête sur son lit, les poings serrant le draps avec force. Il avait dépassé le stade de la simple culpabilité. Il se détestait « Mon agression dans la prison était calculée et … Jo m’a expliqué que c’était dû à son passé, qu’elle avait reprit contact avec son ex pour l’aider à se sortir de ce guêpier… Et je lui en ai voulu. Je lui ai dis qu’elle était responsable de ce qui m’était arrivé, de mon agression, que je n’avais pas aimé l’idée qu’elle voit son ex… J’ai été méchant et d’autant plus lorsqu’elle m’a fait comprendre qu’elle ne voulait pas m’épouser tout de suite, qu’elle s’en voulait trop… Je n’ai été qu’un enfoiré de première qui n’a pensé qu’à alors que… » Les larmes se remettaient à perler au coin de ses yeux au simple souvenir de tout cela « Elle voulait me protéger et moi… Je n’ai rien vu de tout ça. Mon égo en a pris un coup… » Il tourna la tête en sa direction « Je ne veux pas la perdre Daryl… ». Il ne serait pas capable de surmonter une telle chose, une telle souffrance.

Sur un coup de tête, Elias s’extirpa de son lit, une main sur ses blessures et l’autre contre le mur et s’avança de quelques pas « Je dois la voir… ». Légèrement vouté, à bout de force et sentant le sédatif faire son effet, il puisa dans ses dernières forces, mais ne parvint pas à s’avancer davantage, se laissant glisser au sol. Une jambe tendue pour soulager sa blessure, et l’autre relevée, il appuya son coude contre cette dernière, sa main se perdant dans ses cheveux en bataille et se mit à pleurer de nouveau « Daryl… Je ne veux pas la perdre et perdre notre bébé… Je ne veux pas… Je ne peux pas… » et laissa glisser son front contre son genou, son corps prit de soubresaut sous les sanglots.

Daryl avait du mal à tout comprendre. De quoi parlait Elias exactement en lui disant qu’il avait poussé Jo à bout ? Ils s’étaient engueulés visiblement, et comme à chaque fois que ça arrivait, Elias avait fait sortir le connard qui sommeillait en lui ? Jo n’était pas tendre lorsqu’elle s’y mettait. Ils allaient vraiment falloir qu’ils apprennent à gérer ça parce que ça devenait vraiment chiant ! Daryl n’était pas diplômé en psychologie de couple ! Loin de la même ! C’était dingue comme Jo et Eli était capable de le faire rêver sur une vie à deux pleine d’amour et de complicité, et en l’espace de quelques secondes, le faire revenir sur terre et se dire que non, en fait c’était trop de la merde. Que vivre solo c’était bien moins de prise de tête. « -calmes toi. » répliqua Daryl en prenant place à côté de lui, les coudes posés sur les genoux, les mains jointent sous son menton.

A ba voilà ! Jo lui avait tout expliqué. Elle était là la raison de l’embrouille. Et lui, là il se demandait s’il fallait qu’il balance à Elias qu’il était au courant. Ça allait lui retomber sur le coin de la gueule tout ça. Mais en même temps, fallait bien qu’il agisse là, sinon Elias allait encore faire une attaque ! Il avait de bon argument de toute façon. C’était pas à lui de lui dire. Il avait tenté de la retenir. Elle était méga flippante lorsqu’elle était déterminée comme jamais. Au moins maintenant c’était finit toute cette histoire. Il n’eut pas le temps d’en placer une de toute façon. Elias parlait et parlait encore, se lapidant dans tout les sens.

D’un bon Daryl se leva pour récupérer Elias qui était en train de s’écrouler sur le sol. Lentement il l’accompagna, s’il était mieux part terre que dans son lit, c’était à lui de voir. « -tu comptes aller où comme ça le cul à l’air dans ta petite chemise de nuit ! » lui balança il au visage. Ça commençait à le gaver tout ça. « -tu va pas la perdre d’accord ? On est dans un hôpital et ils vont gérer. » Ils avaient plutôt intérêt sinon il allait s’occuper du médecin personnellement. Hésitant quelques secondes, il posa une main sur l’épaule de son ami, respectant un silence alors qu’il pleurait. « -je te remets au lit, tu va avoir les burnes aussi grosses que des noisettes à rester le cul par terre, aller lèves toi Eli. » Sans attendre plus, il se saisit de son pote et le remit au lit. « -voilà bien au chaud, tu bouges je demande à ce qu’on t’attache au lit. » et c’était pas des paroles en l’air.

