Il allait faire jeter sa mère dans un lac boueux. Parce qu’il sait qu’il n’y avait rien de pire pour la reine que d’être un peu sali. Il envoya un regard entendu vers son père qui releva les épaules de manière à dire qu’il s’en fiche. Ok. S’il avait l’accord du roi, il allait le faire. Elle n’avait pas à blessée sa femme comme ça. Surtout pour dire des choses de ce genre. Il la regarde méchamment alors qu’Ariel réponds. Il est surpris. Son père aussi. Bien peu de personne oserait contre dire la reine. Pour la plupart des gens, si la reine dit que le soleil est rose, alors il est effectivement rose. Si la reine dit que l’eau, ça brûle, et que le feu, ça mouille. Alors ça devient effectivement le cas. Son père rit alors qu’Eric embrassa à nouveau les mains d’Ariel.

- Tu es humaine. Mon amour. Et tu es ma femme… Ce qui signifie que …

Il se tourne vers sa mère, mécontent qu’elle puisse blesser sa femme comme ça… Sans représailles ? C’était mal le connaître. Il allait parler avant que le père ne le fasse.

- Mon amour, cette jeune femme, et il ne dit aucun mot dit plus haut l’un que l’autre pour prouver la véracité simple de ses propos, et notre fils sont mariés. De plus, j’osais espérer que tu attendrais un peu avant de vouloir l’attaquer ainsi.
- Je veux des petits enfants. Notre fils ne pense qu’à voyager à travers les mers, sans trouver une femme à marier, et il revient avec un mariage avec une femme pour l’annuler et se marier avec une sirène, et elle appuya bien sur ce mot, je veux comprendre. Qui ne dit pas qu’elle ne l’a pas ensorcelé ?

C’était vrai. Le roi le savait aussi et Eric montra leurs mains joints avant que le roi ne se penche vers Ariel avec un sourire rassurant.

- Pardonnez ma femme, elle peut être parfois … aigrie. Et méchante. Il va de soi que vous êtes une femme. Et par cela, ma femme s’inquiète. Nous avons eu qu’un enfant, mais pas par choix voyez-vous. Nous avons eu grand mal à faire un enfant, malgré toute notre bonne volonté. Ma femme restera agaçante sur le sujet jusqu’à ce que vous ayez réussi là où nous avons eu tant de mal. C’est de l’inquiétude plus qu’une … remontrance ?
- Je vais me repose. Bonne soirée.

Et la reine se leva alors qu’elle rougissait de plus belle pour partir. Le roi rit et s’excusa à son tour alors qu’il rejoint sa femme. Eric, lui embrassa encore les doigts d’Ariel.

- Cela ne s’est pas trop mal passé … n’est-ce pas ? Et n’hésite jamais, Ariel, à dire ce que tu penses. Tu deviens la princesse de ce royaume et tu es ma femme, si tu veux dire quelque chose, tu en as le droit.

Pas une vraie femme. En réalité, la reine n'aurait pas pu faire plus de mal à la princesse, même si elle l'avait voulu. Maintenant qu'elle n'était plus vraiment une sirène, n'ayant plus les attributs de son espèce, les ayant remplacé par une paire de jambes et tout ce qui allait avec chez les humains, maintenant qu'elle n'appartenait plus au monde des mers, quel n'appartenait plus au royaume de son père, si les hommes ne voulaient pas d'elle, s'ils ne voulaient pas reconnaître son humanité, alors que lui restait-il ? Si l'on affirmait qu'elle n'était pas humaine, qu'elle n'était pas sirène non plus, alors qu'est-ce qu'elle était ? Est-ce qu'elle était condamnée à n’être perçue que comme une espèce de créature à part aux yeux de chaque espèce ? Une espèce d'abomination qui n'était ni vraiment d'une identité, ni vraiment de l'autre ? Elle espérait que non. Maintenant qu'elle avait choisi la vie humaine, elle espérait qu'on la considérerait comme telle, que personne ne viendrait plus jamais réitérer les mêmes propos que sa belle-mère, que personne ne se risquerait à lui faire à nouveau tant de mal.

