La soirée passée en compagnie de la jeune française était divine, au delà de toutes mes espérances, et pourtant, ce n’était toujours pas fini. Elle accepta de passer la totalité de la nuit à mes côtés, pour mon plus grand plaisir, et probablement pour le sien. Le premier act mais certainement pas le dernier. Nous n’en avions pas assez l’un de l’autre, et je l’avais faites miennes par trois fois encore. Une fois sur le canapé, dans une fougue proche de notre première fois, puis par deux fois dans mon lit, avec beaucoup plus de douceur et de délicatesse. Devenant presque timide à son contact. Je m’étais fait de plus en plus lucide au fil des heures, et j’y voyais presque clair sur la situation et les problèmes à venir, malgré tout, j’avais joué l’autruche pendant des heures, repoussant au maximum l’instant où j’allais devoir quitter Lullaby. Je l’accueille dans mon lit pour la nuit, mes bras autour ses épaules, nous nous endormons l’un contre l’autre pour un repos bien mérité.

Les premières lumières du jour se font voir au travers du volet. Je ne sais pas quelle heure il est, et je ne veux pas le savoir. Tout était parfaitement clair dans mon esprit désormais. J’avais décuvé et était redevenu lucide. Lullaby était mon étudiante, et je ne pouvais pas avoir ce genre de comportement avec elle.Pourtant, je me sens si bien à son contact. Je la regarde dormir, grave les détails de son visage dans ma mémoire, hume son parfum pour m’en souvenir le plus longtemps possible. Elle est encore dans mes bras que je regrette déjà son absence. Pourtant, j’avais fait une erreur, et je devais la corriger. Je ne pouvais pas me permettre de coucher avec une de mes étudiantes, comme ça, quand bon me plairait, parce qu’elle avait joliment battu des cils. Je tenais à mon poste, et je devais rester professionnel. La direction du département pouvait me sanctionner pour ce genre d’écart.

Mon téléphone vibre, je me détache légèrement de la jeune femme pour le saisir tout en essayant de ne pas troubler son sommeil. Sur l’écran d’accueil, je peux déjà voir qu’il est presque onze heures. Je regarde le dernier message en date de Gabriel et David, qui me rappellent notre déjeuner dans une heure et demi. Je suis presque tenté de décliner l’invitation pour rester au lit toute la journée - voir le week end - avec la jeune française. Malheureusement, je ne faisais que repousser l’inévitable. Je retire mes bras d’elle et quitte le lit, en boxer pour me diriger vers la cuisine. Je fais préparer du café et du jus d’orange frais pour offrir un petit déjeuner à mon étudiante si elle en désirait. Pour ma part, je me contentais du café pour réveiller mon esprit. Liquide noir, brûlant et amer. Un peu comme moi sur l’instant.

Elle voulait retenir la nuit. Que celle-ci soit éternelle. Aux côtés de Lev, elle semblait si belle. La jeune femme ne voulait pas y mettre un terme et elle avait parfaitement conscience qu'une fois réveillée elle ne pourrait pas rester contre lui ainsi, leurs corps nus l'un contre l'autre. Il lui fallait profiter tant qu'elle pouvait encore faire croire à son sommeil. Et elle aurait eut tort de s'en priver alors qu'elle se sent observée. Elle n'ose toujours pas bouger et sent clairement l'homme enfouir sa tête dans son cou quelques instants avant de la quitter. Ce moment d'osmose parfaite est coupé par le téléphone de Lev et la jeune femme peste intérieurement. Elle sent l'homme se lever, sans qu'elle ne puisse le retenir et leur bulle explose dans ce message envoyé par les amis du trentenaire. Il quitte la pièce et la jeune femme grimace, consciente qu'elle va devoir le suivre rapidement. Mais son nez se perd sur le coussin de l'homme, dans ses draps, elle hume les effluves de son parfum qui s'y sont attardés et mord sa lèvre inférieure. Elle aurait pu rester des heures ainsi, lovée dans ses draps, prostrée dans les vestiges de leur soirée, dans la tendresse qui les avait enveloppé. Ça avait été trop bon, trop doux, pour ne pas marquer au fer rouge l'esprit de la demoiselle. Il lui plaisait autrefois. Maintenant ça allait bien au-delà. Comme l'intime conviction que ça n'avait pas été juste du sexe. Ils s'étaient donnés l'un à l'autre. Vraiment. Complètement. Totalement. Personne ne lui ferait jamais l'effet que l'homme lui avait fait, elle en était certaine.

Elle se décide à se lever, à regrets, sortant presque nue de la chambre, se couvrant d'une chemise de son partenaire, alors que leurs vêtements sont restés dans le hall d'entrée. Et elle se pointe devant lui dans cette tenue, filant en direction du hall pour pouvoir enfiler ses sous-vêtements et remettre sa robe. Elle arrange son allure, ses cheveux, et le rejoint dans la cuisine où il semble perdu dans son café. La demoiselle lui adresse un léger sourire, timide. Ils avaient déconnés. Et en même temps elle ne regrettait pas du tout. Qu'en était-il pour lui ? Elle l'observe le coeur battant, essayant de déchiffrer l'expression de son visage.

"- Bonjour… bien dormi !?" s'enquit-elle.

