▬▬▬▬▬▬ Présent ; samedi 19 décembre
_____________ville de Salem

Les monstres vivent dans leur coin, dans leur version de cette Terre. Ils sont sur la même planète mais semblent vivre à deux endroits complètement différents à la fois ; comme les deux faces d'une même pièce de monnaies. Morgana ne sort pratiquement jamais de le fondation qu'est Monster High, mais lorsque ça arrive, il y a deux options : soit un rendez-vous officiel, soit une envie soudaine de déverser sa mélancolie dans un bar du monde des êtres humains. Elle a la chance de pouvoir passer complètement inaperçue en repliant ses ailes à l'intérieur de son dos : Morgana ne se mettrait pas à nue face à un de ces humains parce qu'il verrait alors des membres, cachés sous sa peau, qu'il ne serait comprendre. Ce quel cherche ? Un simple verre d'alcool qui lui pique le fond de la gorge. Un moment entourée d'inconnu qui ne cherche pas à la comprendre.

Voilà plus d'une heure qu'elle est penchée au dessus d'un verre qu'elle a fait remplir par deux fois. Rien ne s'est passé de bien intéressant, et c'est ce qui est appréciable. Pas un cri d'étudiant, pas une demande, pas l'ombre d'un élève qui passe dans son dos en courant. Pas la moindre vague de magie. Et c'est certainement parce qu'elle en était complètement détachée qu'elle a ressenti la brise passer derrière elle. Les yeux de Morgana se sont détournés de son verre, à sa recherche, parce qu'elle connaît parfaitement cette sensation. Ce n'est pas la première fois que Morgana a affaire à Lea Natan, bien au contraire. Fut-un temps, il était son élève à Monster High. Il est la cause de ces fâcheux accidents qui lui arrivent sans cesse : comme cette machine à café qui a complètement grillée, fondue de l'intérieur, lorsqu'elle s'est assise au bar. Alors la femme de plus de deux siècles capte directement le très fin filet de sable noir, voguant entre les humains.

" - Est-ce que tu vas vraiment partir sans me saluer, Lea Natan de Nile?" Morgana intercepte son ancien élève avant qu'il n'ait le temps de s'évaporer aussi facilement qu'il n'est apparu. " Tu me dois bien ça, tu ne crois pas ?"

Le sable noir s'est arrêté de mouvoir, restant sur place quelques instants tout en tourbillonnant dans un axe qui montre la réflexion du monstre caché derrière. Puis, Lea apparaît là, entre deux humains qui ne font même pas attention à l'arrivée soudaine d'un homme dans leurs dos. Personne ne semble faire attention à Lea, mais les yeux de Morgana sont posés dans son dos. Il met un certain temps à se retourner, mais le fait tout de même tout en esquivant le regard de celle qui fut son professeur pendant plus de dix ans. Il se sera assit à à peine un mètre de la blonde, demandant un verre en levant seulement le doigt face au barman qui comprend tout de suite ce qu'il demande. Lea Natan n'aura pas le moindre regard pour les hommes assis au fond du bar, à qui il a apporté un paquet, discrètement. C'est ça, son boulot. Il livre des choses importantes à ceux qui veulent de la discrétion. Lea aurait pu faire tellement mieux s'il n'avait pas quitté Monster High trop tôt.

" - La barbe te vieillit... tu devrais la raser si tu ne souhaite pas que l'on pense que tu as mon âge."

Morgana récole un rire de la part de son ancien élève. Ca lui donne un fin sourire, ça semble le décontracter puisque ses épaules retombent alors qu'il prend le verre glissé face à lui.

" - C'est votre coin pour esquiver vos étudiants ?" Qu'il demande sans détour, avant de boire une légère gorgée de bourbon. " Fallait s'y attendre, à force de voir notre gueule toutes ces années..." Il se moque, mais joue un rôle.


▬▬▬▬▬▬ Présent ; samedi 19 décembre
_____________ville de New Salem ; Monster High

Deliah a son dos appuyé contre un mur de brique. L'école est vieille, on pourrait presque croire qu'elle a été construite du temps des châteaux forts. Elle connait mieux cette époque du monde des humains, parce que c'est à ça que ses parents l'ont éduqués. Et Deliah, elle a du mal à se faire à toutes ces nouvelles connaissances. Son sac posé sur son épaule a finalement glissé pour rester à terre. Elle mâche une queue de limace tout en regardant les élèves qui se trouvent autour d'elle. Ils sont tous différents les uns des autres. De part leur nature, de part leur apparence, mais aussi de part leurs âges. Deliah ne sait pas trop quoi penser de ce qu'elle voit : des enfants qui semblent avoir la moitié de son âge, et d'autres qui semblent en avoir le double. Au début, et Deliah a eu l'air d'une idiote, elle s'était dit que tous les vieux faisaient parti du corps enseignant. Mais non, elle a apprit qu'on peut étudier à Monster High jusqu'à trente ans en âge de monstre. Là encore, elle n'a pas tout bien comprit : c'est quoi la notion d'âge pour un monstre ?

" - Mlle Kelpie ?" On l'interpelle à l'autre bout du couloir. Elle tourne la tête pour voir une grosse dame aux bourrelets proéminents. C'est à se demander comment elle tient sur ses courtes pattes d'araignées. " Qu'est-ce que vous faites là, comme une goule fainéante au milieu du couloir !"

Une autre élève gronde derrière la porte de son casier. Et vu la lenteur qu'elle prend pour poser sa main sur la porte en ferraille, pour la fermer, puis pour lancer un regard noir à la surveillante aux dizaines d'yeux, c'est une véritable goule. Ca fait rire Deliah qui se contente d'attraper son sac pour filer avant de devoir répondre au monstre qui surveille les couloirs de l'école.

Elle part, zigzague dans les couloirs sans vraiment savoir où elle va. Où elle se trouve. Deliah n'est pas là depuis assez longtemps pour connaître tous les recoins de Monster High. Elle en est encore à découvrir les endroits principaux : les salles de cours qui sont toujours à l'opposé d'où elle se trouve, les trop nombreux escaliers, les cachots, les tours où il y a encore des traces de sang des humains morts qu'on envoi ici pour être puni. Les deux endroits qui sont le moins accessibles ? Ce sont pourtant les plus importants : la cantine et les dortoirs.

" - Et, toi !" Qu'elle lâche au premier garçon qu'elle croise ; il est plus vieux qu'elle. Elle se doute qu'il connaît Monster High comme le fond de sa poche, il a l'air d'être là depuis longtemps. " Tu peux me dire comment on remonte à la surface ? J'ai entendu dire qu'il y avait des marécages dans le coin.."

Lorsqu'elle croise son regard, Deliah se pose automatiquement la même question que lorsqu'elle croise un autre élève : quel âge a-t-il réellement ? Elle a toujours le cul troué de se dire que Madame Fantasmic a 250 ans passés.


▬▬▬▬▬▬ Passé ; jeudi 20 décembre
_____________ville de New Salem ; Monster High

Lea est étudiant à Monster High depuis sa plus tendre enfance. Il a l'habitude de cet endroit, le connait par coeur, et même s'il jalouse à peu près tout ceux qu'il voit à longueur de journée, il aime être ici. Parce qu'il n'y a pas que les cours à Monster High. Ses amis, ses passe-temps, et ses emmerdes.