Son beau-père est bien plus gentil, n'hésite pas à intervenir en sa faveur, rappelant à son épouse que leur fils et la princesse sont mariés désormais, si bien qu'il espère ne plus jamais l'entendre réitérer de tels propos, ne plus jamais l'entendre l'attaquer de la sorte. Évidemment, la reine prend la mouche, affirmant qu'elle veut des petits-enfants et que leur fils ne pensait jusqu'ici qu'à voyager. À présent qu'il a trouvé femme, il faut évidemment que ce soit une créature mythique, dont elle n'est pas sûre qu'elle n'ait pas ensorcelé son fils. Ariel accuse le coup, alors même qu'elle l'a sauvé, ce fils. Que par deux fois, et sans rien attendre en retour, seulement animée par les élans de son cœur, elle avait plongé pour le sauver.

Alors que la reine profère ses propos, le roi demande à la jeune femme de pardonner son épouse, qui peut être parfois aigri et méchante. Lui, il admet qu'elle soit réellement une femme mais explique ce qui peut à ce point perturber sa femme et la préoccuper. La nature avait voulu qu'ils n'aient qu'un enfant et la reine emportait encore le traumatisme, elle qui aurait voulu en avoir davantage. Alors, en voyant son fils avec une femme qui n'était pas née femme, elle redoutait que son rêve de petits-enfants ne tombe à l’eau, comme cela avait été le cas pour son désir d’une maternité heureuse. Ariel comprend, bien que le propos de la reine n’en soit pas moins douloureux pour autant. D’autant plus qu’elle n’était humaine que depuis peu, apprenant encore tous les codes de ce monde qui n’était pas le sien, embrayée dans une sacré machine -éprouvante- pour faire d'elle la princesse que ce royaume méritait.

La reine s’éloignant, de même que le roi qui s’éclipse sur ses talons, Ariel pousse un petit soupir, Eric portant sa main à ses lèvres pour l’embrasser. Lui trouvait que ça ne s’était pas si mal passé. Elle n’en était pas si sûre pour sa part, n’étant toujours pas certaine que la reine ne la déteste pas purement et simplement.

"- Mais… C’est ta mère…" souffle la princesse. "Et c'est la reine."

Et en cela, parce que ça n’était pas la famille dans laquelle elle était née, parce qu’elle savait qu’elle avait quelque chose à perdre et pas la même sécurité que face à son propre père, elle ne pouvait se permettre de s’opposer trop violemment à la reine malgré son impulsivité. Elle n’avait guère envie que cette vie, que son prince surtout, lui soit arrachée.

Eric rit un peu. Doucement, alors qu’il s’approche d’Ariel pour cacher sa tête contre son épaule. Ouais. C’était sa mère. Et c’était la reine. Mais … Il embrasse son cou avant de remonter sa mâchoire et embrassé la jeune femme avec une douceur infinie.

- Tu es ma femme, dit-il alors qu’il caressait sa joue pour la rassurer, tu es la femme que j’aime. La princesse d’un monde aquatique par le sang et la princesse de mon royaume par notre mariage. Tu es aussi la future reine de ce même royaume, mon amour.

Il continue de lui caresser les joues avec délicatesse alors qu’il approche le corps d’Ariel contre le sien pour la prendre dans un câlin qu’il espérait rassurant. C’était un acte d’amour qu’il était en train de faire. L’acte de l’aider à se calmer et à comprendre, surtout. Elle était la personne la plus importante dans sa vie, à lui. Si elle voulait dire quoi que ce soit, si elle voulait changer le monde, changer la couleur des murs ou même faire mettre un casque sur la tête à Albert, alors elle en avait le droit.

