Il travaille dur, il travaille tard. Il s’use la magie pour s’occuper les mains. Parfois il reste même la nuit au milieu de l’atelier, bien après que son père ou que le très vieux Carrow ne parte rejoindre sa chaise qui craque devant un bon feu. Cadmos est silencieux, mais son esprit n’oublie jamais de ressasser les confins de la Mnémosyne, comme pour mieux le piquer au vif. Comme s’il aimait se faire lui-même mal avec toutes ces sottises…
Sur la table, au milieu de la Grange, un cadavre encore frais est étendu. Les bras en croix, sa peau est couleur de lait, et son visage figé dans le temps. Sa gorge est ceinte d’un joli collier de grenade et de rubis, qui part d’une oreille à l’autre et dévoile son cou de cygne à l’œil curieux. Elle était belle, Mélody Harper, dans sa fragilité de femme. Elle est parfaite et entière – c’est rare. Cadmos est seul dans la Grange, devant le corps. Il en observe d’abord le profil. Est-ce la fatigue qui lui fait confondre les traits ? Il glisse sa main sur sa joue, en parcourt du bout des phalanges la pommette délicate et ferme. Il ne peut s’empêcher d’être tendre avec elle, de la caresser, parce qu’il s’imagine qu’à un moment elle ouvrira les yeux et elle le regardera avec amour.
Il s’imagine qu’elle lui chuchote des plaisirs, des promesses au goût sucré. Alors sans s’en rendre compte, sa main glisse lentement, survole la plaie, s’appose tendrement sur la poitrine fièrement exhibée. Sur le mamelon rosé thé, sur le ventre blanc. Glisse encore, le long de la cuisse blanche, du mollet, pour enfin suspendre la traversée à la cheville gracile et à la morsure du piège à ours qui l’a capturé dans le Marécage.
Qu’est-ce que tu es en train de faire Cadmos Carrow ? Qu’est-ce que je suis en train de faire ?
Il ne peut s’empêcher de regretter ne pas avoir un haut-le-cœur.
…*…
Les cris résonnent dans les couloirs. Cadmos n’a pas voulu être présent. Il s’est terré dans sa chambre quand on lui a dit qu’Aella venait – ou plutôt qu’Argès leur rendait visite. Il n’a pas demandé si Aella venait. Il a juste haussé les épaules, et il a répondu qu’il travaillerait à la Grange, qu’il avait du retard, ou une idée, ou un autre prétexte qu’il avait oublié. Et d’ailleurs, il n’est pas dans la Grange. Il est là, les yeux clos, allongé sur son lit sur lequel il ne pense qu’à elle, sur lequel son âme doucement se serre dans une douleur étrange.
C’est donc ça, l’envie. Ça ne goûte rien de bon. Ça ne sent rien de bien.
Il roule sur le flan, d’un air contrit. Si on ne lui avait jamais vendu « l’amour » comme étant un sentiment transcendant, comme un but à atteindre dans la vie, ou encore comme quelque chose sublimant l’existence même, il ne peut que se rendre à l’évidence qu’on lui a menti. Pire encore, qu’on lui a caché les véritables maux des amants. C’est bien vrai – il n’a jamais entendu ni son père ni sa mère lui parlait des maladies des éperdus. De cette langueur qui remplit l’âme, qui vient s’introduire dans la motivation, qui rend si lourd et difficile chaque geste, même celui de se lever de son lit. Pourtant Cadmos Carrow est un travailleur, un véritable acharné, et s’il s’oublie une fois dans la Grange, le trajet entre son lit et les portes est difficile. Parfois même, il le ressent insurmontable.
Un Faiseur de monstre… ou un Monstre-Faiseur ? Qu’est-ce que ça change au fond ?
Il soupire. Mais les cris se rapprochent, et il se redresse, à l’affût, quand il croit distinguer la voix d’Aella. Il écoute, quelques secondes, et finalement il n’y tient plus. Sa main est lourde quand elle se pose sur la poignée de la porte, légèrement moite, mais il sort malgré tout, car il a besoin de voir. Il a besoin de comprendre ce qu’elle lui trouve. Et alors il avance, le pas fébrile dans le couloir, le corps tendu.
Quand il arrive en haut du premier étage, en vue plongeante sur les marches, il voit en contrebas Aella et Argès. Elle protège le couffin où Agon est couché, bien emmitouflé dans l’amour maternel. Lui est là. Il hésite. Alors il fait un pas en avant, descend d’une marche, puis d’une autre. L’air de Cadmos Carrow est celui du poison. Il est aussi sombre que la nuit quand il pose son regard sur Argès, avant de siffler, hydre venimeuse :
« Serais-tu en train de devenir fou, Argès ? »
Sa main glisse sur la rambarde, pianote à certains endroits. Ses mains sont propres, mais ce ne serait pas la première fois qu’il aurait à ce point envie de les salir.
