Eric réfléchit un peu. Une vie suffirait-il pour tout voir ? Il en doutait fort. Mais peut-être que la vie d’une sirène était plus longue que celle d’un faible humain ? Il ne l’avait jamais demandé, mais cela serait logique qu’elle lui survivre. Il faudrait qu’il s’en inquiète, dans vingt ou trente ans, dans ses eaux là. Pour le moment, elle parlait de leur vie, ensemble, et Eric savait la réponse qu’il devait donner à cette question.

- Une vie ne serait pas suffisant pour tout voir, cependant on peut faire en sorte de s’occuper que des meilleurs choses, des plus belles, ensemble, et ainsi nous ne pourrons avoir aucun regret.

Il se demandait comment les sirènes mourraient. Il prit la main et la porta à ses lèvres comme pour sceller la promesse qu’il venait déjà de faire. Lui montrer le meilleur et le plus beau. Lui, il n’avait plus besoin d’aller ailleurs qu’auprès de sa sirène. Il sourit joyeusement et se demanda si cela faisait de lui un nigaud … peut-être, certainement, aux yeux de beaucoup, mais alors ? Il était bien heureux comme un nigaud heureux. Grignotant un peu, il sourit encore.

- Je crois, sans me tromper, que je suis le premier humain à avoir eu le droit d’être sauver par une sirène. Le reste du temps, on se sauve nous-même, ou on meurt, fit-il plus grave.

Peut-être était-il mort sur le bâteau ? Le coup sur la tête le faisant délirer d’une histoire bien plus belle avant qu’il ne lâche son dernier soupir. Il prit un raisin. Bah. Au pire si c’était ça le paradis, il ne voyait pas de raison d’en partir alors. Mangeant doucement, il observa le lac et attendait que la jeune femme eut manger, au moins un peu, avant de se relever.

- Allons nager, dit-il alors qu’il commençait déjà à enlever son haut, son bas et ses bottes pour ne rester qu’avec un caleçon bouffon de couleur noir.

Il se fit la réflexion que la jeune femme ne l’avait jamais vu si peu vêtu, mais qu’aussi tous les tritons qu’il avait vue étaient torse nu. Cela ne devrait pas trop la choqué, il l’espérait. Il fit un regard vers elle doucement en censurant et repoussant toutes les idées perverses qui auraient pu éclore. Loin … LOIN de lui tout ça. Il n’était pas là pour ça. Et il avait trouvé la seule femme au monde avec qui il ne pourrait s’ébattre sans une discussion au préalable sur la reproduction humaine. Il sourit et lui tendit la main pour la lever.

- Enleve donc tes chaussures et ta robe, sinon elles seront mouillées pour repartir. Je vais t’apprendre à flotter comme un humain, à couler aussi et à profiter de la natation.

Puis … la jeune femme était une sirène de mer, salé, avait-elle déjà été dans un lac pur avant ? Il allait le découvrir sur le champ.

Une vie ne peut suffire pour tout voir du monde. Ariel s'en étonne. La terre est-elle donc aussi vaste ? Il est vrai que les mers le sont, mais tout s'y ressemble, ou presque. Des poissons, des coraux, des mollusques... Les paysages ne sont pas très variés, selon elle. Peut-être est-ce parce qu'elle a grandi là-dedans, qu'elle n'a plus aucun secret à en découvrir, que la mer ne parvient pas à titiller son intérêt. Pourtant, pour beaucoup, il y a milles choses à découvrir sous la surface. Elle ne doute pas que pour Éric, il puisse y avoir plein d'interrogations sur ce monde sous-marin qu'il ne connaît pas. Peut-être qu'un jour elle pourrait le découvrir avec lui, le voir d'un œil nouveau. Elle serait heureuse de le voir aussi émerveillé par son monde qu'elle pouvait l'être par le sien. Ce serait sans doute une belle découverte aussi et puisque son père lui a donné des jambes, il peut sans aucun doute offrir une nageoire à un humain. Surtout si sa fille le lui suggère. Ou le lui demande. Provisoirement.

"- La terre est donc aussi grande ?" souffle finalement la princesse en l'observant.