Tancrède, il le repère dans les couloirs mais n'est pas assez rapide pour le rattraper. Il y a trop de monde, trop de mouvements, et il perd vite sa trace dans la foule d'étudiants de tous âges qui s'abat dans les couloirs pour l'heure de la pose. Mais Lea Natan sait où son ami se rend : la cantine. Il tente même de gagner du temps, même s'il n'a pas le droit de s'en servir dans les couloirs ; Madame Fantasmic le tuerait si elle le voyait faire. Lea tente de se transformer en petite nuage de sable pour trouver un chemin plus praticable. Il ne voulait pas user de sa téléportation, mais il ne maîtrise pas tout correctement encore. Alors voilà qu'il disparaît en un nuage plus épais, pour réapparaître à l'autre bout de l'école. Pas là où il voulait se rendre. Ca le fait ronchonner, mais les couloirs de ce côté sont vide. Alors Lea redouble d'effort pour atteindre la cantine avant que l'heure du repas ne soit terminée. Lorsqu'il arrive, le réfectoire est plein.

On sert de tout ici, allant des plats végétariens, aux morceaux de corps humain. On peut même voir un être de feu attraper dans sa main des cailloux rouges flamboyant qu'il compte dévorer comme on mangerait des chips. Lea n'a pas l'estomac à manger. Il court entre les élèves pour atteindre la table de ses amis. Lorsqu'il l'atteint, il pousse à peine un garçon aux poils blancs lui recouvrant une bonne partie du corps, pour jeter son sac sur la table. Son attention se pose ailleurs.

" - Tiens, tu mettras ça sur ma note." Qu'il lâche en volant l'aliment favori du plateau de Noémie. " Vous savez si elle est là, l'autre tarée ?"

Là, il se détourne de la jeune fille tout en avalant ce qu'il vient de voler. Mais ses dernières paroles sont tournées vers Tancrède, parce qu'il sait que son ami connait mieux l'emploi du temps de leur prof que les autres. Il aurait bien profité de ces deux prochaines heures pour trainer à ne rien faire plutôt qu'à 'apprendre à se maitriser'. Mais au lieu de s'asseoir sur une chaise, il pose ses fesses sur la table. Quitte à faire dos à ses amis : ses yeux recherche la seule personne qu'il n'a pas encore croisé aujourd'hui. Ce garçon dont, soit disant, la vie sentimentale est la seule chose croustillante à se mettre sous la dent. Pourquoi est-ce qu'il faut que Lea Natan soit tant attiré par la vie sentimental des autres ? Surtout la sienne.

" - Vous avez un truc de prévu pour Noël ?" Lea a hâte, sans l'avouer, de voir toutes les décorations sanglantes et comestibles que l'école va installer pour cette fête si différente de ce côté du monde. " Ils organisent toujours leur soirée de merde?"


▬▬▬▬▬▬ Présent ; samedi 19 décembre
_____________ville de Salem

" - Tu sais, tu pourrais toujours revenir à l'école..." Qu'elle glisse dans la conversation Morgana. Elle sait ce qui l'a poussé à quitté Monster High. Et malgré tout, elle a espoir que son ancien élève puisse avoir un meilleur avenir que celui qu'il s'offre en étant livreur. " Cinq ans... et c'est comme si c'était hier." Lea la regarde en coin ; il n'aime pas la tournure de cette conversation. Il n'a jamais envisagé de se réinscrire à Monster High. Sa gorge se sert lorsqu'il termine son vers d'alcool. " Tu sais qu'ils sont toujours là ? Tous les trois..."

Lea Natan, toujours silencieux, fait en sorte de ne pas poser ses yeux sur l'enseignante qu'il a maudit quelques mois avant qu'il ne quitte l'école. Il a toujours su que Madame Fantasmic était différente des autres professeurs, mais il ne se serait pas attendu à ce qu'elle lui propose de venir terminer ses études.

" - C'est comme vous... ils passent trop de temps là-bas." C'est sa mauvaise foi qui lui donne cette intonation de voix. Oui, Lea Natan voudrait encore être entre les murs de cette école. Tout était différent à l'époque. Il lui manque plus que les autres. Tancrède est toujours dans sa vie, mais lui, c'est différent. Lui, Lea Natan a tout fait pour ne pas le recroiser. " Vous organisez toujours cette stupide soirée de Noël ?" Qu'il demande, mimant d'être moqueur, alors qu'il s'imagine déjà se servir de cette excuse pour leur rendre visite. La solitude ne l'a jamais aidé, contrairement à son père. " Vous savez que vous êtes mieux au naturel ? Plutôt que caché derrière... ça."

Il parle de cette carapace humaine, Madame Fantamic sans ses ailes. Lea Natan n'aurait jamais pensé la voir comme ça. Lui, il a toujours préféré les monstres à part entière. Ceux qui portent les marques de leurs espèces. Il ose enfin poser ses yeux sur elle, après qu'elle ait répondu que leurs traditions sont toujours les mêmes. Cette année, peut-être que les choses seront différentes pour Lea Natan. Il ne cessera de penser à cette opportunité d'ici-là. Ses amis, et anciens amis, ont toujours été à son esprit.

― Non! c'est Noémie qui se plaint lorsque son ami vole un aliment sur son plateau.
― Vous savez si elle est là, l'autre tarée?

D'un côté, il y a Tancrède qui lève la tête pour vérifier si ladite professeure n'est pas dans le coin, à croire qu'il aurait grandement apprécié l'apercevoir. De l'autre côté, il y a Noémie qui ronchonne. Dans un grognement plaintif, quoique mignon, ses yeux expriment l'émotion de l'irritabilité avant de redevenir neutres. Elle mime bouder en posant son coude sur la table comme une gamine. Elle déteste qu'on vole sa nourriture, car elle se met dans tous ses états. C'est instinctif. C'est primitif. Heureusement, il ne s'est pas emparé du gros morceau de viande qui l'attend et qui la fait saliver. À cette vue, elle retrouve instantanément sa joie et recommence à manger. Morgana n'est pas là, malheureusement pour les yeux de l'homme de la forêt.

― Vous avez un truc de prévu pour Noël?
― Sûrement m'inviter dans la grande famille de Tancrède, comme d'hab, répond aussitôt la fille comme si c'était une évidence, elle n'a pas beaucoup de famille à visiter dans le coin ; Tancrède n'a que ça, de la famille.

Et puisqu'il ne s'y oppose pas, elle prend ça pour un oui. Et puis de toute façon, elle adore se promener dans les bois qui entourent la demeure de Tancrède. C'est spacieux et réconfortant, à l'écart de la civilisation trop dense. Elle fourre désormais une grosse bouchée entre ses lèvres, relevant les yeux vers Lea. Il semble pensif et elle se demande pourquoi. À quoi est-ce qu'il pense?

― Ils organisent toujours leur soirée de merde?
― Évidemment, et monsieur ici présent s'est volontiers offert pour participer aux préparatifs, n'est-il pas adorable...

Pour emmerder gentiment son ami, Noémie le désigne sans laisser planer le doute, une main sur son épaule. Elle rigole doucement à voir son expression, parce que lui trouve ça normal d'aider l'école à organiser les événements. Noémie se moque, car s'il le pouvait (s'il avait le temps surtout), il ferait partie de tous les comités existants dans cette école. Déjà qu'il est activement impliqué dans trois groupes ; elle ne sait pas comment il fait pour endurer tous ces crétins qui les composent.

― On sait tous que tu fais ça pour les beaux yeux de la prof. T'as vu son expression quand tu l'as mentionnée? questionne-t-elle envers Lea pour qu'il approuve.
― Je le fais aussi parce que ça me tient à coeur et que j'aime rendre service, qu'il grommelle en mangeant sa salade, garnie de fruits, de légumes et d'insectes vivants.