« Il existe des règles chez les Carrow. Ne pas tuer l’un des nôtres en fait partit. » Même si Aella n’est pas une Carrow.
Il ne pose pas un seul regard sur la petite blonde, parce qu’il sait que s’il croise ses yeux, il n’arrivera pas à retenir ses coups. Argès perdra la vie, même s’il doit y perdre la sienne ensuite. Derrière eux, le vieux Phobos arrive, d’un air furieux. Mais il se suspend au moment où Cadmos pose son pied sur la dernière marche, surplombant de toute sa superbe la scène et la mise en spectacle de cette pseudo-tragédie.
« Cesse ta folie, ou je trancherais cette tête malade qui pourrait faire pourrir l'Hydre. »
Son ton est tranchant, dangereux. Il est sérieux. Tout le monde le sait.
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Nimue
Sam 28 Nov - 13:01
Aella Carrow
J'ai 18 ans et je vis près de marais répugnants, dans le sud de l'Angleterre. Dans la vie, je suis femme au foyer désespérée et je m'en sors assez mal, mon mari dilapidant la fortune qu'il gagne aussi vite qu'il la perd. Sinon, grâce à ma malchance, je suis mariée et je le vis dans une détresse silencieuse.
« Serais-tu en train de devenir fou, Argès ? » Fou. Il a l’habitude d’entendre cette accusation. Fou. Ne le sont-ils pas tous ? Le regard hargneux se pose sur Cadmos, ce maudit gamin, ce petit con, cette ombre pernicieuse qui ose soudain s’interposer dans ses affaires. « Il existe des règles chez les Carrow. Ne pas tuer l’un des nôtres en fait partit. » Bien sûr, une meute. Un clan. Il n’en fait plus vraiment partie, il estime qu’il n’a plus de justifications à donner, il se juge libre de faire ce qu’il veut de ces deux êtres là, qui lui appartiennent, sont sous sa domination. « Cesse ta folie, ou je trancherais cette tête malade qui pourrait faire pourrir l’Hydre. » Un rire sec traverse le silence. Un frisson glacé étouffe le coeur d’Aella. « La nature élimine les faibles. » Il fixe sa femme et, derrière, ce couffin protégeant un enfant un petit garçon pas assez nourri pour être aussi solide qu’il le devrait. Elle déglutit difficilement. Elle fait ce qu’elle peut avec ce qu’on lui donne, elle essaye, elle se prive même de certains repas pour l’enfant et, après tout, elle n’a pas vraiment faim. Diable, il n’a pas demandé à naître.
« Alors chérie, tu n’appelles pas ton sauveur à l’aide ? » Elle n’ose pas regarder Cadmos, elle fixe son époux avec une obstination terrible afin d’occulter les autres, tous ces yeux assistants au spectacle pénible d’un couple qui n’en est plus un depuis longtemps, qui n’en a jamais été un. Il avance d’un pas et elle ne peut pas reculer, elle sent déjà la violence sur sa chair avant qu’elle n’arrive, il l’attrape par la gorge avec fermeté, une nouvelle fois et là, il serre, il la redresse avec tant de volonté qu’elle a l’impression de ne plus tout à fait toucher le sol. « Je vais te l’arracher. » Pas la tête, non, ce serait trop facile. L’air manque. « D’une manière ou d’une autre, je vais t’arracher cette trahison du ventre. A vif. » Elle a peur. C’est peut-être la première fois qu’elle a vraiment, profondément peur. Bien sûr, l’épouser l’avait terrifiée, évidemment les premières manifestations de ses colères l’avait faite pleurer mais là, c’est plus profond, c’est une angoisse mortuaire, une agonie intérieure. « Ca ne viendra jamais au monde. » Les larmes roulent malgré elle, de l’asphyxie qui fait tourner la tête, de son estomac qui se tord de terreur. Il y’a son odeur aussi. Elle ne supporte plus l’odeur d’Argès, ça lui retourne l’âme.