Est-il le seul humain à avoir été sauvé par une sirène ? Est-il la seule âme arrachée aux flots par une de ses propres créatures ? Peut-être. Il semble le croire, en tout cas. Ce qui est certain, c'est qu'aucun des habitants d'Atlantica n'aura sauvé le moindre humain au cours des dernières années. Pas depuis 15 ans. Pas depuis que la reine Athena est décédée. Sa propre mère. Son père n'a plus jamais autorisé aucune sirène à se rendre à la surface après ça.

"- Les sirènes d'Atlantica évitent d'aller à la surface aujourd'hui, mais peut-être qu'autrefois..." suppose-t-elle. "Seulement, aucun humain ne l'aura su. Nous ne sommes pas supposés vous laisser nous voir." explique-t-elle.

Bien sûr, elles ne sont pas non plus supposé tomber amoureuse des humains, mais... Elle aura, avec lui, enfreint toutes les règles de son monde. Elle ne le regrette pas le moins du monde. Parce qu'aujourd'hui, elle peut vivre heureuse auprès de son prince et goûter à tous les plaisirs de ce monde dont elle a toujours rêvé. Comme le raisin, qu'elle glisse entre ses lèvres.

Se relevant comme il propose d'aller nager, elle l'observe retirer ses vêtements les uns après les autres, avant qu'il ne lui expose la nécessité de retirer ses propres habits. Pour elle, évidemment, ça ne semble pas naturel. Jamais il ne lui serait venu à l'idée d'enlever son soutien-gorge de coquillage pour aller se balader en mer mais il explique immédiatement que ses vêtements seront mouillés si elle ne les retire pas. La sirène enlève donc sa robe ainsi que ses chaussures, avant de désigner le corset et la robe blanche qu'elle porte sous sa robe.

"- Et ça ?" s'enquit elle.

- La Terre est grande. Pas autant que l’Océan, mais la différence, je pense sont les cultures et la manières dont les hommes ont inventé leur monde.

Ici, il y avait une telle culture, plus loin, une autre. Il y avait différents langages, différentes idoles, différents Dieux. Dire que l’humanité se résumer qu’à lui, Eric Prince de son pays, serait dommage. Oh, bien sûr beaucoup de ses compatriotes voudraient que Eric marche sur des nouvelles terres et en déloge ceux qui y habitent, mais il le refuse. Le monde était à tout le monde, et Eric était aussi fasciné par la découverte d’une nouvelle culture que par la découverte de l’existence des sirènes … il refusait, tout simplement, de ne voir le monde de derrière ses lunettes.

- Les sirènes ont dû être présenté aux hommes, à un moment où à un autre. Sinon, comment pourrions nous savoir que vous êtes un mythe ? Maintenant que tout le monde le sait, le monde va changer, mais mon peuple vous protègera pour ceux qui seront assez stupides pour vous vouloir du mal.

Tout comme certaines personnes voulaient qu’Eric éradique les indiens, certaines personnes avaient déjà émis l’hypothèse de tuer les sirènes et de récupérer leur magie. Bien évidemment, il faudrait le tuer avant qu’il n’accepte une telle chose. Eric avait foi en une grande partie de l’humanité. Il continuerait et prouverait que le monde peut être beau, même pour une sirène qui ne connait encore rien à la cruauté du monde. C’était aussi pour ça, qu’il lui proposa d’aller nager. Lui montrer comment le monde est différent entre eux, mais comment il peut être relié, d’une certaine manière. Une fois en caleçon, il regarda le corset et fit un hochement de tête.

C’était ça, ou être une bête avec un désir sexuel trop profond.

Il secoua alors la tête et s’approcha doucement pour tirer sur le lacet du corset. Elle était une sirène, une douce et magnifique sirène qui ne s’habillait que de coquillage avait-il comprit. Lui mettre un corset … Un corset qui comprimer le corps de la jeune femme, c’était une honte à sa nation. Il tira encore sur le lacet pour l’aider à l’enlever.

- Oui, ce machin là aussi. Aimes-tu avoir ça ? Si tu veux ne plus en mettre, tu n’as qu’une chose à dire et tu n’en mettras plus jamais, fit-il en desserrant les lanières.

Le corset était attaché dans le dos. Il lui fallait bien de l’aide pour l’enlever sans se blesser. Il tira dessus et évita de penser à tout ce qui n’allait pas dans l’histoire pour la bienséance. Une robe blanche allait être transparente dans l’eau. Un petit regard se fit sur la zone. Ils étaient seuls. Et ils savaient se contrôler. Et il avait diablement envie de la voir sexy comme jamais.