- Respire, mon amour. Et sache que rien ne nous séparera. Surtout pas ma mère. Et saches aussi que, même si tu ne peux pas avoir d’enfants, je m’en fiche totalement. Parfois, les humaines comme ma mère ne peuvent pas avoir d’enfants. Ou ils naissent trop faibles pour survivre. Ma mère a perdu trois enfants, mort né, avant de réussir à m’avoir. Et elle a fait plus d’une dizaine de fausse-couche.

Il réfléchit un instant avant de reprendre en pinça ses lèvres.

- Les fausses-couches, c’est quand l’enfant meurt à l’intérieur du ventre de la mère. On ne peut rien y faire. C’est la vie et c’est comme ça. Et c’est douloureux. De perdre un enfant et aussi d’en perdre plusieurs. La vie voudrait que les parents meurent avant les enfants. Et j’espère que, si nous sommes parents, je mourrais aussi avant eux.

C’était dans l’ordre des choses. Les enfants naissaient élevé par des parents qui devaient mourir avant. Eric ne pouvait pas en vouloir à sa mère, même s’il compte lui rappeler certaines règles de politesse aussi vite que possible. Il ne pouvait pas lui en vouloir d’avoir peur pour lui. Parce que même si l’impact était différent, cela pouvait aussi tuer un homme de devoir enterrer ses enfants. La reine n’avait pas réussi à enterrer les enfants, c’était le roi qui avait dû le faire. Et il l’avait fait lui-même. Par principe. Il avait creusé la tombe, il y avait planté des fleurs. Trois tombes pleines et plusieurs remplis de fœtus que sa mère avait dû mettre au monde tout de même. Il caresse les cheveux d’Ariel, en proie à la souffrance de s’imaginer tout ça. Il espérait vraiment que ça ne soit pas le cas pour Ariel. Pour lui, aussi. Mais surtout pour sa sirène. Il embrasse son crâne avec douceur.

- Tu as tous les droits dans ce royaume, parce que tu es la princesse. Et mon père ou ma mère ne peuvent rien te refuser, sauf si tu fais quelque chose contre le bien commun. Mais sur ça, je ne me fais pas trop d’inquiétude. Tu as le cœur grand. Tu as l’amour des autres. Tu ne seras jamais une menace pour le bien commun. Donc, si tu as envie la prochaine fois de lui dire de se taire, alors fais-le. Je te soutiendrais.

Et vue la réaction de son père, le roi aussi. Mais il se garda de le préciser pour le moment. Il n’avait pas envie de parler au nom de son paternel sans en être persuadé.

Si le prince affirme qu’elle ne doit jamais hésiter à s’exprimer quand quelque chose la touche, quand quelques chose lui fait du mal, Ariel ne peut pas s’empêcher de penser qu’elle ne le peut pas vraiment car cette femme qui lui en veut tant, cette femme qui lui a montré de l’animosité, est tout d emême la reine de ce royaume, la reine dans ce palais et elle ne oeut pas simplement, en tant que princesse, s’opposer à elle. Contrairement à lui, elle n’est pas la fille de cette femme. On ne lui pardonnerait probablement pas une franche opposition à l’encontre de la reine, même si elle est la compagne du prince. C’est encore elle qui commande dans ce palais, elle qui commande en ce pays et ses sujets lui sont fidèles, ils ne manqueraient pas d’écrouer la princesse si elle osait s’en prendre vraiment à la reine.

"- Je le sais." souffle-t-elle. "Mais c’est toujours elle la reine."

Peut-être qu’elle n’a pas toujours été la plus calme et la plus posée des princesses, c’est un fait. Peut-être qu’elle a souvent eu chez son père un tempérament de feu./ peut-être qu'elle a souvent été impertinente et une vraie tête de mule mais elle était alors chez elle, elle était légitime. ici, elle ne l’est que par le mariage, pas par la naissance et toute native des flots soit-elle, elle sait tout de même qu’il existe une hiérarchie qu’elle ne peut pas outrepasser. Sur ce point, les choses sont les mêmes que ce soit au-dessus de la surface ou en dessous. La reine a plus de pouvoir qu’elle, plus de poids. C’est normal.