Elle fait un clin d'oeil à Lea en mimant ne pas croire ce qu'il peut dire pour sa défense. Elle ne se retient pas de dire qu'il devrait faire comme sa père et tendre un piège à la prof pour qu'elle se perde à tout jamais dans les bois, au moins il est sûr d'avoir ses chances. Autrement, il risque d'attendre encore quelques centaines d'années avant d'avoir l'impression d'être un vrai chêne mature. Soudainement, elle a une illumination, et déjà, ça ne semble pas plaire à Tancrède lorsqu'elle sort de son sac-à-main, un petit miroir portatif qui lui permet souvent de se " remettre du gloss ". On sait surtout qu'elle s'amuse à espionner quiconque l'intéresse avec ça.

― Allez, me dit pas que tu n'as pas envie de savoir ce qu'elle fait? se moque Noémie en brandissant le miroir sous son nez, il suffirait qu'elle se concentre sur tous les reflets disponibles dans l'école jusqu'à savoir où elle se trouve, à la manière de caméra de surveillance. À moins que tu voudrais que je regarde pour quelqu'un d'autre? sous-entend-elle à l'intention de Lea, parce qu'elle le trouve louche à regarder partout comme s'il cherchait quelqu'un en particulier.



C'est Ekaitz qu'on interpelle dans le couloir. Il peut nettement entendre un « et toi! » lancé dans sa direction. Ce à quoi son pas ralentit, jusqu'à ce qu'il se retourne, un large sourire accroché aux lèvres.

― Oui, moi?
― Tu peux me dire comment on remonte à la surface?

Pense-t-elle qu'il appartient au corps enseignant? Ce fait l'amuse sans qu'il ne dise rien pour lui prouver le contraire. Pour se sentir humain, Ekaitz met beaucoup l'emphase sur le plaisir qu'il peut ressentir en tout temps, le plaisir et les relations avec autrui. Pourquoi donc ne pas prendre du temps pour aider cette charmante jeune fille à retrouver son chemin? Ekaitz est un ancien dans cette école, oui, on le confond souvent avec les enseignants ; il est plus intelligent et humain que beaucoup d'entre eux. C'est l'un des professeurs qui l'a activité, un jour, et depuis, il reste dans les parages dans l'idée de découvrir ce qui pourrait lui permettre de devenir un homme véritable (il est coincé dans ce cycle, sans pouvoir partir, parce des éléments ne lui ont pas été " autorisés "). Derrière son sourire et sa confiance, se cache un être qui pense être dépourvu d'âme. Une chose lui manque, surtout, et il s'agit de Lea. Le temps a passé, sans qu'il ne le voit. Et il ne saurait expliquer pourquoi quelque chose semblait déraper en sa présence. Contrairement a bien des gens, Ekaitz est coincé avec des restrictions, parce qu'il est soumis à des lois qui le dépassent.

― Bien évidemment.
― J'ai entendu dire qu'il y avait des marécages dans le coin.
― Pas seulement des marécages.

Il tend le bras dans la direction où il marchait avant qu'elle ne l'interrompt, désignant ainsi la voie à prendre pour se rendre à destination. Il semble même plutôt aimable dans sa gestuelle, peu pressé de devoir changer ses plans uniquement pour la guider où elle le souhaite. Et lorsqu'elle se met en marche, il se poste à ses côtés, souriant en coin. Et il lui demande pourquoi les marécages l'intéresse, parce que soudainement, ça l'intéresse aussi. Du moins, pas les marécages à proprement parler, mais plutôt ce qu'elle compte y faire ou y découvrir.

― Sérieusement? Et tu ne pouvais pas t'en douter avant? s'énerve une voix féminine qui s'empresse de refermer une porte de classe, collant son dos à cette dernière dans l'optique de coincer quelque chose à l'intérieur.

Fortement, ça cogne contre la porte, mais celle-ci résiste, à croire que cette école a été construite de manière à ne pas céder sous la force des différents monstres qui y étudient, y séjournent et y travaillent. Noémie geint, mais sourit stupidement lorsque le duo passe devant elle. Elle salue Ekaitz qui fronce les sourcils d'amusement à cette vision.

― Non, j'avais aucune idée que ça ferait ça, je te jure.

C'est la voix de Tancrède qui résonne de l'autre côté de la porte. Ce qui veut dire qu'il est enfermé avec la chose que tentait de fuir Noémie. Elle bouge la main pour mimer que c'est rien, c'est normal.

― Je crois pas que ce soit normal, enchérit le garçon de l'autre côté, ce qui fait rouler les yeux de Noémie.
― Il sait pas mentir, crétin.

Une expérience scolaire a mal tourné. Et ce qui ne devait être " normal " s'est transformé en plante carnivore. Une plante qui visiblement, n'en a rien à faire de Tancrède, voulant surtout manger la pauvre fille dont la chair est plus tendre que la majorité des hommes. Elle mange beaucoup de viande aussi... Ça cogne encore fortement contre la porte, à se demander de quelle dimension est cette immense plante carnivore.

― Besoin d'un coup de main? demande malicieusement Ekaitz, ce à quoi répond Noémie :
― Non, c'est bon, merci, on gère!
― De l'aide ne serait vraiment pas de refus, insiste pourtant Tancrède, la voix étouffée par la présence de la porte.

Mais Noémie insiste en secouant la tête. Ils vont gérer ça. Ekaitz hausse les épaules, mais n'insiste pas davantage. Il est bien curieux d'entendre les échos de cette histoire lorsqu'ils auront réussi à régler, ou non, le problème dans la salle de classe. Noémie souhaite surtout que la plante ne bouffe pas tout avant l'apparition soudaine d'un professeur. Techniquement, ils n'ont pas le droit d'être là à cette heure. Ils pourraient se faire gronder, mais Noémie à l'habitude. Elle se serait bien amusée avec Lea, mais depuis qu'il a quitté l'enceinte de l'école, elle est fâchée, elle est rancunière et ne veut plus rien savoir de lui, même si Tancrède voudrait arranger les choses. Elle est vexée de sa disparition.

Ekaitz s'éloigne donc en entraînant la nouvelle. Quelques secondes s'écoulent avant que Tancrède ouvre la porte pour sortir dans le couloir.

― On va devoir trouver quelqu'un.
― D'accord, mais pas n'importe qui, j'ai pas envie d'en entendre parler pendant des semaines. Les gens rient d'un rien dans le coin.
― Toi y compris?
― C'est pas la même chose.
― Pourquoi pas Morgana?
― Parce que tu la nommes de son prénom maintenant?

Elle fouille dans sa poche pour en sortir son miroir qui ne la quitte toujours pas. Mais cette fois, il est strié d'une craquelure. Elle peut quand même voir au travers. Elle se concentre à son professeur, pouvant désormais voir au-delà de l'enceinte de l'école. Au bout de deux minutes, ce qui lui semble d'ailleurs trop long, elle perçoit son visage au travers de ce qui semble être un verre. Elle plisse les yeux, pour finalement distinguer Lea à ses côtés. Elle se fiche bien qu'ils soient ensemble, mais elle a une boule au ventre de voir celui qui disait être son ami. La capacité de Noémie ne fonctionne pas que dans un sens. Si elle peut voir la prof, celle-ci peut également la voir de l'angle où elle l'observe.

― De quoi ils parlent?
― Qu'est-ce que j'en sais moi? Je suis pas encore experte en la matière tu sais?

Elle répond franchement, frustrée d'être incapable d'entendre, surtout parce qu'elle est fâchée de ne pas recevoir des nouvelles de Lea directement.