Il ne pouvait rien faire. Il ne devait rien faire. Mais il pouvait en profiter un peu. Un tout petit peu. Il passa les mains pour lui enlever le corset et passa ses bras sous les jambes de la jeune femme pour la porter comme la princesse qu’elle était. Il l’embrassa avant toute chose en laissant échapper un sourire dans son acte.

- Ariel, fit-il doucement, je pense que tu me tueras.

Il frotta son nez contre le sien et se rapprocha du lac pour y rentrer doucement. Il la tenait encore et la pencha pour qu’elle puisse y glisser les pieds quand elle se sentirait prête.

- Nous n’aurons plus pied arriver aux cailloux là -bas, fit-il en montrant le caillou en question, en attendant tu peux juste profiter de la sensation de l’eau sur ton corps.

Prendre un bain froid pour éviter de regarder le corps de la jeune femme et s’imaginer faire des choses indécentes ? C’était la meilleure idée qu’il eut. Il attendit qu’elle trouve le courage avec un sourire qui cachait bien le désir qu’il ressentait pour elle. Ses yeux le trahissaient peut-être, mais il se défendait mentalement en se disant qu’elle ne pouvait pas avoir idée de ce que cela signifier. Pour une fois son ignorance l’arrangeait bien.

La Terre est grande, affirme-t-il, et si elle l'est moins que l'Océan peut l'être, il pense que les cultures y sont plus diversifiées les unes des autres. Il y a beaucoup à voir, alors, sur Terre et trop peu de temps à vivre pour tout faire, tout essayer, tout tenter. Malheureusement pour elle, Ariel ne peut qu'espérer en voir le plus possible, sans qu'il ne lui soit accessible de tout voir, tout découvrir, tout visiter. Cette pensée semble défaitiste. Et ne lui ressemble pas. Elle la chasse alors aussi loin que possible, gratifiant son prince d'un large sourire à la place. Peu importe qu'elle ne puisse pas tout visiter et tout connaître du monde des hommes, elle tâchera d'en voir autant que cela lui sera possible. Avec lui comme guide, elle ne doute pas qu'ils découvriront énormément de nouvelles choses, de nouveau paysages, même si, elle le sait, Eric a un devoir à accomplir. Si elle est princesse, ce n'est pas elle qui est destiné à régner sur les mers. Eric, en revanche, est bien le prince héritier de son royaume et, en tant que tel, une multitude de tâches lui incombent au quotidien, raison pour laquelle ils se sont si peu vus ces derniers jours, bien malgré eux.

"- Hé bien nous verrons autant que nous pourrons en voir..." souffle-t-elle alors.

Il y a forcément un jour où une sirène a été présenté aux hommes, puisque ces derniers ont conscience de leur existence et en ont fait un mythe, la prévient-elle. La demoiselle semble pensive. Si elles ont interdiction de se montrer aux humains, certaines ont peut-être laissé voir leur silhouette en fuyant les rivages. Elle ne peut pas être la seule à avoir caressé le sable avec sa nageoire. Elle ne peut pas être la seule à avoir été à ce point fasciné par la terre, même si tel devait être son destin.

"- Hé bien... Je suppose qu'ils ont pu nous apercevoir quelques fois." admet-elle.

Mais elle est sûrement la première sirène à être devenue humaine. Un tel précédent serait connu aussi bien dans son propre monde que dans celui de son prince, ce qui ne semble pas être le cas. A vrai dire, elle ne peut en être totalement sûre non plus. Sans l'intervention et les mauvaises pensées de la sorcière Ursula, peut-être que jamais personne n'aurait découvert sa vraie nature.

"- On nous voudrais tu mal ?"

La guerre lui est étrangère, une pensée inconnue. Elle n'y a jamais été confrontée et la seule cruauté qu'elle connait est celle contre laquelle son père l'a toujours mise en garde, sans qu'elle n'en ait jamais eu la preuve. Seule Ursula lui avait montré ce que pouvait être la cruauté et elle venait bien de son propre monde, non pas de la terre.