Rien ne les séparera. l’entendre dans la bouche de son prince la réconforte, comme elle craint que l’on puisse encore la congédier du palais. Elle n’est ici qu’une étrangère et, à priori aux yeux de certains, pas plus qu’un poisson à demi humain seulement. Rien ne lui garantit vraiment qu’elle n’a pas à s’inquiéter. Mais son prince semble croire que tel est le cas, que rien ne pourra se dresser en travers de leur route et elle ne demandait qu’à le croire. Après tout, Ursula la terrible sorcière des mers n’avait rien pu faire contre eux, pour les séparer. Elle pouvait donc espérer qu’il en soit de même dans leur vie terrestre, avec leurs opposants humains, quels qu’ils soient… Mais elle n’en avait pour autant pas tout à fait l’assurance. Un doute persistant en elle.

Il affirme que même si elle ne peut pas avoir d’enfants cela ne change rien pour lui mais elle sait que cela changera tout pour la reine, pour le roi, aussi. La couronne a besoin d’un héritier, elle n’est pas naïve au point de l’ignorer. Elle sait parfaitement que c’est là le devoir qui incombe à une princesse. Celui de poursuivre la lignée. De donner au pays des princes et des princesses qui un jour, à leur tour, gouverneront, prendront soin des sujets et pourront régner. Elle sait que là est la tâche qui l’attend. Et elle craint la réaction de la reine si elle ne peut lui donner satisfaction.

Une reine qui elle-même a enduré le pire qu’une mère puisse vivre, perdant plusieurs enfants avant d’enfin pouvoir tenir entre ses bras le petit prince Eric, une confidence de la part de son mari qui ne manque pas d’ébranler la sirène. Elle ignorait que pour la reine, les choses avaient été si difficiles et, bien qu’elle ignore tout de la douleur que puisse provoquer la perte d’un enfant, elle sait en revanche ce que c’est que de perdre quelqu’un à qui l’on tient vraiment, fortement.

"- C’est terrible…"

Cela l’est sans aucun doute à ses yeux et la princesse compatit à la douleur de cette reine qui lui brisait le coeur un peu plus tôt, comprenant d’autant plus, maintenant, les craintes de cette dernière et les espoirs qui sont les siens, que la sirène menace en étant pas vraiment humaine, ne l’étant pas par la naissance en tout cas. Elle est une vraie femme. Mais rien ne dit qu’elle puisse procréer comme telle. Rien ne dit qu’elle puisse fournir à la couronne les héritiers que l’on attend d’elle et cette pensée la terrifie d’autant plus, à présent, qu’elle comprend l’enjeu réel d’une future naissance non pas pour eux ou pour le peuple mais pour la reine, également.

"- Mais ils restent le roi et la reine." remarque la rousse. "Je pouvais me permettre d’être moins docile avec mon père, plus entêtée. Mais ne dois-je pas l’être auprès d’eux ? Ne dois-je pas être obéissante et posée, respectueuse ?" souffle-t-elle, levant un sourcil. "Tu ne peux pas te mettre en colère avec elle, pas…" elle cherche ses mots. "A cause de moi. Tu as une maman. Tu as une maman et moi qui n’en ai plus, je sais comme il est précieux d’en profiter avant qu’il ne soit trop tard…" souffle-t-elle doucement. "La mienne nous a quitté lorsque j’étais encore une enfant. Un bateau de pêcheurs nous l’a arraché. Il l’a écrasé contre des rochers…" confit-elle.