L’enveloppe charnelle s’écrase aux pieds de Cadmos, jetée telle une poupée de chiffon abîmée par un enfant. Elle a roulé sur le sol en cherchant cet oxygène manquant. « On ne garde pas les putains, chez les Carrow. » Il lui faut le temps de réaliser qu’elle a encore la tête accrochée aux épaules avant que quoique ce soit ne sorte de sa bouche. « Pourtant tu gardes Arachne. » La brune, la beauté sombre, la mortifère. « Et elle ne te donnera jamais de fils. » Peut-être qu’Aella a du mal à s’asseoir, que son poignet lui fait mal quand elle s’appuie pour se redresser un peu, caler son dos contre la rampe et relever le nez vers Argès. « Pas même de fille. » Ca ne sonne pas comme une menace, c’est une certitude. « Tu n’en auras jamais. De personne d’autre que moi. » Ca sonne la vengeance, une chose dont on la penserait incapable, gamine qui ne se défend pas, qui subit depuis toujours le fait de vivre, de devoir exister, de ne pas arriver à crever une bonne fois pour toutes sous les assauts de son ivrogne de mari. « Même si tu me tues, là, maintenant, tu devras vivre avec ce doute : ton impuissance ou son infertilité ? » Quelque chose a changé. Quelque chose est différent dans les yeux d’Aella. Elle n’avait pas de talent pourtant, n’est-ce pas ? Elle n’avait rien d’une empoisonneuse. A moins qu’elle mente depuis toujours ? A moins que le coeur blessé de ne pouvoir rester dans les bras de Cadmos n’ai dévoilé une part dissimulée, inconsciente. A moins qu’elle n’ait pas trouvé mieux pour protéger ses enfants.
Des semaines qu'ils n'ont pas vu Aella Carrow.
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Sha
Sam 28 Nov - 23:52
Cadmos Carrow
J'ai 17 ans et je vis à Willow's Vale, entre le Norfolk et le Lincolnshire. Dans la vie, je suis étudiant et je m'en sors plutôt bien.
« La nature élimine les faibles. » Cadmos Carrow ne répond pas, car il sait qu’il a raison. Il le sait, au plus profond de lui, qu’il n’y a pas de place dans leur monde pour un être si fragile et si beau, et c’est pour ça qu’il devrait être en train de la protéger envers et contre tout. Parce qu’il est son époux et qu’ils se sont jurés d’être là l’un pour l’autre, de tenir ce petit bout de femme sous son écaille, tout près du cœur. Le visage de Cadmos se transforme petit à petit en une moue furieuse, en un regard de haine pure. Celui qui ne ressentit jamais se sent comme submergé par les émotions. Il sert les poings, à s’en faire blanchir les jointures.
« Alors chérie, tu n’appelles pas ton sauveur à l’aide ? » La dernière tête de l’Hydre Carrow sert les dents, et alors il déplie lentement ses poings. Détend ses muscles et libère l’air qui stagnait dans le fond de ses poumons. Il pose au lieu de ça son regard sur Aella, et doucement sur le reste de sa famille. Sur le visage peint d’incompréhension de Phobos qui lui retourne son regard. Il est agacé le vieux Carrow – Cadmos peut l’entendre d’ici – mais il ne comprend pas ce qui se passe. Argès les surprend tous, pourquoi n’a-t-il jamais été le même ? Ou ont-ils été si aveuglés par cette différence qu’ils en ont oublié que ça n’a jamais été un jeu mais la réalité ? Les yeux bruns de Cadmos retombent sur le couple qui se déchire devant eux tous. Il ressent la douleur qui secoue le corps d’Aella, et cela fait mal dans sa cage thoracique. La bête est furieuse, elle gratte fort contre les os, mord les côtes pour s’échapper de son ossuaire-prison. Mais je ne peux rien pour toi. Si tu me demandais… Il se mord l’intérieur de la joue et veut descendre cette dernière marche, mais il lui coupe l’herbe sous le pied. Le jeune Carrow suspend son geste.
« Je vais te l’arracher. » L’enfant. Quel enfant ? Le visage de Cadmos mue doucement dans la même incompréhension qui saisit les autres invités. Il se demande pourquoi les pensées d’Argès ne nomment jamais l’enfant Agon. Il n’y a qu’un seul enfant pourtant. « D’une manière ou d’une autre, je vais t’arracher cette trahison du ventre. A vif. » Du ventre. Le mot résonne en lui, et il lui faut toute la volonté du monde pour ne pas ciller, pour ne pas détourner son regard et croiser celui de la blonde. Il repense à l’infidélité. Ça n’a aucun sens. Il est venu dehors. Il se souvient s’être répandu sur son ventre – ou était-ce les cuisses ? Est-ce qu’il aurait… Il est muet, Cadmos, et soudain il est figé sur place. Son esprit refuse d’entendre la suite. « Ça ne viendra jamais au monde. »
Aella glisse sur le marbre sombre de la demeure Carrow, jusqu’aux marches noires dans lesquelles il avait ri cent fois avec Argès à les descendre à toute vitesse. Adonis était le plus vieux, il ne s’était jamais trop occupé de son cadet et de son benjamin. Ensemble ils avaient grandi. Ensemble ils avaient traversé les âges. Et désormais… L’Hydre n’est pas censée se mordre. Le regard de Cadmos glisse sur le corps d’Aella qui se fait douloureux, à ses pieds. Pourquoi est-ce que tu me forces ?