― On va la chercher donc?
― Non!

Un non émotif qui aura forcément eu des répercussions jusque dans ce bar. Alors Noémie s'empresse de rabaisser le couvercle de son miroir, emplissant ses poumons d'air.

― J'ai besoin de prendre l'air.
― Tu vas me laisser seul avec ça? s'étonne alors Tancrède, la fille déguerpissant dans la même direction que Ekaitz et l'inconnue.

Oui, elle laisse Tancrède se démerder avec la plante carnivore. C'est lui l'expert en matière de conneries de la forêt, non? Et comme il vient d'être planté devant le local, il regarde autour de lui comme un pauvre idiot qui ne sait pas où se mettre. Il ne peut pas foutre le camp sans avoir réglé le problème. Pauvre professeur qui risque d'entrer dans sa classe avec ça... Il doit donc se résoudre à rester... sauf s'il choisit de prendre le temps d'aller chercher la prof. Si jamais elle ne se pointe pas à l'école, oui, il ira à sa rencontre. Franchement, il lui fait assurément plus confiance à elle qu'aux autres. Mais à ce niveau, ce sont sûrement ses désirs qui s'expriment à sa place. Il est plus mature que Noémie, mais elle déteint assurément sur lui.

― Vous alliez faire quoi exactement dehors? que demande Noémie sans détour une fois qu'elle rejoint le duo. Dis-moi, Ekaitz, t'aurais pas eu des nouvelles de Lea, dernièrement? l'interroge-t-elle sans se soucier de parler de lui ouvertement.
― Pas le moindre.

Il semble garder le sourire, dans ces propos, même si sa voix se fait plus lointaine et qu'il ne développe pas la discussion. Mais voyant qu'il fait exprès d'éviter de répondre, elle est soudainement intéressée par l'autre fille. Noémie n'hésite pas à laisser traîner ses yeux partout sur sa silhouette, que ce soit sa tignasse coloré, les écailles qui ornent quelques parties de son corps ou les doigts palmées. L'expression qu'elle affiche prouve qu'elle aime ce qu'elle voit. Et ses yeux ne trahissent pas son ressenti, puisqu'ils brillent d'une lueur bleutée, digne de son intérêt.

― Tu dois nager vite avec ça, conclut-elle.

▬▬▬▬▬▬ Présent ; samedi 19 décembre
_____________ville de Salem

Il n'y aura rien de conclu entre les deux parties. Ni Leanatan, ni Morgana, ne seront d'accord sur le sujet. De toutes façons, le professeur n'aura pas insisté plus que ça. Elle se sera contentée de dire qu'il mérite mieux qu'un simple poste de livreur, peu importe l'argent qu'il peut se faire. Dans un silence, le plus jeune des monstres aura montré son accord.

Lea se sera excusé pour la malédiction, encore. Mais son ancienne professeur aura balayé ces mots d'un simple mouvement de la main. On vit avec ce genre de choses. Leur relation n'a pas toujours été si sereine. Peut-être même que Morgana a plus de facilité à être cool avec lui parce que Lea Natan n'est plus un de ses élèves. Parce qu'il semble avoir grandit, vieillit, bien qu'il soit plus que jamais l'ombre de lui-même. Cela n'excuse pas ce qu'il a fait, mais c'était un accident, n'est-ce pas?

Bien sûr, ils auront tous les deux fait attention à l'irruption de Noémie dans le conversation, grâce à ce verre qui lui transmet leur reflet. La femme, à cause de l'irruption sonore que la femme-ours a fait sans le vouloir. Lea Natan, parce qu'il a cru voir le reflet de Noémie dans un coin du verre, lorsque Morgana l'a apporté à ses lèvres. Il connait bien ce tour pour en avoir abusé à Monster High. Mais si lui est sur et certain que c'est Noémie qui se cache derrière, Morgana n'en est pas certaine. Elle est même à cheval sur l'idée d'avoir confondu sa voix à celle de quelqu'un d'autre dans le bar. Lea n'aura pas vendu la mèche.


▬▬▬▬▬▬ Présent ; samedi 19 décembre
_____________ville de New Salem ; Monster High

Deliah est contente de tomber sur quelqu'un d'amical, et qui prononce seulement les mots qui faut. Elle a déjà en horreur le petit groupe de vampires qu'elle a croisé plus tôt. Elle a un sourire très léger étiré à ses lèvres, et Deliah ne cherche pas à être bien précise lorsqu'elle lui répond ; je m'y sentirais mieux qu'enfermer sous toutes ces pierres, tu vois? Non, le golem ne voit certainement pas de quoi elle parle. Mais s'il compte la suivre, il verra que Deliah paraît moins misérable, moins fade, prêt d'un marécage où elle a toujours vécu plutôt que perdue dans l'école. Mais ils n'ont pas le temps de sortir qu'ils tombent sur une fille sortie de nul part. Deliah s'est arrêtée dans sa marche uniquement parce qu'elle a besoin de l'inconnu pour rejoindre ce qu'elle désire. Sans quoi, elle n'aurait même pas porté son attention sur la fille. Elle est restée silencieuse, en retrait, pendant toute leur discussion. Un sourcil redressé dès lors qu'elle comprend, et qu'elle entend, qu'il y a de la vie à l'intérieur de cette pièce. Deliah ne s'est pas sentie monter sur la pointe de ses pieds, comme si elle avait cherché à voir par dessus l'épaule du golem pour découvrir ce qui est invisible à ses yeux.

Deliah comprend enfin qu'il ne fait pas parti du corps enseignant à la façon dont ils se parlent. Un professeur serait rentrer sans poser de question. Il n'aurait pas aidé, il serait venu réparer et punir pour l'erreur. Surtout de ceux qu'elle a déjà pu rencontrer. Alors sa curiosité est piquée et même si Deliah ne dit rien, elle aurait voulu que le garçon aille aider les autres pour voir de quoi il s'agit. Elle est un peu grognon lorsqu'ils s'éloignent, mais ça ne se voit pas particulièrement : on ne peut pas dire qu'elle est toute souriante depuis qu'elle est arrivée à Monster High.

Ils sont presque arrivés à l'extérieur de l'école, elle le sent, Deliah, lorsqu'ils approchent d'une ouverture qui lui permettra de retrouver l'eau naturelle. La fille les a rejoint, et ça coupe un long moment de silence que les deux autres avaient pu avoir jusque là. Deliah n'est pas bavarde, elle ne sait pas vraiment comment se comporter avec les autres. Elle paraît brusque et distante alors qu'elle est pleine de vie et souriante. Tout a changé depuis qu'on l'a obligé à venir se perdre jusque là. Elle est sûre d'avoir appris plus de choses avec ses parents qu'elle n'en apprendra dans cet endroit. Pour tout dire, Deliah pense plutôt à ce marécage plutôt qu'elle ne fait attention à ce que les autres se disent. Elle ne retient pas même les prénoms énoncés par la fille ; Deliah ne pense pas se faire des amis dans cette école. Alors elle ne fait pas d'efforts. Deliah n'a pas l'air chaleureuse.

" - Tu dois nager vite, avec ça."
" - Ouep, mais ça m'aide clairement pas à tenir leurs fichus crayons." Qu'elle lâche en écartant ses doigts face aux autres, comme si elle avait voulu montrer un bijoux. " Y a de quoi se baigner dans le coin ? Parce que leur piscine, très peu pour moi."