Il secoue la tête. Il ne sait pas comment lui faire comprendre ce qu’elle ne semble pas pouvoir comprendre. Elle, elle était la princesse, maintenant. Elle était la future reine de ce royaume. Sa mère était la reine actuelle mais elle allait donner le trône à la femme de son fils quand celui-ci prendrait le trône. C’était comme ça que cela fonctionne chez eux. Et même si Eric n’avait pas hâte, cela faisait qu’Ariel était bien au-dessus de sa mère … mais comment lui expliquer. Elle avait besoin de plus de temps pour appréhender l’énorme tache qu’elle avait désormais. Mais Eric n’avait pas envie de voir le devoir conjugal comme un devoir, mais comme une envie. Un désir qu’elle veut partager avec lui. Quelque chose qui lui fait du bien, à elle comme à lui. Un partage de l’amour dans les sens et les gestes. Il n’a aucune envie de devoir lui prendre cela pour … Pour un devoir. S’il ne doit pas être père, alors il ne le saura pas. Il adoptera. Il n’y avait aucune loin qui interdisait un roi d’avoir un enfant qui n’était pas le sien. Et son peuple n’aurait pas le choix de l’accepter, parce qu’Eric n’aurait aucun mal à aimer un enfant qui n’aurait pas été naturellement le sien. L’amour, ça partait du sang pour se faire des alliés fiables, mais il savait que ce n’était qu’un peu d’aide à la naissance, rien de plus. Il continue à tenir les mains de la jeune femme dans les siennes. Et il embrasse ses phalanges avec douceur.

- Tu es ma femme. Et je t’aime pour ce que tu es Ariel. Pour la personne qui a osé sauver un humain alors qu’elle n’en avait pas le droit. Pour la personne qui a donné sa voix pour ce même stupide humain. Pour la personne qui a nagé pour attraper ce stupide humain qui allait en épouser une autre. Pour la personne qui a combattu une sorcière pour ce stupide humain. Ariel, je t’aime pour celle que tu es. Tu peux te permettre d’être moins docile et plus entêtée avec mes parents, parce que tu as le droit d’être ici.

Il embrasse encore ses mains qu’il tenait dans les siennes alors qu’il la regarde avec la plus grande sincérité. Il s’approche d’elle et caresse tranquillement les cheveux de la jeune femme avec calme. Il la prend contre son buste. Elle ne parlait que peu de sa mère, alors il pouvait comprendre ce qui la traverse.

- Ariel, même si tu as désobéi, ton père t’aime, n’est-ce pas ? Même si je me dispute avec ma mère, il suffira qu’elle entente raison, surtout si je suis dans la vérité. Elle le sait qu’elle a dépassé les bornes, je n’en doute pas que mon père doit être en train de la consoler comme je le fais pour toi. Parce que je t’aime. Que mon père l’aime. Et je sais que ta mère t’aimait aussi beaucoup.

Il la regarde à nouveau et sourit avec plus de douceur alors qu’il vient poser ses lèvres contre sa joue.

- Je ne vois pas qui au monde ne pourrait pas t’aimer. Alors ne laisse pas quelques médisants, même si c’est la reine, te faire souffrir. Ariel. Tu es la femme la plus importante de ma vie.

Si quelqu’un la blesse, elle peut répondre, elle peut se défendre et lui serait de son côté. Il n’était pas stupide pour autant. Il ne la soutiendrait pas si elle a tort. Mais dans le cas de sa mère, Ariel aurait eu tous les droits de se défaire de lui, de partir de la table en claquant la porte si elle en avait eu le désir. Alors il lui fait confiance, tout simplement.

Elle est sa femme et il l’aime, cette affirmation fait battre le petit coeur de la sirène dans sa cage thoracique. Qu’il l’aime, c’est tout ce qui compte, absolument tout. Le plus important. D’autant qu’il l’aime comme elle est, pour ce qu’elle est, pour qui elle est, et aucune affirmation ne pourrait lui procurer plus de joie que celle-ci. Aucune déclaration ne pourrait faire battre son cœur aussi fortement dans sa poitrine. Elle avait prouvé qu’elle avait le droit d’être ici, parce qu’en dépit de tout et surtout de leurs natures différentes, elle s’était précipitée à son secours. Elle avait lutté pour le sauver quand il allait unir sa vie à celle d'une sorcière, avait d’une certaine manière sauvé tant son peuple que celui de son prince. Rien ne l’obligeait à écouter docilement la reine, à courber l’échine devant elle, car elle était légitime. Car elle avait le droit d’être là. Le droit de vivre en ce royaume, en ce palais, et qu’elle était, de toute façon, celle que le prince aimait. Celle qu’il voulait. Celle qu’il voudrait toujours.