« On ne garde pas les putains, chez les Carrow. » « Pourtant tu gardes Arachne. » Le vieux Phobos jette un regard à Ariane. Les deux semblent encore dans le vague, mais s’ils ont bien compris quelque chose, c’est que la jeune Aella Merriwick est enceinte, et que son mari – leur fils – lui est qui plus est infidèle. Ni l’un ni l’autre n’arrivent à s’imaginer à ce moment qu’elle est pu se compromettre avec le plus jeune des fils Carrow, et encore moins que Cadmos ait pu avoir de l’envie pour la gamine. Il n’est pas coutume, non plus, chez les Carrow d’accepter les âmes volages. La pureté du sang est une chose, mais l’accès aux secrets de la famille, que ce fusse en tant que bâtimagiciens que les secrets des faiseurs de mort, les oblige à de la prudence. Qui est cette Arachne ? pense déjà le vieux Phobos derrière son regard sombre. Pourquoi vouloir tuer sa progéniture ? pense la vieille Ariane, prête à s’interposer par solidarité avec une autre porteuse de vie.
Mais c’est Aella qui prend sa seule défense, à la surprise générale.
« Même si tu me tues, là, maintenant, tu devras vivre avec ce doute : ton impuissance ou son infertilité ? » Le silence qui suit est gênant, mais il n’est silence que pour les esprits fermés. Cadmos, lui, entend les cris et les hurlements, la fureur et l’inquiétude qui emplies leurs cœurs à tous.
Quand Argès esquisse un mouvement vers Aella, il finit de descendre la dernière marche de l’escalier, passe son autre pied par-dessus Aella et se retrouve alors devant elle, devant Argès. De son flan il dégage une main et la tend, jusqu’à qu’elle se couvre d’une volute de fumée noire à l’odeur de charbon étouffante. Des flammes lèchent les phalanges sans s’allumer vraiment, mais leur douce couleur violacée indique qu’il s’agit bien de magie de vie corrompue. La morsure d’un seul de ses sortilèges maudits saurait tuer n’importe quel homme, n’importe quel dieu.
« Je ne sais pas ce que ton esprit malade s’est encore inventé, mais je ne te laisserai pas faire du mal à une Carrow, et encore moins si elle porte véritablement la vie. » Que ce soit mon enfant ou le tien importe peu. « Si tu approches, je ne me retiendrais pas. » Et tu sais très bien que j’ai toujours été meilleur que toi.
Passant outre la tension, la vieille Ariane jette un regard à Aella, un regard qui mêle à la fois inquiétude et curiosité. Alors, en arrachant sa main à sa bouche, elle ose : « Aella, ma chérie… vous… vous êtes enceinte ? » Cela pourrait coûter énormément à Argès à ce moment s’il s’avérait qu’elle le soit. Phobos aurait bien quelques mots pour qualifier ce comportement, et d’autres maux à infliger à son fils cadet s’il se comportait comme un rustre avec une femme qui porte un autre héritier Carrow, fusse-t-il fille ou garçon.
Tout le monde le sait.
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Nimue
Lun 30 Nov - 0:25
Aella Carrow
J'ai 18 ans et je vis près de marais répugnants, dans le sud de l'Angleterre. Dans la vie, je suis femme au foyer désespérée et je m'en sors assez mal, mon mari dilapidant la fortune qu'il gagne aussi vite qu'il la perd. Sinon, grâce à ma malchance, je suis mariée et je le vis dans une détresse silencieuse.