Eric proposant donc de retirer ses vêtements pour pouvoir nager, Ariel ne se fait pas prier, quittant ses chaussures et sa robe avant de désigner les sous-vêtements qui l'encombrent et dont elle ne sait pas si elle doit se débarrasser avant d'aller dans l'eau. Eric semble penser que oui et vient l'aider alors à défaire les lacets du corset qui réduit sa respiration, affirmant qu'elle n'est pas obligé d'en porter si elle ne le souhaite pas. Il est vrai que les tenues humaines sont très étranges pour elle, encore.

"- C'est un peu inconfortable." elle admet. "La domestique serre toujours beaucoup les lacets, je ne sais pas pourquoi. Est-ce que les femmes sur terre ne sont pas supposés respirer, elles aussi ?"

Lui retirant cet objet de torture, l'homme la porte ensuite jusqu'au bord du lac, l'embrassant avant d'oser plonger dans l'onde, affirmant qu'elle allait le tuer sans qu'elle ne puisse comprendre le sens de ces mots, comprendre ce qu'elle avait bien put faire pour lui inspirer de tels propos. Tandis qu'il frotte son nez contre le sien, elle le regarde donc avec incompréhension, avant que son attention ne soit détournée par l'eau comme il l'aide à y entrer.

Il lui faut quelques instants pour s'habituer à ce contact, à la sensation du sable mouillé sous ses pieds, qu'elle n'a jusqu'ici jamais réellement connu, sauf quand elle était sortie de l'eau après s'être transformée. Son attention alors était concentré sur le prince et, à vrai dire, elle n'avait pas vraiment fait attention à toutes les sensations extérieures. Cette fois est différente et elle avance finalement dans l'eau, en ayant bientôt jusqu'à la taille, barbotant joyeusement malgré la robe qui s'humidifie au-dessus du niveau de l'eau, collant sa peau. Puis, enfin, elle commence à nager comme elle le peut, se servant de ses pieds comme s'ils étaient son ancienne nageoire. Force est de constater que la technique, si elle fonctionne, est moins efficace. Moins rapide.

Eric se promit de trouver quelqu’un de confiance, quelqu’un qui la protègerait, pour qu’elle ne se retrouve pas enfermer dans le château tout le temps où il devait faire le prince. Il allait devenir roi, quand son père abdiquera, et il ne pourrait pas faire autant de voyage que ce qu’il espère… Cependant, il pouvait tout mettre en place pour que la jeune femme profite. Avec ou sans lui. Il n’avait aucune envie de définir le sentiment de triste qui le prit au cœur. Sans lui. Il n’y aurait pas le choix pour qu’elle puisse en voir le maximum… et il ferait en sorte de voir la maximum avec elle. Il y avait toujours une réunion des nobles, une assemblée de lord, ou demande de partenariat, qu’il pourrait utiliser pour l’emmener par le monde. Il trouverait bien. Il sourit.

- Des femmes magnifiques pouvant respirer sous l’eau… Si je n’étais pas prince, je pense que j’aurais voulu aussi cacher ton existence pour te montrer le meilleur des humains, fit-il doucement. La différence fait peur. Un homme du peuple aurait eu peur que la personne qu’il aime, le fascine même peut-être, ne vienne à être blesser. Beaucoup sont de bonnes personnes, mais les mauvais existent aussi.

Il fallait l’avouer. Le monde n’était pas si beau et pleines de couleur que le prince l’aimerait. Il faisait un point d’honneur à rendre son pays capable d’accepter la différence, le temps, l’évolution, mais il savait qu’il était un des rare à le tenir à ce point. Maintenant qu’il était marié à une sirène, il devrait faire plus attention aux langues de bois et aux masques.

- Je te protègerais, avec tout ce que je possède, si quelqu’un de malveillant arrive, alors ne t’en fais pas.

Il donnerait sa vie pour elle. Sans sa voix, il était tombé amoureux de son regard. De sa manière de chercher à communiquer avec lui, d’essayer de le comprendre. Il aimait cette curiosité qu’elle possédait sans la moindre intolérance. Oui. Il comptait la protéger, et il le ferait. Non pas parce qu’il est un prince, mais parce qu’il était son mari. Le sujet du corset fut plus léger, plus simple, et il préféra regarder l’objet avec mécontentement.