Deliah n'aime pas cet endroit et la façon dont elle doit agir. Elle n'avait pas besoin de crayon, pas besoin de papier, où elle vivait. Elle n'avait besoin de rien de tout ça pour écrire. Et ça l'agace de galérer à tenir quelque chose que les autres semblent d'avoir greffé à la main tellement ils ont l'habitude de s'en servir.

Une fois à l'extérieur, son nez sera plus ravi. Captant la moindre odeur qui lui manque à l'intérieur. Et Deliah paraîtra soudainement plus joyeuse, plus ouverte. Au moins, elle prouve qu'elle sait sourire, qu'elle ne fait pas la gueule tout le temps. Lorsqu'ils arriveront près des marécages, elle aura certainement prononcé quelques mots supplémentaires s'ils avaient du lui parler. Elle aurait été évasive à son sujet, mais Deliah aurait eu la langue plus déliée si la conversation restait concentrée sur l'école. Elle aurait même retenu le prénom Ekaitz si elle avait du l'entendre de nouveau. Deliah n'aura pas hésité un instant : une fois près de l'eau, elle aura enlevé son pantalon pour se glisser dans l'eau stagnante et chaude. Elle n'a peur de rien qui pourrait se trouver en dessous. La vase l'apaise, alors que l'eau s'arrête à son nombril, par dessus son t-shirt.

" - Pourquoi j'ai l'impression que tu aurais pu me bouffer ?"

Deliah n'a aucun tact. Ce qu'elle demande à la fille n'est qu'une façon de lui demander ce qu'elle est. Parce que Deliah sent un frisson la parcourir, remonter jusqu'à ses écailles qui frétillent de peur. C'est la façon dont son corps réagit à ce qu'elle ressent des animaux aquatiques qui sont dans le marécage où elle se baigne. Voilà qu'elle retrouve enfin ce lien avec la nature qui lui a tant manqué. Elle ressent les poissons avoir peur de l'ours qu'ils ressentent sur la rive. Ces choses là n'ont pas d'explications concrètes : les monstres font réagir le reste du monde de différentes façons. Deliah aura souhaité obtenir une réponse, et même que ses yeux se seront tournés vers l'homme, par automatisme, comme si elle cherchait à déceler l'espèce qu'il représente. Avec son histoire à lui, elle apprendrait des choses : l'homme peut créer quelque chose qui prend vie. Ses parents ne lui en ont jamais rien dit. Elle n'a pas leurs connaissances.

Morgana est revenue à l'établissement dès que son verre fu terminé. Dès que Leanatan De Nile est reparti dans sa vie quotidienne d'adulte qu'il aurait finalement souhaité être bien lointaine. Elle sait reconnaitre quelqu'un qui n'est pas bien dans sa peau. Et Morgana estime qu'il serait mieux pour lui de retourner aux bases avant de perdre le peu de temps qu'il aura sur terre ; il n'est pas immortel. Peu importe. Dès qu'elle revient dans le monde des monstres, c'est son corps qui lâche après que la lumière de son transfert ici eut disparue : ses ailes déchirent sa peau, sans la moindre douleur depuis le temps ou n'y fait-elle plus attention, pour reprendre le forme initiale. Du sang semble s'en échapper lorsqu'elles se déploient ; ça colle au mur, mais elle ne s'y attarde pas non plus. Comme toute l'école à cause des différents monstres de l'endroit, ce mur sera astiqué pendant la nuit. La blonde n'aura pas déambulé longtemps dans les couloirs avant de tomber nez à nez avec Tancrède. A croire qu'il la cherchait. Elle sursaute à peine, sortant de ses pensées, mais immédiatement, ses sourcils se froncent lorsqu'elle le voit. Son coeur sursaute, comme ses ailes se mettent à frétiller d'une manière bien différente ; c'est le plaisir qui ressort sans qu'elle ne puisse les contrôler. D'un mouvement d'épaules, elle tente de les contrôler, mais son regard est strict.

" - Qu'est-ce que tu as encore fait, Tancrède..." Morgana semble lire dans son regard. Après tout, n'est-il pas différent des autres étudiants ? Elle ne devrait pas le regarder différemment pour autant. Il est son élève. " Tu as du lichen dans les cheveux." Qu'elle lâche pour toutes explications, alors qu'elle lève sa main pour attraper la faune qui est apparu dans qu'il ne s'en rende compte. " Est-ce que je dois présumer que je vais me mettre en colère contre toi ?" Elle est douce, Morgana, bien plus avec lui qu'avec les autres. Elle ne devrait pas. Mais elle lui laisse toujours une meilleure chance que les autres : il est tant impliqué dans l'école, et tant parfait dans d'autres circonstances, qu'elle ne peut pas être aussi cru et sèche qu'avec les autres. Leanatan n'avait pas ce privilège. " Dépêches toi de m'y emmener avant qu'un de tes stupides camarades ne se fasse avoir."


▬▬▬▬▬▬ Passé ; jeudi 20 décembre 2012
_____________ville de New Salem ; Monster High

Lea Natan ne peut pas s'empêcher d'avoir un sourire moqueur qui s'affiche à ses lèvres lorsque Noémie met clairement des mots sur la situation entre Tancrède et Madame Fantasmic. Il a même l'audace de regarder Deschênes et de lui lancer un clin d'oeil. Son rire félicite Noémie sans qu'il n'ait besoin de dire quelque chose : il préfère de loin la voir avec cette couleur dans les yeux, plutôt que ce rouge flamboyant qui n'est que le prémices d'une colère que personne ne saurait contrôler. Oui, ça l'amuse de lui piquer sa nourriture, mais Lea ne sera jamais à l'aise en recevant ce regard rouge. Il mime d'y être indifférent, comme à d'autres choses.

Ses yeux sont quand même restés posés à l'autre bout de la cantine ; est-ce la jalousie qui le fait contempler ce garçon aux traits monstrueux proéminents ? Lea aurait rêvé naître dans le même état que son père. Il voudrait être bien plus représentatif de ce qu'il est à l'intérieur.  C'est sa cousine qu'il voit plaisanter en s'accrochant au bras de cette fausse célébrité de Monster High. Ca le fait rouler des yeux jusqu'au plafond, que Cléo puisse être aussi superficielle que ça. N'a-t-elle rien appris dans ses cinq milles ans d'existence ? Mais Leanatan arrête de scruter la pièce lorsque son regard se pose sur le golem de l'école. Il s'y attarde quelques fractions de secondes avant de reprendre la vie d'un étudiant lambda. L'arrivée de Ekaitz le pousse à s'asseoir face à ses amis et à prendre part à leur discussion. Seulement à cet instant, il remarque que les deux autres sont toujours penchés sur le cas de leur professeur. Ses sourcils se froncent parce qu'il voit Noémie avec son jouet favori entre ses mains. A-t-il loupé quelque chose ? Sa curiosité l'oblige à se relever pour faire le tour de la table et se mettre derrière la femme-ours.

" - Reste concentrée sur sa tarée préférée, tu veux ?" Qu'il répond simplement aux propos de Noémie à son encontre. Lae Natan n'apprécie pas toujours qu'elle soit observatrice au point de voir les détails qu'il voudrait cacher. " Toutes façons, il te dira le contraire. Alors fée."

Lea se moque une nouvelle fois de Tancrède en mimant le mouvement des ailes d'une fée à l'aide de ses mains. Mais son regard se concentre rapidement sur ce que Noémie aura à montrer avec son petit miroir de poche.