Un soupir alors qu’il reprenait sa position initiale dans le fauteuil. Puis il lâcha enfin : « -elle t’a tout raconté… » Il se gratta la nuque quelques secondes, cherchant comme désamorcer la bombe. Fil bleu, fil rouge… ça allait lui péter à la gueule ! « -c’est mieux que tu sois au courant plutôt qu’elle t’ait mentit encore et encore non ? » Il ajouta après un nouveau soupir : « -j’ai essayé de la dissuader. De le retenir mais c’est une vraie tête de con lorsqu’elle s’y mets ! Sincèrement, son ex j’étais pas chaud du tout non plus mais après je me suis dis que c’était mieux qu’il soit là pour la protéger plutôt que d’y aller seule. Il a géré puisqu’elle est revenue entière et pour ça, même si tu l’aimes pas, tu devrais lui dire merci » ça lui arrachait un peu la gueule de dire ça, mais c’était la vérité.

Tous ces évènements en l’espace de quelques jours à peine, c’était beaucoup trop pour lui. Il était épuisé psychologiquement, physiquement et émotionnellement. Plus rien ne tournait en rond à l’intérieur de lui. Il perdait pied et craquait plus vite qu’une allumette. A bout de force, il se laissa donc guider par son corps qui ne semblait plus vouloir écouter, plus vouloir avancer, mais plutôt se laisser glisser contre le mur de sa chambre. Il ignora les paroles de son ami qui jouait la carte de l’humour alors qu’il n’avait pas la tête à rire, loin de là. Désemparé, c’était le mot qui correspondait davantage à son état d’esprit en cet instant. Et lorsqu’il tenta de le rassurer, il avait envie de le croire. Il avait envie de lui dire qu’il avait raison, qu’elle allait vivre, elle et leur enfant, mais pourtant, il avait cette crainte au fond de l’estomac qui le tiraillait… Ne contrôlant plus rien, il laissa les larmes couler et à bout de force, se laissa reconduire jusque dans son lit par Daryl. Il n’avait pas la force de combattre contre lui, de le contredire. Sa tête posée contre l’oreiller, il fixa le plafond d’un blanc immaculé et resta ainsi un moment, puis Daryl ouvrit de nouveau la bouche. Il eut une drôle d’impression en l’entendant.

Elias tourna lentement la tête en direction de son ami. Était-il au courant ? Mais il eut bien vite la confirmation alors qu’il s’expliquait. La vérité était-elle mieux qu’un long mensonge ? Il poussa un soupir et fixa de nouveau le plafond blanc de sa chambre alors qu’il le laissa poursuivre sans un mot. Le sédatif semblait faire effet alors qu’il se sentait se détendre peu à peu. De nouveau, il tourna la tête en sa direction « On ne parvient pas à se comprendre lorsqu’on se dispute… C’est comme si on tentait de se détruire… que je tentais de la détruire à chaque fois… J’aurais dû lui dire que tout ce qui m’importait, c’était qu’elle était saine et sauve… Mais j’ai fait tout le contraire et maintenant… » Il ferma les yeux, inspirant profondément et tourna la tête en direction de Daryl « Elle va m’en vouloir jusqu’à la fin de sa vie. Et si elle se rendait compte que finalement j’étais néfaste pour elle ? Pour le bébé ? Que tout ce que je savais faire, c’était la détruire à petit feu, la faire pleurer ? Je vais faire quoi moi sans elle ? Avant de la connaître, je me disais que ma vie de célibataire me convenait parfaitement et maintenant, je ne peux même pas imaginer vivre sans elle… » Il eut un petit rire à la simple pensée de lui il y a quelques années qui ramenait une fille différente presque chaque soir, qui passait ses soirées avec le type à ses côtés à boire des coups et draguer des minettes. Et voilà que maintenant, il n’imaginait pas revivre cette vie-là, ne serait-ce qu’une seconde et même si il avait été hors de lui quelques heures auparavant et qu’il en avait voulu à Jo « J’ai besoin de savoir si elle va bien ».

« -oh hé doucement garçon. Arrête de t’en vouloir comme ça. Je pense pas que tu sois le pire connard qu’elle ait connu dans sa vie. » Daryl appréciait vraiment Jo, il lui avait dit, elle était un peu comme sa petite sœur maintenant. Mais il n’oubliait pas d’où elle venait, ce qu’elle avait fait par le passé, et où ils l’avaient rencontré. Il avait vu son regard l’autre soir, et rien que d’y penser il en avait encore des frissons. Elle avait une part d’ombre en elle, et ça serait toujours le cas. Ce qu’il fallait retenir de toute cette histoire, c’était qu’elle n’avait pas cédé, elle était revenue vers le bon côté de la force ! « -tu peux pas t’en vouloir à mort de réagir comme ça. C’est humain, t’es humain non ? Bon ba voilà ! » Daryl tentait de faire sourire Elias, même il savait que c’était peine perdue.