- C’est une mode, fit-il, les femmes pensent qu’en serrant leur corps, elles auront la taille plus harmonieuse et que les hommes les trouveront plus jolies. C’est devenu une habitude. Toutes femmes voulant trouver un mari se retrouve avec cet instrument de torture. Mais si tu n’as pas envie de le mettre, ne le mets pas. Tu restes magnifique, même sans.

Il ne savait pas s’il avait le droit de faire le compliment. La jeune femme pourrait croire, s’il ne le dit pas, qu’il se fichait qu’elle soit belle à ses yeux… mais elle était belle tout le temps à ses yeux … Et il n’avait aucune envie qu’elle se fasse du mal avec une tenue qui la comprime. Lui-même avait des bottes bien trop serrer contre son pied pour les évènements plus … huppé, et il détestait cela. La simplicité aurait dû être le mot d’ordre de son royaume, avant même la tolérance. Il la laissa aller dans l’eau par la suite et la suivit en nageant à côté.

Certes, il avait encore pied, mais ainsi il était plus facile de la rejoindre et il se mit à ses côtés.

- L’eau, elle te porte, même si tu ne bouges pas. Notre corps flotte. Il faut juste se détendre et utiliser les pieds. Un pied, puis un autre, en envoyant des coups de chaque côté. Il existe plusieurs nages que les humains utilisent. Celle pour se détendre, celle pour aller plus vite, celle pour s’amuser avec les enfants.

Il lui poka la joue et fit un sourire pour lui montrer comment on se mettait sur le dos pour faire un dos crawlé. Il expliqua les différentes manières de faire pour se rapprocher.

- Le plus souvent, moi j’utilise la nage pour rester à côté des gens. Je ne suis pas un très bon nageur et je préfère barbotter et m’amuser, fit-il en lui lançant un peu d’eau dessus et en rigolant par la suite.

Si l'homme n'était pas un prince il aurait essayé de cacher l'existence des sirènes au reste de l'humanité. Seulement, il ne le pouvait pas. Il était destiné à gouverner le royaume et naturellement, elle avec lui. Il n'était pas un anonyme, elle non plus de fait, et les évènements ayant conduit à leur future union étaient rapidement devenues un secret de polichinelle. Tout le monde avait bien vu une sirène sauver le prince et ce dernier se battre pour la sauver également. Tout le monde avait vu cette fille sur son rocher, dont les jambes étaient une nageoire, jusqu'au ce qu'elles ne le soient plus. Alors ils l'avaient vu marcher vers le rivage, rejoindre leur prince bien aimé, dans une effusion de joie. Après cela, tout le monde avait raconté l'histoire et petit à petit, les voisins avaient appris l'existence des sirènes. Il devait bien y avoir de par le monde des sceptiques pour ne pas y croire, mais beaucoup en revanche y croyaient ou voulaient le croire.

"- Mais je suis humaine à présent. Pourquoi voudraient ils me faire du mal ?" questionne-t-elle.

On lui avait dit que les humains pêchent les sirènes au bout de leur hameçon, qu'elles font les plus belles prises, même s'il est assez rare qu'elles se retrouvent dans quelques filets que ce soit, car elles sont peu nombreuses à approcher la surface et bien moins nombreuses encore à être habituées de cette pratique et, donc, prendre des risques supplémentaires.

Mais peu importe que l'on puisse lui vouloir du mal ou étudier son cas. Elle est une humaine désormais, nul n'aura rien à gagner à l'étudier. Des jambes en sont véritablement, comme celles de n'importe quel humain et, surtout, Eric promet de s'interposer, de la protéger, si quiconque tente de s'en prendre à elle. Elle veut bien croire qu'il le ferait réellement.

Comme il lui enlève son corset elle écoute des explications, acquiesçant d'un mouvement de tête avant de poser ses mains sur sa taille et les avnacer pour pouvoir en constater l'espacement qu'elle juge d'un regard. Il lui semble que sa taille est suffisamment fine. Elle n'a pas grandit avec les mêmes considérations, à vrai dire.

"- Je crois que je pourrais m'en passer..." souffle-t-elle en même temps qu'il affirme qu'elle est magnifique même sans porter un tel accessoire.