Les reflets de l'école sont nombreux, mais comme par magie, Noémie finit par trouver celui qu'elle recherche. Alors les deux autres garçons peuvent voir se dessiner dans ce reflet le visage de Morgana. Cheveux tirés en une haute queue de cheval, lunettes posés sur son nez, elle semble à la recherche de quelque chose qui ne vient pas. Même ses ailes sautillent dans un drôle d'élan, ce qui montre son impatience. Elle bouge, alors elle aurait pu disparaître de leur vision si Noémie n'avait pas été capable de la suivre à travers les reflets. Il y a quasiment toujours quelque chose pour lui refléter ce qui se passe là où ça l'intéresse. Cette fois-ci, c'est facile : Morgana est présente dans les dortoirs des étudiants, alors les miroirs sont quasi présents partout.

La femme parle, gronde. Sont-ils capables de d'entendre ce qu'elle dit ? En tous les cas, il ne sera pas difficile de comprendre la tâche qu'elle est en train d'accomplir : c'est le moment où la direction a choisi d'inspecter les dortoirs. Tout ce qui est interdit sera récupéré, et les propriétaires pris en flague seront punis. D'habitude, l'école procède à ces vérifications pendant les vacances. Il y a moins d'étudiants, bien que certain préfèrent ou n'ont pas le choix de rester. Mais cette année, la directrice Madame Sans-Tête veut mettre un terme aux âneries de ses étudiants. C'est Morgana qui s'y colle. D'un coup, on peut la voir récupérer quelque chose qui la met hors d'elle : une boisson où trône la queue d'un serpent à sonnette. Vu lu la couleur et la consistance, la femme n'a aucun mal à savoir de quoi il s'agit, et ça la touche personnellement. Elle semble dire qu'elle va les tuer elle-même, pour avoir triché dans son propre cours. Cette potion sert à avoir une meilleure maîtrise de soi-même. On en prescrit souvent aux monstres qui ne savent pas tenir en place, ou à ceux qui sont incapables de contenir une capacité qui les dépasse. Dans son court, elle sait que les étudiants en question s'en seront servi pour avoir une meilleure note.

" - Ils sont où exactement là ?" Demande maladroitement Lea qui sent une goutte de sueur couler sur sa tempe. Ca colle à quelques particules de sable émanant de sa personne, et ça l'agace. Alors immédiatement, il attrape la serviette du repas de Noémie pour s'essuyer. " Dans le dortoir... ils ont déjà fait notre coin?"

Leanatan s'inquiète de ce que Morgana pourrait trouver dans sa chambre. A commencer par les champignons hallucinogènes qu'il a gardé alors qu'ils ont poussé aux pieds de son ami. Mais ce n'est certainement la pire des choses qu'ils ont à l'intérieur de l'école, non ? Tout le monde a quelque chose à cacher. Et Lea ne compte pas laisser leur professeur trouver ce qu'il veut garder pour lui ; il ne se fera pas encore punir par Morgana, hors de question.

S'ils souhaitent garder leurs secrets, ils devront se rendre dans les dortoirs pour interrompre leur professeur. Lea aura pu être le dernier à arriver, parce qu'il aura voulu aller trop vite : il ne maîtrise pas ses pouvoirs et aurait, encore, pu se retrouver à un endroit autre que les dortoirs. Une chose est sure ; Tancrède voulait voir Morgana, il la verra. Mais elle ne sera certainement pas dans la meilleure des humeurs possible.


▬▬▬▬▬▬ Présent ; mardi 22 décembre
_____________ville de New Salem ; Monster High

C'est la dernière nuit que les étudiants qui partent en vacances chez leurs parents, passeront à Monster High avant Noël. C'est aussi à ce moment-là que la soirée aura lieu. C'est là, et seulement à cet instant, que Lea remettra les pieds à Monster High. La première fois depuis cinq longues années. Face à la directrice, il aura prétendu vouloir s'entretenir avec quelques professeur pour une éventuelle réinscription. Au final, ce n'est pas son envie. Souvent, Leanatan a été si perturbé qu'il se laissait porter comme du sable le ferait au vent. Morgana a planté dans son esprit, l'autre soir, le désir de les revoir. Tancrède a été prévenu de cette venue. Aucun des autres. Pourquoi est-ce qu'il n'a pas donné signe de vie à Noémie ? Parce qu'il n'avait cessé de la draguer avant qu'il ne parte. Comme une bouée lancée à la mer, pour se raccrocher à quelque chose qui n'existe pas. Leanatan était tellement perdu à l'époque, qu'il aurait fait n'importe quoi pour garder la tête hors de l'eau : même se servir d'une de ses seules amies. C'est le regret de ce qu'il était, qui lui donne de la difficulté à déglutir lorsqu'au détour d'un couloir, c'est elle la première qu'il rencontre. Lea aurait préféré la trouver directement avec les autres.

" - J'ai l'impression que t'as pas pris une ride.." Qu'il lâche sans trop savoir quoi lui dire. C'est à croire que rester dans cette école les fait paraître plus jeune. Non, il n'a pas rasé sa barbe. " C'est pour me faire me sentir plus vieux ?"

Dans cet endroit, ou pourrait presque oublier qu'aucun des monstres n'a la même espérance de vie. L'école a été décorée pour l'occasion. De manière toujours aussi sanglante, et inappropriée pour les humains. Deliah n'en revient pas, parce qu'elle n'a connu que les fêtes de Noël chargées en décoration festive. Là, elle a l'impression de se retrouver à mi-chemin entre Noël et Halloween. Pourtant, elle ne s'empêche pas d'attraper la moindre mouche qu'elle trouve prêt des couronnes de Noël accrochées aux portes. Elle a fait de Ekaitz son nouvel et seul ami, qu'il fut d'accord ou non. Les deux autres viennent en même temps, forment une même brochette.

Tancrède sourit aux propos de son ami, c'est plus fort que lui. Évidemment qu'il apprécie les ailes de cette femme. Noémie est probablement autant inquiète que Lae Natan lorsqu'ils aperçoivent la professeure faire le tour des dortoirs. Elle ne souhaite pas qu'on découvrir ses petits secrets également. En général, ils sont prévenus, peuvent cacher ce qui est interdit, mais là, ils sont pris par surprise. Lae est le premier à disparaître. Si Noémie avait eu la faculté de se transférer d'un reflet à l'autre, elle n'aurait pas hésité à le faire. Mais elle n'a pas ce pouvoir, alors elle doit courir, contrairement à son ami qui peut se déplacer avec davantage de fluidité. Noémie n'a pas laissé le choix à Tancrède, il est obligé de suivre, même si lui ne pense pas avoir quelque chose à cacher. Ekaitz les voit s'éloigner de la cantine, curieux de savoir où ils se rendent ainsi. C'est assurément la raison qui le pousse à se lever à son tour pour les suivre.

Noémie est celle qui pousse Tancrède aux premières loges, sans lui demander son avis, pour qu'il puisse faire diversion auprès de la professeure. La fille se demande si Lae a finalement réussi à trouver son chemin.

― Mme Fantasmic! c'est la surprise qui le fait réagir ainsi, car une fois arrivée sur place, il se retrouve à quelques centimètres de sa personne. L'inspection a déjà commencé? qu'il s'étonne sans même devoir mentir.

Aura-t-elle la patience de lui faire la discussion?