"- Mon coeur ne m’aurait jamais pardonné si j’avais laissé les choses se faire autrement… "

Elle ne pouvait pas dire que son âme ne l’aurait pas tolérée, parce que ses semblables n’en avaient pas, ainsi l’avait écrit Andersen. Les humains, eux, en avaient une et c’était une chose qu’elle découvrait depuis qu’elle vivait comme telle, depuis qu’elle était humaine. Quoique puisse penser sa belle-même, elle était vraiment devenue une de leurs semblables, non pas simplement munie de jambes mais de tout ce qui faisait la spécificité de ces créatures. Elle était comme eux et, si la magie de son père avait pu lui permettre de devenir humaine, d’embrasser la vie terrestre et d’y évoluer comme n’importe quel autre humain, alors elle lui permettrait aussi, sans doute, d’offrir à Eric l’enfant que sa mère attendait si impatiemment.

Portant les mains de sa femme à ses lèvres, il y dépose des baisers, les caressant du pouce en les tenant dans les siennes et, comme leurs regards se croisent, elle frissonne légèrement, se rapprochant de lui alors que son coeur bat la chamade. Il ne peut pas prendre le risque, pourtant, de détériorer ses relations avec sa mère, quand elle-même ne sait que trop bien ce que c’est que de ne plus en avoir, que de vivre sans ce lien si particulier, qui lui a été arraché dès l’enfance par un bateau. Elle n’en parlait jamais, ou très rarement, mais c’était un de ces moments où il était important qu’elle le fasse.

"- Parce que c’est mon père." souffle-t-elle. "Il me pardonnera toujours bien plus que ta mère ne pourra jamais me pardonner elle-même. Elle n’a… Aucune obligation de m’aimer."

Et il ne voyait pourtant pas comment il était possible, en ce monde, de ne pas aimer sa sirène. IL semblait très sûr de lui en le disant, au point qu’elle voulait le croire. Croire qu’il avait raison. Que personne ne pouvait la détester ni la haïr et que les orages qui menaçaient, avec la reine, ne gagneraient jamais plus d’importance qu’ils n’en avaient là.

- Et ton cœur est tout ce dont le royaume a besoin, fit-il en embrassant encore sa main.

Il avait l’impression d’avoir la main froide en comparaison à leurs contacts. C’était un mélange un peu étrange. Il y avait là le feu et l’eau. Pas qu’il se sente particulièrement bouillant … mais ça ne l’étonnerait pas qu’on lui dise que les sirènes avaient le sang froid, ou en tout cas une température légèrement plus basse que la sienne. Eric rit un peu, d’un rire rauque et grave avant de se rapprocher d’elle pour mettre son menton sur leur main lié. Il la regarde avec toute la douceur dont il peut faire preuve.

- Et parce que c’est ma mère, elle te pardonnera. Parce que je t’aime. Je t’aime. Et ton père m’a pardonné. Ton père a accepté de te laisser à moi, il me fait confiance pour te protéger et t’honorer comme la princesse que tu es le mérite. Et tout comme je sais que ton père me pardonnera pour notre amour, ma mère le fera aussi.