Entrant finalement dans l'eau, la princesse s'habitue à cette sensation avant de pouvoir barboter plus franchement, essayant finalement de nager. Bien sûr, elle essaie de s'y prendre comme autrefois, ce qui ne fonctionne guère et le prince vole à son secours en lui montrant quels sont les gestes à faire pour pouvoir de déplacer. Elle l'écoute attentivement, fascinée par tout ça, par la flottaison notamment. Cela semble formidable et, pour elle, inconnu. Elle a beau nager depuis toujours, tout ça est très nouveau pour elle. La nage des sirènes est quelque peu différente des possibilités qui s'offrent aux humains.

"- Aller plus vite ?" répète la princesse, intéressée.

L'homme l'éclabousse en riant, évoquant le fait de barboter et s'amuser, lançant les hostilités. Surprise, elle répond pourtant en l'imitant avant de se redresser dans l'eau, ignorant la robe blanche qui colle désormais sa peau. Elle cherche à fuir en riant comme il risque de l'asperge de nouveau mais, déstabilisée par une sorte de bute de sable, elle tombe les fesses dans l'eau à proximité du rivage.

"- Mais !" lance-t-elle étonnée en restant assise dans l'eau avant de rire et de recommencer à envoyer de l'eau sur son prince.

- Pourquoi Ursula voulait-elle le trident ? Le pouvoir. Avoir une personne comme toi, c’est avoir le pouvoir de la connaissance. Je ne l’utiliserais pas, bien évidemment. Mais tout le monde n’est pas comme moi.

Ursula était une mauvaise personne. Une mauvaise créature aquatique. Et il existait le mal, autant sur terre que dans l’océan. Il préféra passer à autre chose. Eric lui montra alors les différentes nages doucement, le crawl, la brasse et un peu de nage papillon. Aussi appelé par les enfants « la nage de la sirène ». Il était moins élégant que la jeune femme mais il pouvait au moins montrer un peu de son monde à travers la nage et les jeux. L’éclaboussant avec joie. Quand elle tombe, il essaie de la rattraper mais voyant qu’elle ne s’était pas fait mal, continua de l’arroser.

Il s’approcha en envoyant de l’eau sur elle, encore, et finit par se mettre sur elle, tout dégoulinant de l’eau pour l’embrasser avec passion. Il était un homme faible. Il avait beau essayer de ne rien penser charnellement, il avait envie d’elle. L’embrassa avec passion, il toucha sa jambe et remonta ses mains délicatement vers ses fesses pour la rapprocher de lui.

- Tu es dangereuse, tu le sais ? fit-il avant de repousser une mèche de ses cheveux. Ariel, est-ce que tu sais comment on fait les enfants sur Terre ?

Il fallait qu’il lui demande un jour. Il le fallait car elle était là, en robe blanche et transparente et elle était sa femme. Il avait envie de lui faire l’amour. C’était naturel, non ? Pourtant il avait l’impression d’être sale à penser à la jeune femme de cette manière…

Pourquoi lui voudrait-on du mal ? La sirène s'étonne. Mais Éric ne manque pas de remarquer rapidement qu’Ursula avait bel et bien voulu lui faire du mal pour récupérer le trident de son père. Pourquoi l’avait-elle voulu ? Pour le pouvoir qu'il représentait. Avec le trident, elle aurait eu le pouvoir sur les sept mers et même au-delà. Elle aurait pu faire tout ce qu'elle voulait. Avec la sirène, c’est la même chose, même si elle représente un autre genre de pouvoir. Celui de la connaissance, dont Eric l’assure qu’il ne souhaite pas l’utiliser, avant de préciser toutefois que tout le monde n’est pas comme lui. Non, bien sûr. Certains sont comme Ursula. Prêts à tout pour leurs intérêts. Ariel hoche la tête, en comprenant ce qu’il veut dire.

”- Est-ce que cela signifie… Que je ne suis pas à l'abri ici ?” demande-t-elle avec étonnement, avant de songer qu’elle ne l’était pas plus autrefois, en mer, puisqu’elle avait pu tomber entre les griffes de la sorcière.

Comme il lui montre comment nager telle une humaine et s’amuse à l’éclabousser, la princesse lui rend la pareille, l’éclaboussant à son tour. Comme elle tombe, déstabilisée par une butte de sable, elle continue pourtant à l’attaquer, à répliquer, lui envoyant gaiement de l’eau dessus en même temps qu’il se rapproche d’elle, lui envoyant de l’eau en continu lui aussi.