Celui qui agit plus subtilement, c'est Ekaitz. Les voir à l'œuvre le fait sourire, alors il intercepte un groupe de monstres et leur demande de bien vouloir faire diversion dans un autre couloir. En échange, Ekaitz promet de leur laisser sa part de la cantine pour quelques semaines. Mais au fond, cela ne l'ennuie pas, car il ne mange pas. Voilà une capacité que certains envient mais qui lui déplaît personnellement. Il aimerait savoir ce que ça fait, de manger. Et s'il choisit d'aider la bande, c'est parce qu'il les observe depuis un moment et qu'il semble les apprécier de loin. D'ici quelques secondes, les monstres laisseront exploser leurs pustules volumineux dans un couloir, recouvrant ainsi les murs d'un épais liquide gluant. Beaucoup d'élèves se plaindront. Ils devront rapidement se laver. Mais surtout, les murs devront rapidement être nettoyés, parce que le liquide est acide une fois trop longtemps exposé à l'air. Madame Fantasmic se laissera-t-elle prendre au piège? Ou coincera-t-elle les autres malgré tout? Chose certaine, Noémie s'est glissée sous son lit pour récupérer des choses qu'elle voudrait cacher. Lae sera-t-il parvenu à en faire autant?

Et parce que ce n'est pas bien difficile pour Tancrède, il tente une approche formelle en posant des questions directement liées à ses facultés dont la professeure pourrait être en mesure de l'aider. Et si ce n'est pas suffisant pour l'occuper, il réclamera des cours particuliers, du moment que ça la retienne. Et s'il devait pousser un peu plus le bouchon, il se portera volontaire pour un nouveau projet dans lequel elle pourrait le référer. Il espère ne pas en arriver là finalement, parce qu'il est déjà surcharger. Et franchement, ça l'embête de devoir l'occuper uniquement pour permettre à ses amis de se rendre à leur dortoir. De son côté, Ekaitz s'adosse à un cadre de porte, parce que d'où il se trouve, il a une vision d'ensemble. Et de son emplacement, Lae tout comme Noémie pourrait choisir de se faufiler derrière lui pour se déplacer en tout discrétion.


― Ouep, mais ça m'aide clairement pas à tenir leurs fichus crayons.
― Je ne te le fais pas dire, ajoute la femme-ours qui pense à ses propres mains griffues ; elle casse souvent ses propres crayons.
― Y a de quoi se baigner dans le coin?

Cette question illumine soudainement le visage de Noémie qui annonce fièrement que la forêt du père de Tancrède est idéale pour savourer la nature, avec l'énorme lac dans lequel elle s'est déjà baignée. Elle se retient de tout déballer d'un coup. Mais il faut savoir être vigilant dans les bois. Si on a le malheur de marcher en dehors des sentiers ou de ne pas demander l'autorisation de faire quelque chose, on risque de ne pas en ressortir. Le père n'importune pas les visiteurs et les randonneurs qui respectent les règles. Mais il n'est pas non plus cruel avec ses victimes. Du moins, ça c'est Tancrède qui le dit...

― Pourquoi j'ai l'impression que tu aurais pu me bouffer?

C'est la fille qui lui pose cette question après s'être glissée dans la vase. Noémie ne peut pas s'empêcher de mentir en disant : bien sûr que non, mais son sourire montre bien qu'elle y a peut-être pensé. Et comme son sourire n'est pas suffisant pour que son faciès la trahisse, se sont ses yeux qui changent de couleur pour montrer qu'elle ment, en tirant sur le violet. Oui, c'est vrai, sa canine a légèrement chatouillé. Mais ça arrive à tout le monde, non? Noémie arrive pourtant à se contrôler à ne plongeant pas la tête sous l'eau pour attraper quelques poissons. Mais elle ne s'en est pas privée dans le lac de Tancrède, sous permission du paternel. Si Noémie s'assoit près de la source d'eau, ce n'est pas le cas d'Ekaitz qui s'adosse à un arbre pour les observer de son habile regard mystérieux.  

― Il est fait d'argile, annonce Noémie à l'attention de la nouvelle, si elle devait se demander pourquoi il reste loin de l'étendue d'eau.
― Avec le temps, on s'habitue, ou un trouve une manière de s'adapter, qu'il répond comme s'il ne craignait pas de se baigner si on devait le suggérer, à croire qu'il le propose même.
― Comme tu t'es habitué à son absence? qu'elle rétorque sans subtilité, mais lui comprendra qu'elle parle de Lae, parce que d'une certaine façon, elle est vexée de ne pas réellement comprendre ce qui aurait pu arrivé et qui pourrait concerné Ekaitz.
― Puisqu'il te manque autant, pourquoi t'es encore là à attendre?

Cette question est un bel argument et ça fait retrousser les babines de Noémie. Ekaitz ne paraît pourtant pas mauvais dans sa manière de s'exprimer, parce qu'un sourire est encore accroché à ses lèvres. Les émotions de ce garçon sont presque indéchiffrables, tout comme ses réactions. Nulle poitrine ne se soulève au rythme de sa respiration, calme ou anxieuse. Nul air ne sort de ses lèvres s'il a chaud lorsque le froid montre le bout de son nez. Mais les apparences sont parfois trompeuses. Parce qu'il ressent énormément de choses. Et c'est d'ailleurs en voyant qu'il a vexé Noémie qu'il retire ses propres vêtements  à l'exception de son caleçon pour se glisser à l'eau et montrer qu'il n'est pas inhumain. Est-ce pour cette raison que Deliah a senti qu'elle pourrait l'avoir comme ami? Ekaitz n'hésite pas à tirer Noémie à l'eau pour éviter de la voir ronchonner dans son coin.



Tancrède est grand pour un élève. Il dépasse sa professeure de plus d'une tête, quand elle ne l'évite pas de quelques centimètres au-dessus du sol. Dès qu'il se retrouve face à la femme, ses pupilles s'agitent de manière presque imperceptible, puisqu'il observe à la fois son visage, à la fois ses ailes frétillantes. Ses yeux semblent vouloir tout avaler d'un coup. Il ne se lasse jamais de les regarder battre l'air dans une danse colorée qui lui plaît, qui le fait sourire en coin, comme le ferait un homme autorisé à regarder une femme du même cadre que lui. L'âge et les statuts sociaux sont-ils aussi importants du côté des monstres? Cette femme représente à merveille la beauté de la nature dans laquelle il est né et a été élevé. Il trouve que c'est un monstre parfait, pour une professeure. Et ce sentiment persiste depuis plusieurs années. Au moins, Lae Natan savait attirer son attention pour qu'elle se retrouve toujours là où lui-même était.

― Tu as du lichen dans les cheveux.

Il rigole brièvement, parce que ça ne semble pas le surprendre. Il n'empêche pas Morgane de tendre les doigts pour venir l'enlever de ses cheveux. Même qu'il ferme les yeux le temps que dure cette " caresse " qu'un élève ne devrait pas recevoir.

― Est-ce que je dois présumer que je vais me mettre en colère contre toi? qu'elle demande, faussement autoritaire.
― L'avez-vous seulement déjà été? qu'il rétorque avec douceur lorsqu'il relève ses yeux ; oui, cette voix pourrait clairement s'apparenter à du charme.

Mais il obtempère rapidement. Cette conversation agréable était sur le point de lui faire oublier l'essentiel, la raison pour laquelle il cherchait sa professeure préférée. Il ne tarde pas à la conduire devant le local concerné, là où les couloirs sont vides. Il tend une paume pour lui indiquer d'attendre. À peine touche-t-il la poignée que la plante féroce s'affole dans la pièce. Tancrède ne sait pas comment s'en débarrasser sans faire de dégâts ou sans se faire réprimander par un enseignant. Ce genre d'expérience, c'est contre le règlement.