Je fixais bêtement ma tasse de café, adossé au plan de travail de la cuisine. Je revivais ma nuit, aux côtés de Lullaby, repensant à tout ce qu’il s’était passé entre nous. Depuis l’instant où j’avais posé mes yeux sur elle dans l’obscurité de la boîte de nuit, jusqu’à ma re-découverte de son visage ce matin, et de son corps dans mes bras. J’aurais tellement voulu prolonger ce moment, éternellement, mais je devais me faire une raison. Elle était bien plus jeune que moi, et j’étais son professeur. J’avais un code à respecter. Je ne pouvais pas laisser mes sentiments - ou non sentiments, je ne savais pas trop - interférer dans ma carrière. Et puis même si je le voulais, les choses étaient embrouillée dans mon esprit. Mais je ne le voulais pas. Non ! Je devais redevenir indifférent à son charme et agir avec elle comme avec n’importe lequel de mes étudiants.

J’envoie un message à mes amis, confirmant, ma présence à notre rendez-vous, même si je n’étais pas très enchanté d’y aller. Je savais très bien comment ça allait se passer. Ils m’avaient vu avec Lullaby, toute la soirée. J’allais devoir déballer une partie de ma vie privée et des choses qui avaient eut lieu cette nuit tout en supportant leurs commentaires, sous peine de me faire harceler pendant des mois pour savoir ce qu’il s’était passé. Mais je préférais le faire maintenant, oublier et passer à autre chose plutôt qu’ils me rappellent ma soirée avec la jeune femme tout les deux jours.

Le son de sa voix me sort de mes pensées. Je la détaille, à nouveau dans sa robe noire échancrée et les souvenirs de la soirée refont surface. Je détourne le regard, mal à l’aise. Je crois que je ne serais plus capable de la regarder dans les yeux à nouveau. Pourtant, je ne peux pas non plus l’ignorer indéfiniment. Il fallait que je redevienne neutre face à elle.

« Bien et vous ? Vous voulez quelque chose pour le petit déjeuner ? Chocolat, thé, café, croissant ? J’ai un peu de tout. Vous pouvez aller prendre une douche aussi avant de partir si vous le désirez. »

Quand elle entre dans la pièce, s’adressant à l’homme et qu’elle le voit détourner la tête, elle a l’impression de sentir une gifle s’abattre sur sa joue. Si elle n’éprouvait curieusement aucun regrets après leur soirée, il semblerait que ce ne soit pas tout à fait pareil pour l’homme qui l’avait fait vibrer, trembler, au rythme de leurs ébats passionnées. Et elle avait beau savoir que ça se passerait comme ça, beau savoir qu’il ne le prendrait pas spécialement bien, elle avait eut la bêtise pourtant d’espérer une autre issue à tout cela. Quelque chose qui ne brise pas le charme de leur nuit. C’est pourtant ce qu’elle avait l’impression qu’ils étaient en train de faire à présent, au milieu de cette cuisine, si distants l’un de l’autre. Comment le pouvaient-ils, après avoir été si proches ? Elle n’en avait aucune idée.

Et la sienne ? Tout allait bien, jusqu'à il y a une poignée de secondes... L’homme se montre poli à son égard, proposant un semblant de petite déjeuner ou une douche, avant qu’elle ne parte. Si elle avait été pus audacieuse – si elle n’avait pas prit son mouvement de tête pour du regret et du rejet, surtout – elle aurait accepté, à la condition que l’homme la prenne avec elle. Mais elle s’en abstient. Le charme est tout à fait rompu à présent et il ne reste de tout cela, que les fantômes de ses caresses sur sa peau. Partir. Il semblait presque pressé qu’elle disparaisse à présent. Autant qu’il l’avait été auprès d’elle la veille.

Face à lui, la situation est désagréable désormais et l’étudiante ne voit pas comment elle pourrait rester, même le temps d’un chocolat, avec cette distance et cette pesanteur nouvelle entre eux. Elle aurait tant aimé pouvoir le faire pourtant. Partager une boisson chaude et retourner sous la couette, prendre une douche ensemble et oublier tout le reste, tout le monde, encore quelques heures. Mais il avait sonné le glas de leur passion, déjà.

Son cœur bat la chamade et la jeune femme réfrène ses larmes. Elle ne pouvait pas l’avoir désiré si longtemps pour qu’il lui tourne le dos le biscuit à peine trempé. Et en même temps, qu’est-ce qu’elle avait espéré ? Que d’une rencontre en boite, éméchés, pourrait se construire quelque chose ? Il l’avait sauté parce qu’ils avaient bus, parce qu’elle était là. Ça aurait put être une autre à sa place cette nuit entre ses draps, entre ses bras. Qu’est-ce que ça aurait changé ?

"- Non… merci… Je… je n’vais pas vous importuner plus longtemps… Bonne journée..." Elle devrait dire monsieur. Mais le mot reste coincé dans sa gorge. Ce serait comme admettre qu’il avait raison de se renfermer, de la foutre dehors – tout en élégance cela dit – de mettre un grand coup de pieds dans le chevalet de leur nuit. "Bon week-end."

En souhaitant qu’il soit meilleur que celui qu’elle s’apprêtait à vivre et qui la saisirait, sitôt qu’elle aurait passé la porte d’entrée. Il lui faut toute la force du monde pour ne pas s’effondre tout de suite, pour ne pas pleurer de son attitude, pour aller prendre son sac à main et passer une veste -à lui- sur les épaules, avant de ne laisser derrière elle que le bruit d’une porte qui se ferme. Celle-ci à peine refermée sur leurs amours, qu’elle fond en larmes. Prévisible.