L’homme la surplombant, venant dérober passionnément ses lèvres, Ariel répond à ce besoin impérieux qu’elle ressent elle aussi, sa main se perdant sur la joue de son prince en même temps. Quand leurs lèvres s’éloignent, un sourire prend place sur son visage et elle le contemple amoureusement quelques instants en même temps qu’il la rapproche de lui, alors que son visage ruisselle encore d’eau. Ses mots la surprennent, comme il l’a embrassée de nouveau.

”- Dangereuse ?” souffle-t-elle sans avoir la moindre idée de ce qu’il veut dire. Elle s’étonne d’un tel propos mais s’étonne davantage d’entendre la question qu’il lui pose. ”Euh… Hé bien il y avait quelque chose là-dessus dans les livres que l’on m’a donné à étudier mais je n’ai pas encore pu… Le professeur préférait travailler l’étiquette, le langage, toutes ces choses-là.”

- Tu es à l’abri, lui affirma-t-il doucement, dans mon royaume, tu l’es.

Il n’y avait personne dans son royaume qui voudrait avoir Eric comme ennemi. Peut-être y avait-il des complots, que serait une royauté sans ses réfractaires, mais il n’y avait aucun risque qu’elle soit blessée. Il y avait plus de partisan du prince que ce qu’il y en avait pour le roi. Il y avait tellement de personnes louant ses mérites et ses décisions qu’il n’avait aucune peur de ses compatriotes. Il avait peur des autres royaumes. Il n’avait pas besoin de lui obscurcir le jugement avec cela et préféra lui faire un doux sourire pour qu’elle oublie tous ses tracas.

C’était pour cela qu’il préférait jouer avec elle, l’aimer dans un sourire, l’honorer par le bonheur que d’avoir peur du malheur. Il avait aussi décidé de mettre en évidence les choses primitifs de la relation homme/femme. Il ne voulait rien lui cacher. Il voulait comprendre et l’aimer pleinement. Bien qu’il soit sexuellement actif depuis longtemps, Eric réalisa qu’il ne se sentirait pas lésé de simplement l’aimer si tel était son choix.

Il l’aimait bien plus que ce qu’il voulait l’admettre en des mots. Elle avait marqué son existence. Par sa voix, au départ, puis par son regard, puis par son existence, et il avait parfois du mal à comprendre comment il avait pu croire aimer une autre. Il avait aimé Ariel sans le savoir. C’était un fait. Une évidence maintenant même s’il ne l’avait pas compris à l’époque. Comme un coup de massue sur le crâne dont on aurait senti la bosse que bien plus tard. L’image n’était pas aussi belle que le sentiment qu’il ressentait. Mais il ne savait mettre de mot plus poétique à ses pensées. Doucement il s’assit dans l’eau à ses côtés et lui prit la main.

- Je me doute qu’ils ont préférés éviter ce sujet. Je connais peu de personnes à l’aise, il soupira pour chercher ses mots doucement en faisant une caresse du bout des doigts sur la main de la jeune femme, je ne sais pas comment se passe la sexualité chez les sirènes …

S’il en croyait son esprit pratique, c’était comme pour les poissons et donc ça devait donner des œufs pondus quelque part, ou comme les dauphins ? Si la sexualité était comme les dauphins alors elle pourrait plus simplement comprendre la reproduction de manière pratique … Pourtant, un philosophe dont il avait oublié le nom n’avait-il pas dit que l’Homme, avec un grand H englobant ainsi homme et femme, était la seule espèce à avoir des relations sexuelles juste pour le plaisir ?

- Lorsqu’un homme et une femme s’aiment, leur corps chauffent, ils sont attirés l’un vers l’autre comme … comme des aimants. Ils veulent se …, il chercha à nouveau ses mots et posa un regard vers la jeune femme, combler, être l’un avec l’autre, même sans l’idée de reproduction, juste pour être l’un contre l’autre. Cela s’appelle le désir sexuel. C’est comme …

Il cherchait vraiment ses mots, et c’était dur … Il ne précisa pas que l’amour pouvait se faire aussi entre deux personnes du même sexe… Il n’était pas sûr de ne pas trop mélangé ses pensées alors et s’excusa auprès des hommes et femmes qui aimaient le même sexe.