« -tout les couples se disputent. c’est ce qui fait que vous êtes un couple, parce que avec une nana d’un soir, t’as pas le temps de te prendre la tête. » Elias en rajouta une couche et Daryl baissa les yeux. L’heure était grave. Finit la déconnade, il fallait sortir la grosse artillerie. « -bon ok ferme là tu dis de la merde en boite ! Tu dormais là dans ce putain de lit, et elle, elle était là avec moi à pleurer toutes les larmes de son corps parce qu’elle voulait pas te perdre, parce qu’elle t’aime, parce que c’était sa faute et j’en passe ! Elle commence à te connaître assez pour savoir que lorsque tu paniques tu deviens chiant avec tes monologue et que lorsque tu es en colère tu deviens con, méchant et tu appuis bien là où ça fait mal. » Daryl était plus que sérieux parce que ça lui brisait les bonbons toutes leur connerie. « -vous vous aimez à en crever. Vous aimez juste vous compliquer la tache ! » lança il en se levant d’un bon avant de conclure : « -et vous commencez à me faire vraiment chier l’un comme l’autre avec tout ça ! Merde ! »

Il fit trois pas vers le couloir, à la base il allait se tirer pour aller boire un café ou un truc du genre, mais Elias lança sa dernière supplique. Alors une fois dans le couloir, il récupéra un fauteuil roulant dans lequel il avait mit un coup de pieds rageur avant. « -tu mets ton cul là dedans. Tu bouges et tu parles quand je te le dis. Sinon je te balance en gériatrie avec les vieux. » Il était en colère contre lui même d’être en colère ! Mais c’était chiant quand même de le voir s’aimer si fort et se faire tant de mal par amour. C’était du gros n’imp ! « -bouges pas de la dedans, je vais voir si Maureen peut me dire où ils l’ont emmené. »

Quelques secondes plus tard, il revenait un peu plus calme, posant les mains sur le fauteuil il balança : « -c’est moi qui conduit. » avant de faire rouler Elias pour l’emmener en gynécologie. « -sincèrement Eli, faut que vous en parliez, que vous trouviez un truc pour vous désamorcer quand vous êtes comme ça. Le bébé il va faire quoi là au milieu hein ? » Puis inspira et ajouta pour se détendre lui autant que l'ambiance: "-je déteste lorsque tu me mets dans un état pareil!" avec son petit ton de comédien.

« Nous ne sommes jamais aussi mal protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons » - FREUD.

Peut-être qu’il n’était pas le pire connard qu’elle ait rencontré dans sa vie, mais il était celui qui pouvait lui faire le plus de mal, parce qu’ils s’aimaient et qu’à cause de ça, elle n’était pas protégée contre ses mots tranchants et ses gestes blessants. Mais il se tût et ne répondit rien à Daryl qui tentait seulement de lui tendre la main, de lui faire comprendre qu’il n’était qu’un Homme et comme tout Homme, il était normal de réagir ainsi. Mais ce n’était pas ce qu’Elias ressentait. La mort dans l’âme, il revoyait encore Jo gémir sous la douleur, il voyait encore le sang couler sur sa jambe… Il voyait aussi ses larmes un peu plus tôt car elle se sentait coupable de tout ce qui leur était arrivé ces derniers jours. Alors, sans esquisser le moindre sourire à sa touche d’humour, il laissa sa tête retomber un court instant sur l’oreiller. Comment pouvait-elle accepter de l’avoir à ses côtés après ça ? Lorsqu’il en fit part à Daryl, sa réaction ne se fit pas attendre et Elias sursauta presque en l’entendant lui dire de la fermer. Au moins c’était clair. Un nouveau sursaut lorsqu’il se leva d’un coup, sortant de ses gongs comme rarement cela se produit. Elias resta bouche-bée devant la réaction de son ami durant un instant, puis lui avoua qu’il voulait simplement la voir…

Elias l’observa s’avancer jusque dans le couloir, puis fronça les sourcils en remarquant le coup de pied qu’il venait de mettre dans le fauteuil roulant qu’il lui apporta « Qu’est-ce que tu fais ? », mais il eut bien vite sa réponse et se mit à sourire pour la première fois depuis le début de la journée alors qu’il prenait difficilement place dans le fauteuil, la main sur ses blessures. Puis de nouveau, les sourcils au milieu du front. Maureen ? C’était qui ?

Le quarantenaire ne bougea pas du fauteuil, observant les aller et venues devant sa chambre, puis posa son regard sur Daryl qui revint vers lui. Un moment silencieux, il leva la tête en sa direction, un petit sourire en coin « C’est qui Maureen ? ». Il était parvenu à attiser sa curiosité mal placée. Puis Daryl évoqua de nouveau sa dispute avec Jo, et son sourire disparu bien vite, le regard baissé sur le sol qui glissait sous son fauteuil « Je sais… » avant de poser sa main sur celle de Daryl « Je sais mon bichon. Je me ferais pardonner ». Il se sentait plus léger en sachant qu’il allait pouvoir voir sa petite amie. En entrant dans la chambre, aidé par son ami, son regard se posa sur la jolie brune et il fit signe à Daryl de l’approcher du lit. Il se saisit de sa main, déposa un long baiser sur sa peau et malgré la douleur, se pencha un peu plus pour caresser ses cheveux « Jo… C’est moi… Je suis tellement désolé… ».