Il souffle un faible " chut, c'est moi ". Il entre doucement dans cette pièce presque entièrement plongée dans le noir, laissant l'enseignante en faire autant. Est-ce que la plante sera réceptive à cette femme? Parce que clairement, elle voulait bouffer Noémie plus tôt. Mais en attendant, Tancrède a réussi à se faire " apprécier ". Il peut même tendre les doigts vers ce qui semble être une bouche béante sans pour autant se faire manger la main. La chose occupe au moins la moitié du local, s'élevant presque jusqu'au plafond. Il paraît plutôt calme pour quelqu'un qui vient de commettre une bêtise. Mais il est un assez bon ami pour ne pas mentionner que Noémie était là également. Il s'assoit sur un pupitre qui n'a pas encore été dévoré, avouant qu'il ne sait pas comment gérer cette situation ;

― Je sais bien que c'est interdit et que je risque une sanction, mais je ne dirais pas non à un coup de main de la meilleure enseignante, ajoute-t-il, l'oeil tourné dans sa direction.



― J'ai l'impression que t'as pas pris une ride.

Noémie aperçoit son ancien ami avant qu'il ne lâche ces mots. À cette simple vision, elle aurait pu rebrousser chemin, elle aurait pu poursuivre sa route, elle aurait pu l'ignorer. Pourtant, elle ancre ses yeux directement dans les siens jusqu'à ce qu'elle soit à son niveau.

― C'est pour me faire me sentir plus vieux?
―  Et tu penses que ça fonctionne? qu'elle demande, un brin désinvolte, mais elle a toujours été franche.  La barbe, ça ne te va pas très bien.

Sa voix est intransigeante, parce qu'elle n'a pas envie de lui faire des compliments sur ce look qui pourtant, lui offre un charme qu'on ne saurait ignorer. Et ses iris ne tardent pas à changer de couleur. Dans un premier temps, ils tiraient sur le rouge, pour ensuite varier sur le violet, signe qu'elle ment. Elle aurait su lui dire qu'il est beau, avec des traits qui le vieillissent, si elle n'était pas en colère contre lui. Le rouge est une teinte qui ne semble pas vouloir disparaître pour le moment. Cette couleur s'amuse seulement à changer d'intensité. Ceux qui connaissent Noémie reconnaissent facilement les pigmentations au fond de ses yeux, parce qu'ils sont habitués à ses réactions. Elle-même ne les connaît pas à la perfection, car lorsqu'elle regarde dans un reflet, c'est davantage pour épier autrui que pour s'admirer elle-même.

― Si tu cherches ta tarée, elle est occupée. Ou tu venais jouer les touristes? C'est la nostalgie qui s'exprime ou bien l'ennui?

Elle joue avec le sarcasme, même si elle ne lève pas la voix pour montrer qu'elle est contrariée. Elle mime plutôt le désintérêt, comme si elle n'était pas acceptée outre mesure. Honnêtement, est blessée qu'il soit parti sans prendre de ses nouvelles en sachant que sa famille a toujours été ses amis. Elle aurait été capable d'admettre que ce jeu de séduction était passager s'il ne l'aimait pas vraiment. Elle n'aime pas qu'on puisse se moquer d'elle pour ensuite l'oublier.

― Fais comme chez toi, les autres ne sont sûrement pas bien loin.

Parce que oui, elle est déjà prête à l'ignorer pour aller faire autres choses. Et s'il ne la retient pas au moment de passer près de lui, elle ne restera pas plantée là comme une idiote à attendre des excuses. Noémie peut être amusante, mais ses émotions ne passent pas inaperçues. Dans le cas où il oserait la retenir, peut-être qu'elle accepterait d'entendre ce qu'il a à dire. Mais il fera inévitablement face à la rougeur de ses iris. Autrement, il devra marcher sur son orgueil pour obtenir son pardon, et ce, même s'il souffre en silence. Noémie estime qu'elle mérite au moins ça. Après, et seulement s'il se montre à la hauteur de sa connerie, elle pourrait être là pour lui.


Ekaitz est l'ami idéal si Deliah souhaite faire de " nouvelles connaissances ". Il est comme une bête de foire, et pas seulement parce qu'il ressemble autant à un homme que Lae, à l'époque. Il est charmant, il est intéressant, et il n'hésite jamais à montrer ses quelques compétences lorsqu'on lui demande de faire quelque chose. C'est d'ailleurs le cas de Cléo de Nile qui ne le lâche pas depuis quelques années, chaque fois qu'elle a envie d'assister à un truc amusant. Elle est même à l'origine de certaines de ses compétences. Il semblerait que de part ses origines, elle sache manipuler quelques écrits anciens à faire avaler au Golem à l'occasion. Mais c'est une amateure.

Dans une immense salle décorée, là où Deliah sera forcément avec Ekaitz, elle pourra le voir jongler avec des couteaux à la demande de Cléo qui s'est approchée, alors que c'est une chose à laquelle il ne s'est jamais pratiqué. Et si la fille de l'Égypte devait le demander, il lancerait des couteaux en direction d'une cible choisie et appuyée contre un mur à bonne distance pour montrer qu'il peut le faire sans blesser quiconque. Mais qui sera la cible choisie? Deliah? Une autre? Du moment que les professeurs ne les voient pas à l'oeuvre. Mais ces connaissances qui s'amusent d'un rien ne sont pas de véritables amis. L'un d'eux s'est-il déjà intéressé à la véritable personne qu'est Ekaitz? C'est un sentiment qui anime une boule de noirceur très loin au fond de lui.


Tancrède est encore perdu dans quelques préparatifs de dernière minute, parce qu'il aide à la décoration ou au transport des mets monstrueux qu'on peut trouver sur quelques buffets à certains endroits de l'école. Dans ce comité, il est surtout entouré de filles, mais cela ne semble pas le déranger outre mesure. Il manque d'ailleurs renverser un énorme plat lorsqu'en levant les yeux, il se perd dans la contemplation de sa professeure préférée. Heureusement, il se rattrape de justesse pour ne faire aucun dégât. Comme Lae, on peut nettement voir qu'il a pris quelques années, mais c'est sûrement le fait qu'il soit un élève qui ne lui donne par de grands airs matures. Mais il prendra inévitablement l'initiative de s'approcher de la femme pour faire la discussion, incapable de ne pas la contempler. Il lui dira d'ailleurs merci pour Lae, puisque ce dernier a choisi de venir leur rendre visite aujourd'hui. Mais qu'il vaut mieux garder au secret qu'il ait avoué avoir eu une discussion avec l'enseignante qu'il prétend détester.


― Est-ce que la nouvelle sait lancer les couteaux? demande alors Cléo, d'une voix qui pourrait sembler innocente et amusante. Allez, montre-nous un peu tes talents! On a tous envie de te voir à l'oeuvre. On doit surtout te trouver la cible parfaite! Tiens, je sais. Mademoiselle bipolaire.

Nulle autre que Noémie, elle se fait interpellée par la cousine de Lae pour jouer les cobayes face à la nouvelle. D'abord, Noémie a envie de l'envoyer balader, mais ensuite, elle se dit qu'elle va essayer, parce qu'elle n'aime pas se désister. Mais entre temps, Lae aura-t-il pris le même chemin qu'elle ou sera-t-il aller rejoindre Tancrède? Parce qu'il se déplace jusqu'ici, il aura l'occasion de voir sa cousine, tout comme il aura l'occasion de voir Ekaitz, sauf s'il était là bien avant qu'elle ne montre le bout de son nez. Mais surtout, est-ce que Deliah va oser relever le défi? Noémie est prête à essayer, elle. Seront-ils seulement interrompus? Parce que si Ekaitz ne râte pas sa cible, ce n'est peut-être pas le cas des autres...