C’était ainsi. C’était si simple dans son esprit. Il avait un peu peur du roi… Forcément, c’était un super badass roi triton qui pouvait changer les gens en humains ou les tuer d’un coup d’éclair magique dans le derrière … Alors logiquement, il en avait peur … Mais il avait vue dans le roi triton, au-delà du souverain qui voulait le bien de son pays … Il avait vue l’amour d’un père. Un père qui a tout accepté pour que sa fille soit heureuse. Alors, il n’a pas peur que le roi ne lui fasse du mal, ou ne lui pardonne pas. Et Ariel n’avait pas peur de l’inverse. Elle était la seule femme au monde à avoir trouvé grâce à ses yeux. La seule personne qui était la plus spéciale de l’univers dans son cœur. Sa mère ne ferait jamais rien qui le blesse, lui, son fils chéri. Et si elle avait dû mal pour le moment avec Ariel à cause de sa peur, il n’avait pas de doute que ça s’estomperait dans le futur.

- Allons nous reposer, la journée a été éprouvante et je jure mon amour que tout ira bien avec ma mère. Laisse lui le temps, comme il en fallu pour ton père.

Ouais …parce que le daron de la jeune femme il aurait bien mit la tête d’Eric sur un pic au tout début hein … même s’il l’ignore lui, il sait assez pour deviner ça … Donc. Il continue de caresser avec douceur la main de la jeune femme avant de se lever toujours en lui tendant la main. Ce soir, ils ne feront peut-être pas l’amour… Il n’avait pas envie de donner l’impression de consommer le mariage comme sa mère l’avait demandé, mais il comptait bien dormir avec elle dans ses bras. La tenant contre son cœur. C’était vraiment important pour lui alors qu’il se déplace dans les couloirs pour rejoindre la chambre conjugale. Chambre qui pour le moment n’avait pas été utilisé par Eric. Il voulait laissé du temps à Ariel pour s’y faire à toute cette histoire d’humain, mais là, il ne comptait pas la laisser seul un instant.

Elle esquisse un sourire comme son prince affirme que son cœur est tout ce dont le royaume a besoin. C’était ce cœur qui leur avait rendu leur prince. Ce bon cœur qui l'avait sauvé des flots, qui l'avait sauvé d'une mort certaine, quand la sorcière des mers le condamnait, quand la tempête l'avait pris pour cible. C'était ce cœur qui s'était épris de lui, au point de le sauver quand elle n'était même pas supposée approcher les humains. Désormais, c'était ce même cœur qui battait pour lui et qui s'émerveillait de toutes les découvertes qu'elle pouvait faire sur son pays, sur la terre ferme, sur son monde qu'elle découvrait. C’était ce cœur qui faisait de la terre la sienne et de ces sujets les siens. Ce cœur qui les aimait davantage de jour en jour.

Mais la mère de son prince n’a aucune raison ni aucune obligation d’aimer la sirène et, de cette hostilité qu’elle manifeste, Ariel ne sait pas comment se débarrasser, n’est pas certaine que cela soit possible. Elle n’est pas certaine que la reine pourrait lui pardonner si elle lui montrait une franche opposition, si elle se comportait avec elle comme elle l’a fait avec son père. Son prince, pourtant, croit le contraire. Pour l’amour du prince, sa mère pardonnera à son épouse les écarts qu’elle pourrait avoir, les impertinences et les rébellions qui pourraient être les siennes. Par amour pour son fils et parce que son fils aime la sirène, elle pourrait pardonner à cette dernière, comme Triton avait pardonné à Eric d’être un mortel, un humain, venu lui prendre sa fille. Et parce que le roi Triton avait pardonné sa nature au prince, alors un jour, la reine pardonnerait aussi à sa belle-fille d’être née sirène.

"- Puisses-tu avoir raison…" souffle-t-elle.

La journée a été longue, éprouvante. Ariel acquiesce, comme il propose d’aller se reposer. Elle ne rechigne pas à un peu de repos, après une telle journée, une telle soirée, surtout. Sa main dans celle du prince, elle le suit donc dans les couloirs du palais jusqu’à cette chambre qu’elle occupe seule depuis quelques jours, depuis son arrivée, et dans laquelle il la rejoint ce soir néanmoins, pour la toute première fois depuis qu’elle est arrivée au château. Le comprendre fait naître un large sourire sur ses lèvres et, comme il referme la porte derrière eux en entrant dans la pièce, elle se rapproche de lui.