« Aella, ma chérie… vous… vous êtes enceinte ? » La question lui arrache un sanglot étouffé, cachée derrière Cadmos ; elle voudrait y rester, là, à l’abri du jeune homme, elle voudrait ne plus être arrachée à cette sensation de sécurité qu’il lui offrait parfois. C’est impossible, elle le sait. « Je.. je crois.. » C’est un peu triste, dans sa voix. Que faire d’un autre enfant ? Elle n’est déjà pas capable de protéger le premier, elle s’interpose face à Argès avec difficulté, elle qui ne sait rien faire sinon être encombrante, être un poids insupportable. Que faire d’un second quand il est déjà difficile d’assurer le bien être du premier ? « J’ai vu.. la plus belle petite fille que j’ai jamais connu.. » Ca traverse la pièce dans un souffle quand elle appuie la tête contre la rampe. Aella ne sait pas faire de véritable magie, dit-on. On a jamais vu Aella faire quoique ce soit d’impressionnant. Si on sait cependant quelque chose sur les Merriwick, c’est qu’ils sont intuitifs, parfois excentriques, réputés pour leurs élans d’extralucidité dans certaines branches. Aussi rares que leurs fleurs, ils manifestent des capacités aux pires moments. « Elle pleurait.. »
Qui ne pleurerait pas de naître d’un tel couple ? « Elle était belle comme un fantôme.. » La fatigue s’est abattue dans le regard de la blonde, un épuisement d’exister. Un instant, elle n’est plus là. Un instant les pensées sont traversées d’un désir d’abandon sans qu’aucun fil ne la retienne à la pièce, au présent ou aux Carrow ; elle n’est pas une Carrow. Un instant, elle sait qu’elle ne verra pas la progéniture grandir, quoiqu’il se passe entre Argès et Cadmos, quoique fasse Ariane ou l’impressionnant Phobos. Elle ne sait pas pourquoi, elle a seulement la certitude de ce qui ne sera pas. Et puis elle se relève, l’univers seul sait comment.
« Petit frère, écarte-toi de ma femme. » Dans le dos du brun, elle trouve le courage de tenir sur ses jambes et de ne pas s’effondrer. Elle est faible, c’est ce qu’il se dit, c’est ce qu’on pense toujours d’elle, la gamine qui n’a pas de particularité sinon sa cruelle banalité et sa gentillesse crasse. Elle est faible, c’est ce qu’elle a toujours vu dans les yeux des autres, pourtant qui se tiendrait encore debout après toute cette violence ? C’est comme si son corps ne lui appartenait plus, elle se sent en dehors. « Va voir ta maîtresse, Argès. » Il la regarde avec la férocité d’un chien enragé tenu en laisse pas la menace d’un frère pourtant plus jeune que lui. « Sauve-la. L’antidote est dans le vase sur la cheminée. » Il faudra bien que quelqu’un s’occupe de nos enfants.
« Qu’est-ce que tu as.. » Ca se suspend entre eux comme un vieux bouquet de mariée fané depuis longtemps. Il claque la porte, sans demander son reste, sans laisser son père le remettre à sa juste place ou sa mère le sermonner sur la fidélité. « Cadmos, s’il te plaît.. tu veux bien m’aider à.. à.. » Ca remonte dans la gorge, la nausée, l’estomac retourné de terreur lâche prise, la menace partie. « Pardon.. » Elle s’excuse auprès des autres, de l’assistance dont elle gâche le dîner pour mieux fuir, elle s’échappe vers la première salle d’eau dont elle se souvient de l’emplacement pour terminer la course agenouillée. Qu’y’aurait-il à vomir sinon son orgueil blessé ? Lui reste-t-il seulement un orgueil, après ces dernières années ?
Il y’a un verre posé sur le lavabo. Quand les doigts se referment autour, ça n’est pas dans l’intention d’y boire, le bruit est caractéristique derrière la porte qu’elle n’a pas pris la peine de fermer : elle le brise contre l’angle du meuble, désormais debout face au miroir. Pourquoi n’a-t-elle jamais pu voir Agon, plus vieux ? Pourquoi n’arrive-t-elle même pas à l’imaginer ? Pourquoi la fille, alors ? Elle a ce morceau tranchant dans la main et elle fixe son bras en songeant à la douleur que cela pourrait peut-être lui procurer. Ca ne la tuerait pas. Elle n’a pas accès à la cuisine, elle ne peut pas aller y trouver un couteau ; c’est ce qu’elle veut vraiment, un couteau.
« Cadmos.. tue-moi.. » Si tu le demandais. Elle se souvient distinctement l’avoir compris, avoir saisi que si elle le demandait, il tuerait son mari alors elle se dit que ça peut valoir pour elle. Elle se dit qu’il pourrait lui épargner tout ça, ce vide, ce manque d’amour, ce gouffre qui l’envahit. « Avant qu’il revienne. Tue-moi ou apporte-moi de quoi le faire. »