- C’est une sensation de chaleur dans les veines, quelque chose qui demande à être toucher, caresser, apprivoiser par une autre personne. Moi… J’ai envie de te toucher, intimement. C’est pour ça que je dis que tu es dangereuse. Tu n’as aucune idée de ce que je désire, physiquement. Et le problème c’est que je n’ai aucune idée sur ce que tu désires, toi.

Parce qu’il pourrait croire voir des signaux consentants vers la jeune femme … il pouvait réellement croire voir du désir dans ses yeux, alors que ce n’était pas du tout le cas. Comment pourrait-il le savoir sans son aide ? Il n’avait aucune idée de comment le désir, ou la reproduction, se faisait pour elle. Elle n’avait pas de … entre-jambe sous forme de sirène, or toute la reproduction des humains se passaient par « sous la ceinture ».

- Donc, finit-il par conclure dans un soupir, il faut que tu me dises. On doit en parler.

Elle est à l'abris, affirme-t-il, et Ariel est convaincue de pouvoir le croire. Le prince ne laissera rien de mal lui arriver. Il l'a déjà prouvé par le passé, quand il a défié Ursula pour elle, pour la sauver, pour empêcher la sorcière des mers de la lui reprendre et la condamner. Sans lui, elle aurait finit en polype, coincée pour toujours au fond des mers, dans l'antre de la sorcière. Son père aurait sans doute cherché à la secourir, mais il aurait fallut pour cela qu'il abandonne son sceptre à la sorcière et qui sait ce qu'elle leur aurait réservé, alors. Grâce à l'intervention de son prince, toutefois, rien de tout ça n'était arrivé. Alors, elle sait qu'elle peut compter sur lui.

La question des enfants se pose et elle fronce les sourcils. Elle a bien aperçu qu'il en est question dans un des livres sur lesquels elle doit travailler, mais elle n'a pas vraiment encore abordé ce chapitre, le professeur ayant préféré s'intéresser à des choses plus urgentes comme l'étiquette, le protocole, en vue des prochaines réceptions à venir. Mais il semblerait qu'il y ait autre chose qui les ait empêché de parler de tout cela à la princesse. La gêne. Elle fronce les sourcils comme Eric dévoile que peu de monde est à l'aise pour parler de ça. Elle ne comprend pas pourquoi. Que peut-il y avoir de si terrible à évoquer les enfants ? Certes, elle ne s'est jamais préoccupé d'en avoir, trop obnubilée par ses découvertes et ses aventures sous-marines, mais ça ne lui semble pas être un sujet si délicat.

Sexualité. Le mot lui est étranger mais elle ne dit rien, se contentant de continuer de l'écouter comme il reprend la parole, évoquant toutes ces choses qui se passent dans un corps humain et dont elle ignore la normalité, les raisons... Une sensation de chaleur, un besoin, l'envie de contact... Elle opine de la tête, même si elle n'est pas bien sûre de visualiser de quoi il parle, tant le corps humain reste pour elle un mystère. Si elle a des jambes aujourd'hui, elle n'a jamais grandit en étant humaine et a besoin d'encore un peu de temps pour le comprendre, pour l'apprivoiser, pour pouvoir détecter des altérations d'état.

Ils devaient parler de tout ça, il fallait qu'elle lui parle de ces désirs. Mais la notion même de ce désir sexuel qu'il avait évoqué lui échappait. Comment savoir si son état en était, ou si c'était un état constant, normal pour les humains, qui n'avait rien à voir avec ce qu'il évoquait ? A quel degré cette chaleur qu'il avait mentionné devait-elle à peu près se trouver, pour être considérée comme sexuelle ? Elle l'ignorait, comme tant d'autres choses sur le corps humain ou même leur monde.

"- Je ne suis pas sûre de savoir exactement de quoi tu parles parce que... tout est nouveau pour moi. C'est tout le corps humain que je dois... apprendre à connaître et... je ne sais pas ce qui est... disons un état normal, ou ce qui ne l'est pas." souffle-t-elle, réfléchissant en même temps qu'elle parle. "Montre moi..."

Ce serait le moyen le plus efficace de comprendre ce qu'il voulait dire, non ?