"- Est-ce que tu vas rester avec moi pour toute la nuit ?" souffle-t-elle, soucieuse de s’en assurer.

Il savait avoir raison. Au fond de lui, il ne voyait pas comment sa mère, qui l’aimait réciproquement, pouvait ne pas aimer la femme qu’il aimait de tout son cœur. Il n’y avait pas de raison. Il y avait des lois, des règles, des souffrances qu’une reine ne pouvait oublier … mais il savait qu’elle pourrait être plus amie avec Ariel que ce qu’elle ne voulait l’admettre en ce moment. Ce n’était pas grave. Toutes les histoires ne se faisaient pas avec un coup de foudre. Parfois, il fallait un peu de temps pour se découvrir, s’accepter et même se pardonner. Sa mère ne s’était jamais pardonné les morts de ses enfants, mais elle pourrait pardonner si Ariel ne pouvait en avoir à son tour. Même pire, si Ariel expérimente la perte d’un enfant, sa mère serait bien plus aux petits soins que ce que lui ne pourra jamais l’être. Parce qu’il ne comprendrait pas la perte, mais qu’elles, oui. C’était aussi simple que ça. Il y a des souffrances que les hommes, égaux ou non, ne pourront jamais comprendre des femmes. Alors, Eric avait foi en l’avenir. Du reste, il avait été assez malmené dernièrement, surtout par une vile sorcière des mers, pour décider que l’avenir allait être radieux. Sans le moindre doute.

Il avait aussi eu le désir de la garder auprès de lui encore un peu. S’enfermant avec elle dans cette chambre qui était la sienne depuis son arrivé. Eric n’y avait jamais mis les pieds. Peut-être, certainement, parce que l’idée de se trouver dans l’intimité de la jeune femme faisait naître des pensées impures… Mais vue ce qu’ils avaient fait dehors, au bord du lac, la pureté ou l’impureté de la situation n’avait plus sa place ici. De plus, il n’était pas venue dans l’idée de consommer le mariage …Si sa mère n’avait pas parler, peut-être aurait-il été ravi de réchauffer les draps de la jeune femme de leurs ébats passionnés. Maintenant, il refusait de donner l’impression à la jeune femme de vouloir d’elle pour une autre raison que sa délicieuse personne. Il remonte des yeux fiévreux vers elle. N’empêche qu’une Ariel si douce et un lit dans le même champ de vision, ça donner des désirs à notre prince. Il sourit tendrement avant de poser une main sur sa joue.

- Si tu le veux bien, j’aimerais rester avec toi toute la nuit. Et toutes les nuits qui arriveront par la suite.

S’ils devaient être séparés un jour, plus tard, si elle accepte bien sûr, ça ne serait que pour une histoire de royaume, de déplacements, ou une obligation qui les oblige à être séparer. Il était dans les affres de l’amour. Son meilleur ami avait un jour appelé ça « La période lune de miel », le moment où l’on ne pouvait imaginer pouvoir respirer sans que l’air ne soit partagé avec la personne qui nous aie cher. Sa main sur sa joue, il trace un sillon le long de sa machoire pour arriver jusqu’à ses lèvres qu’il regarde avec appetit. Comme un animal prêt à se jeter sur sa proie. Sauf qu’il n’était pas bestial, Eric, il savait se contenir et s’approcha simplement pour faire un tendre et doux baiser, unique, sur la commissure des lèvres de la jeune femme avant de s’avancer dans la pièce.

- Je pensais aller me changer dans ma chambre, me mettre en tenue pour dormir et ensuite dormir à tes côtés, cela te convient-il ?

Bien qu’il dormait en caleçon, il pourrait bien trouver quelque part une odieuse chemise de nuit pour homme à passer pour éviter de ne heurter la pudeur de la jeune femme … ou simplement pour faire une barrière contre ses désirs, ce qui était aussi une bonne idée.